Interview de François Piot, le PDG de Prêt-à-Partir sur la perte des appels d'offres du groupe - Crédit photo : Depositphotos @majaFOTO
TourMaG.com - Ces derniers jours vous vous êtes épanché sur les réseaux sociaux au sujet d'appels d'offres perdus par votre entreprise. Ce jeudi 24 juin 2021, le tribunal de commerce a rendu sa décision, quelle est-elle ?
François Piot : Dans un 1er temps, nous avons perdu les appels d'offres des transports scolaires sur les Vosges, la Lorraine et la Meuse. Nous perdons presque 150 autocars, sur les 1 000 que nous avons.
Nous avons contesté cette décision au tribunal administratif qui ne nous a pas donné raison.
TourMaG.com - Que contestiez-vous ?
François Piot : Nous avions plusieurs axes d'attaque, dont la Région qui est donneuse d'ordre. Le juge a décidé autrement de notre sort.
Notre objectif était soit de faire annuler l'appel d'offres soit de demander à la Région de réanalyser ceux-ci pour nous attribuer plus de lots. Pour moi elle s'est trompée et a mal jugé notre offre, ainsi que celle de nos compétiteurs.
François Piot : Dans un 1er temps, nous avons perdu les appels d'offres des transports scolaires sur les Vosges, la Lorraine et la Meuse. Nous perdons presque 150 autocars, sur les 1 000 que nous avons.
Nous avons contesté cette décision au tribunal administratif qui ne nous a pas donné raison.
TourMaG.com - Que contestiez-vous ?
François Piot : Nous avions plusieurs axes d'attaque, dont la Région qui est donneuse d'ordre. Le juge a décidé autrement de notre sort.
Notre objectif était soit de faire annuler l'appel d'offres soit de demander à la Région de réanalyser ceux-ci pour nous attribuer plus de lots. Pour moi elle s'est trompée et a mal jugé notre offre, ainsi que celle de nos compétiteurs.
Prêt à Partir : "déçu et écoeuré. Il y avait aussi un sentiment d'injustice"
TourMaG.com - Sur quoi ce serait elle trompée ?
François Piot : Tout d'abord notre concurrent n'est autre que la filiale de la SNCF qui, a mon avis, a remis des offres irrecevables, car leur mémoire est trop long. Puis des critères ont été mal interprétés ou notés.
C'est très technique.
Quand vous participez à un appel d'offres vous avez une notation sur le prix et la technique, ce qui est très troublant, la plupart des candidats ont une note comprise entre 95 et 100... sur 100.
C'était l'école des fans, tout le monde a gagné, mais à la fin, il n'y a qu'un seul attributaire, celui qui est moins cher que les autres.
TourMaG.com - Quelles sont les conséquences pour le groupe Prêt à Partir ?
François Piot : Tout d'abord, nous allons transférer 150 conducteurs à la SNCF, donc il n'y a pas de drame social. Il n'y aura quasiment aucun licenciement.
Ensuite nous nous retrouvons avec un dépôt sans activité et des cars à l'arrêt, donc nous allons devoir les vendre ou les louer ou les réaffecter. C'est compliqué... il est plus facile de monter que de descendre.
TourMaG.com - Quel était votre sentiment au moment de lire le verdict de cet appel d'offres ?
François Piot : J'étais déçu et écœuré, je ne peux pas dire autre chose.
Il y avait aussi un sentiment d'injustice. Nous avons perdu près de 15 % de notre activité transport, donc 10% de nos revenus. Il n'y a pas péril en la demeure.
Nous n'avons pas l'habitude de perdre et nous n'avons pas l'intention de le faire. Nous perdons le berceau même de l'entreprise, ce sont des lignes historiques que nous exploitons depuis même avant que je sois né.
Depuis ma naissance, c'est la première fois que ça change et ça fait mal.
François Piot : Tout d'abord notre concurrent n'est autre que la filiale de la SNCF qui, a mon avis, a remis des offres irrecevables, car leur mémoire est trop long. Puis des critères ont été mal interprétés ou notés.
C'est très technique.
Quand vous participez à un appel d'offres vous avez une notation sur le prix et la technique, ce qui est très troublant, la plupart des candidats ont une note comprise entre 95 et 100... sur 100.
C'était l'école des fans, tout le monde a gagné, mais à la fin, il n'y a qu'un seul attributaire, celui qui est moins cher que les autres.
TourMaG.com - Quelles sont les conséquences pour le groupe Prêt à Partir ?
François Piot : Tout d'abord, nous allons transférer 150 conducteurs à la SNCF, donc il n'y a pas de drame social. Il n'y aura quasiment aucun licenciement.
Ensuite nous nous retrouvons avec un dépôt sans activité et des cars à l'arrêt, donc nous allons devoir les vendre ou les louer ou les réaffecter. C'est compliqué... il est plus facile de monter que de descendre.
TourMaG.com - Quel était votre sentiment au moment de lire le verdict de cet appel d'offres ?
François Piot : J'étais déçu et écœuré, je ne peux pas dire autre chose.
Il y avait aussi un sentiment d'injustice. Nous avons perdu près de 15 % de notre activité transport, donc 10% de nos revenus. Il n'y a pas péril en la demeure.
Nous n'avons pas l'habitude de perdre et nous n'avons pas l'intention de le faire. Nous perdons le berceau même de l'entreprise, ce sont des lignes historiques que nous exploitons depuis même avant que je sois né.
Depuis ma naissance, c'est la première fois que ça change et ça fait mal.
Autocariste : "Il y a un vrai problème dans le métier, le choix est perdant-perdant"
TourMaG.com - Pour vous, la proximité avec les élections régionales expliquerait cette décision ?
François Piot : Ce que je peux vous dire, c'est que nous avons eu beaucoup d'appels d'offres dans la région Grand Est, et pas seulement dans les Vosges, la Meuse, la Marne ou encore le Bas-Rhin.
Partout Keolis, la filiale de la SNCF, gagne de l'activité et supprime par la même occasion des PME de la carte.
TourMaG.com - L'activité d'autocariste a été grandement mise en difficulté par la crise, quel regard portez-vous actuellement au sens large ?
François Piot : L'activité tourisme pour nos autocars est toujours quasiment à l'arrêt, avec très peu de départs en ce moment.
La reprise est attendue pour l'automne 2021. Le coronavirus a eu un gros impact sur les appels d'offres cette année, car les entreprises ont fortement baissé les prix et partout.
Les marges s'effondrent, nous sommes en plus sur des marchés longs de 7 ans. Des autocaristes ont sacrifié la rentabilité de leur entreprise pour continuer à exister.
A part dans le tourisme, où les prix augmentent un peu partout, nous constatons une baisse généralisée et des prix en recul.
TourMaG.com - Si certains vont pouvoir se maintenir à flot pendant 7 ans, y a-t-il péril en la demeure pour les autocaristes ?
François Piot : Aujourd'hui, beaucoup de PME dans le transport de personnes sont en danger.
Elles sortent du coronavirus affaiblies. Soient elles ont perdu leurs marchés, via les appels d'offres, soient elles les ont gardés, mais sans être rentables. C'est la mort programmée.
Il y a un vrai problème dans le métier, le choix est perdant-perdant.
François Piot : Ce que je peux vous dire, c'est que nous avons eu beaucoup d'appels d'offres dans la région Grand Est, et pas seulement dans les Vosges, la Meuse, la Marne ou encore le Bas-Rhin.
Partout Keolis, la filiale de la SNCF, gagne de l'activité et supprime par la même occasion des PME de la carte.
TourMaG.com - L'activité d'autocariste a été grandement mise en difficulté par la crise, quel regard portez-vous actuellement au sens large ?
François Piot : L'activité tourisme pour nos autocars est toujours quasiment à l'arrêt, avec très peu de départs en ce moment.
La reprise est attendue pour l'automne 2021. Le coronavirus a eu un gros impact sur les appels d'offres cette année, car les entreprises ont fortement baissé les prix et partout.
Les marges s'effondrent, nous sommes en plus sur des marchés longs de 7 ans. Des autocaristes ont sacrifié la rentabilité de leur entreprise pour continuer à exister.
A part dans le tourisme, où les prix augmentent un peu partout, nous constatons une baisse généralisée et des prix en recul.
TourMaG.com - Si certains vont pouvoir se maintenir à flot pendant 7 ans, y a-t-il péril en la demeure pour les autocaristes ?
François Piot : Aujourd'hui, beaucoup de PME dans le transport de personnes sont en danger.
Elles sortent du coronavirus affaiblies. Soient elles ont perdu leurs marchés, via les appels d'offres, soient elles les ont gardés, mais sans être rentables. C'est la mort programmée.
Il y a un vrai problème dans le métier, le choix est perdant-perdant.
Autocariste : "la profession n'est pas en danger, elle est morte"
TourMaG.com - N'avez-vous pas peur d'un retour compliqué pour l'activité d'autocariste dans le tourisme ?
François Piot : Bien sûr. Tout d'abord car nous avons beaucoup de conducteurs qui ont quitté l'entreprise. Les groupes qui faisaient avant 50 personnes, aujourd'hui ils n'en font plus que 30, avec les annulations.
Puis, globalement, tout le monde appréhende les départs en voyage. L'autocar n'est pas un frein particulier. Toutefois, rien n'empêche un retour presque comme avant.
TourMaG.com - La pandémie a aussi fait fortement chuter la valeur des bus, puisque le marché de l'offre a été plus important que la demande. Craignez-vous des conséquences importantes du fait d'un amortissement moindre ?
François Piot : Ce que vous dites est vrai.
Nous sommes sous pression au niveau de la transition énergétique, si les véhicules les plus récents sont aux normes Euro 6,. les appels d'offres rejettent ceux des normes en-dessous qui n'ont pas toujours été amortis.
Sur le marché de la vente, vous vous retrouvez avec une surabondance de véhicules de tourisme, mais dans la pratique, il n'y a pas d'acheteur. Nous constatons un effondrement des prix de l'occasion des autocars Euro 5.
La plupart des PME vivaient auparavant en revendant des véhicules largement amortis, avec les plus-values sur le parc vendu.
Sauf que pendant la covid les échéances de loyer ont été reportées, et que pour vendre un véhicule aujourd'hui, il faut rembourser parfois 6 mois voire 12 mois de loyer, donc il n'y a plus de richesse qui rentre dans l'entreprise.
TourMaG.com - Nous faisons face à une profession d'autocariste en danger...
François Piot : J'irais plus loin, elle n'est pas en danger, elle est morte.
La plupart des PME ne vont pas s'en relever.
Nous sommes sur les conséquences de la loi NOTRe qui a été votée en 2017, avec la compétence des transports urbains passant des départements aux régions.
A l'époque j'avais fait un papier sur Linkedin, pour dire que ce changement allait concentrer le transport dans les mains de gros groupes et PME. Je pensais que ça mettrait entre 10 et 15 ans, mais le coronavirus a accéléré la chose et cela aura mis 4 ans. En région Grand Est, alors qu'il y avait 5 départements en appel d'offres, aucune PME n'a gagné un lot.
Nous avons renouvelé des marchés, mais n'en avons pas gagné.
En plus de tout ce que nous venons de dire, vous avez des entreprises qui sont surendettées, à cause des PGE (prêts garantis par l'état).
François Piot : Bien sûr. Tout d'abord car nous avons beaucoup de conducteurs qui ont quitté l'entreprise. Les groupes qui faisaient avant 50 personnes, aujourd'hui ils n'en font plus que 30, avec les annulations.
Puis, globalement, tout le monde appréhende les départs en voyage. L'autocar n'est pas un frein particulier. Toutefois, rien n'empêche un retour presque comme avant.
TourMaG.com - La pandémie a aussi fait fortement chuter la valeur des bus, puisque le marché de l'offre a été plus important que la demande. Craignez-vous des conséquences importantes du fait d'un amortissement moindre ?
François Piot : Ce que vous dites est vrai.
Nous sommes sous pression au niveau de la transition énergétique, si les véhicules les plus récents sont aux normes Euro 6,. les appels d'offres rejettent ceux des normes en-dessous qui n'ont pas toujours été amortis.
Sur le marché de la vente, vous vous retrouvez avec une surabondance de véhicules de tourisme, mais dans la pratique, il n'y a pas d'acheteur. Nous constatons un effondrement des prix de l'occasion des autocars Euro 5.
La plupart des PME vivaient auparavant en revendant des véhicules largement amortis, avec les plus-values sur le parc vendu.
Sauf que pendant la covid les échéances de loyer ont été reportées, et que pour vendre un véhicule aujourd'hui, il faut rembourser parfois 6 mois voire 12 mois de loyer, donc il n'y a plus de richesse qui rentre dans l'entreprise.
TourMaG.com - Nous faisons face à une profession d'autocariste en danger...
François Piot : J'irais plus loin, elle n'est pas en danger, elle est morte.
La plupart des PME ne vont pas s'en relever.
Nous sommes sur les conséquences de la loi NOTRe qui a été votée en 2017, avec la compétence des transports urbains passant des départements aux régions.
A l'époque j'avais fait un papier sur Linkedin, pour dire que ce changement allait concentrer le transport dans les mains de gros groupes et PME. Je pensais que ça mettrait entre 10 et 15 ans, mais le coronavirus a accéléré la chose et cela aura mis 4 ans. En région Grand Est, alors qu'il y avait 5 départements en appel d'offres, aucune PME n'a gagné un lot.
Nous avons renouvelé des marchés, mais n'en avons pas gagné.
En plus de tout ce que nous venons de dire, vous avez des entreprises qui sont surendettées, à cause des PGE (prêts garantis par l'état).
Prêt à Partir : "après en terme de trésorerie, nous sommes plutôt solides"
TourMaG.com - Avec ces nouvelles, comment se porte l'ensemble du groupe Prêt à Partir ?
François Piot : Malgré le coronavirus, l'année dernière nous avons gagné de l'argent, mais moins que d'habitude.
Après en terme de trésorerie, nous sommes plutôt solides, avec pas mal de dettes liées à notre parc d'autocars. Notre trésorerie remonte, avec des acomptes clients qui rentrent. Je n'ai aucune inquiétude à court terme sur la partie financière.
Sur la partie management des équipes, nous avons eu beaucoup de départs. Les équipes sont surmotivées et contentes d'avoir repris du service. Les chiffres sont plutôt bons, avec des niveaux d'activités nettement au-dessus de mai et juin 2019.
A l'avenir étant nous allons faire un peu moins de chiffre d'affaires sur l'activité transport, mais nous allons avoir quelques années pour payer nos dettes tranquillement.
François Piot : Malgré le coronavirus, l'année dernière nous avons gagné de l'argent, mais moins que d'habitude.
Après en terme de trésorerie, nous sommes plutôt solides, avec pas mal de dettes liées à notre parc d'autocars. Notre trésorerie remonte, avec des acomptes clients qui rentrent. Je n'ai aucune inquiétude à court terme sur la partie financière.
Sur la partie management des équipes, nous avons eu beaucoup de départs. Les équipes sont surmotivées et contentes d'avoir repris du service. Les chiffres sont plutôt bons, avec des niveaux d'activités nettement au-dessus de mai et juin 2019.
A l'avenir étant nous allons faire un peu moins de chiffre d'affaires sur l'activité transport, mais nous allons avoir quelques années pour payer nos dettes tranquillement.