De bouffe et d'Air frais : des micro-aventures contre la Disneylandisation du voyage

C'est l'histoire d'un article qui aurait dû sortir en octobre.

Après un bon échange passionnant et passionné, arrive la question fatidique de l'immatriculation Atout France. Alors tout juste créée, la jeune société de Bouffe et d'Air Frais n'a pas de garantie financière, nous remettons la publication à plus tard.

Cela va prendre des mois et des mois, malgré les conseils et les mises en relation. Autant le nom de l'entreprise était une évidence, les démarches pour l'immatriculation moins.

"Cela a été le début du calvaire administratif, je ne m'étais pas rendu compte de la complexité de créer une agence de voyages.

Il m'a fallu 3 mois et travailler sur un plan financier sur 5 ans, taux de marge, mais aussi l'hypothèque de la maison. La passion et la détermination ont fait la différence," revient sur cette épreuve Florian Vigues, le créateur de l'entreprise.

Sur les 12 dossiers présentés, seulement 6 ont été retenus, en mars 2023.

Une fois le précieux sésame obtenu, nouveau virage pour une entreprise n'ayant toujours pas accompagné ses premiers clients. C'est aussi ça être entrepreneur, s'adapter perpétuellement aux écueils et aux évolutions quotidiennes du projet.

Les plans se passent rarement comme prévu.

Florian se rend compte qu'il ne sera pas totalement possible de toucher le grand public, puisque pour atteindre les seuils de rentabilité, il est indispensable de réunir au moins 10 personnes.

"J'ai changé de cible pour m'attaquer aux entreprises, entre la complexité de réunir autant d'inconnus et l'inflation.

Plutôt que d'organiser des séminaires à l'autre bout du monde, pourquoi ne pas réunir ses collaborateurs en Occitanie ? Le dépaysement peut aussi se trouver en France," questionne celui qui se définit comme un ambassadeur occitan.

D'ailleurs dans une première vie, le nouveau venu dans le secteur, était en charge de l'événementiel d'une belle PME de l'aéronautique.

Les voyages à travers le monde et la vie à l'étranger ont façonné la personne qu'il est aujourd'hui. Il ne renie pas cette boulimie de l'ailleurs, bien au contraire, car elle lui a ouvert les yeux sur son propre pays.

Durant 10 ans, il a organisé des séminaires loin très loin de l'Occitanie, mais durant ces années, la dissonance entre la vie professionnelle et les valeurs de Florian Vigues se fait de plus en plus grande.

Malgré ses efforts pour faire travailler le tissu local, les aides aux associations ou les stands réutilisables et recyclés, il ne peut plus se regarder dans une glace. Le covid a fait le reste et fermé les frontières du monde.

Sans nouvelle de son supérieur, ni activité, le jeune homme rumine.

"J'ai une petite fille de 3 ans, je n'étais pas capable de répondre à la question : quel travail je faisais. J'ai senti que je devais reprendre les choses en main.

Je suis parti seul pendant un mois dans les Pyrénées avec une canne à pêche, quand je suis revenu tout était très clair pour moi," se souvient avec émotion, le Toulousain.

Perdu dans la chaine montagneuse et la nature environnante, il prend la décision de réorienter sa vie autour de ce qu'il aime.

Il s'engage auprès des Eclaireurs de France, la version laïque des scouts.

"J'y ai appris la patience. Si les choses doivent se faire, alors elles se feront. Puis en parallèle, je me suis lancé dans la communication digitale en freelance, mais sur des projets engagés," poursuit le créateur de Bouffe et d'Air Frais.

Il rencontre alors le socle de ce que sera son entreprise actuelle, à savoir des passionnées.

L'Occitan refuse des entreprises qui ne lui parlent pas, pour privilégier l'accompagnement d'agriculteurs, de vignerons ou projets qui ont un sens pour l'avenir de la planète.

Alors que l'activité se porte bien, il rouvre un carnet dans lequel il avait griffonné au retour de son escapade pyrénéenne, toutes les choses qu'ils souhaitaient réaliser.

"J'avais écrit : créer une agence de voyages autour du sport, bouffe, région et terroir.

Je suis reparti dans la nature, c'est une grande source d'inspiration, puis je suis revenu avec mon projet, celui de Bouffe et d'Air Frais," révèle Florian.

Ses envies sont simples et nobles : faire découvrir les personnages passionnants faisant brillant le terroir occitan, tout en rythmant les séjours d'expériences dans la nature et quelque peu sportives

De plus, en tant qu'entreprise en économie sociale et solidaire, 13% des bénéfices de l'agence sont reversés à des acteurs engagés dans les territoires dans lesquels elle intervient, à savoir les 13 départements occitans.

Il monte son business plan, se lance tête baissée, avant de percuter le mur de l'interview de TourMaG.com et des obligations légales pour les agences de voyages en France.

"C'est un peu pompeux, mais je veux mettre en lumière les passionnés de notre territoire.

Je connais des personnes exceptionnelles qui malheureusement ne sont pas référencées auprès des offices de tourisme et autres institutionnels du secteur," poursuit le jeune homme à la voix chantante.

Si l'humain est primordial et la pierre angulaire des séjours confectionnés par l'agence, la micro-aventure n'est pas un accessoire, pour répondre au cahier des charges marketing du XXIe siècle.

Depuis, 20 ans le Toulousain arpente sa région de long en large, jusqu'à saouler ses amis à la sortie de l'adolescence et leur faire préférer une descente en kayak entre potes, plutôt qu'un week-end à la frontière espagnole.

Chaque montagne, rivière, petit village ou chemin de randonnée sont classés dans un coin de la tête de Florian Vigues.

Le programme se découpe entre la rencontre de producteurs, agriculteurs et artisans locaux et la pratique d'une activité sportive.

Afin de conserver la dimension authentique, le néo-agent de voyages a déniché une sélection de gites et des maisons de vigneron, des établissements à "taille humaine."

Pour les entreprises susceptibles d'être intéressées, l'agence propose des expériences sur-mesure. Récemment pour un groupe, il est allé taper aux portes de la prud'homie de pêche de Gruissan, pour rencontrer un pêcheur.

"Une personne du bureau m'a dit que cela n'allait pas intéresser les professionnels du secteur.

Je me suis pointé au bord de l'étang à 4h du matin, pour rencontrer les pêcheurs et trouver la perle rare. J'ai fait la connaissance de Denis et sa trogne burinée par le soleil," se souvient le créateur de l'agence.

Il embarque alors une journée, pour découvrir le métier, mais surtout le personnage.

Puis lors de l'évènement, Denis est venu cuisiner ses 40 dorades dans un domaine viticole, un moment unique et totalement en dehors du circuit. Si le Gruissanais n'a pas besoin du tourisme pour vivre, il a répondu présent, en raison de la nature du projet.

Découvrir un territoire est plus facile lorsque nous y rencontrons ses habitants, loin de la Disneylandisation de certains produits et destinations. Voici un exemple que Florian Vigues espère reproduire à l'infini dans les mois à venir.

Une force de persuasion et un amour de son territoire qui ont attiré l'attention de Lafuma.

L'équipementier outdoor a fourni des tenus pour les aventuriers de Bouffe et d'Air Frais. Un partenariat rétribué par la jeune entreprise grâce à une vidéo sur les réseaux sociaux.

C'est un des atouts pour la communication de l'entreprise. "J'embarque toujours un collègue qui fait des vidéos et des photos.

C'est comme cela que je veux développer la marque en associant notre image avec celle de la destination. Avec les micro-aventures nous sommes la plus belle vitrine des territoires," poursuit l'agent de voyages.

Ainsi, après chaque séjour, un clip est monté pour faire la promotion des attractions touristiques et atouts du secteur, le tout avec comme figurant les voyageurs.

D'ores et déjà des offices de tourisme et des agences de développement touristique se sont rapprochés de l'ambassadeur occitan. Une façon d'émerger dans l'industrie du voyage, mais aussi de constituer un solide réseau.

"C'est aujourd'hui le plus dur pour une entreprise partie de zéro, surtout qu'en face j'ai la concurrence de géant du secteur, comme Explora Project ou Chilowé," résume Florian Vigues.

Pour ce faire, l'entrepreneur se tourne vers le tissu économique local, les institutionnels et prend son bâton de pèlerin, en frappant aux portes. En attendant que l'activité s'emballe, la victoire pour le professionnel est ailleurs.

Maintenant ses filles peuvent répondre à l'école lorsque leur maitresse leur demande quel métier fait leur papa.