Jordanie et Egypte : le tourisme redoute la réponse d'Israël... 🔑

Les tragiques attentats du Hamas, le 7 octobre 2023, n'ont pas seulement marqué l'histoire d'Israël.

Ils ont entrainé aussi une réponse ferme et massive de l'Etat hébreu. Tous les observateurs et spécialistes craignaient alors une régionalisation du conflit.

Samedi soir, des centaines de missiles et drones iraniens visaient le territoire israélien, en réponse aux frappes aériennes ayant "pulvérisé le consulat iranien à Damas," selon nos confrères du Monde.

Les engins militaires n'ont pas fait de réels dégâts matériels, mais dans les têtes, ce n'est pas la même chose, même en France.

"Pour l'instant les conséquences sur la Jordanie sont limitées, celui qui a été le plus occupé ce week-end c'était moi, car j'ai suivi l'évolution des choses toute la nuit.

Les gens commencent à se poser des questions.

La haute saison débute à l'automne, et les clients sont pour le moment rassurés, mais je ne peux pas affirmer qu'ils n'ont pas appelé leurs agences lundi, ce serait vous mentir," souffle fataliste Helmut Stückelschweiger, le président de Top of Travel.

Et le dirigeant autrichien n'est pas le seul à craindre les répliques...

La Jordanie jouit depuis les attentats d'octobre d'une mauvaise image auprès des voyageurs, Français et Occidentaux.

La proximité géographique n'explique pas tout. Le pays a connu des manifestations appelant le gouvernement à soutenir la Palestine, alors même que 60 à 75% de sa population est d'origine... palestinienne.

Puis dans la nuit de samedi, des missiles et drones ont traversé son espace aérien. Il suffit de prendre une carte pour comprendre la trajectoire empruntée.

"Cet évènement a entrainé la fermeture de l'espace aérien, pendant 4h. Toutes les compagnies ont repris leurs opérations le lendemain avec quelques retards.

Pour être honnête, en dehors de l'aérien, il n'y a pas de conséquences pour les voyageurs présents sur place.

Nous n'avons pas d'annulation, mais nous sentons de l'inquiétude aussi bien des partenaires que des voyageurs, c'est clair. Les clients posent des questions, nous y répondons," résume Walid Ben Zaied, le responsable des ventes du réceptif GTS Jordan.

En nous rendant sur Google, nous avons observé deux pics exceptionnels de requêtes voyages sur le pays, lors des 5 dernières années : le premier a eu lieu le 8 octobre et le dernier le 14 avril.

Autant d'incidents qui ont considérablement plombé les récents efforts de la destination.

Après la tenue du Congrès Selectour 2023 sur ses terres, avoir été la destination à l'honneur de l'IFTM Top Resa, l'année passée, la Jordanie a mis le paquet auprès des agences de voyages.

Le pays avait le vent en poupe jusqu'aux attentats du 7 octobre. "Nous aurions pu faire une année fracassante," déplore Murielle Nouchy en charge de la représentation de l'office de tourisme en France.

"Nous aimerions avoir plus de flux, c'est un fait. A destination, tout va bien. Nous maintenons nos actions marketing et notre travail," appuie avec conviction la responsable de mN’Organisation.

Pourtant d'après les chiffres du baromètre du Seto qui seront dévoilés dans les prochains jours, la Jordanie accuse un recul des ventes sur l'hiver 2023/2024 de l'ordre de 40%

Un ordre de grandeur qui se maintient toujours pour les vacances d'été, sa basse saison touristique. Pour Orchestra la chute serait bien plus conséquente et les évènements du week-end dernier n'auraient pas de prise sur les niveaux de réservation, tant les volumes seraient faibles.

Une explication qui ne réside pas dans les incidents diplomatiques à destination.

"Depuis janvier, nous avions ressenti une reprise des réservations, puis en mars, nous pouvions même anticiper un retour à la normale, tant les ventes étaient soutenues.

Nous sommes passés d'un retrait de -60 à -5%, puis le 26 mars le Quai d'Orsay nous a asséné un coup de massue bien plus violent que les attaques de samedi," analyse Walid Ben Zaied.

Le ministère des Affaires étrangères a publié à cette date une mise à jour de France Diplomatie dans le cadre de l'élévation du plan Plan Vigipirate au niveau urgence attentat.

Ainsi, il est possible de lire que le gouvernement demande une vigilance renforcée à ses ressortissants résidant ou de passage dans les pays du Moyen-Orient, en Afrique du Nord et en Afrique de l’Est.

"Malheureusement, nous sommes davantage touchés par ce message que d'autres destinations, pour lesquelles les Français ne se rendent pas sur France Diplomatie.

Nous avons regardé avec des confrères et des partenaires, mais depuis cette publication, le Moyen-Orient souffre.

Rajoutez à cela, les attaques de l'Iran, nous ne sommes pas en bonne position pour attirer les clients, même si rien ne se passe à destination. Les voyageurs sont encore plus heureux, car il y a moins de monde dans les lieux touristiques," poursuit le responsable des ventes de GTS Jordan.

La seule bonne nouvelle étant que le Seto n'émettra pas de position sur la destination, puisque l'économie touristique fonctionne sans aucune difficulté.

De l'autre côté du Golfe d'Aqaba, la situation est un peu plus sereine, même si les courbes des ventes font le yoyo, depuis l'automne dernier.

L'Egypte affiche, selon le baromètre du syndicat des tour-opérateurs, une progression de 15% pour l'hiver 2023/2024, mais un repli de -1% sur l'été.

"En prises de commande, la destination aurait dû être la n°1 de l'hiver, les attentats ont mis un coup de frein aux prises de commandes," nous explique-t-on en plein préparatif du prochain forum qui se tiendra à Rabat.

Un ralentissement que tous les spécialistes ont ressenti.

Depuis, les voyageurs français seraient passés à autre chose et remis l'Egypte dans leurs aspirations d'évasion.

L'escalade guerrière entre les deux superpuissances militaires régionales aura-t-elle eu la peau de cette reprise ? Pour Orchestra, les volumes sont tellement en retrait, que les effets ne sont pas du tout perceptibles.

"Nous n'avons pas constaté d'annulation, depuis octobre dernier, mais plutôt des non-réservations. Sur l'Egypte, il ne se passe rien, tous les programmes se déroulent bien.

J'invite tout le monde à prendre une carte, pour se rendre compte des distances entre ne serait ce que la frontière des deux pays et les zones touristiques.

Pour tout vous dire, une grande plateforme vient de nous demander de prolonger une offre spéciale de quelques jours, tant il y a eu de ventes ce week-end," se montre confiant Bruno Abenin, le directeur commercial de Travel Evasion.

Pas de quoi remettre en question les affrètements du TO, même en région.

Malgré tout, les internautes cherchent principalement à connaitre la position du pays par rapport à l'Iran et Israël. Sur les 7 derniers jours, la 4e recherche associée à l'Egypte dans le secteur du voyage est "vol egypte annulé" en hausse de 600%.

"Sur place tout se déroule normalement, les professionnels étaient plus inquiets de la situation de FTI qu'autre chose," résume en souriant le responsable d'un TO, ayant préféré conserver l'anonymat.

La confiance affichée par les spécialiste de la destination se retrouve aussi au Caire, où vit Cherif El Mohdar, le patron de Cheops Travel.

"Tout ce qui se passe ne nous concerne pas et tout va très bien à destination.

Le 26 mars dernier, nous avons célébré les 45 ans des accords de Paix avec Israël. Nous sommes plutôt des médiateurs entre les deux parties dans le conflit.

Depuis 2011, nous n'avons jamais eu une année complète sans problème, cela fait partie de notre quotidien et ne nous a pas empêchés d'enregistrer sans doute près de 100 millions de voyageurs étrangers en 13 ans," préfère minimiser le PDG du réceptif égyptien.

Le printemps arabe est venu ébranler les pouvoirs en place, puis l'instabilité politique a freiné le tourisme et le covid a fermé les frontières.

Pour l'heure, rien ne dit que la saison sera totalement mauvaise, notamment pour la Jordanie, puisque le cœur de l'activité se déroule entre septembre et avril.

Il est encore temps de sauver l'année en cours, mais tout dépendra de la réponse israélienne. Malheureusement, la désescalade n'est pas encore pour maintenant.

Alors que le porte-parole de Tsahal promet que "l’Iran ne sortira pas indemne" de son attaque, le président iranien Ebrahim Raïssi s'est engagé à infliger "une réponse sévère, étendue et douloureuse" en cas d'action contre "les intérêts de l'Iran," selon la Dépêche.

"Nous pouvons encore faire le plein des ventes pour septembre et octobre.

Nous devons espérer que ça se calme, qu'Israël ne va pas aller contre les conseils des Américains et ne pas poursuivre dans l'escalade, pour épargner la région," conclut Helmut Stückelschweiger.

Une chose est sûre, dans les réseaux de distribution, nous voyons assez mal, les patrons pousser les ventes d'une destination, où le ciel a été zébré par les explosions des missiles et drones interceptés.