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APST : pas de réassurance publique avant juin 2022 ?

Selon Cédric Dugardin (ex-APST), la réassurance publique n'est toujours pas active


Il est venu avec la mission de redresser l'Association Professionnelle de Solidarité du Tourisme (APST). Trois mois après la fin de son travail de fond, Cédric Dugardin a pris la parole. Le spécialiste des situations critiques est revenu sur la situation dans laquelle se trouvait l'association fragilisée par Thomas Cook et dans l'œil du cyclone, alors que les agences avaient émis 1,5 milliard d'avoirs. A l'occasion de sa conférence au Forum du SETO, nous avons appris que le système de réassurance publique imaginée pour sauver le secteur n'est toujours pas entré en vigueur. De quoi faire craindre l'implosion de la garantie voyage ? L'épée de Damoclès plane au-dessus des têtes de l'industrie.


Rédigé par le Dimanche 3 Avril 2022

Selon Cédric Dugardin (ex-APST), la réassurance publique n'est toujours pas active - DR : Depositphotos, @ingka.d.jiw
Selon Cédric Dugardin (ex-APST), la réassurance publique n'est toujours pas active - DR : Depositphotos, @ingka.d.jiw
Il y a plus d'une année, un visage inconnu du secteur débarquait pour une mission commando, à savoir remettre à flot un navire qui prenait l'eau et risquait de couler.

Cédric Dugardin prenait le poste de manager de transition, avec pour objectif de trouver une solution pour les 1,5 milliard d'avoirs émis par les agences de voyages et couvert en bonne partie par l'APST.

Actuellement, 6 709 opérateurs de voyages et séjours sont enregistrés en France, "un chiffre sensiblement en baisse" dont 3 400 garantis par l'association.

"L'enjeu de la garantie financière, c'est une garantie illimitée avec des fonds limités. Avec Thomas Cook, l'APST est passée d'une association florissante et largement dotée, à totalement ruinée.

L'effet collatéral a été aussi que tous les réassureurs privés ont quitté le marché,
" introduit l'ancien responsable.

L'association s'est retrouvée à devoir rembourser des clients de l'ancien géant du tourisme à hauteur de 42 millions d'euros, alors que son matelas ne comportait que 30 millions en réserve.

En plus de se retrouver en grande difficulté, le premier garant du secteur faisait face à la fuite de sa compagnie de réassurance.

L'APST a remboursé à hauteur de 30 millions les clients de Thomas Cook

"L'APST avait un super contrat de réassurance avec AXA, qui a été dénoncé le lendemain. L'association est toujours en procès avec eux sur ce dossier," dévoile Cédric Dugardin.

Après presque 3 ans, le garant doit rembourser encore près de 20% des dossiers Thomas Cook,. Tous les dossiers complets "ont été traités", il ne resterait que ceux "incomplets".

Le risque a été surmonté par l'APST, aussi en partie grâce à l'étalement dans le temps du traitement des voyages concernés par le sinistre.

Contrairement à d'autres pays, comme l'Allemagne et l'Autriche, où les gouvernements sont massivement intervenus, l'Etat français n'a pas été sollicité.

Une fois la page Thomas Cook refermée, l'ancien manager de transition de l'APST a abordé le risque systémique lié aux avoirs émis pendant la pandémie.

"Début avril 2020, nous avions estimé à 1,5 milliard d'euros le poids que cette opération de sauvetage," évalue Cédric Dugardin.

Si la situation de la garantie en France a souvent été abordée par TourMaG, en Europe, les situations ont été plus disparates.

Il existe grosso modo deux modes, avec d'un côté un système monopolistique et non concurrentiel comme "au Danemark, en Norvège et un peu en Hollande. Là-bas, les opérateurs ont souscrit des prêts à hauteur de plusieurs centaines de millions d'euros."

Le deuxième système en Allemagne et Autriche est, lui, privé. Les acteurs submergés par la situation, beaucoup d'argent a été injecté, avec la mise en place d'un fonds semi-public.

"Aux Pays-Bas, un prêt a été accordé, avec aussi la création d'une taxe pour chaque voyage vendu, pour reconstituer le fonds de garantie. Une fois que celui-ci aura retrouvé une certaine sécurité, alors la taxe sera supprimée," rapporte Cédric Dugardin.

La réassurance publique reste toujours à quai, mais pourquoi ?

Cette solution hollandaise a été proposée au gouvernement français, mais en période électorale, l'idée n'a pas été retenue par Bercy. Dans le même temps, Atradius et Groupama avaient demandé une réassurance.

L'enjeu était aussi à l'époque de sécuriser les garants, car l'UNAT et l'APST ne pouvaient supporter de gros chocs, contrairement aux deux autres nommés.

Ce n'est pas tout.

"Il fallait aussi réduire le poids de l'APST sur le marché de la garantie. Bercy nous avait alors dit qu'un garant avec des fonds propres négatifs ne pouvait pas assurer 1,5 milliard d'avoirs.

Nous devions aussi rouvrir le marché
", se remémore le manager de transition. Face à ces enjeux, la solution trouvée a été de mettre en place un système de réassurance publique, via la Caisse Centrale de Réassurance (CCR).

LIRE AUSSI : Réassurance publique : où en est le fonds de garantie des opérateurs de voyages et de séjours ? 🔑

La solution se veut transitoire, pour permettre au secteur de retrouver des couleurs et attirer à nouveau les acteurs de la réassurance, mais aussi que les assureurs privés reprennent du risque.

Alors que tous les textes sont passés en fin d'année dernière, pour le moment la réassurance publique voulue par Bercy n'est toujours pas entrée en vigueur.

"Il existait 3 conditions pour sa mise en place effective : le projet de loi de finances (il est passé), le décret (publié), puis que la Commission européenne donne son feu vert," dévoile l'ancien manager de transition.

"Au 1er avril 2022, il n'y a pas de couverture publique"

L'instance européenne a fait deux remarques sur le projet : "la réassurance CCR doit donner son aval et que le système ne soit pas sur deux ans, mais une année renouvelable. La CCR a répondu, Bercy aussi, mais pas la Commission.

Aujourd'hui au 1er avril 2022, il n'y a pas de couverture publique, si jamais il y a une faillite, il n'y aura pas de couverture du garant
."

En cas de grosse défaillance dans le secteur, alors cela posera de légers problèmes. Et malheureusement cette réassurance publique ne devrait sans doute pas entrer en vigueur avant un moment, puisque nous nous trouvons en période électorale. Les ministères sont donc plus ou moins à l'arrêt.

"Si nous n'avons pas d'accord avec la commission la semaine prochaine (cette semaine), alors nous n'aurons rien avant la fin juin 2022. Le secteur est exposé.

Vous savez bien aussi que Groupama et Atradius ont bloqué les adhésions,
" explique Cédric Dugardin.

Les deux assureurs attendaient la réassurance publique et espèrent aussi que la durée de deux ans soit validée, pour rouvrir les vannes. De plus, les remarques de la Commission européenne auraient refroidi les autres garants.

La problématique de la garantie financière est revenue quelques mois en arrière, voire même à la case départ.

Et Laurent Abitbol de prendre la parole pour poser la question : pourquoi le voyage est garanti, alors que ce n'est pas le cas pour l'achat d'une télé ou d'un frigo ?

APST : Mumtaz Teker, futur président ?

Au-delà du fait que les acteurs du tourisme ont l'argent des clients, avant de le dispatcher aux différents prestataires une fois le départ acté, Cédric Duagrdin de rebondir sur les propos du président de Marietton.

"Nous avons demandé au gouvernement pourquoi la garantie est illimitée ? Alors que tous les pays européens se posent la question, cela ne vaudrait-il pas le coup de retourner à la commission pour en parler ?" rétorque l'ancien manager de transition.

La réponse de l'exécutif n'a pas été vraiment celle espérée, puisque la France attend qu'un autre pays monte au créneau pour suivre le mouvement.

Sans passer par la case lobbying proposée par le patron lyonnais et évaluée à 400 000 euros par an, une autre solution est présentée.

"Au Canada, le problème de l'assurance et la réassurance ne se pose pas. Les fonds sont déposés sur un compte séquestre et n'appartiennent à personne tant que le voyage n'est pas réalisé," rapporte Emmanuel Foiry, le vice-président du SETO.

La solution a été étudiée en France pour les contre-garanties.

"Je connais bien la loi française sur les faillites, le compte séquestre est utilisé en cas de redressement judiciaire, donc personne ne sera protégé en France. Ce n'est pas duplicable.

Pour cela, il faudra donc sortir les OVS de la loi contre les faillites, pour rédiger un règlement spécial les concernant,
" éclaire Cédric Dugardin.

A cela vous ajoutez, que les professionnels du tourisme ont besoin de fonds de roulement pour faire tourner leurs boutiques et vous comprendrez que le compte séquestre est sans doute une solution au Canada, mais c'est le Pérou pour la France.

Pour en revenir au quotidien et à un sujet que l'industrie peut contrôler, les statuts de l'APST ont été approuvés et votés, il ne manque seulement que la signature des ministres. Cette dernière pourrait intervenir avant fin juin.

Avant de refermer le débat sur l'association, René-Marc Chikli a pris le micro pour faire une déclaration à l'audience.

"Si jamais tu (Alix Philipon) ne te représentes pas à la présidence, nous souhaiterions une personne qui a le même reflet, donc en mesure de parler à toute la profession."

Mumtaz Teker serait l'heureux élu choisi par le SETO pour prendre le poste de président de l'APST. D'autres acteurs sont prêts à pousser aussi leurs candidats...

Romain Pommier Publié par Romain Pommier Journaliste - TourMaG.com
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Commentaires

1.Posté par marc le 04/04/2022 09:41 | Alerter
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il est dommage que l'APST se soit séparé de son ancien lobbyiste qui avait lui un contact direct avec le commissaire Didier Reynders. Ancien lobbyiste qui ne coutait pas 400.000€ comme celui proposé par
Mr Abitbol

2.Posté par vainopoulos le 04/04/2022 10:40 | Alerter
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Bien que j'apprécie beaucoup Mumtaz, ce n'est pas au SETO de choisir le futur président de l'APST. La voix des TO est importante: c'est en ce sens qu'Olivier Delaire les avait convier au sein du Conseil d'Administration. A mon avis, il faut une personne indépendante de ce syndicat afin de rester neutre et dont le but est de défendre avant tout l'intérêt des distributeurs. Pour rappel, ce sont ces derniers qui sont responsables des fonds déposés devant la Loi, pas les TO.

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