Donatello : cette belle entreprise sera liquidée cette semaine et nous la regretterons. Je ne suis qu’une petite agent de voyages blonde et frivole et si je déplore la casse sociale et la disparition de la marque, ce qui m’afflige le plus, c’est le grand n’importe-quoi des dernières semaines - Dessin Raf
Je ne pensais pas qu’un jour, je devrais chroniquer sur la faillite de Donatello.
Je suis prise au dépourvu et j’ai tourné autour du pot pour trouver par quel angle attaquer ce billet.
Pour me donner du courage, j’ai écouté en boucle « week-end à Rome » d’Etienne Daho, la version de Nouvelle Vague et celle de Vanessa Paradis.
Quand j’en ai eu marre, j’ai zappé sur « voyage en Italie » de Lilicub (ou « quand youtube soulage la chroniqueuse devant l’angoisse de la feuille blanche »)
Nous n’entendrons plus ces chansons pendant les heures interminables d’attente à la résa de Donatello et puisque c’est fini (j’allais écrire « comme Capri », mais c’est trop facile), je me risquerai à évoquer ici quelques réflexions sur la liquidation de cette belle marque.
Comme chaque fois qu’un tour-operator disparait, je vais lire que c’est de ma faute. J’entends déjà ceux qui aiment me détester : « tu te vantes sans arrêt de squeezer les TO pour travailler en direct avec les réceptifs et les low-cost ».
En plus, depuis que je chronique dans TourMaG, on ne retient en général de mes posts qu’une petite phrase (parfois maladroite, certes mais je n’ai pas fait « politiquement correct » en deuxième langue) pour oublier immédiatement tout le billet qui est autour.
Alors voilà, vous allez sans doute me le reprocher mais je maintiens que pour assembler un billet d’avion et 3 nuits d’hôtel, je n’ai pas besoin d’un TO : j’ai beau être une petite agent de voyages frivole, j’arrive à agréger 2 ou 3 presta toute seule pour en moyenne 30% de moins que ce que propose un TO, et j’ai déjà évoqué ici comment j’agrémente mes week-ends en Europe par des activités et excursions personnalisées.
La banque de données d’Expedia et les bonnes adresses de mes réceptifs m’y aident. Merci à eux.
Je suis prise au dépourvu et j’ai tourné autour du pot pour trouver par quel angle attaquer ce billet.
Pour me donner du courage, j’ai écouté en boucle « week-end à Rome » d’Etienne Daho, la version de Nouvelle Vague et celle de Vanessa Paradis.
Quand j’en ai eu marre, j’ai zappé sur « voyage en Italie » de Lilicub (ou « quand youtube soulage la chroniqueuse devant l’angoisse de la feuille blanche »)
Nous n’entendrons plus ces chansons pendant les heures interminables d’attente à la résa de Donatello et puisque c’est fini (j’allais écrire « comme Capri », mais c’est trop facile), je me risquerai à évoquer ici quelques réflexions sur la liquidation de cette belle marque.
Comme chaque fois qu’un tour-operator disparait, je vais lire que c’est de ma faute. J’entends déjà ceux qui aiment me détester : « tu te vantes sans arrêt de squeezer les TO pour travailler en direct avec les réceptifs et les low-cost ».
En plus, depuis que je chronique dans TourMaG, on ne retient en général de mes posts qu’une petite phrase (parfois maladroite, certes mais je n’ai pas fait « politiquement correct » en deuxième langue) pour oublier immédiatement tout le billet qui est autour.
Alors voilà, vous allez sans doute me le reprocher mais je maintiens que pour assembler un billet d’avion et 3 nuits d’hôtel, je n’ai pas besoin d’un TO : j’ai beau être une petite agent de voyages frivole, j’arrive à agréger 2 ou 3 presta toute seule pour en moyenne 30% de moins que ce que propose un TO, et j’ai déjà évoqué ici comment j’agrémente mes week-ends en Europe par des activités et excursions personnalisées.
La banque de données d’Expedia et les bonnes adresses de mes réceptifs m’y aident. Merci à eux.
La désintermédiation facilitée par les avancées techno
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Revenons-en au sujet :
Il y a quelques années, la CIT, le plus important des concurrents de Donatello a déposé. Donatello a repris la marque et les agences. Avaler un concurrent est souvent une façon de gagner contre lui par KO.
A ce moment-là, Donatello affrétait sur Venise et proposait des 4 jours/3 nuits à un excellent rapport qualité-prix. Là, Donatello avait une véritable valeur ajoutée et proposait aux agences des produits faciles à vendre et sans après-vente. De l’or en barre.
Mais des concurrents sont arrivés sur le créneau. Dans nos métiers, on n’a pas de copyright sur un modèle de prod. La vie est ainsi faite.
Au même moment, la désintermédiation a été facilitée par les avancées technologiques.
Ajoutez à ces moteurs puissants un peu de la psychologie et de technicité des agents de voyages et le tour est joué : il est devenu facile pour nous d’assembler à moindre coût vols low-cost, hôtelières et activités pour construire un package dynamique.
Du coup, pour un TO, vendre du week-end en Europe est devenu mission impossible.
C’était le fonds de commerce de Donatello et le TO est devenu exsangue. Donatello avait pourtant réagi en compressant au maximum ses coûts : vente d’agences-enseignes, chômage technique, mais ça n’a pas été suffisant.
Il y a quelques années, la CIT, le plus important des concurrents de Donatello a déposé. Donatello a repris la marque et les agences. Avaler un concurrent est souvent une façon de gagner contre lui par KO.
A ce moment-là, Donatello affrétait sur Venise et proposait des 4 jours/3 nuits à un excellent rapport qualité-prix. Là, Donatello avait une véritable valeur ajoutée et proposait aux agences des produits faciles à vendre et sans après-vente. De l’or en barre.
Mais des concurrents sont arrivés sur le créneau. Dans nos métiers, on n’a pas de copyright sur un modèle de prod. La vie est ainsi faite.
Au même moment, la désintermédiation a été facilitée par les avancées technologiques.
Ajoutez à ces moteurs puissants un peu de la psychologie et de technicité des agents de voyages et le tour est joué : il est devenu facile pour nous d’assembler à moindre coût vols low-cost, hôtelières et activités pour construire un package dynamique.
Du coup, pour un TO, vendre du week-end en Europe est devenu mission impossible.
C’était le fonds de commerce de Donatello et le TO est devenu exsangue. Donatello avait pourtant réagi en compressant au maximum ses coûts : vente d’agences-enseignes, chômage technique, mais ça n’a pas été suffisant.
L'arrivée d'un nouvel investisseur
Et puis, comme un miracle, un investisseur est arrivé sur son cheval blanc et a repris la société.
L’investisseur en question a mis aux postes-clé de l’entreprise sa garde rapprochée et lui a confié la mission de moderniser l’entreprise sans modifier l’ADN de la marque (toujours employer le terme « ADN de la marque » quand on évoque le marketing, ça fait savant…)
Je sais que beaucoup chez Donatello le lui reprochent mais franchement, moi, à la place de l’investisseur, j’aurais fait pareil.
Son équipe a eu le mérite d’essayer.
Elle n’a pas trahi l’esprit du Donatello historique : on avait toujours les catalogues épais pour le voyage à la carte et, à côté de cette offre variée, une jolie programmation à engagement, celle qui répondait à la demande des clients, et donc des agents de voyages.
La recette : des charters ou des bloc-sièges "réservables" jusqu’au dernier moment, des hôtels de qualité au bout, un site web performant, des jolis séjours, faciles à vendre.
Cet été, Donatello m’a bien servi et j’ai pioché sans vergogne dans la prod Sardaigne pour mes ventes de dernière-minute (le fait qu’il y ait toujours de la place jusqu’à la veille du départ aurait peut-être dû me mettre la puce à l’oreille)
L’investisseur en question a mis aux postes-clé de l’entreprise sa garde rapprochée et lui a confié la mission de moderniser l’entreprise sans modifier l’ADN de la marque (toujours employer le terme « ADN de la marque » quand on évoque le marketing, ça fait savant…)
Je sais que beaucoup chez Donatello le lui reprochent mais franchement, moi, à la place de l’investisseur, j’aurais fait pareil.
Son équipe a eu le mérite d’essayer.
Elle n’a pas trahi l’esprit du Donatello historique : on avait toujours les catalogues épais pour le voyage à la carte et, à côté de cette offre variée, une jolie programmation à engagement, celle qui répondait à la demande des clients, et donc des agents de voyages.
La recette : des charters ou des bloc-sièges "réservables" jusqu’au dernier moment, des hôtels de qualité au bout, un site web performant, des jolis séjours, faciles à vendre.
Cet été, Donatello m’a bien servi et j’ai pioché sans vergogne dans la prod Sardaigne pour mes ventes de dernière-minute (le fait qu’il y ait toujours de la place jusqu’à la veille du départ aurait peut-être dû me mettre la puce à l’oreille)
Ce qui m’afflige le plus...
Et puis, à Top Resa, on a eu les « magalogues », les catalogues-magazines.
Élégants, inspirants, mais il manquait le côté « vendeur ».
Reconnaissons que Donatello a voulu donner le pouvoir aux agents de voyages avec ces magalogues ; peut-être ont-ils été trop précurseurs, sur ce coup-là.
Cette belle entreprise sera liquidée cette semaine et nous la regretterons. Je ne suis qu’une petite agent de voyages blonde et frivole et si je déplore la casse sociale et la disparition de la marque, ce qui m’afflige le plus, c’est le grand n’importe-quoi des dernières semaines :
On a eu, en vrac, les excuses de Monsieur Vighier (qui n’a pas lu les comptes de l’entreprise de son ami de 30 ans avant de la racheter, LOL), l’étonnement du manque de cash en hiver (ah bon ? ça ne se vend pas 12 mois sur 12 les séjours en Méditerranée ?) et les déclarations des sociétés qui ont manifesté étudier le dossier.
Vous croyez vraiment que Travel Europe, Thalasso n°1, Kuoni ou Savanna Tours ont eu véritablement un jour l’intention de racheter une partie de Donatello ? (mention spéciale à Savanna Tours : je ne suis pas économiste mais laissez-moi rire du modèle coopératif imaginé).
Qu’on respecte le souvenir du moribond et qu’on enterre Donatello décemment.
Élégants, inspirants, mais il manquait le côté « vendeur ».
Reconnaissons que Donatello a voulu donner le pouvoir aux agents de voyages avec ces magalogues ; peut-être ont-ils été trop précurseurs, sur ce coup-là.
Cette belle entreprise sera liquidée cette semaine et nous la regretterons. Je ne suis qu’une petite agent de voyages blonde et frivole et si je déplore la casse sociale et la disparition de la marque, ce qui m’afflige le plus, c’est le grand n’importe-quoi des dernières semaines :
On a eu, en vrac, les excuses de Monsieur Vighier (qui n’a pas lu les comptes de l’entreprise de son ami de 30 ans avant de la racheter, LOL), l’étonnement du manque de cash en hiver (ah bon ? ça ne se vend pas 12 mois sur 12 les séjours en Méditerranée ?) et les déclarations des sociétés qui ont manifesté étudier le dossier.
Vous croyez vraiment que Travel Europe, Thalasso n°1, Kuoni ou Savanna Tours ont eu véritablement un jour l’intention de racheter une partie de Donatello ? (mention spéciale à Savanna Tours : je ne suis pas économiste mais laissez-moi rire du modèle coopératif imaginé).
Qu’on respecte le souvenir du moribond et qu’on enterre Donatello décemment.