Jeux olympiques : le secteur du tourisme a-t-il été à la hauteur ? 🔑

La France peut être fière de la réussite des jeux olympiques de Paris 2024. Une cérémonie d'ouverture grandiose avec la Seine et le Paris historique comme écrin et une créativité et une innovation sans précédent mêlant des sites emblématiques de la culture française à des performances artistiques contemporaines.

Au-delà des polémiques souvent vaines sur le parti pris créatif, cette inauguration a marqué les esprits par son originalité, son message universel. C’est la France des lumières symbole de liberté, de disruption et d'inclusion qui a été mise à l’honneur en s’appuyant sur notre histoire et en revisitant les codes qui a rayonné et époustouflé le monde.

Mais au-delà de cette capacité de création pour laquelle la France est attendue c'est dans le domaine de l'organisation, de la logistique, de la sécurité, de la prise en compte du parcours client, de l'information pragmatique permettant de guider et d'informer le visiteur que notre pays a démontré son savoir-faire en matière d'événements de portée universelle.

Malgré les réticences des Français souvent critiques à l'égard des jeux olympiques (que n'a-t-on pas entendu sur la gabegie financière supposée, la catastrophe pour l'environnement, l'exclusion de telle ou telle population…) l’évènement a porté notre pays et réconcilié les Français avec eux-mêmes.

Nos concitoyens se sont rapidement mobilisés avec un engouement palpable dans tout le pays au gré des bons résultats de nos athlètes. Quel sursaut malheureusement éphémère d’une France retrouvée, sortie temporairement de sa déprime certes liée à notre pathologie nationale mais bien accentuée par un contexte politique délétère, un pouvoir d'achat rongé par l'inflation, une météorologie exécrable au premier semestre !

La France a retrouvé sa fierté, et les Français se sont réconciliés provisoirement avec eux-mêmes, ce qui n'est pas la moindre des vertus de ces jeux olympiques.

Cette dynamique a eu un impact positif sur l’économie, stimulant progressivement la consommation. Au fil des épreuves, les ménages ont accru leurs dépenses, profitant aux destinations touristiques, hébergements, cafés et restaurants. En août, le moral retrouvé des Français a encouragé les dépenses de loisirs, offrant un soulagement bienvenu aux prestataires d’activités qui avaient subi une baisse de chiffre d'affaires depuis le printemps.

Le moral et la confiance regagnés se sont immédiatement traduits par une augmentation considérable du chiffre d'affaires au cours du mois d'août versus les 3 premières semaines de juillet et par une croissance de 0,3% du PIB.

Si l'ensemble des organisateurs de ces JO a fait preuve d’un remarquable professionnalisme, peut-on en dire autant des institutionnels du tourisme ?

La communication catastrophique en amont des jeux olympiques tantôt démesurément optimiste sur les retombées en termes de nombre de touristes et de nuitées, tantôt catastrophiste sur l'impréparation supposée de notre pays pour accueillir cet événement planétaire nous a coûté a minima 1 milliard d’€ de pertes de recettes pour notre secteur rien qu’en Ile de France, 200 millions d’€ pour la seule compagnie Air France.

La communication mal maitrisée, au mieux tronquée, au pire mensongère en amont de l’évènement s’est révélée contre-productive et a eu pour conséquence de dissuader bon nombre de touristes de venir dans notre pays et plus particulièrement à Paris.

Au cours de l'année 2023, nous avons assisté à une surenchère sur la soi-disant fréquentation record de la France du fait des JO avec pour conséquence de pousser les acteurs touristiques et plus particulièrement les hébergeurs à augmenter de façon disproportionnée les tarifs des hébergements. Une multitude de franciliens pensant la manne facile ont mis en marché leur logement, des hôteliers n'ont pas été en reste, certains multipliant par 3, par 6 leurs tarifs avant de devoir trop tardivement les baisser faute de demande.

Qui est fautif ? Déjà le plus haut niveau de l'état, je cite la ministre en octobre 2023 : « on a une une augmentation de 40% sur les réservations d'hôtels pour les jeux olympiques et paralympiques » ; « dans la capitale la fréquentation des musées et des restaurants aurait augmenté de 25% », déclaration du 11 août 2024 ; « le nombre de touristes en juillet a augmenté de 20% par rapport au mois de juillet 2023 selon Choose Paris communiqué du 2 août 2024 ».

Au moment de l'annonce de ces chiffres tronqués l'objectif était non pas d'éclairer le citoyen mais de s'offrir une communication à bon compte très éloignée de la vérité ou étant tout simplement une contre-vérité.

Les institutionnels savaient pertinemment que la réalité était tout autre et ce depuis des années puisque comme ça avait été le cas à Londres ou à Rio le phénomène d'éviction et de remplacement de la clientèle traditionnelle par la clientèle venant spécifiquement pour les JO était à somme nulle.

Il fallait au contraire anticiper cette baisse et motiver les acteurs de l’hébergement à être raisonnable sur les prix tout en profitant de l’effet JO pour valoriser notre capitale et nos territoires.

Au final comme l'a révélé l'Insee la baisse des nuitées au cours de la période de l'été a été de 2,5% et la baisse de fréquentation des sites de visite a dépassé en moyenne les 25% en Ile-de-France.

Comment ne pas citer la fumisterie des soi-disant 15 millions de touristes censés venir pour l’évènement alors que ces touristes spécifiques n’ont au mieux qu’un peu dépassé les 3 millions en comptant les clientèles françaises et étrangères en Ile de France soit excusez du peu 5 fois moins qu’annoncé ?

Si les Jeux olympiques ont renforcé l'attractivité de la France, les retombées économiques pour le secteur du tourisme à savoir l'hôtellerie, la restauration, les sites de visite, les taxis et le transport aérien, ont été plus que mitigées.

Le secteur du tourisme au lieu de s’approprier et de surfer sur l’évènement a été d’une passivité coupable, comme un rentier qui attend ses bénéfices, hypnotisé par le caractère bonimenteur des discours officiels.

Bravo et merci aux organisateurs, aux bénévoles, aux pouvoirs publics et faisons en sorte que notre secteur fasse preuve de plus de clairvoyance pour relever les défis qui nous attendent.

Pour pouvoir progresser, encore faut-il être éclairé et le chantier de l’observation, de la mesure des impacts économiques et sociaux devra faire l’objet d’un plus grand professionnalisme.

Didier ARINO dirige le réseau Protourisme ( Protourisme – MLV – FTC Consulting) Après avoir dirigé des établissements et un groupe d’hôtellerie et de restauration, il crée une agence de conseil en communication et en évènementiel dans le secteur du tourisme et des loisirs avant de rejoindre le réseau Protourisme où il suit plus directement le pôle Stratégie, Marques et Territoires.

Protourisme a été le premier cabinet conseil à créer un observatoire indépendant du tourisme français à mettre en œuvre un écosystème d’aide à la décision basé sur l’observation et sur les études d’impact économique, social et de gestion des flux.