Alors que le mouvement des "tradwives" prend de l'ampleur, comment en est-on arrivé là ? Dans un contexte rétrograde et réactionnaire, il convient de prendre en compte le peu de progrès réalisés dans le monde du travail... - DR : DepositPhotos.com, rogistok
Évoquons d’abord le contexte sociétal : pendant que la France fait un pas en avant majeur, n’oublions pas que notre pays est déchiré en même temps par des mises en accusation de plus en plus nombreuses de femmes victimes de harcèlement et de viol, et cela par des célébrités portées aux nues par les médias.
Les féminicides s’accumulent et les inégalités économiques subsistent.
Non, le mouvement MeToo n’a pas encore remporté complément la partie et devra sans doute mettre plus de temps que prévu pour afficher une victoire définitive sur le mal être féminin.
Car, les mentalités évoluent mais évoluent lentement. Sans compter le fait que parfois, elles stagnent et surtout reculent, emportées par un fort mouvement de balancier qui, quand il va trop loin dans le sens du progrès, accomplit tel un boomerang le chemin inverse.
En anglais, on appelle cela « le backlash ». En français, on peut parler de « retour de bâton ».
Un phénomène bien réel, observable dans tous les secteurs, à une échelle plus ou moins développée. D’une part, on a les avant-gardes progressistes. De l’autre, on a les conservateurs frileux, terrifiés par l’avenir, qui font marche arrière.
Et les femmes font souvent les frais de cette récession.
Les féminicides s’accumulent et les inégalités économiques subsistent.
Non, le mouvement MeToo n’a pas encore remporté complément la partie et devra sans doute mettre plus de temps que prévu pour afficher une victoire définitive sur le mal être féminin.
Car, les mentalités évoluent mais évoluent lentement. Sans compter le fait que parfois, elles stagnent et surtout reculent, emportées par un fort mouvement de balancier qui, quand il va trop loin dans le sens du progrès, accomplit tel un boomerang le chemin inverse.
En anglais, on appelle cela « le backlash ». En français, on peut parler de « retour de bâton ».
Un phénomène bien réel, observable dans tous les secteurs, à une échelle plus ou moins développée. D’une part, on a les avant-gardes progressistes. De l’autre, on a les conservateurs frileux, terrifiés par l’avenir, qui font marche arrière.
Et les femmes font souvent les frais de cette récession.
La « tradwife » : retour aux années d’avant-guerre
Pour preuve de l’incapacité de la société à progresser sans accrocs, notons d’ailleurs ce mouvement beaucoup moins folklorique qu’on le croit, et au contraire éloquent sur l’état de la pensée occidentale.
Ce mouvement consiste à remettre en selle un personnage omniprésent dès les années vingt, celui de la femme au foyer.
Incarnée merveilleusement dans un roman comme celui de Sinclair Lewis : « Babbitt » (qui date de 1922), cette femme parfaite est toujours soignée, pomponnée, élégante, entièrement dévouée à son mari et à ses enfants. Et surtout, elle ne travaille pas.
Petite fée du logis, elle ne revendique donc aucun autre droit que celui de se taire, de servir sa famille et bien entendu de prendre soin de son foyer ! Sans compter qu’elle n’a le droit ni à la fatigue, ni au stress.
Baptisée la « tradwife » à partir des termes de « tradition » et « épouse », cette femme modèle va dans le même sens que tous les phénomènes de régression actuellement observés aux Etats-Unis où le « wokisme » continue à faire rage et où la menace d’un retour au pouvoir de Donald Trump ne laisse pas présager des lendemains révolutionnaires, ou au moins novateurs, sur le plan des droits de la femme.
De quoi faire se retourner dans leurs tombes les féministes de la première heure comme Kate Millett et tant d’autres !
Ce mouvement consiste à remettre en selle un personnage omniprésent dès les années vingt, celui de la femme au foyer.
Incarnée merveilleusement dans un roman comme celui de Sinclair Lewis : « Babbitt » (qui date de 1922), cette femme parfaite est toujours soignée, pomponnée, élégante, entièrement dévouée à son mari et à ses enfants. Et surtout, elle ne travaille pas.
Petite fée du logis, elle ne revendique donc aucun autre droit que celui de se taire, de servir sa famille et bien entendu de prendre soin de son foyer ! Sans compter qu’elle n’a le droit ni à la fatigue, ni au stress.
Baptisée la « tradwife » à partir des termes de « tradition » et « épouse », cette femme modèle va dans le même sens que tous les phénomènes de régression actuellement observés aux Etats-Unis où le « wokisme » continue à faire rage et où la menace d’un retour au pouvoir de Donald Trump ne laisse pas présager des lendemains révolutionnaires, ou au moins novateurs, sur le plan des droits de la femme.
De quoi faire se retourner dans leurs tombes les féministes de la première heure comme Kate Millett et tant d’autres !
Salomé Saqué, auteure et journaliste, explique dans l’émission Zoom Zoom Zen (France Inter) que la « tradwife » a plusieurs nuances.
« Il y a une partie des « tradwives » en particulier qui sont très portées sur l'esthétique. Elles reprennent donc une esthétique à la Marilyn Monroe. Et de l'autre, on a une « tradwife » plus rurale, moins portée sur les questions esthétiques.
Les premières vont donc faire attention à leur condition physique. Elles s’évertuent à être minces, élégantes et bien coiffées. Il y en effet un grand retour du brushing », explique la journaliste.
A tel point que certaines se réveillent bien avant leur mari, pour avoir le temps de se maquiller et ne jamais être vues au naturel…
« Il y a une partie des « tradwives » en particulier qui sont très portées sur l'esthétique. Elles reprennent donc une esthétique à la Marilyn Monroe. Et de l'autre, on a une « tradwife » plus rurale, moins portée sur les questions esthétiques.
Les premières vont donc faire attention à leur condition physique. Elles s’évertuent à être minces, élégantes et bien coiffées. Il y en effet un grand retour du brushing », explique la journaliste.
A tel point que certaines se réveillent bien avant leur mari, pour avoir le temps de se maquiller et ne jamais être vues au naturel…
Et, si ce mouvement des tradwives prend une telle ampleur, c’est bien entendu grâce aux réseaux sociaux et notamment à TikTok.
Là, il y a celles qui tout simplement vont se filmer dans un quotidien un peu cocooning où elles sont en sécurité et qui cherchent à faire rêver les autres.
Mais, il y a aussi comme toujours, les influenceuses qui font du business avec des placements de produits, ont aussi des partenariats avec des marques de cosmétiques, coaches, salles de sports…
Un véritable paradoxe alors qu’elles prônent la non-participation à la vie active et publique !
Là, il y a celles qui tout simplement vont se filmer dans un quotidien un peu cocooning où elles sont en sécurité et qui cherchent à faire rêver les autres.
Mais, il y a aussi comme toujours, les influenceuses qui font du business avec des placements de produits, ont aussi des partenariats avec des marques de cosmétiques, coaches, salles de sports…
Un véritable paradoxe alors qu’elles prônent la non-participation à la vie active et publique !
La situation économique des femmes dans le monde reste en panne
Comment en est-on arrivé là ? Dans un contexte rétrograde et réactionnaire qu’il convient de surveiller de près, il convient également de prendre en compte le peu de progrès réalisés dans le monde du travail.
Selon les chiffres terrifiants de la Banque Mondiale, publiés dans son Rapport 2022 intitulé : Les Femmes, l'Entreprise et le Droit 2022 : « l'écart entre les revenus attendus des hommes et des femmes au cours de leur vie s'élève à 172 000 milliards de dollars. Soit près de deux fois le PIB annuel mondial ».
De plus, on considère que 2,4 milliards de femmes en âge de travailler ne bénéficient pas de l'égalité des chances économiques. Dans 86 pays, les femmes sont confrontées à une forme de restriction d’accès à l'emploi et dans 95 autres, on ne leur garantit pas un salaire égal pour un travail de valeur.
Et, le secteur touristique n’échappe pas à la règle. A tel point que l’OMT s’est saisie du sujet et a inscrit la situation des femmes dans son Agenda du développement durable. Tandis que toutes les ONG et autres associations comme l’ATES en France, estiment que tant qu’il n’y aura pas d’égalité hommes/femmes, il n’y aura pas de tourisme durable.
Selon les statistiques de l’OMT, notons qu’à l'échelle mondiale, 54% des emplois dans le tourisme sont occupés par des femmes contre 39% dans l'économie générale.
Autre indication : l’emploi des femmes dans l’industrie hôtelière : elles y occupent 54% des postes mais moins de 40% des postes managériales et 8% des postes de direction. Alors que, dans des pays comme ceux du Moyen-Orient, un emploi touristique sur dix seulement revient aux femmes.
Certes les femmes y sont nombreuses et certaines occupent des postes de direction. Mais, réduites le plus souvent à des métiers de service (hôtesses, serveuses, femmes de chambres), beaucoup continuent de souffrir d’un manque de reconnaissance doublé d’une véritable frustration.
Selon les chiffres terrifiants de la Banque Mondiale, publiés dans son Rapport 2022 intitulé : Les Femmes, l'Entreprise et le Droit 2022 : « l'écart entre les revenus attendus des hommes et des femmes au cours de leur vie s'élève à 172 000 milliards de dollars. Soit près de deux fois le PIB annuel mondial ».
De plus, on considère que 2,4 milliards de femmes en âge de travailler ne bénéficient pas de l'égalité des chances économiques. Dans 86 pays, les femmes sont confrontées à une forme de restriction d’accès à l'emploi et dans 95 autres, on ne leur garantit pas un salaire égal pour un travail de valeur.
Et, le secteur touristique n’échappe pas à la règle. A tel point que l’OMT s’est saisie du sujet et a inscrit la situation des femmes dans son Agenda du développement durable. Tandis que toutes les ONG et autres associations comme l’ATES en France, estiment que tant qu’il n’y aura pas d’égalité hommes/femmes, il n’y aura pas de tourisme durable.
Selon les statistiques de l’OMT, notons qu’à l'échelle mondiale, 54% des emplois dans le tourisme sont occupés par des femmes contre 39% dans l'économie générale.
Autre indication : l’emploi des femmes dans l’industrie hôtelière : elles y occupent 54% des postes mais moins de 40% des postes managériales et 8% des postes de direction. Alors que, dans des pays comme ceux du Moyen-Orient, un emploi touristique sur dix seulement revient aux femmes.
Certes les femmes y sont nombreuses et certaines occupent des postes de direction. Mais, réduites le plus souvent à des métiers de service (hôtesses, serveuses, femmes de chambres), beaucoup continuent de souffrir d’un manque de reconnaissance doublé d’une véritable frustration.
Les représentations ont la peau dure
Par ailleurs, les activités de ces femmes les obligent à véhiculer des stéréotypes d’infériorité intellectuelle alors qu’on le sait, les femmes dans les pays occidentaux sont de plus en plus diplômées.
Autre stéréotype associé aux femmes exerçant dans le secteur touristique : celui de la « petite marchande » ou artisane qui tente tant bien que mal de vendre des broderies, des poteries et autres bijoux de pacotille, histoire de gagner un petit pécule.
Et puis, il y a les cuisinières qui, dans nombre de pays, cuisinent d’excellents plats sur des marchés de rue alors que dans les pays évolués, on peut remarquer que beaucoup de femmes jeunes sont aussi cantonnées à des emplois de serveuses de fast-food.
N'oublions pas non plus un phénomène, certes en récession mais toujours bien vivant, celui de la femme objet dont le corps et la séduction sont utilisés par la promotion touristique du siècle passé mais encore d’aujourd’hui. Jeune, mince, séduisante… elle est celle que l’on voudrait être (pour les femmes) et celles qui suscitent le désir féminin (pour les hommes).
Quant aux stéréotypes colonialistes utilisés dans la communication des croisières et des séjours sur des destinations exotiques, ils ont beau avoir disparu de l’iconographie officielle, ils sont toujours prêts à resurgir au détour d’un document promotionnel.
Dernier point, pour habiller la femme d’une parure honorable, montrable et avenante, c’est l’image de la maman qui vient à son secours et qui, de manière subliminale rappelle que, dans la famille, c’est surtout maman qui s’occupe des enfants !
Ces représentations pourraient rappeler aussi que 80% du travail domestique reste du domaine des mères, malgré une légère évolution !
Autre stéréotype associé aux femmes exerçant dans le secteur touristique : celui de la « petite marchande » ou artisane qui tente tant bien que mal de vendre des broderies, des poteries et autres bijoux de pacotille, histoire de gagner un petit pécule.
Et puis, il y a les cuisinières qui, dans nombre de pays, cuisinent d’excellents plats sur des marchés de rue alors que dans les pays évolués, on peut remarquer que beaucoup de femmes jeunes sont aussi cantonnées à des emplois de serveuses de fast-food.
N'oublions pas non plus un phénomène, certes en récession mais toujours bien vivant, celui de la femme objet dont le corps et la séduction sont utilisés par la promotion touristique du siècle passé mais encore d’aujourd’hui. Jeune, mince, séduisante… elle est celle que l’on voudrait être (pour les femmes) et celles qui suscitent le désir féminin (pour les hommes).
Quant aux stéréotypes colonialistes utilisés dans la communication des croisières et des séjours sur des destinations exotiques, ils ont beau avoir disparu de l’iconographie officielle, ils sont toujours prêts à resurgir au détour d’un document promotionnel.
Dernier point, pour habiller la femme d’une parure honorable, montrable et avenante, c’est l’image de la maman qui vient à son secours et qui, de manière subliminale rappelle que, dans la famille, c’est surtout maman qui s’occupe des enfants !
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Les voyageuses ne sont toujours pas à l’abri
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On ne pourrait clore cette remise en cause des victoires du féminisme sans rappeler encore que les voyageuses ne se sentent pas toujours très en sûreté.
Obligées d’être sur leurs gardes, elles sont nettement plus vulnérables que les globe-trotters masculins. Une évidence dans certains pays où de toutes façons, il est impensable qu’elles puissent voyager seules !
On le voit donc, la route qui mènera à un tourisme au féminin maîtrisé, tant sur le plan des emplois que sur celui des actrices de ce tourisme, est encore longue. Mieux vaut donc être vigilant et persévérer.
Lire aussi : Futuroscopie : Les femmes, un marché en évolution, pluriel et singulier à la fois 🔑
Obligées d’être sur leurs gardes, elles sont nettement plus vulnérables que les globe-trotters masculins. Une évidence dans certains pays où de toutes façons, il est impensable qu’elles puissent voyager seules !
On le voit donc, la route qui mènera à un tourisme au féminin maîtrisé, tant sur le plan des emplois que sur celui des actrices de ce tourisme, est encore longue. Mieux vaut donc être vigilant et persévérer.
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Journaliste, consultante, conférencière, Josette Sicsic observe depuis plus de 25 ans, les mutations du monde afin d’en analyser les conséquences sur le secteur du tourisme.
Après avoir développé pendant plus de 20 ans le journal Touriscopie, elle est toujours sur le pont de l’actualité où elle décode le présent pour prévoir le futur. Sur le site www.tourmag.com, rubrique Futuroscopie, elle publie plusieurs fois par semaine les articles prospectifs et analytiques.
Contact : 06 14 47 99 04
Mail : touriscopie@gmail.com
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