Pendant que je détaillais les étapes d’un autotour à une cliente, j’arrivais à tchatter avec mon réceptif pour lui demander des détails sur l’itinéraire en question, répondre vite fait à un mail « TOP URGENT », prendre 2 ou 3 appels pour expliquer à des clients que « je les rappelais dès mon rendez-vous terminé », et rappeler un format Amadeus moisi à Amandine qui se battait avec son ordi …. - Dessin Raf TourMaG.com
Ce midi, j’étais en face d’un beau gosse à l’agence (œil bleu, mèche rebelle coiffée/décoiffée, costard ultra-slim, débit super-rapide).
Le truc classique : il voulait 8/10 jours en Thaïlande, départ jeudi ou vendredi prochain, beaux hôtels, 4000/4500 € de budget pour 2, et il était capable de se décider tout de suite.
Ce genre de client, tu hésites un quart de seconde ou tu lui tournes le dos pour chercher une info, il s’est envolé ! Il fallait donc que je sois plus que réactive : j’avais bien compris qu’il fallait lui répondre avant qu’il termine ses questions.
Tout en tentant de le faire saliver sur les délices que lui réserverait son séjour en Thaïlande (mais il avait l’air un tantinet blasé), je lui calculais un devis vite fait pour ne pas faire attendre Môssieur. Pendant que je babillais tout en maniant excel avec l’adresse d’une lanceuse de couteaux, le mec était rivé sur son iphone.
Pendant que je lui expliquais tout ça, il ouvrait et fermait les différentes appli du truc qui semblait être une excroissance de sa main. Je pensais qu’il suivait les cours de la bourse et passait des ordres (l’agence n‘est pas loin de la Bourse et le mec avait une tête de trader) mais pas du tout.
Il m’écoutait d’une oreille et vérifiait en même temps, les temps des correspondances (sur kayak), les avis sur les hôtels sur tripmachin, les dispos sur Booking, Agoda et Expedia (les 3 en même temps…) et les prix des vols sur un comparateur moisi dont je tairai ici le nom par charité.
J’ai appris que ceci avait un nom : le fast-checking. De l’anglais « vérifier vite-fait »
Le truc classique : il voulait 8/10 jours en Thaïlande, départ jeudi ou vendredi prochain, beaux hôtels, 4000/4500 € de budget pour 2, et il était capable de se décider tout de suite.
Ce genre de client, tu hésites un quart de seconde ou tu lui tournes le dos pour chercher une info, il s’est envolé ! Il fallait donc que je sois plus que réactive : j’avais bien compris qu’il fallait lui répondre avant qu’il termine ses questions.
Tout en tentant de le faire saliver sur les délices que lui réserverait son séjour en Thaïlande (mais il avait l’air un tantinet blasé), je lui calculais un devis vite fait pour ne pas faire attendre Môssieur. Pendant que je babillais tout en maniant excel avec l’adresse d’une lanceuse de couteaux, le mec était rivé sur son iphone.
Pendant que je lui expliquais tout ça, il ouvrait et fermait les différentes appli du truc qui semblait être une excroissance de sa main. Je pensais qu’il suivait les cours de la bourse et passait des ordres (l’agence n‘est pas loin de la Bourse et le mec avait une tête de trader) mais pas du tout.
Il m’écoutait d’une oreille et vérifiait en même temps, les temps des correspondances (sur kayak), les avis sur les hôtels sur tripmachin, les dispos sur Booking, Agoda et Expedia (les 3 en même temps…) et les prix des vols sur un comparateur moisi dont je tairai ici le nom par charité.
J’ai appris que ceci avait un nom : le fast-checking. De l’anglais « vérifier vite-fait »
Désormais, sans scrupule, les clients fast-checkent devant toi…
Avant, les clients prenaient tes devis, s’installaient devant leurs ordis, décortiquaient tes programmes pour essayer de trouver les prix en direct… et te mettaient en concurrence avec leurs ordis.
Au moins, ils mettaient du temps à réagir et tu pouvais réfléchir à ta contre-argumentation…
Désormais, sans scrupule, ils fast-checkent devant toi… et te mettent (au choix) face à ton incompétence (pour peu qu’ils repèrent un truc que tu n’as pas trouvé), ta capacité de négociation (pas certain que tu sois commissionné sur tout) et (pire), ils te disent quand il y a de la place alors que toi, tu dois « vérifier avec ton fournisseur ».
En fait, je déteste ces appareils. Des fois que tu le négliges, il se rappelle à ton bon souvenir en 1) t’envoyant des petites virgules musicales, 2) vibrant, 3) t’agressant de pop-up.
Bon… pour la petite histoire, comme j’ai l’œil acéré (et la verve douce et le sourire charmeur), j’ai lancé au mec « quand je vous parle, vous pourriez me regarder plutôt que d’avoir les yeux rivés sur votre petit engin ? ». Il ne s’est pas démonté et m’a dit « je vérifie ce que vous me dites ».
Piquée, j’ai rétorqué « si vous aviez une pointe de psychologie avec les femmes, vous sauriez reconnaitre celles qui vous mentent ».
Il s’est marré et j’ai su que c’était bon. Il a signé… Au moment de son départ, je lui ai balancé « le temps que vous rentriez à votre bureau, vous aurez vos e-tickets et les bons d’échange sur votre boite mail ».
Et lui, « j’y compte bien ». J’espère qu’il ne se comporte pas avec ses conquêtes comme il traite les commerçants. (je ne le saurai jamais : il était joli mais tellement rapide et sec qu’il doit être un super mauvais coup).
Au moins, ils mettaient du temps à réagir et tu pouvais réfléchir à ta contre-argumentation…
Désormais, sans scrupule, ils fast-checkent devant toi… et te mettent (au choix) face à ton incompétence (pour peu qu’ils repèrent un truc que tu n’as pas trouvé), ta capacité de négociation (pas certain que tu sois commissionné sur tout) et (pire), ils te disent quand il y a de la place alors que toi, tu dois « vérifier avec ton fournisseur ».
En fait, je déteste ces appareils. Des fois que tu le négliges, il se rappelle à ton bon souvenir en 1) t’envoyant des petites virgules musicales, 2) vibrant, 3) t’agressant de pop-up.
Bon… pour la petite histoire, comme j’ai l’œil acéré (et la verve douce et le sourire charmeur), j’ai lancé au mec « quand je vous parle, vous pourriez me regarder plutôt que d’avoir les yeux rivés sur votre petit engin ? ». Il ne s’est pas démonté et m’a dit « je vérifie ce que vous me dites ».
Piquée, j’ai rétorqué « si vous aviez une pointe de psychologie avec les femmes, vous sauriez reconnaitre celles qui vous mentent ».
Il s’est marré et j’ai su que c’était bon. Il a signé… Au moment de son départ, je lui ai balancé « le temps que vous rentriez à votre bureau, vous aurez vos e-tickets et les bons d’échange sur votre boite mail ».
Et lui, « j’y compte bien ». J’espère qu’il ne se comporte pas avec ses conquêtes comme il traite les commerçants. (je ne le saurai jamais : il était joli mais tellement rapide et sec qu’il doit être un super mauvais coup).
Il est temps de mettre le téléphone sur silence...
Mais telle est prise (en faute) qui croyait prendre :
Cet après-midi, j’avais laissé mon iphone sur mon bureau (oui, je sais, c’est mal…) et pendant que je détaillais les étapes d’un autotour à une cliente, j’arrivais à tchatter avec mon réceptif pour lui demander des détails sur l’itinéraire en question, répondre vite fait à un mail « TOP URGENT » (c’était écrit dans le titre, mais je ne me souviens pas de quoi ça parlait), prendre 2 ou 3 appels pour expliquer à des clients que « je les rappelais dès mon rendez-vous terminé », et rappeler un format Amadeus moisi (pour tarifer une réduction jeune mariés) à Amandine qui se battait avec son ordi (« c’est facile, tu fais FXX/RCMA*CMP,U »)
La cliente « autotour Afrique du Sud » avait l’air un peu exaspérée que je ne la regarde pas toujours dans les yeux et que je m’occupe visiblement à autre chose pendant que je lui apportais des conseils sur son voyage, d’une façon certes un peu dilettante.
Du coup, elle m’a fait une petite remarque aigre-douce genre « qu’est-ce que vous êtes forte à me donner tous ces conseils, tout en pianotant sur votre clavier, en parlant simultanément en codes avec votre collègue tout en répondant au téléphone. Comment vous faites ? »
Prise en faute, j’ai bredouillé avec l’assurance d’une gazelle traquée par un lion (t’as l’image ?) que j’étais multifonctions et polyvalente, et que je pouvais intégrer plusieurs informations simultanément, tout en restant concentrée.
Et là, la cliente m’a demandé « vous avez aussi vu que vous aviez un match avec Clément, que votre jauge de vies Candy Crush était pleine et que vous aviez 7 nouvelles annonces à découvrir sur seloger.com ? »
C’est là que je me suis dit que comme mon joli trader de ce midi qui mettait sa vie dans sa poche, je mettais la mienne dans mon sac à mains (et accessoirement sur mon bureau) : oui, sur mon iphone, je parle, je textotte, je chatte avec mes copines, je cherche un mec à la fois sur adopte et sur tinder, je commande un VTC et me fais livrer un plat cuisiné (parce que j’ai la flemme de les chercher dans la rue ou de les préparer), j’achète des billets de spectacle, je réserve mes places de ciné, je fais du shopping, j’évalue la profondeur de mon découvert bancaire, je vérifie ce qu’on me dit en fast-checkant sur wikipedia, je vérifie aussi si je vais pouvoir raccrocher mon vélib à côté de chez moi, je me tiens au courant de l’actu (elle est très bien l’appli TourMaG…) et je prends des photos que je poste immédiatement sur Instagram et Facebook.
Je crois qu’il est temps de que je mette mon téléphone sur « silence » (dans mon sac à mains, le vibreur ne m’apporte aucune satisfaction) quelques heures par jour et que je regarde les gens dans les yeux.
Sur un malentendu, peut-être qu’il se passe des trucs dans la vraie vie.
Cet après-midi, j’avais laissé mon iphone sur mon bureau (oui, je sais, c’est mal…) et pendant que je détaillais les étapes d’un autotour à une cliente, j’arrivais à tchatter avec mon réceptif pour lui demander des détails sur l’itinéraire en question, répondre vite fait à un mail « TOP URGENT » (c’était écrit dans le titre, mais je ne me souviens pas de quoi ça parlait), prendre 2 ou 3 appels pour expliquer à des clients que « je les rappelais dès mon rendez-vous terminé », et rappeler un format Amadeus moisi (pour tarifer une réduction jeune mariés) à Amandine qui se battait avec son ordi (« c’est facile, tu fais FXX/RCMA*CMP,U »)
La cliente « autotour Afrique du Sud » avait l’air un peu exaspérée que je ne la regarde pas toujours dans les yeux et que je m’occupe visiblement à autre chose pendant que je lui apportais des conseils sur son voyage, d’une façon certes un peu dilettante.
Du coup, elle m’a fait une petite remarque aigre-douce genre « qu’est-ce que vous êtes forte à me donner tous ces conseils, tout en pianotant sur votre clavier, en parlant simultanément en codes avec votre collègue tout en répondant au téléphone. Comment vous faites ? »
Prise en faute, j’ai bredouillé avec l’assurance d’une gazelle traquée par un lion (t’as l’image ?) que j’étais multifonctions et polyvalente, et que je pouvais intégrer plusieurs informations simultanément, tout en restant concentrée.
Et là, la cliente m’a demandé « vous avez aussi vu que vous aviez un match avec Clément, que votre jauge de vies Candy Crush était pleine et que vous aviez 7 nouvelles annonces à découvrir sur seloger.com ? »
C’est là que je me suis dit que comme mon joli trader de ce midi qui mettait sa vie dans sa poche, je mettais la mienne dans mon sac à mains (et accessoirement sur mon bureau) : oui, sur mon iphone, je parle, je textotte, je chatte avec mes copines, je cherche un mec à la fois sur adopte et sur tinder, je commande un VTC et me fais livrer un plat cuisiné (parce que j’ai la flemme de les chercher dans la rue ou de les préparer), j’achète des billets de spectacle, je réserve mes places de ciné, je fais du shopping, j’évalue la profondeur de mon découvert bancaire, je vérifie ce qu’on me dit en fast-checkant sur wikipedia, je vérifie aussi si je vais pouvoir raccrocher mon vélib à côté de chez moi, je me tiens au courant de l’actu (elle est très bien l’appli TourMaG…) et je prends des photos que je poste immédiatement sur Instagram et Facebook.
Je crois qu’il est temps de que je mette mon téléphone sur « silence » (dans mon sac à mains, le vibreur ne m’apporte aucune satisfaction) quelques heures par jour et que je regarde les gens dans les yeux.
Sur un malentendu, peut-être qu’il se passe des trucs dans la vraie vie.