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Climat : Pour Eric Baetens, ce n'est pas la taille qui compte... pour agir !

Interview d'Eric Baetens, le patron et fondateur de l'agence Eric&TheTrip


Il est arrivé dans le tourisme après avoir envoyé des millions de bouteilles d'eau en plastique à travers le monde. Malgré ce passé et son arrivée tardive dans le voyage, tout le monde ou presque connait Eric Baetens. Le savoyard fait parti des personnalités les plus reconnues du secteur pour son engagement afin de promouvoir le tourisme durable. Bien qu'il soit seul chez lui, n'ayant pas de salarié, il n'hésite pas à s'engager. Pourquoi cet engagement ? Alors que malheureusement ses actions ne changeront pas la face du voyage. Découvrez l'interview inspirante d'Eric Baetens, le patron et fondateur de l'agence Eric&TheTrip.


Rédigé par le Jeudi 13 Avril 2023

"Sur les sujets du tourisme responsable et décarbonation, nous ne pouvons pas nous permettre d'être rétrograde. Si nous sommes à la traine là dessus, alors nous sommes exposés à une désafection importante du secteur" selon Eric Baetens - DR
"Sur les sujets du tourisme responsable et décarbonation, nous ne pouvons pas nous permettre d'être rétrograde. Si nous sommes à la traine là dessus, alors nous sommes exposés à une désafection importante du secteur" selon Eric Baetens - DR
TourMaG.com - Vous êtes l'un des candidats déçus des Césars du Voyage Responsable. Que signifiait votre candidature ?

Eric Baetens : Ma candidature aux Césars, au delà de ma petite personne, c'est que les petits acteurs du secteur aient voix au chapitre.

Je suis un peu extrême en agissant tout seul dans mon coin. Ce n'est pas parce que je suis tout petit, que je ne peux pas avoir d'action pour mener vers un tourisme plus durable et responsable.

Et les actions à mener ne se résument pas à planter des arbres, nous pouvons agir autrement. La formation et la sensibilisation des voyageurs sur ce sujet sont capitaux.

TourMaG.com - En parlant de vos actions, vous offrez des livres au retour de vos voyageurs, dont la BD "Le Monde sans fin" de Christophe Blain et Jean-Marc Jancovici. Pourquoi cette envie de les sensibiliser sur le durable ?

Eric Baetens :
Sur le plan personnel cela correspond à certaines valeurs et réflexion personnelle.

Je suis convaincu que le réchauffement climatique et l'action sont les sujets globaux de demain, mais aussi d'aujourd'hui. Cela concerne aussi le secteur du voyage. Le sujet n'est pas simple, pour des acteurs qui vendent des voyages long-courriers.

Sensibiliser les voyageurs sur l'impact de leurs actions sur la planète est primordial. Le sujet des émissions carbone est global, si demain les gens continuent de voyager, mais mangent moins de viande, alors nous serons sur la bonne voie.

Il ne faut pas se concentrer uniquement sur le voyage, pour réduire son impact sur la planète.

Je suis convaincu des vertus du voyage, sur l'humain et dans les pays, je pense que nous ne pouvons plus voyager n'importe comment. Pour changer notre façon de voyager, nous devons les sensibiliser et agir.


"Les gens se rendent compte qu'ils ne peuvent plus faire n'importe quoi"

TourMaG.com - Quels retours avez-vous de la part de vos voyageurs ?

Eric Baetens :
J'envoie un questionnaire de satisfaction à mes clients, avec des questions liées au tourisme responsable. Je les pousse à me partager des choses qui vont un peu les choquer ou les interpeller lors de leur séjour.

Par exemple, des voyageurs m'ont fait remonter que des chevaux étaient mal traités à Monument Valley, cela me permet d'être pro-actif. En contrepartie du retour de ce questionnaire, ils peuvent choisir entre trois ouvrages. En l'espace de 6 mois, j'ai dû envoyer une cinquantaine de livres.

L'idée c'est de les faire réfléchir à travers la lecture. J'ai eu plusieurs retours intéressants. Cette action est pour moi beaucoup plus satisfaisante que de planter quelques arbres à l'autre bout du monde, dont je ne verrais pas l'effet.

Alors qu'avec ce cadeau, j'ouvre le dialogue et le débat.

TourMaG.com - Vous avez travaillé chez Danone pendant de nombreuses années. Quand avez-vous pris conscience de l'importance du sujet ?

Eric Baetens :
Par le passé, je voyageais très loin, souvent et pas longtemps sur place.

C'est venu sur le tard. Lorsque j'étais en poste à Danone, j'ai pris conscience de mon impact. J'envoyais des bouteilles d'eau en plastique à des milliers de kilomètres... C'était quand même aberrant.

J'en bien vécu grâce à cela, je ne renie pas mon passé.

Sur le tourisme responsable, j'ai toujours été plus ou moins sensible au sujet. Autant j'ai envie de travailler cet aspect-là du voyage, mais je sens aussi que les clients sont de plus en plus demandeurs.

Les gens se rendent compte qu'ils ne peuvent plus faire n'importe quoi à destination.

"Faire du sur-mesure cela ne signifie pas accepter tout et n'importe quoi"

TourMaG.com - Vous avez dit qu'il n'est plus possible de voyager n'importe comment. Au-delà de la réduction de son impact sur l'environnement, vous militez pour un tourisme plus responsable. L'agent de voyage a donc un rôle celui d'éduquer ses clients ?

Eric Baetens :
Oui, mais cela suppose que le professionnel soit formé.

Nous devons comprendre ces enjeux. C'est aussi important que d'être formé sur Amadeus.

Il en va de ma responsabilité d'informer les voyageurs sur les conséquences de leurs actions, comme les sorties à dos d'éléphant ou autres, mais aussi de refuser de vendre ce genre de prestation.

Dans mes contrats de voyage, je joins la charte éthique du voyageur, sur chaque destination je rajoute les fiches du tourisme responsable réalisées par ATR (Agir pour un Tourisme Responsable). Les voyageurs ont ces sujets-là en tête, tout comme le Lonely Planet ou les informations logistiques de leur voyage.

TourMaG.com - Avez-vous seulement des clients qui sont sensibilisés comme vous ou pas seulement ?

Eric Baetens :
Je fais du sur-mesure, donc par définition les gens ne vont pas me demander une semaine de croisière sur un géant des mers.

Il y un filtre sur les produits, mais pas nécessairement sur la clientèle. Après par rapport à la demande qu'ils me font, j'essaye toujours d'apporter une touche de tourisme responsable.

Faire du sur-mesure cela ne signifie pas accepter tout et n'importe quoi, nous devons informer et mettre quelques barrières. Une clientèle m'a demandé un aller-retour au Caire pendant deux jours, pour aller voir les pyramides.

Je lui ai expliqué que cela n'avait pas de sens et que je ne lui vendrais pas ce voyage. Elle a réfléchi et m'a dit que c'était une demande aberrante. Si nous ne faisons rien, alors rien ne changera. Je suis prêt à perdre des voyageurs, mais je ne prends pas vraiment de risque.

J'ai l'impression que les gens sont sensibles aux valeurs, même si les miennes ne sont pas extrêmes.

Tourisme durable : "Nous ne pouvons pas nous permettre d'être rétrogrades"

TourMaG.com - Vous travaillez tout seul chez vous, vous n'avez pas de salarié. Pourquoi agir alors que vous pourriez vous dire que cela n'a pas d'impact, par rapport à l'immensité de l'industrie ?

Eric Baetens :
Il y a un peu de la légende du colibri.

Si je le fais moi, alors d'autres peuvent le faire. Puis si vous faites la somme des actions des colibris, alors l'impact sera notable. Le risque à l'inverse, si le secteur n'est ni informé ni moteur, alors cela fera très mal.

Sur les sujets du tourisme responsable et de décarbonation, nous ne pouvons pas nous permettre d'être rétrogrades. Si nous sommes à la traine là-dessus, alors nous sommes exposés à une désaffection importante du secteur par les voyageurs.

Ils penseront que nous sommes déconnectés de la réalité du monde et sans doute ringards.

TourMaG.com - Justement pour contrecarrer ce manque de connaissance et d'information des professionnels du secteur, ne faudrait-il pas rendre les formations sur ces sujets obligatoires ?

Eric Baetens :
Oui et je crois que les instances y travaillent.

Si ce n'est l'immatriculation, il n'y a aucune autre obligation pour devenir agent de voyages. A mon avis, il est aussi, voire même plus important d'être formé ou informé sur ces sujets-là, que de suivre des formations sur la TVA.

Cela devrait faire partie du package minimum pour tous les professionnels du tourisme, surtout pour ceux en contact avec la clientèle. L'industrie parait déjà un peu ringarde, nous risquons à l'avenir d'être encore plus en décalage.

Il ne faudrait pas arriver à une situation où ce sont les voyageurs qui vont informer les professionnels de l'impact du voyage... ce serait un comble. Puis nous savons que la clientèle des agents de voyages, mais aussi la population des pros vieillies, nous allons devoir les renouveler.

Si nous ne changeons pas de discours, ce renouvellement va devenir complexe, voire même impossible.
J'ai commencé la certification ATR, c'est en cours, et ce processus m'a fait avancé et évolué dans mes actions, mais aussi ma connaissance.

Le fait de se former, dans l'obtention d'un label, permet d'évoluer et changer son point de vue.

"Je peux dire aux voyageurs que j'agis à ma petite échelle..."

TourMaG.com - Quels sont vos engagements ?

Eric Baetens :
J'ai lancé un appel à projets auprès de réceptifs.

Ces sujets-là sont à traiter d'un point de vue des clients, mais aussi avec les fournisseurs. J'ai cherché une solution, pour avancer ensemble avec les réceptifs, puisque je ne travaille pas avec les tour-opérateurs.

Je dédie une partie de mon chiffre d'affaires, pas de ma marge, sur tous les sujets du tourisme responsable, dont une partie sur des projets à mener avec des réceptifs. J'ai fait un appel à projets auprès de 15 entreprises sur place, en leur demandant de mener à terme une idée.

Je veux les embarquer et donc pour chaque euro que je verse, le réceptif doit abonder d'autant. Nous avons organisé un webinaire avec Togezer, pour sélectionner et répartir l'argent.

Au Vietnam, je vais financer la gestion des déchets, dans la baie de Lan ha, à proximité d'Halong. Ce n'est pas avec ce que je vais donner que ça changera quoique ce soit, dans la pollution, mais au moins je pourrais dire aux voyageurs que j'agis à ma petite échelle, pour arranger les choses.

Les réceptifs sont aussi demandeur, de ne pas avoir une simple relation de client et fournisseur.

TourMaG.com - Dans le cadre de la convention des EDV centre est, vous avez pris le partie de vous y rendre en train. Vous êtes le seul. Vous n'avez pas l'impression d'être un extraterrestre dans cette industrie ?

Eric Baetens :
Non, le sujet du train est intéressant.

Je ne l'ai pas fait de manière provocatrice ou culpabilisante. J'ai cherché une alternative à l'avion pour me rendre à Naples et ça existait. Sur le sujet du temps, j'ai pu travailler dans le train, donc il n'y a pas de problème et cela m'a couté 200 euros. C'était une solution parfaite, ce n'était pas extrême.

J'en ai parlé autour de moi, personne n'y avait pensé. Peut être que nous aurions pu proposer le trajet en train aux participants.

J'ai pu me rendre compte que voyager en train n'est pas toujours facile. Il n'était pas toujours possible d'obtenir les billets en ligne, j'ai dû les imprimer au guichet.

Il existe quelques grains de sable, après pour le savoir, il faut faire l'effort de s'interroger et de sortir de ses habitudes.

Romain Pommier Publié par Romain Pommier Journaliste - TourMaG.com
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