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Changement d'horaires des vols : quels recours pour les TO ? 🔑

Les réponses de Me Yves Removille, spécialiste en droit du tourisme et de l'aérien


Après les annulations de vols intempestives, TourMaG aborde cette fois-ci les recours juridiques pour les voyagistes en cas de changement d'horaires des vols de la part des compagnies aériennes. Une situation qui donne à coup sûr aux tour-opérateurs un supplément de travail, mais pour quelle compensation ? Faisons le point avec Me Yves Removille, avocat spécialisé en droit du tourisme et de l'aérien.


Rédigé par le Mercredi 7 Juin 2023

Changement d'horaires des vols : un recours est possible pour les TO à partir du moment où la modification n'est pas liée à des circonstances extraordinaires - DR : DepositPhotos.com, furtaev
Changement d'horaires des vols : un recours est possible pour les TO à partir du moment où la modification n'est pas liée à des circonstances extraordinaires - DR : DepositPhotos.com, furtaev
TourMaG - Lors du Forum du SETO 2023 à Deauville, vous êtes intervenu sur la question des annulations intempestives de vols, en apportant un éclairage juridique aux tour-opérateurs présents vis-à-vis du préjudice que cela pouvait leur causer. Suite à la parution de cet article, certains voyagistes nous ont fait part des désagréments qu'ils subissent également en raison des changements d’horaires des vols intempestifs (souvent supérieurs à 12 heures), qui augmentent leur charge de travail, sans aucune compensation des compagnies aériennes auprès des voyageurs. Est-on face à deux situations similaires ?

Yves Removille : Il y a une différence : la première situation traite d'annulations de vols, la seconde de modifications horaires, qui peuvent correspondre à un retard important, au sens du Règlement (CE) n°261/2004.

Mais le principe est le même : le Code Civil dit qu'on ne peut pas modifier un contrat ou le résoudre unilatéralement.

On ne peut le faire que d'un commun accord entre les parties. Or dans le cas des changements d'horaires des vols, il n'y a pas d'accord du passager - sauf s'il accepte la modification horaire - et cela peut lui causer un préjudice.


Changement d'horaires des vols : le TO peut-il être en tort ?

TourMaG - Le passager peut donc prétendre à être indemnisé ?

Yves Removille :
Effectivement, le vol peut être indemnisable, en fonction de la date à laquelle la modification horaire intervient, par rapport à la date du vol.

A plus de 15 jours du départ, il n'y a pas d'indemnisation automatique du passager. A moins de 15 jours, il peut y avoir une indemnisation forfaitaire au profit du passager, et non pas du tour-opérateur.


TourMaG - Justement, le tour-opérateur a-t-il une obligation d'information vis-à-vis de son client en cas de changement d'horaires des vols ?

Yves Removille :
En principe, quand une compagnie aérienne décide de modifier un horaire, elle doit prévenir elle-même le passager, même s'il s'agit d'un forfait touristique.

Bien souvent, elle prévient l'agence de voyages ou le tour-opérateur, qui va prévenir le passager. Néanmoins, l'information donnée par l'agence ou le TO vers le passager n'est pas suffisante, selon la Cour de Justice de l'Union Européenne (CJUE). L'information doit se faire directement auprès du passager par la compagnie aérienne.

Si cette dernière ne le fait qu'au travers du TO ou de l'agence et que le professionnel ne répercute pas l'information vers le passager, la CJUE considère que l'obligation n'a pas été remplie par la compagnie, qui doit donc indemniser le passager. Toutefois, elle dispose également d'un recours contre le professionnel qui avait été prévenu mais n'a pas répercuté l'information.


TourMaG - Le TO ou l'agence se trouve donc en tort ?

Yves Removille :
Oui, le TO est en tort à l'égard de la compagnie, et non pas de son client.

Quel(s) recours en cas de modification horaire importante ?

TourMaG - Il n'empêche qu'un changement d'horaires des vols peut impacter de façon importante la tenue d'un séjour, d'un circuit ou d'une croisière par exemple...

Yves Removille :
<span class="podle-arthur"> Effectivement, un changement d'horaire peut perturber le départ d'un circuit ou d'une croisière.

Là, tout va dépendre de la conséquence pour l'agence de voyages de la modification du contrat de transport par la compagnie aérienne qui impose, de fait, une modification d'horaire.

Il faut alors voir si cette modification est liée à une circonstance extraordinaire, par exemple une cause météo, auquel cas, il n'y aura pas d'indemnité. Ou bien si cette modification est liée à une décision prise par la compagnie, par exemple le retard du vol précédent.

Tout va dépendre des circonstances, la compagnie pouvant engager sa responsabilité à l'égard du tour-opérateur.

Néanmoins, chaque cas est différent et il faudra analyser à chaque fois tous les éléments. Le 11 mai dernier, par exemple, la CJUE a rendu un arrêt sur les circonstances extraordinaires, à propos de la compagnie TAP Air Portugal qui a appris le décès d'un co-pilote qui devait assurer un vol, à 4 heures du matin.

La Cour a estimé que la compagnie devait quand même assurer le vol, et avoir un équipage de remplacement disponible, alors que l'ensemble de l'équipage a estimé être trop traumatisé pour assurer le vol.

On pourrait penser que l'on marche un peu sur la tête et que cette décision semble contre-intuitive, mais en réalité, elle est dans la droite ligne de la jurisprudence de la CJUE, qui considère ce décès au même titre que la panne d'un réacteur ou un problème sur un train d'atterrissage.

Le principe antérieur au Règlement européen a été totalement éliminé, qui était celui de « la sécurité prime sur la célérité ». Aujourd'hui, on estime que les compagnies aériennes ont des outils qui leur permettent de prévenir une panne avant qu'elle ne se produise. </span>

TourMaG - Vu le contexte, de quel(s) recours disposent les tour-opérateurs en cas de modification horaire importante ?

Yves Removille :
<span class="podle-arthur"> Un voyagiste dispose d'un recours à partir du moment où la modification n'est pas liée à des circonstances extraordinaires, dès lors qu'il établit qu'il subit un préjudice et que le billet d'avion était acquis dans le cadre d'un forfait touristique mais aussi que la compagnie aérienne en était avertie dans les PNR, sur l'API ou dans le contrat signé - s'il y en a un.

Quant aux tour-opérateurs qui fonctionnent avec des systèmes de blocs-sièges, c'est encore un autre sujet. </span>

Vers la modification du Règlement (CE) n°261/2004 ?

TourMaG - Vous vous appuyez sur le Règlement (CE) n°261/2004, qui a vingt ans. Ne faudrait-il pas le revoir en partie ?

Yves Removille :
Cela fait dix ans qu'une modification de ce Règlement est examinée par la direction Transports de la Commission européenne.

Cette dernière se penche dessus depuis 2012 ou 2013 et cela n'avance pas, tandis qu'en parallèle, pour la directive sur les voyages à forfaits qui date de 2015, on prévoit déjà de la modifier alors qu'elle a été mise en application le 1er juillet 2018...


TourMaG - Pourquoi un tel blocage dans l'aérien ?

Yves Removille :
Il ne faut pas se leurrer, IATA est derrière et les compagnies aériennes font du lobbying. Il y a des intérêts économiques qui ne sont pas les mêmes et qui sont beaucoup plus importants. C'est aussi pour cela que les compagnies aériennes n'ont pas de garantie financière en cas de faillite.

TourMaG - Pensez-vous que cela pourrait changer ?

Yves Removille :
Je pense que ce qui va changer, c'est le montant de l'indemnisation forfaitaire automatique - les 250€, 400€ et 600€ prévus par le Règlement.

Car au moment de la négociation de ces montants, la Commission européenne voulait imposer d'indemniser selon un pourcentage du prix du billet, en fonction de la distance parcourue par l'avion.

Or, à cette époque - dans les années 90 - le prix du billet n'était pas du tout le même qu'aujourd'hui et donc les compagnies ont préféré opter pour un forfait... alors que dans toutes les autres directives en matière de transport, par exemple pour le ferroviaire ou l'autocar, c'est un pourcentage du prix du billet.

Maintenant, vu la baisse du prix des billets, ce forfait devient coûteux pour les compagnies aériennes qui veulent revenir au système du pourcentage et je pense qu'elles l'obtiendront, vu les lobbies dont elles disposent.

Anaïs Borios Publié par Anaïs Borios Journaliste - TourMaG.com
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