TourMaG.com, le média spécialiste du tourisme francophone

logo TourMaG  




Maurice Freund : "Au Sahel, le mal est profond et les méthodes contre-productives..."

L'interview du fondateur de Point Afrique


Maurice Freund vient de publier ses mémoires. Le fondateur de Point Afrique nous dévoile les raisons qui l'ont poussé à écrire un livre engagé contre les dérives de la Françafrique, critiquant la cécité des autorités françaises sur l'islamisation du Sahel. Il espère également avoir transmis un message aux jeunes voyageurs pour s'engager dans une démarche de tourisme plus responsable.


le Lundi 18 Avril 2016

Maurice Freund, l'éternel défenseur du tourisme au Sahel. DR-Maurice Freund.
Maurice Freund, l'éternel défenseur du tourisme au Sahel. DR-Maurice Freund.
TourMaG.com - Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à publier vos mémoires ?

Maurice Freund : Je n’y avais jamais vraiment songé. C’est sous la pression de certaines personnes que j’estime que j’ai fini par céder.

Très honnêtement, je ne voyais vraiment pas en quoi ce que j’avais fait pouvait intéresser quelqu’un.

Essentiellement, c’est mon ami Pierre Rabhi qui a fini par me convaincre en me culpabilisant.

Il estimait que ce qu’avaient réalisé le Point-Mulhouse puis le Point-Afrique pouvait encourager des jeunes à s’engager.

Transmettre un espoir pour les nouvelles générations était une nécessité et que ne pas le faire était lâche.

La deuxième raison est liée à ce qui se passe actuellement dans le Sahel.

Car depuis 25 ans, j’ai alerté les autorités françaises et notamment le conseiller Afrique de Michel Rocard, du danger de l’islamisation radicale que je voyais arriver dans le nord du Mali.

TourMaG.com - Qu’estimez-vous avoir apporté à l’industrie du tourisme ?

Maurice Freund : Comment vous répondre, sachant que pour moi il n’a jamais été question d’industrie.

L’orientation du tourisme à caractère industriel me déplaît, car le tourisme est un des rares produits qui implique des échanges culturels et humains.

Or aujourd’hui la standardisation et la confection de « produits touristiques » est de plus en plus prononcé.

Ce qui en fait quelque chose de déshumanisé. Pour moi le contact avec l’autre et son implication dans nos activités a toujours primé pour qu’un développement s’instaure avec nos hôtes dans l’échange et la dignité.

TourMaG.com - Avez-vous des regrets sur votre longue carrière ?

Maurice Freund : Aucun, si ce n’est la cécité des autorités françaises qui n’ont pas mesuré la montée du radicalisme haineux dans ces zones défavorisées, voire oubliées des gouvernements africains.

Ne pas oublier que les « islamistes » ont travaillé au plus près des populations en creusant des puits, en fondant des écoles et même des assistances médicales. Ils ont œuvré a contrario de notre aide.

Dans le même temps, on déversait des sommes nettement supérieures aux élites en place sans s’occuper de la bonne utilisation de ces fonds soit disant dévolus au développement.

Nous payons aujourd’hui le prix fort de cette politique qui visait avant tout à préserver notre ancien pré-carré aujourd’hui dépassé. La preuve, les centaines de millions dépensés par l’armée française, qui, à elle seule, ne résoudra jamais le problème.

TourMaG.com - Pensez-vous qu’il soit possible aujourd’hui pour un jeune de se lancer comme vous, en autodidacte, dans le tourisme et l’aérien ?

Maurice Freund : S’il a de la volonté, de la ténacité et un rêve alors oui. Surtout s’il vise d’autres finalités que le gain financier pour lui-même ou ses actionnaires. Une seule voie à mon sens lui apportera un garde-fou : l’économie sociale et une approche participative.

Si quelqu'un souhaite reprendre le flambeau, je suis prêt à apporter tout mon concours à celle ou à celui qui se lancera dans ce défi.

TourMaG.com - Quel regard portez-vous sur les tour-opérateurs et agences de voyages qui disent faire du "tourisme durable" ?


Maurice Freund : Certains le font avec conviction et engagement, ils étaient notamment proches du Point-Afrique.

D’autres n’en font qu’un slogan de vente.

TourMaG.com - A votre avis combien de temps faudra-t-il attendre avant de pouvoir retourner voyager dans le Sahel ?

Maurice Freund : Le mal est profond et les méthodes employées actuellement sont contre productives.

Tant que nous aurons une politique qui refuse aux populations nomades une certaine autonomie, nous n’arriverons à rien et il est inutile d’espérer aller vers une paix durable. Malheureusement, il s’agit avant tout pour la France de ne pas déplaire aux pouvoirs en place.

Je reste convaincu que si demain, nous permettions aux populations du nord de gérer de manière plus autonome leur région, en moins de 6 mois le djihadisme disparaîtrait.

Tous les faux accords signés à Alger ne servent à rien, sinon à masquer le fond du problème et à distribuer quelques prébendes.

Lu 3551 fois

Notez

Commentaires

1.Posté par Rial le 19/04/2016 06:07 | Alerter
Utilisez le formulaire ci-dessous pour envoyer une alerte au responsable du site concernant ce commentaire :
Annuler
Maurice Freund, un tres grand monsieur.
De la trempe des Maillot, Bremond ou Trigano
Ils ne sont pas nombreux
Je leur dous ma passion du voyage.
Jf Rial

2.Posté par Pierre TRUTT le 23/04/2016 08:04 | Alerter
Utilisez le formulaire ci-dessous pour envoyer une alerte au responsable du site concernant ce commentaire :
Annuler
"Je reste convaincu que si demain, nous permettions aux populations du nord de gérer de manière plus autonome leur région, en moins de 6 mois le djihadisme disparaîtrait."
Affirmation totalement ridicule. L'extrémisme islamique est bien installé et pour longtemps. Et arrêtons de prendre les Touaregs pour de doux agneaux. Nombre d'entre eux sont compromis avec les djihadistes : liaisons maritales, trafiquants en tous genres, appât du gain. C'est vrai que la politique anti targuie des gouvernements du Mali et du Niger, a conduit à leur juste révolte. Il y a aussi l'éternel conflit entre nomades et sédentaires. Les frontières issues de la colonisation, surtout celle du Mali, marient la carpe et le lapin, les populations noires et celles des berbères. On est dans l'impasse car aucun des cinq pays qui abrite des Touaregs ne permettra la création d'une nation targuie avec des frontières propres.

3.Posté par Pierre TRUTT le 23/04/2016 19:49 | Alerter
Utilisez le formulaire ci-dessous pour envoyer une alerte au responsable du site concernant ce commentaire :
Annuler
En ce qui concerne M Freud, je l'ai bien connu étant Mulhousien. Son initiative mérite d'être saluée à commencer par celle du pont aérien de primeurs entre Kombissiri et Mulhouse. Son éthique touristique tout autant. Mais alors son organisation était plus que déficiente. Les avions vers le Sahara algérien, mauritanien et vers Gao arrivaient et repartaient avec 5 ou 6 heures de retard. Je me souviens d'un retour de Gao à Paris où l'on nous avait convoqué à 6 h du matin, l'avion atterrissant à 10 h où il n'y avait rien à bouffer avant l'arrivée à Atar à 15 h, puis escale à Marseille et enfin arrivée à Paris à 23 heures. 13 heures de vol au lieu de 5 ! On crevait de faim à bord et pour toute réponse à nos réclamations il se défaussait sur les compagnies aériennes. Ce n'était pas son problème alors que c'est bien Point Afrique qui les affrétaient. Ensuite les poids des bagages étaient bien inférieurs à 20 kg et il encaissait largement les suppléments. Le siège était rue de la Truanderie à Paris et l'organisation à Bidon en Ardèche...

4.Posté par Freund le 28/04/2016 14:22 | Alerter
Utilisez le formulaire ci-dessous pour envoyer une alerte au responsable du site concernant ce commentaire :
Annuler
reponse à Pierre Trutt

je n ai jamais parlé des touaregs mais des populations du Nord ( tribus arabes, peuls ,et Songhais et bien entendu les touaregs)
Qu ' elle est votre solutions pour amener le retour à une paix stable....Il est vrai que nombreux touaregs ont rejoint les rangs des Djihadistes ( mais , ils ne sont pas les seuls. Les peuls sont majoritaires au MUJAO ....plus de 50% de nos 80 guides , cuisinier , chameliers ont rejoint leur rang apres l arret de l activité du point. Et croyez moi ceci reste un enorme cauchemar qui ne me laisse que de la souffrance
Quand à point-afrique , je ne peux etre responsable des retards ou autres difficultés opérationnelles dans l aérien...je n ai ete que celui qui a pris tous les risques financiers et simple loueur aupres de Corsair, Air méditerrané,et autres transporteurs
Je tiens à vous presenter mes excuses et vous remercier d avoir participer à notre aventure
Avec peut etre le plaisir de vous croiser à Mulhouse

5.Posté par Pierre TRUTT le 28/04/2016 19:03 | Alerter
Utilisez le formulaire ci-dessous pour envoyer une alerte au responsable du site concernant ce commentaire :
Annuler
Cher Monsieur,
Je vous remercie pour votre réponse et suis très gêné qu’une personne de votre qualité et de votre passé me présente des excuses et pour des faits aussi lointains. Oui, vous avez pris des risques financiers énormes et vous avez même été persécuté par l’administration aérienne au point d’être contraint de déposer le bilan du Point Mulhouse. Votre magnifique maison à colombages est toujours bien visible à l’aéroport. Ceci dit j’ai vite abandonné les voyages en groupe car à chaque fois il y a eu des disputes occasionnées par des personnes incapables de se comporter en groupe. A Djanet j’avais mon guide et à Tamanrasset je partais seul avec Akarakar. Lors du voyage à Gao en janvier 2007 notre guide, à mon frère et à moi, était Mossa Ag Attaher que vous connaissez sans doute. Il nous a bien exposé le problème touareg, raconté leurs révoltes successives et essayait d’apaiser les conflits récurrents avec Bamako qui laissait le Nord à l’abandon. Vous avez bien raison de préciser qu’il n’y a pas que les Touaregs mais aussi les autres ethnies que vous citez, en particulier les Peuls qui dominaient Tombouctou du temps de l’immense explorateur que fut Heinrich Barth, dont les Français ne parlent jamais. (J’ai le fac-similé de son récit en 5 volumes).
Je reste persuadé que le conflit s’éternisera et qu’il n’y aura pas de solution même à moyen terme. C’est dramatique, mais c’est ainsi.
Aujourd’hui, bien qu’ayant effectué huit voyages au Sahara, je regrette de ne plus pouvoir y retourner, revivre son immensité, son silence, son ciel qui me tombe dessus la nuit, le thé, la tagella, les Touaregs silencieux et sobres.
Amicalement,
Pierre TRUTT
PS: difficile de se rencontrer à Mulhouse sans mes coordonnées. J'autorise le site à vous communiquer mon adresse mail.

Nouveau commentaire :

Tous les commentaires discourtois, injurieux ou diffamatoires seront aussitôt supprimés par le modérateur.
Signaler un abus

Dans la même rubrique :
< >




































TourMaG.com
  • Instagram
  • Twitter
  • Facebook
  • YouTube
  • LinkedIn
  • GooglePlay
  • appstore
  • Google News
  • Bing Actus
  • Actus sur WhatsApp
 
Site certifié ACPM, le tiers de confiance - la valeur des médias