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13e mois et primes des ex-Thomas Cook : vers une action collective en justice ?

Le ras-le-bol des ex-Thomas Cook ballottés entre les repreneurs et les administrateurs judiciaires


Rien ne sera épargné aux anciens Thomas Cook. Près de 9 mois après la faillite du géant du tourisme et alors que la liquidation ne s'était pas passée comme espérée, c'est maintenant sur le volet social que doivent se battre les anciens salariés repris par Havas Voyages, Salaün, Le Vacon, Navitour, etc. La question du paiement du 13e mois et des primes annuelles, déjà soulevée fin décembre, vient de connaître un nouveau rebondissement, cette fois-ci judiciaire. Pour les ex-Thomas Cook, vogue la galère...


Rédigé par le Dimanche 21 Juin 2020

Le ras le bol des ex-Thomas Cook ballottés entre les repreneurs et les administrateurs judiciaires - Crédit photo : CE
Le ras le bol des ex-Thomas Cook ballottés entre les repreneurs et les administrateurs judiciaires - Crédit photo : CE
"Nous en avons ras-le-bol, nous aurions préféré ne pas être repris.

La question des droits sociaux est la goutte d'eau qui fait déborder le vase,
" se lamente, un ancien salarié Thomas Cook, ayant préféré garder l'anonymat.

Il faut dire que la chute du numéro deux mondial a plutôt ressemblé au salto arrière d'un éléphant dans une boutique étriquée de porcelaine, plutôt qu'à l'atterrissage tout en douceur d'une hirondelle au début du printemps.

Entre la mise en liquidation judiciaire dans la nuit de dimanche à lundi 23 septembre 2019, alors que quelques heures avant des vendeurs bouclaient des ventes, la reprise avortée par le management... depuis l'automne de l'année dernière rien n'est épargné aux anciens salariés de Thomas Cook, pas même le règlement de leurs dus.

A lire : Thomas Cook : les salariés repris auront-ils droit au 13e mois ?

"Ce n'est pas nouveau. Thomas Cook est fautif, nous n'avons pas arrêté d'alerter la direction à ce sujet, mais cela n'a jamais été traité, ni par les élus du CSE, ni par l'administrateur."

A la fin de l'année 2019, nous vous révélions que repreneurs et les administrateurs n'avaient pas la même "vision" sur le paiement du 13e mois et des primes annuelles.

"Il y a une vision différente entre l’administrateur judiciaire (AJ) et nous les repreneurs. Nous avons repris au 1er décembre et nous estimons que l'AJ leur doit 11 mois," répondait à l'époque Alain Hamon, président du groupe Le Vacon.

Un éclaircissement était demandé alors au tribunal de Commerce de Nanterre, puis un appel en début d'année 2020, dont le jugement encore et toujours très contesté a été rendu le 26 mai dernier.

Le décor est planté, les acteurs sont échauffés, le match peut commencer.

Que dit le jugement du 26 mai 2020 ?

"Nous nous faisons balader entre les administrateurs et les repreneurs depuis quelques semaines et l'annonce de l'appel. En plus, nous n'avons plus de représentant du personnel pour gérer cette question, nous sommes seuls face à nos problèmes" déplore l'ex-employé.

Il faut dire qu'en cette période de crise sanitaire doublée d'une économique sans précédent, les repreneurs rechignent un peu à mettre la main au porte-monnaie.

Avec près de 350 salariés repris, cela fait quelques zéros à aligner, pour se rapprocher du million d'euros. Et pour éclairer sur la situation, il faut plutôt être flexible de toutes les zones du cortex, tant la tache est délicate et les interlocuteurs difficilement joignables avec en tête de liste les mandataires et administrateurs judiciaires que sont le cabinet de Christophe Basse et FHB.

Ces deux structures, malgré les nombreux mails envoyés et les appels passés, n'ont jamais daigné nous apporter un début de réponse.

Du côté du jugement, que nous avons pu consulter, la décision est plutôt celle d'un normand. La cour d'appel de Versailles s'est réuni le 26 mai 2020, pour statuer.

Selon le jugement en " prenant "acte de l’engagement des cessionnaires de reprendre à leur charge les droits acquis des salariés repris jusqu’à la date d’entrée en jouissance”, le tribunal a potentiellement mis à la charge des repreneurs des sommes autres que celles dues au titre des seuls congés payés et des RTT dès lors que la notion de “droits acquis”."

Dans ces conditions, l'appel des repreneurs est jugé recevable, mais une telle décision était trop facile pour entériner la décision.

La cour ordonne "la reprise par les sociétés SN agences, Navitour voyages, Cati, Esprit de voyages et Havas voyages de l’intégralité des droits acquis par les salariés repris au titre des congés payés et des RTT non consommés à la date du jugement arrêtant le plan de cession."

Depuis fin mai et cette double lecture, "chaque camp se renvoie la balle" témoigne las une autre salarié.

C'est la douche froide.

Un constat limpide pour les deux parties : l'autre a tort, à lui la balle !

Ainsi, pour les mandataires, dont nous avons pu nous consulter la réponse, le jugement conforte leur position.

"La date d'exigibilité étant le critère à appliquer comme la rappeler la cour d'appel, quelle que soit la période de référence pour l'acquisition de ces droits par les salariés" explique Hélène Bourbouloux, par mail.

Si le constat parait limpide pour la responsable du cabinet FHB, il l'est tout autant pour l'autre camp, mais avec une interprétation inverse.

Autant à la fin mai la réponse ne laissait place à aucun doute "nous avons gagné aussi bien sur le fond et la forme" autant mi-juin, le ton d'un des repreneurs ayant préféré garder l'anonymat est nettement différent.

"Nous avons deux interprétations différentes. Après une nouvelle étude, nous pensons être dans notre bon droit et c'est à l'administrateur de payer ce qui devait être payé aux salariés."

Les plaignants ne sont pas contre verser le 13e mois, mais seulement au prorata du temps passé dans leur nouvelle entreprise, soit à partir de décembre 2019 et non pour l'ensemble de l'exercice.

Cette affirmation des repreneurs se base sur un accord figurant dans les anciens contrats de travail des ex-Thomas Cook.

Il stipulerait "que toute personne qui quitte l'entreprise touche son 13e mois et ses primes au prorata du temps passé dans la société. Les choses ont toujours été claires," explique l'un des repreneurs.

Récemment un réseau a envoyé une interprétation identique. "Il convient aux organes de la procédure collective de prendre en charge les primes variables et de 13e mois dues aux ex-salariés de Thomas Cook sur la période de référence antérieure au 1er décembre," explique le responsable par mail.

Egalité, un partout, balle au centre.

Alors que tout le monde est convaincu du bien-fondé de sa position et renvoie à l'autre l'erreur d'interprétation, les salariés sont dans le flou le plus total concernant les suites de cette affaire.

Cagnotte Leetchi, action collective, accord à l'amiable... le flou le plus total plane

Du côté des repreneurs, les conseillers juridiques attendent la réponse des mandataires, avant de poursuivre une quelconque démarche.

La cour d'appel n'est pas l'ultime recours, les plaignants peuvent se pourvoir en cassation et donc remettre une pièce dans la machine.

En l'absence de réponse et avec le sentiment d'être les spectateurs d'une balle qui rebonbit de chaque côté du filet, sans aucune limite, les salariés se veulent combatifs.

"Nous avons décidé de ne pas se laisser faire et d'aller jusqu'au bout, pour obtenir notre dû," affirme le salarié lésé.

Dans les réseaux, les ex-TC ont interrogé différents avocats, pour savoir quelle suite donner à tout cela, mais les membres du barreau français n'arrivent pas à s'accorder sur une réponse commune.

Alors que les lettres et les appels ne trouvent pas d'interlocuteur, pour collecter le plus de réponses écrites, une action collective se dessine de plus en plus.

Une cagnotte Leetchi a même été créée, (cliquez ici) pour permettre aux salariés de pouvoir se doter d'une défense solide et mener une action de groupe.

En l'absence de réponse, parmi les salariés, les rumeurs vont bon train dans les groupes de discussion sur les réseaux sociaux. L'amertume est totale et surtout entretenue par de longs mois difficiles.

A moins qu'une résolution inattendue arrive.

"Une ancienne, nous a dit hier sur les réseaux sociaux, que le Cabinet de Maître Basse serait en contact avec les repreneurs, pour un accord à l'amiable. S'il n'y a pas d'accord, ils feront une demande au tribunal pour clarifier le jugement," confie l'ex-Thomas Cook.

Cette affirmation n'a pas toutefois pas été confirmée, voire même plutôt balayé par le repreneur. Dans le même temps, les mandataires n'ont répondu à aucun de nos nombreux mails, ni appels.

La chute de Thomas Cook est un peu un match de tennis, avec ses blessures, ses rebondissements, ses longs échanges et ses moments de tension.

"Le jugement n'est pas clair. C'est une histoire qui va durer plusieurs années..." souffle un autre repreneur.

Une rencontre qui va se jouer jusqu'au bout de la nuit, au cours d'un tie-break (jeu décisif) interminable, avec à l'arrivée un vainqueur... mais la gloire en moins.

Romain Pommier Publié par Romain Pommier Journaliste - TourMaG.com
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