Forum des Pionniers : les pros du tourisme doivent-ils revoir leurs valeurs ?

Créé en l'an 2000 par le journaliste Pierre Amalou, puis repris par l'ESCAET, le Forum des Pionniers s'est à nouveau lancé le défi, lors de son édition 2024, d'avoir encore et toujours « un coup d'avance », en proposant en fil rouge de ces réflexions un thème qui colle au plus près des préoccupations des professionnels du tourisme.

C'est donc sur « la création de valeur plurielle » que les 130 participants de ce 22e Forum planchent, du 4 au 7 juin, sur l'Île de la Réunion.

« Nous sommes partis du constat que beaucoup de lignes avaient bougé avec la pandémie, des process ont été réinventés, mais aussi de nouvelles façons de travailler et de percevoir le collaborateur, le client et les autres parties prenantes, indique Théa Leprince, co-dirigeante de l'ESCAET.

Puis nous nous sommes demandés s'il ne faudrait pas construire différemment les business models des entreprises du tourisme, et par extension, par quel(s) biais passait la création de valeur dans une entreprise ? Est-ce uniquement par les clients ? Ou par les dirigeants ? Ou alors peut-on aborder la question avec un autre regard ? ».

C'est donc grâce aux regards croisés des professionnels présents - tout en s'appuyant sur des conférences et des tables rondes - que les Pionniers échangent durant 4 jours autour de cette thématique.

Redéfinition des valeurs de l'entreprise, nouvelles méthodes de recrutement, nouvelles techniques d'engagement... De la prise de conscience aux actions concrètes, les participants devraient repartir avec quelques idées dans leurs valises !

Dès leur arrivée, mardi 4 juin, ils ont pu être inspirés par la conférence de l'entrepreneur Benjamin Chaminade, spécialiste en innovation et en leadership régénératif.

« Avant de chercher à créer de la valeur, demandez-vous d'abord quelles sont vos propres valeurs », a-t-il lancé devant l'assistance.

Citant sa propre expérience d'entrepreneur, jalonnée aussi bien de succès que d'échecs, il a notamment insisté sur l'importance de laisser les collaborateurs exprimer leur créativité, à la fois en développant une « culture de la créativité » - qui va autoriser chaque collaborateur à réfléchir par lui-même, à prendre des initiatives en faveur des clients et à un droit à l'erreur - et également en trouvant une méthode.

Cette méthode, plutôt que de chercher à faire de la création de valeur directement, passe par une série d'étapes, de plus en plus difficiles à atteindre, sur l'échelle de l'innovation. La première ? Demander l'avis à son client sur ce qu'il aime dans votre entreprise et qui fait qu'il va continuer à passer par vous.

La deuxième : observer les grandes tendances et s'en inspirer, tandis que la troisième méthode, disruptive, vise à démocratiser un service et la quatrième à suivre son intuition et à faire le contraire de la concurrence, au risque de déplaire à ses clients, mais dans une optique de différenciation.

Au-delà de ces pistes appuyées par des exemples concrets, Benjamin Cheminade a insisté sur le concept « d'économie de la transformation » qui vient notamment contrecarrer le concept d'« expérience », « trop éphémère et temporaire ».

« L'expérience ne dure qu'un temps, alors que la transformation nous fait vivre quelque chose qui nous permet de ne plus être le même à la fin de l'aventure ». Si cette approche peut susciter des craintes de la part des clients par exemple, « elle permet aussi de se dépasser, et de découvrir qu'on peut faire quelque chose qu'on n'aurait jamais pensé faire. On en ressort différent, avec plus de confiance en soi », ajoute le conférencier.

De la même façon, un chef d'entreprise ou un manager peut permettre à ses collaborateurs de regagner confiance en eux en appliquant les bases du management régénératif.

Enfin, dernier point soulevé par l'entrepreneur : la différence entre « valeur plurielle » et « valeur étendue ». « La première se comprend par : comment aujourd'hui peut-on impliquer un maximum de personnes pour créer de la nouvelle valeur ? Tandis que la valeur étendue, en plus d'impliquer toutes les parties prenantes, s'attache à ce que la valeur créée soit équitablement répartie entre les propriétaires de l'entreprise, les salariés et l'environnement dans lequel est pratiquée l'activité, résume Benjamin Chaminade.

Cela implique de dépenser de l'argent pour la régénération, mais aussi de prendre en compte le développement des compétences des générations futures ».

Ainsi, dès le premier jour du Forum, le conférencier a décidé d'aller au-delà de la notion de « valeur plurielle » et d'amener doucement les professionnels du tourisme à s'intéresser au régénératif.

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« Ce qui me paraît limitant avec ce concept de « valeur plurielle », c'est qu'il s'agit de créer de la valeur pour aujourd'hui avec des gens que l'on connaît, pour soi-même, pour le client et pour l'environnement. Mais l'étape d'après c'est, en plus, de veiller à ce que la valeur qui est créée soit distribuée auprès des collaborateurs et pour la restauration de l'environnement, et pas uniquement captée par le chef d'entreprise.

Dans le tourisme, cela pourrait se traduire par des interrogations comme : « Financez-vous des organismes qui forment les gens dans les zones où vous envoyez des touristes ? Avez-vous mis en place des actions de nettoyage qui contribuent à la préservation de la faune, de la flore, etc. ? ».

Il poursuit : « Le durable, la réduction de l'empreinte carbone en plantant des arbres ou en rendant nos produits plus durables, recyclables, etc., pour atteindre ce qu'on appelle le net zéro, c'est très 2020. Aujourd'hui, on est dans le régénératif. Il faut réparer, il faut restaurer, et c'est urgent. Et pour cela, il faut des moyens financiers ».

Voilà qui est dit !

« Le Forum des Pionniers, c'est une parenthèse dans notre quotidien pour réfléchir ensemble aux enjeux de demain, pour penser, pour ressentir différemment, pour sortir des approches traditionnelles, des approches historiques, et également pour dépasser les concurrences », a résumé Gaëtane Thurot, membre du comité de direction de l'ESCAET et fille de la fondatrice de l'école aixoise, à propos de cette 22e édition.

Mais si les discussions sont intenses, rappelons que le Forum des Pionniers se veut aussi un moment convivial. « Le côté festif entretient un networking d'une autre qualité. Si je rigole un soir avec un participant, le lendemain je vais être plus attentif et plus ouvert à ce qu'il fait dans le secteur », ajoute Laurent Gotman, le président de l'ESCAET.

Pour l'organisation et les festivités, les participants peuvent compter sur l'équipe de Travel Insight, aux manettes pour la deuxième fois, après Israël en 2023. Mais aussi sur les équipes des institutions du tourisme réunionnais, qui ont concocté un programme riche et varié aux Pionniers du tourisme !