"J'ai l'impression que le métier tel qu'il existait, il y a encore pas si longtemps, peut être qu'effectivement, il ne sera plus", selon Thierry Prengere - Depositphotos @ikurucan
TourMaG.com - La semaine dernière, vous avez interpellé la préfecture de la Réunion, suite à la décision d'interdire les voyages vers l'Île Maurice. Avez-vous été reçu avec l'Association des indépendants du tourisme et des loisirs (AITL) ?
Thierry Prengere : Nous avons été reçus à la préfecture pour savoir pourquoi tous les Français peuvent se rendre à Maurice et pas les Réunionnais.
La raison réside dans la capacité limitée de pouvoir accueillir des malades notamment aux soins intensifs dans les établissements de la Réunion.
Dans le même temps, les autorités pensent que le variant Omicron circule allègrement à Maurice, sans que les autorités locales puissent vérifier, puisqu'elles n'ont pas la capacité à séquencer le virus.
Des raisons et explications que nous entendons parfaitement.
Thierry Prengere : Nous avons été reçus à la préfecture pour savoir pourquoi tous les Français peuvent se rendre à Maurice et pas les Réunionnais.
La raison réside dans la capacité limitée de pouvoir accueillir des malades notamment aux soins intensifs dans les établissements de la Réunion.
Dans le même temps, les autorités pensent que le variant Omicron circule allègrement à Maurice, sans que les autorités locales puissent vérifier, puisqu'elles n'ont pas la capacité à séquencer le virus.
Des raisons et explications que nous entendons parfaitement.
Agent de voyages : "le métier est peut être en train de mourir"
Voici le post dans le Helpdesk de Sabine Schneider dont fait mention Thierry Prengere - Capture écran
TourMaG.com - Vous aviez aussi parlé des aides avec la préfecture ?
Thierry Prengere : Oui et c'est sans doute la partie la plus profonde sur nos échanges.
Notre argument a été de dire : quand un dispositif national empêche une catégorie professionnelle de pouvoir travailler, de facto un plan d'aide est mis en place. C'est le cas pour les discothèques.
Sauf que cette fois-ci, la décision est régionale, puisqu'elle provient de la préfecture/ Donc il n'est pas possible de bénéficier d'un plan particulier. En somme, le cabinet nous a promis de remonter nos demandes au niveau des ministères, mais qu'il n'y a pas grand-chose à en attendre.
Après la réflexion de fond qui a suivi, nous a profondément interpellés.
TourMaG.com - C'est-à-dire ?
Thierry Prengere : Quand nous avons parlé des aides, il nous a été rétorqué qu'elles ne dureront que quelques semaines, pas des mois.
Et nos interlocuteurs, nous ont alors expliqué que si les aides ne sont que ponctuelles, c'est pour nous laisser le temps de nous remettre en cause.
Globalement, le message a été que le covid et ses complexités, comme les fermetures de frontières ou administratives, n'allaient pas durer quelques semaines, mais perdurer sur du long terme.
TourMaG.com - Qu'avez-vous déduit de cette réflexion ? Même si, elle est sans doute personnelle et propre à la personne qui l'a proférée.
Thierry Prengere : Peut être que nous faisons partie d'une industrie qui n'est pas vouée à perdurer.
Au même moment, sur le groupe du HelpDesk, une agent de voyages a mis un post (voir photo) reflétant parfaitement cette pensée.
Cette femme faisait part de son absence de motivation et qu'elle préférait même que personne ne rentre dans l'agence, tellement vendre est devenu une source de stress.
Quand nous sommes ressortis de la Préfecture, avec les autres membres de l'AITL, nous nous sommes dit que le métier était peut-être en train de mourir.
Thierry Prengere : Oui et c'est sans doute la partie la plus profonde sur nos échanges.
Notre argument a été de dire : quand un dispositif national empêche une catégorie professionnelle de pouvoir travailler, de facto un plan d'aide est mis en place. C'est le cas pour les discothèques.
Sauf que cette fois-ci, la décision est régionale, puisqu'elle provient de la préfecture/ Donc il n'est pas possible de bénéficier d'un plan particulier. En somme, le cabinet nous a promis de remonter nos demandes au niveau des ministères, mais qu'il n'y a pas grand-chose à en attendre.
Après la réflexion de fond qui a suivi, nous a profondément interpellés.
TourMaG.com - C'est-à-dire ?
Thierry Prengere : Quand nous avons parlé des aides, il nous a été rétorqué qu'elles ne dureront que quelques semaines, pas des mois.
Et nos interlocuteurs, nous ont alors expliqué que si les aides ne sont que ponctuelles, c'est pour nous laisser le temps de nous remettre en cause.
Globalement, le message a été que le covid et ses complexités, comme les fermetures de frontières ou administratives, n'allaient pas durer quelques semaines, mais perdurer sur du long terme.
TourMaG.com - Qu'avez-vous déduit de cette réflexion ? Même si, elle est sans doute personnelle et propre à la personne qui l'a proférée.
Thierry Prengere : Peut être que nous faisons partie d'une industrie qui n'est pas vouée à perdurer.
Au même moment, sur le groupe du HelpDesk, une agent de voyages a mis un post (voir photo) reflétant parfaitement cette pensée.
Cette femme faisait part de son absence de motivation et qu'elle préférait même que personne ne rentre dans l'agence, tellement vendre est devenu une source de stress.
Quand nous sommes ressortis de la Préfecture, avec les autres membres de l'AITL, nous nous sommes dit que le métier était peut-être en train de mourir.
Voyage : "Il est possible de voir une industrie mourir"
TourMaG.com - Le constat est dur. Que vous êtes-vous dit tous ensemble et à froid ?
Thierry Prengere : Nous avons demandé ce qu'entendait la personne de la préfecture par l'obligation de devoir nous "réinventer".
Aujourd'hui, nous vendons un billet d'avion, un hôtel et des activités, je ne vais pas demander aux gens de tailler la haie du voisin ou de faire du jardinage. Avec 80% de notre activité dépendant de l'Île Maurice à la Réunion, comment se réinventer ?
Depuis cette phrase et ce post, ainsi que les commentaires d'agents de voyages situés tous en métropole, m'ont fait beaucoup réfléchir.
J'ai l'impression que le métier tel qu'il existait, il y a encore pas si longtemps, peut-être qu'effectivement, il ne sera plus. En France, il y a eu l'ère industrielle, avec ses hauts fourneaux, puis progressivement, ils ont tous disparu.
Il est possible de voir une industrie mourir.
TourMaG.com - Il est clair que le variant intervient au pire moment pour les agents de voyages. Nous pouvons aussi espérer un retour à la normale, si ce variant n'est pas si dangereux, je le dis avec de grandes précautions...
Thierry Prengere : Tant que le secteur restera sous perfusion, il est toujours possible d'espérer une reprise.
Une fois la perfusion débranchée, comme c'est le cas actuellement, cela devient plus compliqué. Quel serait l'intérêt de l'Etat de maintenir sous perfusion une industrie qui est vouée à disparaître ou du moins à décroitre ?
Vous savez lors d'une réunion à Bercy, un conseiller du ministère avait dit que le gouvernement n'allait pas lâcher de l'eau dans du sable, donc donner de l'argent pour rien.
Thierry Prengere : Nous avons demandé ce qu'entendait la personne de la préfecture par l'obligation de devoir nous "réinventer".
Aujourd'hui, nous vendons un billet d'avion, un hôtel et des activités, je ne vais pas demander aux gens de tailler la haie du voisin ou de faire du jardinage. Avec 80% de notre activité dépendant de l'Île Maurice à la Réunion, comment se réinventer ?
Depuis cette phrase et ce post, ainsi que les commentaires d'agents de voyages situés tous en métropole, m'ont fait beaucoup réfléchir.
J'ai l'impression que le métier tel qu'il existait, il y a encore pas si longtemps, peut-être qu'effectivement, il ne sera plus. En France, il y a eu l'ère industrielle, avec ses hauts fourneaux, puis progressivement, ils ont tous disparu.
Il est possible de voir une industrie mourir.
TourMaG.com - Il est clair que le variant intervient au pire moment pour les agents de voyages. Nous pouvons aussi espérer un retour à la normale, si ce variant n'est pas si dangereux, je le dis avec de grandes précautions...
Thierry Prengere : Tant que le secteur restera sous perfusion, il est toujours possible d'espérer une reprise.
Une fois la perfusion débranchée, comme c'est le cas actuellement, cela devient plus compliqué. Quel serait l'intérêt de l'Etat de maintenir sous perfusion une industrie qui est vouée à disparaître ou du moins à décroitre ?
Vous savez lors d'une réunion à Bercy, un conseiller du ministère avait dit que le gouvernement n'allait pas lâcher de l'eau dans du sable, donc donner de l'argent pour rien.
Distribution : "le marché est voué à se contracter"
TourMaG.com - Votre crainte est que l'Etat abandonne la distribution et l'industrie, faute d'avenir pour celles-ci ?
Thierry Prengere : Quand je lis l'interview de Valérie Boned dans TourMaG.com, j'ai pris peur.
Non pas sur la qualité du travail de la secrétaire générale des EDV, loin de là, mais plutôt suite aux réponses du gouvernement. Nous arrivons au bout du chemin, le pouvoir ne veut plus bouger pour nous soulager.
Le problème c'est que la perfusion n'est prévue que pour quelques semaines, puis au prochain variant, nous risquons d'y passer. Le marché est voué à se contracter.
Aujourd'hui, quand je regarde les dossiers qui me sont envoyés, pour racheter des agences de voyages, la grande majorité n'est pas valorisable. Nous faisons face à des prochains mois très difficiles, j'en ai bien peur.
Dans le même temps, la vente en ligne n'a pas diminué bien au contraire, les acteurs digitaux prennent toujours des parts de marché.
Nous sommes en période électorale, avec des interlocuteurs qui ne savent pas s'ils seront là dans quelques mois. C'est pénalisant au moment de prendre des décisions.
Du coup, nous perdons un temps monstre et je doute que toutes les entreprises puissent tenir encore de longs mois.
TourMaG.com - Une partie de la profession a l'air à bout de souffle, après presque 2 ans de crise...
Thierry Prengere : Exactement, puis nous ne savons pas ce qui se passera après Omicron.
Si dans le premier trimestre 2022, les réservations ne repartent pas, alors que les entreprises vont devoir rembourser les avoirs et aussi les PGE... nous sommes dans un cercle vicieux.
Thierry Prengere : Quand je lis l'interview de Valérie Boned dans TourMaG.com, j'ai pris peur.
Non pas sur la qualité du travail de la secrétaire générale des EDV, loin de là, mais plutôt suite aux réponses du gouvernement. Nous arrivons au bout du chemin, le pouvoir ne veut plus bouger pour nous soulager.
Le problème c'est que la perfusion n'est prévue que pour quelques semaines, puis au prochain variant, nous risquons d'y passer. Le marché est voué à se contracter.
Aujourd'hui, quand je regarde les dossiers qui me sont envoyés, pour racheter des agences de voyages, la grande majorité n'est pas valorisable. Nous faisons face à des prochains mois très difficiles, j'en ai bien peur.
Dans le même temps, la vente en ligne n'a pas diminué bien au contraire, les acteurs digitaux prennent toujours des parts de marché.
Nous sommes en période électorale, avec des interlocuteurs qui ne savent pas s'ils seront là dans quelques mois. C'est pénalisant au moment de prendre des décisions.
Du coup, nous perdons un temps monstre et je doute que toutes les entreprises puissent tenir encore de longs mois.
TourMaG.com - Une partie de la profession a l'air à bout de souffle, après presque 2 ans de crise...
Thierry Prengere : Exactement, puis nous ne savons pas ce qui se passera après Omicron.
Si dans le premier trimestre 2022, les réservations ne repartent pas, alors que les entreprises vont devoir rembourser les avoirs et aussi les PGE... nous sommes dans un cercle vicieux.
Agence de voyages : "nous aimerions avoir le retour du Fonds de Solidarité..."
TourMaG.com - Que serait-il souhaitable pour soulager l'industrie? Avoir de la visibilité sur le soutien de l'Etat, par exemple ?
Thierry Prengere : Tout d'abord, nous aimerions une approche spécifique pour la Réunion.
Autant une agence en métropole peut encore vendre des billets pour différents pays européens, autant une fois que Maurice est fermée, nous n'avons plus aucune possibilité de travailler.
Nous aimerions avoir le retour du Fonds de Solidarité, à la différence près que le critère d'éligibilité ne tienne pas compte de la baisse du chiffre d'affaires. Cette aide n'alimente que les entreprises qui avaient un bilan avant la fin de l'année 2019.
Actuellement, il n'y a pas seulement un trou dans la raquette, mais vous avez toute la balle qui passe au travers. Nous allons faire remonter à nos députés, la problématique des agences de la Réunion.
Notamment, nous aimerions que le coût des vacances qui pèse sur les entreprises soit en partie pris en charge. Nous ne sommes pas en mesure de tous payer les vacances de nos collaborateurs.
Pareil sur les cotisations sociales des mandataires, certains mandataires ne se versent pas de salaires depuis deux ans.
Je tenais à signaler que nous sommes contents que les EDV aient repris le relais de nos demandes sur l'Île Maurice.
Pour conclure, nous avons besoin de visibilité.
Thierry Prengere : Tout d'abord, nous aimerions une approche spécifique pour la Réunion.
Autant une agence en métropole peut encore vendre des billets pour différents pays européens, autant une fois que Maurice est fermée, nous n'avons plus aucune possibilité de travailler.
Nous aimerions avoir le retour du Fonds de Solidarité, à la différence près que le critère d'éligibilité ne tienne pas compte de la baisse du chiffre d'affaires. Cette aide n'alimente que les entreprises qui avaient un bilan avant la fin de l'année 2019.
Actuellement, il n'y a pas seulement un trou dans la raquette, mais vous avez toute la balle qui passe au travers. Nous allons faire remonter à nos députés, la problématique des agences de la Réunion.
Notamment, nous aimerions que le coût des vacances qui pèse sur les entreprises soit en partie pris en charge. Nous ne sommes pas en mesure de tous payer les vacances de nos collaborateurs.
Pareil sur les cotisations sociales des mandataires, certains mandataires ne se versent pas de salaires depuis deux ans.
Je tenais à signaler que nous sommes contents que les EDV aient repris le relais de nos demandes sur l'Île Maurice.
Pour conclure, nous avons besoin de visibilité.