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Commandes d'avions : les compagnies auront-elles les moyens de payer ?

La chronique de Jean-Louis Baroux


A ce jour, Airbus a 4 437 appareils en commande et Boeing 3 375. L’un et l’autre des constructeurs majeurs continuent à engranger des commandes de plus en plus faramineuses. A tel point qu’une commande de moins de 100 appareils passe presque inaperçue !


Rédigé par le Lundi 23 Avril 2012

D'après les calculs de J-L Baroux, les chaines de production vont mettre sur le marché dans les 6 prochaines années un nombre de sièges supplémentaires égal à la totalité de la production actuelle - DR : Airbus
D'après les calculs de J-L Baroux, les chaines de production vont mettre sur le marché dans les 6 prochaines années un nombre de sièges supplémentaires égal à la totalité de la production actuelle - DR : Airbus
Eh bien, je me suis livré à un petit calcul...

Disons que la capacité moyenne des avions produits par Airbus et Boeing est au moins de 200 sièges.

Si on estime que chaque appareil fait également en moyenne 5 vols par jour, ce qui doit bien être le minimum car la majorité est composée de moyens courriers qui font fréquemment 8 étapes par jour, cela fait une capacité de production à intégrer dans le marché de 2,850 milliards de sièges.

Oui vous avez bien lu.

Rajoutez à cela les carnets de commande d’Embraer : 1063 appareils, de Bombardier 82 avions et ATR : 224 avions régionaux, et vous obtenez une capacité supplémentaire de 210 millions de sièges.

Des chiffres à donner le vertige

Les chiffres donnent le vertige. La capacité totale actuelle doit avoisiner les 3,100 milliards de sièges.

Cela veut simplement dire que les chaines de production vont mettre sur le marché dans les 6 prochaines années un nombre de sièges supplémentaires égal à la totalité de la production actuelle.

Voilà qui est pour le moins impressionnant.

Mais plusieurs questions se posent.

1) Le marché est-il en mesure d’absorber cette offre supplémentaire ? Le transport aérien est en croissance moyenne de 5% par an.

En fait il faut 12 ans pour doubler de volume. Oui mais la capacité disponible doublera, elle, en deux fois moins de temps.

Alors, bien sûr, on me dira que des appareils anciens iront à la casse, mais en fait on constate un vieillissement des flottes pour deux raisons majeures : d’abord les appareils sont de mieux en mieux faits et de mieux en mieux entretenus.

Et puis il est finalement plus rentable de faire durer une machine ancienne, même si les coûts de carburant impactent sérieusement les prix de revient, car les frais de financement sont également très élevés et les gains en carburant restent encore assez faibles.

Qui va payer tout cela... faut-il craindre une "bulle" ?

2) Les aéroports sont-ils prêts à accepter cette capacité supplémentaire ? Pas si sûr.

Les très grands aéroports occidentaux sont à la limite de leurs capacités à tel point qu’ils fonctionnent sous le régime des « slots » autrement dire du rationnement des créneaux disponibles. Et hormis la Chine, il se construit finalement peu de grands aéroports nouveaux.

3) Qui va payer tout cela ? Un avion vaut, bon an, mal an, 400 000 euros le siège.

Autrement dit un appareil de 100 sièges coûte de l’ordre de 40 millions d’euros. Voilà qui fait un montant considérable qui ne peut être que difficilement financé par une exploitation qui dégage au mieux 2% par an.

Or les carnets de commande correspondent à la somme effarante de, tenez- vous bien : 663 264 000 000 €. Oui, vous avez bien lu : plus de 663 milliards d’euros. Et qui va payer tout cela ?

Où va-t-on ?

Je me demande si nous ne sommes pas en train d’assister à une véritable fuite en avant. Les compagnies aériennes, tout au moins certaines d’entre elles, ont passé des commandes dont on se demande bien si elles pourront les payer un jour. Oui mais ces avions vont être produits.

Actuellement il sort plus de 4 avions pas jour y compris les samedis et dimanche et les jours fériés. Et encore je ne compte pas les nouveaux constructeurs que sont les Chinois et les Russes lesquels vont bientôt mettre sur le marché de nouvelles capacités à des prix probablement cassés.

Et si tout cela se dégonflait ? Pour absorber la production commandée, il faudra accélérer la croissance du marché. Celle-ci ne pourra se faire qu’en baissant encore et encore les prix de vente.

Or les tarifs actuels ne permettent pas de faire vivre convenablement un secteur d’activité qui ne crée pas les moyens de renouveler sa flotte. Alors où va-t-on ?

De nouvelles références commerciales se feront jour

Il faut retrouver un peu de raison. Les compagnies nouvelles se ruent sur les appareils nouveaux car les responsables ont trop peur de ne pas pouvoir disposer à temps des avions dont ils estiment avoir besoin. Oui, mais ces besoins ne sont-ils pas surévalués ?

Il suffit de voir, par exemple, à quel point la situation en Inde s’est dégradée et ce très rapidement. Comment les Kingfisher et autres Jet Airways vont-ils pouvoir payer les commandes que leurs dirigeants ont passées ?

Et s’ils ne peuvent pas le faire, voilà des centaines d’appareils qu’il faudra bien recaser. Cela se fera-t-il au prix actuel, qui reste quand même confortable pour les constructeurs ? On peut en douter.

Mais alors de nouvelles références commerciales se feront jour. Cela ne va-t-il pas déséquilibrer un marché qui marche en permanence sur la corde raide et qui a un besoin dramatique de croissance pour continuer à exister ?

Voilà des questions auxquelles je n’ai bien évidemment pas la réponse mais cela ne m’empêche pas de les poser.

Jean-Louis Baroux, est l'ancien président d'APG (Air Promotion Group) et le créateur du CAF (Cannes Airlines Forum) devenu le World Air Forum.

Grand spécialiste de l'aérien, il a signé aux éditions L'Archipel ''Compagnies Aériennes : la faillite du modèle'', un ouvrage que tous les professionnels du tourisme devraient avoir lu.

Les droits d'auteur de l'ouvrage seront reversés à une association caritative. On peut l'acquérir à cette adresse : www.editionsarchipel.com

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Commentaires

1.Posté par Francis le 25/04/2012 15:02 | Alerter
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Juste un petit problème.
ne sommes nous pas egalement sur un marché de renouvellement
c'est pas parce que je vends 1 000 000 voitures par an que le parc augemente d'autant.
comme les voitures un avion est acheté neuf puis revendu et jeté !!!!!!!!!!!!

2.Posté par pierre le 26/04/2012 11:40 | Alerter
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Il faut également considérer que la trésorerie des compagnies - européennes en particulier - se fait siphoner par la hausse des prix des carburants, et on ne voit pas bien comment elles vont sortir de ce mauvais pas. Les établissements financiers risquent de se montrer très frileux à l'avenir quand il faudra financer les nouvelles flottes. On peut donc prévoir une bulle du transport aérien à l'image des bulles immobilières, il ne reste plus qu'à savoir quand cela se produira.

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