TourMaG.com - Malgré la levée du préavis des syndicats de pilotes, que pensez-vous de cette menace de grève d’un mois, déclenchée contre les Pouvoirs publics, alors quelle aurait pénalisé Air France et ses passagers ?
"Un délai de 48 heures est insuffisant pour connaître le nombre de pilotes susceptibles de recevoir une équivalence, pour accomplir les formalités de la délivrance de ladite équivalence et également et surtout pour négocier les conditions de leur intervention..." /photo AF
Jean Belotti : "Ne connaissant ni les détails des arguments développé et des “non dit”, ni comment se sont déroulées les négociations entre les syndicats et la Direction générale, ni le contenu de l’accord final ayant conduit au retrait du préavis de grève, il est impossible de ressentir une empathie pour l’une ou l’autre des parties en présence.
Comme vous le savez, j’ai longuement écrit sur ce sujet en concluant que les grèves des pilotes n’étaient justifiées que lorsqu’il s’agissait d’atteintes portées aux conditions de travail et à la sécurité des vols.
Pour ce qui concerne les autres motifs, il existe d’autres moyens de réaction des syndicats qui permettent d’éviter de pénaliser les passagers."
Comme vous le savez, j’ai longuement écrit sur ce sujet en concluant que les grèves des pilotes n’étaient justifiées que lorsqu’il s’agissait d’atteintes portées aux conditions de travail et à la sécurité des vols.
Pour ce qui concerne les autres motifs, il existe d’autres moyens de réaction des syndicats qui permettent d’éviter de pénaliser les passagers."
TourMaG.com - Il reste que des dizaines de milliers de passagers auraient été pris en otage !
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J.B. : "Puisque la grève prévue était “perlée”, il en aurait résulté effectivement que des dizaines de milliers de passagers auraient subi les désagréables perturbations liées aux retards.
Il n’y a pas à s’en étonner, car dès lors qu’il s’agit d’un mode de transport - quel qu’il soit - toute grève pénalise les passagers, ce qui explique le qualificatif de “prise d’otages”.
Souvenez-vous, tout récemment, la compagnie allemande Lufthansa avait dû annuler plus de 600 vols en raison d'une grève des salariés de plusieurs aéroports allemands, puis, suite à une grève de ses pilotes, elle a également été contrainte d’annuler près de 3.800 vols, en trois jours.
Au total, plus de 400.000 passagers ont été concernés par ces annulations et l'impact financier a été estimé à plusieurs dizaines de millions d'euros.
En plus des désagréments subis par les passagers, il convient de signaler que l’impact financier sur la rentabilité d’Air France aurait été catastrophique, alors que depuis plusieurs mois, une profonde restructuration, impliquant tous les personnels, a été mise en place afin de faire sortir la compagnie du rouge et de s’organiser afin de résister à la concurrence d’autres compagnies."
Il n’y a pas à s’en étonner, car dès lors qu’il s’agit d’un mode de transport - quel qu’il soit - toute grève pénalise les passagers, ce qui explique le qualificatif de “prise d’otages”.
Souvenez-vous, tout récemment, la compagnie allemande Lufthansa avait dû annuler plus de 600 vols en raison d'une grève des salariés de plusieurs aéroports allemands, puis, suite à une grève de ses pilotes, elle a également été contrainte d’annuler près de 3.800 vols, en trois jours.
Au total, plus de 400.000 passagers ont été concernés par ces annulations et l'impact financier a été estimé à plusieurs dizaines de millions d'euros.
En plus des désagréments subis par les passagers, il convient de signaler que l’impact financier sur la rentabilité d’Air France aurait été catastrophique, alors que depuis plusieurs mois, une profonde restructuration, impliquant tous les personnels, a été mise en place afin de faire sortir la compagnie du rouge et de s’organiser afin de résister à la concurrence d’autres compagnies."
TourMaG.com - On a compris que le motif principal de la grève n’était que l'abrogation de la loi Diard, qui impose aux grévistes de se déclarer individuellement comme tels, 48 heures avant le début d'un conflit.
J.B. : "Mise en place en 2012, cette loi visait à permettre aux compagnies aériennes d'améliorer l'information des passagers, ce qui, sur le fond, est bien compréhensible. Or, étant donné que dans le préavis de grève, il y avait trois autres motifs
1- une demande d'une convention collective présentée depuis plusieurs mois : préoccupation d’organisation statutaire des personnels ;
2- la nécessité de baisser les taxes qui pèsent sur l'aérien : préoccupation économique ;
3 - le franchissement des points de contrôle pour les personnels navigants, comme cela se fait déjà aux États-Unis : préoccupation de conditions de travail
Cela me conduit à rappeler que dans un préavis de grève, il est préférable d’éviter de présenter plusieurs revendications portant sur des domaines différents et, de surcroît, d’importance différente".
1- une demande d'une convention collective présentée depuis plusieurs mois : préoccupation d’organisation statutaire des personnels ;
2- la nécessité de baisser les taxes qui pèsent sur l'aérien : préoccupation économique ;
3 - le franchissement des points de contrôle pour les personnels navigants, comme cela se fait déjà aux États-Unis : préoccupation de conditions de travail
Cela me conduit à rappeler que dans un préavis de grève, il est préférable d’éviter de présenter plusieurs revendications portant sur des domaines différents et, de surcroît, d’importance différente".
TourMaG.com - Il a été dit que la Loi Diard autoriserait le remplacement des grévistes par des pilotes venus d'autres pays d'Europe ?
J.B. : "En fait, la question à poser est de savoir dans quelle mesure ces remplacements pourraient être effectifs ?"
TourMaG.com - quels arguments peut-on avancer alors ?
J.B. : "Tout d’abord, il convient de dire que le délai de 48 heures est bien court pour mettre la main sur un nombre de pilotes suffisant pour remplacer ceux en grève.
Même si le mouvement n’était pas suivi par la grande majorité des adhérents, l’histoire nous enseigne que, dans tous les cas, ils se compteraient par dizaines.
Ensuite, les faits montrent que les compagnies aériennes européennes, pour desservir les escales prévues dans leur programme d’exploitation, utilisent tous leurs pilotes.
Il faudrait imaginer que les quelques pilotes en surnombre seraient provisoirement détachés à Air France, ce qui est impensable. En effet, pourquoi une compagnie disposant de quelques pilotes en surnombre les prêteraient-elle à une compagnie concurrente ?
Il reste certes de nombreux pilotes, communément appelés “frozen ATPL”, correspondant à un pilote ayant passé avec succès toutes les qualifications requises, mais ne disposant pas encore du nombre d’heures de vol requis, ni de l’épreuve pratique, appelée familièrement “checkride”.
Ceci, soit parce qu’ils n’ont pas eu les moyens financiers suffisants pour leur permettre d’obtenir une qualification pratique sur une type d’avion ; soit n’ayant reçu aucune réponse à leur demande d’emploi, ont hésité à s’endetter pour passer une qualification de type sur un avion qui ne sera pas dans la liste de flotte de la compagnie qui retiendra, un jour, leur candidature !
Ils représentent certes une source potentielle, mais ils sont inexploitables, à court terme.
De toute évidence, ces conditions sont connues de l’Administration de tutelle ce qui écarte de facto - même si elle en avait eu l’intention - sa décision de remplacer les pilotes grévistes par d’autres."
Même si le mouvement n’était pas suivi par la grande majorité des adhérents, l’histoire nous enseigne que, dans tous les cas, ils se compteraient par dizaines.
Ensuite, les faits montrent que les compagnies aériennes européennes, pour desservir les escales prévues dans leur programme d’exploitation, utilisent tous leurs pilotes.
Il faudrait imaginer que les quelques pilotes en surnombre seraient provisoirement détachés à Air France, ce qui est impensable. En effet, pourquoi une compagnie disposant de quelques pilotes en surnombre les prêteraient-elle à une compagnie concurrente ?
Il reste certes de nombreux pilotes, communément appelés “frozen ATPL”, correspondant à un pilote ayant passé avec succès toutes les qualifications requises, mais ne disposant pas encore du nombre d’heures de vol requis, ni de l’épreuve pratique, appelée familièrement “checkride”.
Ceci, soit parce qu’ils n’ont pas eu les moyens financiers suffisants pour leur permettre d’obtenir une qualification pratique sur une type d’avion ; soit n’ayant reçu aucune réponse à leur demande d’emploi, ont hésité à s’endetter pour passer une qualification de type sur un avion qui ne sera pas dans la liste de flotte de la compagnie qui retiendra, un jour, leur candidature !
Ils représentent certes une source potentielle, mais ils sont inexploitables, à court terme.
De toute évidence, ces conditions sont connues de l’Administration de tutelle ce qui écarte de facto - même si elle en avait eu l’intention - sa décision de remplacer les pilotes grévistes par d’autres."
TourMaG.com - Mais la DGAC peut, soit accorder des dérogations, soit faire appel à des pilotes étrangers hors Europe ?
J.B. : "Un délai de 48 heures est b [insuffisant pour connaître le nombre de pilotes ]b susceptibles de recevoir une équivalence, pour accomplir les formalités de la délivrance de ladite équivalence et également et surtout pour négocier les conditions de leur intervention.
Quant aux autres pilotes disponibles - européens et non européens - il faudrait en connaître la liste de laquelle seraient extraits ceux qui ont la qualification de type des avions exploités par Air France.
Étant disponibles, donc n’ayant pas volé depuis un certain temps, la précaution élémentaire serait de savoir depuis quand, voire faire valider leur qualification par l’organisme de “contrôle en vol” de la DGAC.
Ici, également hypothèse à écarter..."
Quant aux autres pilotes disponibles - européens et non européens - il faudrait en connaître la liste de laquelle seraient extraits ceux qui ont la qualification de type des avions exploités par Air France.
Étant disponibles, donc n’ayant pas volé depuis un certain temps, la précaution élémentaire serait de savoir depuis quand, voire faire valider leur qualification par l’organisme de “contrôle en vol” de la DGAC.
Ici, également hypothèse à écarter..."
TourMaG.com - En conclusion, il n’y a donc aucun risque de voir des pilotes d’Air France remplacés par des pilotes étrangers ?
J.B. : "Le risque est quasiment nul. J’ajouterais même le qualificatif de “heureusement”, car les conséquences sur la sécurité des vols en seraient extrêmement graves.
Expert judiciaire depuis plus de 20 ans dans les plus graves accidents aériens qui ont endeuillé le monde de l’aviation et ayant consulté de très nombreux rapports d’enquêtes, j’ai pu montrer, dans plusieurs de mes écrits, les cas de constitution d’équipages avec des pilotes de formation différente ; de nationalité différente donc ne parlant pas la même langue ; voire de religion différente, ayant conduit à des catastrophes."
Expert judiciaire depuis plus de 20 ans dans les plus graves accidents aériens qui ont endeuillé le monde de l’aviation et ayant consulté de très nombreux rapports d’enquêtes, j’ai pu montrer, dans plusieurs de mes écrits, les cas de constitution d’équipages avec des pilotes de formation différente ; de nationalité différente donc ne parlant pas la même langue ; voire de religion différente, ayant conduit à des catastrophes."