"L’enjeu est de ne pas repartir comme avant, pour ne pas aller dans le mur. Le choc terrible de la pandémie, pour le tourisme a laissé les grands acteurs en plein désarroi" selon Rémy Knafou - Crédit photo : RP
TourMaG.com – Vous avez publié en mai dernier un livre dont le titre "Réinventer le tourisme", ne laisse plus de place au doute. Pourquoi faut-il le réinventer ?
Rémy Knafou : Le tourisme va devoir faire face à sa 4e révolution.
Cette dernière est celle, dont malheureusement, nous n’allons pas pouvoir en faire l’économie, c’est-à-dire d’entrer de manière plus déterminée, pour le tourisme dans la transition écologique.
La notion de système touristique mondialisé est importante, il découle d’une alliance objective entre l’organisation onusienne (OMT), les pays, les opérateurs touristiques, les transporteurs et les touristes.
Or ce système a connu une réussite absolument remarquable jusqu’en 2019. A cette époque toutes les prévisions faisaient état d’un accroissement exponentiel des arrivées internationales.
Il y a eu des effets pervers à cette réussite.
Rémy Knafou : Le tourisme va devoir faire face à sa 4e révolution.
Cette dernière est celle, dont malheureusement, nous n’allons pas pouvoir en faire l’économie, c’est-à-dire d’entrer de manière plus déterminée, pour le tourisme dans la transition écologique.
La notion de système touristique mondialisé est importante, il découle d’une alliance objective entre l’organisation onusienne (OMT), les pays, les opérateurs touristiques, les transporteurs et les touristes.
Or ce système a connu une réussite absolument remarquable jusqu’en 2019. A cette époque toutes les prévisions faisaient état d’un accroissement exponentiel des arrivées internationales.
Il y a eu des effets pervers à cette réussite.
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"Le système touristique a eu la capacité d’annihiler les défenses de ses contre-pouvoirs"
TourMaG.com – Parlez-vous là de l’augmentation de la pollution ?
Rémy Knafou : Pas seulement, le système touristique a eu la capacité d’annihiler les défenses de ceux qui sont censés fournir en face de lui une résistance.
Je parle là de société de défense de la nature, de conservation du patrimoine culturel. Face aux centaines de millions de touristes, ces organismes ont été amenés à négocier et parfois oublier le sens 1er de leurs missions.
Prenez l’exemple du Musée du Louvre qui s’était engagé dans une course aux records, pour devenir le 1er musée du monde en termes de fréquentation.
Nous en sommes arrivés à ce que les ¾ des visiteurs sont étrangers. Si c’est un point sur lequel nous pouvons nous féliciter, mais les Parisiens, les Franciliens et les Français ont de plus en plus de mal à accéder à ce musée.
Non seulement la cohabitation entre les différents publics n’est pas organisée, mais en plus le Louvre a oublié que sa mission première qui consiste à préserver le patrimoine et qu’il doit mettre à disposition des œuvres auprès de différents publics et non un seul.
Il y a aussi des mécanismes pervers dans des parcs naturels et/ou nationaux. La fréquentation touristique permet d’apporter des ressources à ces lieux, je trouve cela malsain.
Ils sont inféodés à des flux dont l’importance peut être nuisible à leur mission.
L’excès de réussite du système mondialisé du tourisme a entraîné des mécanismes pervers. C’est une situation que je ne trouve pas saine.
Rémy Knafou : Pas seulement, le système touristique a eu la capacité d’annihiler les défenses de ceux qui sont censés fournir en face de lui une résistance.
Je parle là de société de défense de la nature, de conservation du patrimoine culturel. Face aux centaines de millions de touristes, ces organismes ont été amenés à négocier et parfois oublier le sens 1er de leurs missions.
Prenez l’exemple du Musée du Louvre qui s’était engagé dans une course aux records, pour devenir le 1er musée du monde en termes de fréquentation.
Nous en sommes arrivés à ce que les ¾ des visiteurs sont étrangers. Si c’est un point sur lequel nous pouvons nous féliciter, mais les Parisiens, les Franciliens et les Français ont de plus en plus de mal à accéder à ce musée.
Non seulement la cohabitation entre les différents publics n’est pas organisée, mais en plus le Louvre a oublié que sa mission première qui consiste à préserver le patrimoine et qu’il doit mettre à disposition des œuvres auprès de différents publics et non un seul.
Il y a aussi des mécanismes pervers dans des parcs naturels et/ou nationaux. La fréquentation touristique permet d’apporter des ressources à ces lieux, je trouve cela malsain.
Ils sont inféodés à des flux dont l’importance peut être nuisible à leur mission.
L’excès de réussite du système mondialisé du tourisme a entraîné des mécanismes pervers. C’est une situation que je ne trouve pas saine.
"La notion de tourisme durable a été tellement galvaudée qu’elle me pose problème"
TourMaG.com – Que demandez-vous ?
Rémy Knafou : Je conseille que nous réformions ce système touristique mondialisé, pour entrer de manière plus résolue dans la transition écologique.
Il existe aussi d’autres raisons pour le réformer.
Ce système en question a un problème : il n’a pas de pilotage. L’OMT a tenté de jouer ce rôle, mais elle est l’addition de l’intérêt des Etats et des grands opérateurs touristiques.
Cette résultante ne produit qu’un discours le plus consensuel possible, mais je ne pense pas qu’il soit possible de réformer de l’intérieur ce système avec ce genre de ton.
TourMaG.com – Le tourisme doit être durable ou ne sera plus, est-ce bien le propos de votre livre ?
Rémy Knafou : Bien évidemment, même si je pose une limite à cela.
La notion de tourisme durable a été tellement galvaudée qu’elle me pose problème. Elle a surtout servi à faire du greenwashing. J’ai assisté à la 1ère conférence mondiale sur le thème Tourisme et Environnement, en 1989.
Alors que la charte sur le tourisme durable a été rédigée en 1995, quand nous regardons les réalisations depuis, nous pouvons être déçus.
Voilà pourquoi je dis qu’il faut accélérer et entrer de manière plus déterminée dans cette 4e révolution touristique.
Autant le terme tourisme durable s’est formidablement bien popularisé, autant les réalisations ne sont pas au rendez-vous.
Le tourisme doit devenir durable, pour avoir de l’avenir.
Rémy Knafou : Je conseille que nous réformions ce système touristique mondialisé, pour entrer de manière plus résolue dans la transition écologique.
Il existe aussi d’autres raisons pour le réformer.
Ce système en question a un problème : il n’a pas de pilotage. L’OMT a tenté de jouer ce rôle, mais elle est l’addition de l’intérêt des Etats et des grands opérateurs touristiques.
Cette résultante ne produit qu’un discours le plus consensuel possible, mais je ne pense pas qu’il soit possible de réformer de l’intérieur ce système avec ce genre de ton.
TourMaG.com – Le tourisme doit être durable ou ne sera plus, est-ce bien le propos de votre livre ?
Rémy Knafou : Bien évidemment, même si je pose une limite à cela.
La notion de tourisme durable a été tellement galvaudée qu’elle me pose problème. Elle a surtout servi à faire du greenwashing. J’ai assisté à la 1ère conférence mondiale sur le thème Tourisme et Environnement, en 1989.
Alors que la charte sur le tourisme durable a été rédigée en 1995, quand nous regardons les réalisations depuis, nous pouvons être déçus.
Voilà pourquoi je dis qu’il faut accélérer et entrer de manière plus déterminée dans cette 4e révolution touristique.
Autant le terme tourisme durable s’est formidablement bien popularisé, autant les réalisations ne sont pas au rendez-vous.
Le tourisme doit devenir durable, pour avoir de l’avenir.
"L’enjeu est de ne pas repartir comme avant, pour ne pas aller dans le mur"
TourMaG.com – Vous avez sorti votre livre à un moment pas vraiment anodin, en mai 2021. Cela faisait plus d’un an que le tourisme faisait son introspection. Y a-t-il un monde d’après ?
Rémy Knafou : Je ne pense pas.
J’ai écrit ce livre, par crainte que nous repartions comme si de rien n’était. L’enjeu est de ne pas repartir comme avant, pour ne pas aller dans le mur.
Le choc terrible de la pandémie, pour le tourisme a laissé les grands acteurs en plein désarroi.
Nous voyons bien que le système a du mal à encaisser le choc et voir son évolution.
Brune Poirson a fait dernièrement une déclaration intéressante, alors qu’elle est directrice du développement durable chez Accor.
Pour elle, les nouvelles générations ne veulent pas de compensation carbone ou l’atténuation, tout comme les actionnaires et la planète.
Cette période est révolue et la compensation fait déjà partie du monde d’avant. Je pense qu’elle n’a pas tort.
Il va falloir y regarder à deux fois avant de faire des voyages lointains.
Rémy Knafou : Je ne pense pas.
J’ai écrit ce livre, par crainte que nous repartions comme si de rien n’était. L’enjeu est de ne pas repartir comme avant, pour ne pas aller dans le mur.
Le choc terrible de la pandémie, pour le tourisme a laissé les grands acteurs en plein désarroi.
Nous voyons bien que le système a du mal à encaisser le choc et voir son évolution.
Brune Poirson a fait dernièrement une déclaration intéressante, alors qu’elle est directrice du développement durable chez Accor.
Pour elle, les nouvelles générations ne veulent pas de compensation carbone ou l’atténuation, tout comme les actionnaires et la planète.
Cette période est révolue et la compensation fait déjà partie du monde d’avant. Je pense qu’elle n’a pas tort.
Il va falloir y regarder à deux fois avant de faire des voyages lointains.
Tourisme : "Nous sommes dans une fuite en avant depuis le début"
TourMaG.com – Pour vous est-ce que la destinée du tourisme a-t-elle été trop abandonnée aux acteurs privés ?
Rémy Knafou :Ce n’est pas seulement ça.
Tout le monde est entré dans une logique du toujours plus, les Etats aussi. Regardez la France visait, il n’y a pas si longtemps les 100 millions de visiteurs.
Il y a une fascination des grands nombres, avec à la clé des intérêts très importants. Pour autant, il faut que ceux qui sont en capacité de le faire puissent exercer leur pouvoir de régulation.
Les visions ne peuvent pas seulement être quantitatives.
Le procès que nous pouvons faire à cela, c’est que tant que le marché le permet, nous allons vers le toujours plus, nous sommes dans la facilité. Au lieu d’intensifier l’exploitation, nous préférions construire de nouveaux espaces. C’est ce que nous savons faire et ce depuis très longtemps.
J’ai fait mon doctorat sur les stations intégrées de sports d’hiver des Alpes Françaises. Ma thèse a été publiée en 1978, à l’époque j’avais déjà remarqué ce système du « toujours plus ».
Les promoteurs ont créé des stations qui étaient bien pensées pour la pratique du ski, mais ils se sont aperçus que les personnes qui avaient acheté un appartement y venaient seulement 2 à 3 semaines dans l’année.
Cela ne suffisait pas pour faire tourner la machine. Face à ce manque d’activité, ils ont empilé les immeubles pour remplir les stations.
Nous sommes dans une fuite en avant depuis le début. Voici pourquoi il faut réformer le système touristique mondialisé.
Rémy Knafou :Ce n’est pas seulement ça.
Tout le monde est entré dans une logique du toujours plus, les Etats aussi. Regardez la France visait, il n’y a pas si longtemps les 100 millions de visiteurs.
Il y a une fascination des grands nombres, avec à la clé des intérêts très importants. Pour autant, il faut que ceux qui sont en capacité de le faire puissent exercer leur pouvoir de régulation.
Les visions ne peuvent pas seulement être quantitatives.
Le procès que nous pouvons faire à cela, c’est que tant que le marché le permet, nous allons vers le toujours plus, nous sommes dans la facilité. Au lieu d’intensifier l’exploitation, nous préférions construire de nouveaux espaces. C’est ce que nous savons faire et ce depuis très longtemps.
J’ai fait mon doctorat sur les stations intégrées de sports d’hiver des Alpes Françaises. Ma thèse a été publiée en 1978, à l’époque j’avais déjà remarqué ce système du « toujours plus ».
Les promoteurs ont créé des stations qui étaient bien pensées pour la pratique du ski, mais ils se sont aperçus que les personnes qui avaient acheté un appartement y venaient seulement 2 à 3 semaines dans l’année.
Cela ne suffisait pas pour faire tourner la machine. Face à ce manque d’activité, ils ont empilé les immeubles pour remplir les stations.
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