A. Verwilghen : "Avec les pandémies et des risques qui peuvent devenir plus importants, nous nous demandons pourquoi dans l'industrie du voyage, nous devrions être les seuls à tout couvrir. Il existe tout de même des injustices sectorielles" - DR : DepositPhotos, NiroDesign
TourMaG.com - Alain Verwilghen, vous faites partie, en tant que Secrétaire Général de l'EGFATT, d'un groupe d'experts constitué après la publication de la Directive Européenne 2015/2302 sur les voyages à forfait et les prestations de voyage liées, pour en assurer le suivi et constater son applicabilité. Cinq ans après sa mise en application, et alors que vous venez de participer à une visioconférence avec la Commission européenne à ce sujet, quels sont les principaux blocages ?
Alain Verwilghen : Plusieurs problèmes demeurent. En premier lieu, la nuance entre le forfait dynamique - surtout lorsqu'il est réalisé en click-through - et la prestation de voyage liée.
Par exemple, si une agence de voyages travaille en click-through avec un client numérique, pour lequel elle réserve un billet d'avion, puis une chambre d'hôtel, puis une location de voitures, et qu'elle n'émet qu'une seule facture, c'est un forfait. Par contre, si cette même agence réserve d'abord un billet d'avion, puis deux heures plus tard, une chambre d'hôtel, ce n'est plus un forfait parce qu'il y a deux factures séparées. Pour notre groupe d'experts, cela ressemble à du forfait déguisé.
Nous avons également évoqué la difficulté de faire comprendre le texte de cette Directive aux consommateurs.
Par ailleurs, une étude commandée par la Commission européenne devrait être rendue début décembre sur la transposition de la directive. Elle comportera une analyse de son respect, de sa conformité, etc.
Alain Verwilghen : Plusieurs problèmes demeurent. En premier lieu, la nuance entre le forfait dynamique - surtout lorsqu'il est réalisé en click-through - et la prestation de voyage liée.
Par exemple, si une agence de voyages travaille en click-through avec un client numérique, pour lequel elle réserve un billet d'avion, puis une chambre d'hôtel, puis une location de voitures, et qu'elle n'émet qu'une seule facture, c'est un forfait. Par contre, si cette même agence réserve d'abord un billet d'avion, puis deux heures plus tard, une chambre d'hôtel, ce n'est plus un forfait parce qu'il y a deux factures séparées. Pour notre groupe d'experts, cela ressemble à du forfait déguisé.
Nous avons également évoqué la difficulté de faire comprendre le texte de cette Directive aux consommateurs.
Par ailleurs, une étude commandée par la Commission européenne devrait être rendue début décembre sur la transposition de la directive. Elle comportera une analyse de son respect, de sa conformité, etc.
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TourMaG.com - La Directive pourrait-elle manquer d'harmonisation au niveau européen ?
Alain Verwilghen : Selon son article 4, la Directive est en principe d'harmonisation maximale, sauf pour deux aspects : la responsabilité de l'exécution du forfait et la protection contre l'insolvabilité.
Concernant la responsabilité de l'exécution du forfait, l'article 13 de la Directive précise que les détaillants peuvent aussi, dans certains pays, être considérés comme responsables de la bonne exécution d'un forfait.
Prenons l'exemple d'une agence de voyages française basée dans la région de Lille-Maubeuge et qui achète un forfait à un tour-opérateur (TO) belge durant la pandémie. En Belgique, seul l'organisateur est considéré comme responsable de la bonne exécution du forfait. En France, c'est aussi le détaillant.
Donc si le TO belge fait faillite, le fonds de garantie tourisme belge va rembourser dans tous les cas le consommateur, et donc l'agence de voyages française. Maintenant, si cette agence de voyages française achète le même forfait au même TO mais en France, et que ce TO fait faillite, l'agence n'obtient rien.
Par conséquent, le fait que la directive permette des différences de responsabilité peut créer des conditions difficiles.
TourMaG.com - Vous évoquiez également la protection contre l'insolvabilité. La Directive ne prend pas en compte le cas de pandémies ?
Alain Verwilghen : Pour nous, EGFATT, cette Directive, dans l'état actuel des choses, est pratiquement inapplicable car elle n'a pas été prévue dans le cadre d'une pandémie et qu'elle prévoit depuis 2015, la garantie de tous les fonds déposés.
Nous avons vu ce que cela a coûté dans le cas de la faillite de Thomas Cook par exemple, en Allemagne, où il n'y a pas de fonds de garantie, mais un assureur - Zurich Insurance - qui assurait selon la loi allemande jusqu'à seulement 110 millions d'euros, soit à peine 20% de la faillite du voyagiste. C'est l'Etat allemand qui s'est directement porté garant, en sauvant la compagnie aérienne Condor et en prenant le relais pour rembourser les consommateurs.
Aujourd'hui, on voit un peu partout en Europe, dans tous les pays, les fonds de garantie se mettre en contact avec leur gouvernement.
En Belgique, le directeur du fonds de garantie tourisme a indiqué être en négociations avec son gouvernement pour obtenir une garantie de couverture de toutes les faillites qui pourraient intervenir à cause du Covid. Ce qu'il redoute, c'est le risque de faillites qui pourrait intervenir à partir de l'automne 2021, quand il faudra rembourser tous les avoirs.
Pour l'instant, toutes les agences sont sous perfusion, il y aura peu de ventes au printemps et durant l'été 2021, mais à partir d'octobre, les consommateurs vont demander à leurs agences à être remboursés. Et s'il n'y a pas eu assez de ventes, comment ces agences vont-elles rembourser ?
En Belgique, les difficultés pourraient même apparaitre plus tôt, puisque l'ordonnance s'est arrêtée au 29 juin dernier, contre le 15 septembre pour la France.
Donc nous constatons que de plus en plus de garants financiers commencent à se dire que la garantie totale des fonds déposés devrait être remise en question.
Alain Verwilghen : Selon son article 4, la Directive est en principe d'harmonisation maximale, sauf pour deux aspects : la responsabilité de l'exécution du forfait et la protection contre l'insolvabilité.
Concernant la responsabilité de l'exécution du forfait, l'article 13 de la Directive précise que les détaillants peuvent aussi, dans certains pays, être considérés comme responsables de la bonne exécution d'un forfait.
Prenons l'exemple d'une agence de voyages française basée dans la région de Lille-Maubeuge et qui achète un forfait à un tour-opérateur (TO) belge durant la pandémie. En Belgique, seul l'organisateur est considéré comme responsable de la bonne exécution du forfait. En France, c'est aussi le détaillant.
Donc si le TO belge fait faillite, le fonds de garantie tourisme belge va rembourser dans tous les cas le consommateur, et donc l'agence de voyages française. Maintenant, si cette agence de voyages française achète le même forfait au même TO mais en France, et que ce TO fait faillite, l'agence n'obtient rien.
Par conséquent, le fait que la directive permette des différences de responsabilité peut créer des conditions difficiles.
TourMaG.com - Vous évoquiez également la protection contre l'insolvabilité. La Directive ne prend pas en compte le cas de pandémies ?
Alain Verwilghen : Pour nous, EGFATT, cette Directive, dans l'état actuel des choses, est pratiquement inapplicable car elle n'a pas été prévue dans le cadre d'une pandémie et qu'elle prévoit depuis 2015, la garantie de tous les fonds déposés.
Nous avons vu ce que cela a coûté dans le cas de la faillite de Thomas Cook par exemple, en Allemagne, où il n'y a pas de fonds de garantie, mais un assureur - Zurich Insurance - qui assurait selon la loi allemande jusqu'à seulement 110 millions d'euros, soit à peine 20% de la faillite du voyagiste. C'est l'Etat allemand qui s'est directement porté garant, en sauvant la compagnie aérienne Condor et en prenant le relais pour rembourser les consommateurs.
Aujourd'hui, on voit un peu partout en Europe, dans tous les pays, les fonds de garantie se mettre en contact avec leur gouvernement.
En Belgique, le directeur du fonds de garantie tourisme a indiqué être en négociations avec son gouvernement pour obtenir une garantie de couverture de toutes les faillites qui pourraient intervenir à cause du Covid. Ce qu'il redoute, c'est le risque de faillites qui pourrait intervenir à partir de l'automne 2021, quand il faudra rembourser tous les avoirs.
Pour l'instant, toutes les agences sont sous perfusion, il y aura peu de ventes au printemps et durant l'été 2021, mais à partir d'octobre, les consommateurs vont demander à leurs agences à être remboursés. Et s'il n'y a pas eu assez de ventes, comment ces agences vont-elles rembourser ?
En Belgique, les difficultés pourraient même apparaitre plus tôt, puisque l'ordonnance s'est arrêtée au 29 juin dernier, contre le 15 septembre pour la France.
Donc nous constatons que de plus en plus de garants financiers commencent à se dire que la garantie totale des fonds déposés devrait être remise en question.
TourMaG.com - Quelles solutions pourraient être apportées ?
Alain Verwilghen : Au niveau de la protection contre l'insolvabilité, certains se demandent si nous devons continuer avec un système de marché, c'est-à-dire un système libéral, tel qu'il existe pour le moment.
Je précise qu'il y a quelques exceptions, puisque le fonds de garantie danois a le monopole au Danemark. C'est la même chose en Norvège. Au Royaume-Uni, le seul garant est l'Air Travel Trust - qui appartient à l'aviation civile anglaise - pour ce qui concerne tous les voyages internationaux, les voyages domestiques étant assurés par l'APTA, qui est l'équivalent des Entreprises du Voyage (EDV) en France.
La question qui se pose donc est de savoir si cette protection contre l'insolvabilité doit rester dans le marché ou être structurée.
Plusieurs pistes ont ainsi été évoquées. L'une d'elles est que chaque Etat, avec l'aval de la Commission européenne, crée un fonds de garantie sectoriel. Les fonds de garantie déjà existants y sont assimilés ou associés et l'on sort du marché. L'Etat gère, et peut le faire en coopération avec le secteur du tourisme.
C'est ce qui se passe par exemple dans le secteur des assurances ou des banques. Sauf que dans le secteur bancaire, il y a une limitation à 100 000€. Dans aucun pays de l'Union européenne il n'existe une garantie de l'Etat au-dessus de cette limite.
Et bien, aujourd'hui nous invoquons la même chose officiellement !
Car, avec les pandémies et des risques qui peuvent devenir plus importants, nous nous demandons pourquoi dans l'industrie du voyage, nous devrions être les seuls à couvrir tout, alors que les transporteurs aériens, eux, n'ont toujours pas de fonds de garantie et qu'un consommateur, jusqu'à présent, s'il est victime de la faillite d'une compagnie aérienne, se retrouve sans aucune indemnisation.
Il existe tout de même des injustices sectorielles.
TourMaG.com - Quelle est l'autre scénario évoqué ?
Alain Verwilghen : L'autre possibilité consisterait à laisser la protection contre l'insolvabilité dans le domaine du privé, mais en "poussant" tous les fonds de garantie.
En effet, l'Union européenne s'est rendue compte que les fonds de garantie sont les seuls qui gèrent très bien les rapatriements, car dans leur personnel ils disposent à la fois de personnes qui viennent du monde des assurances, mais aussi du monde du tourisme.
On l'a vu dans le cas de la faillite de Thomas Cook, en Allemagne, où les rapatriements ont pris pas mal de temps, avec l'assureur Zurich, qui reconnaissait que ce n'est pas du tout dans son corps de métier et qu'il a dû faire appel à des sous-traitants pour organiser tout cela.
Cette seconde option suggère donc de laisser cela entre les mains du privé, mais avec un fonds de garantie pan-européen, initié par la Commission européenne, et qui agirait en seconde ligne.
C'est-à-dire que tout le monde devrait prendre une garantie auprès d'un fonds ou d'un assureur jusqu'à un certain montant, et pour ceux qui dépassent ce montant, adhérer à ce fonds de garantie pan-européen.
Alain Verwilghen : Au niveau de la protection contre l'insolvabilité, certains se demandent si nous devons continuer avec un système de marché, c'est-à-dire un système libéral, tel qu'il existe pour le moment.
Je précise qu'il y a quelques exceptions, puisque le fonds de garantie danois a le monopole au Danemark. C'est la même chose en Norvège. Au Royaume-Uni, le seul garant est l'Air Travel Trust - qui appartient à l'aviation civile anglaise - pour ce qui concerne tous les voyages internationaux, les voyages domestiques étant assurés par l'APTA, qui est l'équivalent des Entreprises du Voyage (EDV) en France.
La question qui se pose donc est de savoir si cette protection contre l'insolvabilité doit rester dans le marché ou être structurée.
Plusieurs pistes ont ainsi été évoquées. L'une d'elles est que chaque Etat, avec l'aval de la Commission européenne, crée un fonds de garantie sectoriel. Les fonds de garantie déjà existants y sont assimilés ou associés et l'on sort du marché. L'Etat gère, et peut le faire en coopération avec le secteur du tourisme.
C'est ce qui se passe par exemple dans le secteur des assurances ou des banques. Sauf que dans le secteur bancaire, il y a une limitation à 100 000€. Dans aucun pays de l'Union européenne il n'existe une garantie de l'Etat au-dessus de cette limite.
Et bien, aujourd'hui nous invoquons la même chose officiellement !
Car, avec les pandémies et des risques qui peuvent devenir plus importants, nous nous demandons pourquoi dans l'industrie du voyage, nous devrions être les seuls à couvrir tout, alors que les transporteurs aériens, eux, n'ont toujours pas de fonds de garantie et qu'un consommateur, jusqu'à présent, s'il est victime de la faillite d'une compagnie aérienne, se retrouve sans aucune indemnisation.
Il existe tout de même des injustices sectorielles.
TourMaG.com - Quelle est l'autre scénario évoqué ?
Alain Verwilghen : L'autre possibilité consisterait à laisser la protection contre l'insolvabilité dans le domaine du privé, mais en "poussant" tous les fonds de garantie.
En effet, l'Union européenne s'est rendue compte que les fonds de garantie sont les seuls qui gèrent très bien les rapatriements, car dans leur personnel ils disposent à la fois de personnes qui viennent du monde des assurances, mais aussi du monde du tourisme.
On l'a vu dans le cas de la faillite de Thomas Cook, en Allemagne, où les rapatriements ont pris pas mal de temps, avec l'assureur Zurich, qui reconnaissait que ce n'est pas du tout dans son corps de métier et qu'il a dû faire appel à des sous-traitants pour organiser tout cela.
Cette seconde option suggère donc de laisser cela entre les mains du privé, mais avec un fonds de garantie pan-européen, initié par la Commission européenne, et qui agirait en seconde ligne.
C'est-à-dire que tout le monde devrait prendre une garantie auprès d'un fonds ou d'un assureur jusqu'à un certain montant, et pour ceux qui dépassent ce montant, adhérer à ce fonds de garantie pan-européen.