Sophie Baillot : "Je ne serai pas surprise que dans 5 à 10 ans les compagnies fusionnent, que des consortiums se créent, que des flottes se partagent" - Photo Maya Angelsen
TourMaG.com - La crise liée à la pandémie de Covid-19 a-t-elle changé les exigences de vos clients ?
Sophie Baillot : Mon sentiment, c'est que cette crise - que nous n'avons pas complètement fini de traverser - a changé le profil des consommateurs tourisme en général.
Nous avons l'impression que ce phénomène est passager car il est arrivé en réaction à la pandémie, mais je dirais que c'est plus que passager et que cela va dessiner les contours d'un consommateur de voyages très différent de l'image que l'on avait de lui avant la pandémie.
Quant au secteur de la croisière, il a été impacté de plein fouet par l'arrêt pur et simple des activités d'exploitation des navires.
Cela a eu une incidence sur 2020 et 2021, car parmi les premiers passagers à repartir, figuraient ceux qui avaient des avoirs à écouler. Cela signifie que les nouveaux passagers croisière - et donc leurs nouvelles attentes - nous commençons à peine à les rencontrer maintenant.
Alors, que constatons-nous ? Au niveau des réservations, avant la pandémie, la "booking window" était de 18 mois à 2 ans avant le départ de la croisière. Aujourd'hui, nous sommes sur du "late booking", parfois 2 mois avant départ...
Sophie Baillot : Mon sentiment, c'est que cette crise - que nous n'avons pas complètement fini de traverser - a changé le profil des consommateurs tourisme en général.
Nous avons l'impression que ce phénomène est passager car il est arrivé en réaction à la pandémie, mais je dirais que c'est plus que passager et que cela va dessiner les contours d'un consommateur de voyages très différent de l'image que l'on avait de lui avant la pandémie.
Quant au secteur de la croisière, il a été impacté de plein fouet par l'arrêt pur et simple des activités d'exploitation des navires.
Cela a eu une incidence sur 2020 et 2021, car parmi les premiers passagers à repartir, figuraient ceux qui avaient des avoirs à écouler. Cela signifie que les nouveaux passagers croisière - et donc leurs nouvelles attentes - nous commençons à peine à les rencontrer maintenant.
Alors, que constatons-nous ? Au niveau des réservations, avant la pandémie, la "booking window" était de 18 mois à 2 ans avant le départ de la croisière. Aujourd'hui, nous sommes sur du "late booking", parfois 2 mois avant départ...
L'intégralité du marché de la croisière s'est retrouvé avec des disponibilités de dernière minute, ce qui n'arrivait jamais avant.
De plus, sans déprécier le produit, nous nous sommes retrouvés avec une gamme de prix très différente. Je pense que désormais nous allons observer un retour à la norme des gammes de prix.
Autre phénomène : le "cruise bashing" dont on parle tant et qui est extrêmement préjudiciable et impactant pour l'image de la croisière.
Ce sont les croisiéristes qui se retrouvent tout le temps à devoir tout expliquer en matière de RSE, de durable, d'environnement, alors que les armateurs ont intégré ces problématiques depuis longtemps... et que tout le monde est concerné !
On nous demande des bateaux qui fonctionnent avec des carburants écoresponsables ou green, qu'on ne trouve pas partout ou qui n'ont pas encore fait leurs preuves, hormis le GNL ou les piles à combustible. L'hydrogène vert, par exemple, est encore en phase de test.
Il nous faut donc expliquer aux clients toute la rhétorique de la chaine : à la construction technique et technologique maritime s'ajoute le choix des ports - pouvant assurer l'accueil, disposant des infrastructures et pouvant fournir le carburant.
Les armateurs, eux, ont pris ces problématiques au sérieux depuis longtemps. On le voit avec le traitement des eaux usées, des fumées, des déchets... mais aussi par leur politique d'écoresponsabilité humaine.
En effet, toutes ces compagnies donnent au personnel qu'elles embauchent un métier, un salaire, une formation. Cela permet à plein de gens de s'élever et contribue aux économies locales.
De plus, sans déprécier le produit, nous nous sommes retrouvés avec une gamme de prix très différente. Je pense que désormais nous allons observer un retour à la norme des gammes de prix.
Autre phénomène : le "cruise bashing" dont on parle tant et qui est extrêmement préjudiciable et impactant pour l'image de la croisière.
Ce sont les croisiéristes qui se retrouvent tout le temps à devoir tout expliquer en matière de RSE, de durable, d'environnement, alors que les armateurs ont intégré ces problématiques depuis longtemps... et que tout le monde est concerné !
On nous demande des bateaux qui fonctionnent avec des carburants écoresponsables ou green, qu'on ne trouve pas partout ou qui n'ont pas encore fait leurs preuves, hormis le GNL ou les piles à combustible. L'hydrogène vert, par exemple, est encore en phase de test.
Il nous faut donc expliquer aux clients toute la rhétorique de la chaine : à la construction technique et technologique maritime s'ajoute le choix des ports - pouvant assurer l'accueil, disposant des infrastructures et pouvant fournir le carburant.
Les armateurs, eux, ont pris ces problématiques au sérieux depuis longtemps. On le voit avec le traitement des eaux usées, des fumées, des déchets... mais aussi par leur politique d'écoresponsabilité humaine.
En effet, toutes ces compagnies donnent au personnel qu'elles embauchent un métier, un salaire, une formation. Cela permet à plein de gens de s'élever et contribue aux économies locales.
TourMaG.com - Que fait UOC de son côté pour lutter contre ce cruise bashing ?
Sophie Baillot : Etant donné que le consommateur est plus attentif à ce qu'il a envie de réserver, nous donnons sur notre site toutes les information RSE des compagnies avec lesquelles nous travaillons, en expliquant ce que chacune fait.
Nous mettons aussi en avant des navires de dernière génération : le Rotterdam pour Holland America Line, le Sylvia Earle pour Aurora Expeditions, ceux de Scenic Cruises, le Seabourn Venture... Mais aussi des compagnies qui vont privilégier le slow tourisme, c'est-à-dire naviguer à des vitesses réduites pour moins consommer et donc moins polluer, ou encore des navires qui avancent au GNL, avec des piles à combustible ou avec des moteurs hybrides.
Nous avons également chez UOC décidé d'accompagner davantage le client, de l'encadrer et de le guider, car le cruise bashing, la pollution et la systémisation d'un certain gigantisme des bateaux donne une image inaccessible, déshumanisée, désincarnée de la croisière.
Nous proposons donc, sur une sélection de croisières très variées, un accompagnement francophone UOC. Sur certains départs, il y a donc quelqu'un de notre équipe à bord. Nous devenons un point central : les clients nous voient à l'aéroport, à bord, et tout du long.
Nous complétons cette offre en ajoutant sur certaines croisières - notamment chez Cunard - des plateaux d'invités pour les conférences. Et les compagnies nous aident. Sur Aurora Expeditions par exemple, il y aura toujours un scientifique francophone à bord ; la compagnie australienne Scenic Cruises va choisir des départs spécial Mékong francophones.
Nous envisageons également de rejoindre un fonds de dotation pour compenser notre empreinte carbone, en tant que tour-opérateur.
Sophie Baillot : Etant donné que le consommateur est plus attentif à ce qu'il a envie de réserver, nous donnons sur notre site toutes les information RSE des compagnies avec lesquelles nous travaillons, en expliquant ce que chacune fait.
Nous mettons aussi en avant des navires de dernière génération : le Rotterdam pour Holland America Line, le Sylvia Earle pour Aurora Expeditions, ceux de Scenic Cruises, le Seabourn Venture... Mais aussi des compagnies qui vont privilégier le slow tourisme, c'est-à-dire naviguer à des vitesses réduites pour moins consommer et donc moins polluer, ou encore des navires qui avancent au GNL, avec des piles à combustible ou avec des moteurs hybrides.
Nous avons également chez UOC décidé d'accompagner davantage le client, de l'encadrer et de le guider, car le cruise bashing, la pollution et la systémisation d'un certain gigantisme des bateaux donne une image inaccessible, déshumanisée, désincarnée de la croisière.
Nous proposons donc, sur une sélection de croisières très variées, un accompagnement francophone UOC. Sur certains départs, il y a donc quelqu'un de notre équipe à bord. Nous devenons un point central : les clients nous voient à l'aéroport, à bord, et tout du long.
Nous complétons cette offre en ajoutant sur certaines croisières - notamment chez Cunard - des plateaux d'invités pour les conférences. Et les compagnies nous aident. Sur Aurora Expeditions par exemple, il y aura toujours un scientifique francophone à bord ; la compagnie australienne Scenic Cruises va choisir des départs spécial Mékong francophones.
Nous envisageons également de rejoindre un fonds de dotation pour compenser notre empreinte carbone, en tant que tour-opérateur.
TourMaG.com - Profil des clients, innovations technologiques et environnementales... Doit-on s'attendre à d'autres évolutions dans le monde de la croisière ?
Sophie Baillot : Je pense qu'il y a des zones qui vont être davantage mises en valeur dans les années qui viennent : l'Ecosse, l'Irlande et le Nord de l'Europe en général. Ce sont des zones intéressantes.
Et puis, le secteur a atteint ses limites en termes de taille des navires, il ne faut pas croire que l'on va construire des unités encore plus grandes. Au contraire, nous allons construire des bateaux différemment, avec une décrue du nombre de cabines à bord, par exemple.
Ce qui peut arriver en revanche, c'est une redistribution des cartes, des marques, des navires. Je ne serai pas surprise que dans 5 à 10 ans les compagnies fusionnent, que des consortiums se créent, que des flottes se partagent.
La croisière, dans son évolution pourrait sans doute, petit à petit, présenter un nouveau visage. Il n'est pas impossible que les acteurs d'aujourd'hui ne soient plus forcément les acteurs de demain, et que à l'instar de Compagnie Française de Croisières (CFC) ou d'Exploris, on "recycle".
Mais tout cela dépendra du consommateur, des avancées en terme de développement durable, des escales. Prenez par exemple l'île de Majorque. Il n'est pas impossible que dans quelques temps, la destination demande aux compagnies qui souhaitent des allotements d'être complètement "green". Cela va redistribuer les cartes.
Et puis, il faut que nous revenions à un niveau de croisiéristes suffisant et sur ce thème là, je pense que la France est à la traine par rapport aux Américains ou à d'autres clientèles européennes.
Sophie Baillot : Je pense qu'il y a des zones qui vont être davantage mises en valeur dans les années qui viennent : l'Ecosse, l'Irlande et le Nord de l'Europe en général. Ce sont des zones intéressantes.
Et puis, le secteur a atteint ses limites en termes de taille des navires, il ne faut pas croire que l'on va construire des unités encore plus grandes. Au contraire, nous allons construire des bateaux différemment, avec une décrue du nombre de cabines à bord, par exemple.
Ce qui peut arriver en revanche, c'est une redistribution des cartes, des marques, des navires. Je ne serai pas surprise que dans 5 à 10 ans les compagnies fusionnent, que des consortiums se créent, que des flottes se partagent.
La croisière, dans son évolution pourrait sans doute, petit à petit, présenter un nouveau visage. Il n'est pas impossible que les acteurs d'aujourd'hui ne soient plus forcément les acteurs de demain, et que à l'instar de Compagnie Française de Croisières (CFC) ou d'Exploris, on "recycle".
Mais tout cela dépendra du consommateur, des avancées en terme de développement durable, des escales. Prenez par exemple l'île de Majorque. Il n'est pas impossible que dans quelques temps, la destination demande aux compagnies qui souhaitent des allotements d'être complètement "green". Cela va redistribuer les cartes.
Et puis, il faut que nous revenions à un niveau de croisiéristes suffisant et sur ce thème là, je pense que la France est à la traine par rapport aux Américains ou à d'autres clientèles européennes.
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TourMaG.com - Doit-on s'attendre à un boom des croisières d'expédition et faut-il craindre cet essor ?
Sophie Baillot : En terme d'économie d'échelle, les expédions vont forcément rester des croisières chères. Et on ne pourra pas non plus avoir 50 bateaux qui vont partir de Longyearbyen. On est déjà passé de 2 à 8, c'est énorme.
Mais si l'expédition devrait rester un marché de niche, on peut s'attendre à voir de plus en plus de navires dessinés pour l'expédition. On le voit avec le Seabourn Venture, l'Ultramarine de Quark Expeditions, ils sont faits pour ça.
TourMaG.com - Après deux ans de pandémie, comment se porte Un Océan de Croisières (UOC) ?
Sophie Baillot : Nous avons traversé la crise, et nous en sortons vivants déjà, motivés et nous avons des projets.
Mais nous avons appris, au cours de cette période, que nous ne pouvons plus avoir aucune certitude et qu'il est impossible de faire des prévisionnels à six mois.
Nous sommes aussi conscients que nous pourrions encore être impactés si, dans les six prochains mois, il y avait de nouveau des difficultés liées à l'inflation, à la guerre qui perdure ou à d'autres phénomènes circonstanciels. Ce serait à nouveau compliqué et nous devrions renoncer à nos projets initiaux comme nous avons dû le faire durant cette pandémie.
Et puis, il y autre chose : c'est maintenant que nous aimerions que le PGE soit protégé !
Qu'on nous laisse six mois ou un an de répit, maintenant que la reprise est là et alors que nous avons tenu nos entreprises hors de l'eau pendant tant de mois, plutôt que de nous obliger à rembourser. Surtout que cette reprise est encore timide pour une partie de la profession : le long-courrier, la croisière...
Sophie Baillot : En terme d'économie d'échelle, les expédions vont forcément rester des croisières chères. Et on ne pourra pas non plus avoir 50 bateaux qui vont partir de Longyearbyen. On est déjà passé de 2 à 8, c'est énorme.
Mais si l'expédition devrait rester un marché de niche, on peut s'attendre à voir de plus en plus de navires dessinés pour l'expédition. On le voit avec le Seabourn Venture, l'Ultramarine de Quark Expeditions, ils sont faits pour ça.
TourMaG.com - Après deux ans de pandémie, comment se porte Un Océan de Croisières (UOC) ?
Sophie Baillot : Nous avons traversé la crise, et nous en sortons vivants déjà, motivés et nous avons des projets.
Mais nous avons appris, au cours de cette période, que nous ne pouvons plus avoir aucune certitude et qu'il est impossible de faire des prévisionnels à six mois.
Nous sommes aussi conscients que nous pourrions encore être impactés si, dans les six prochains mois, il y avait de nouveau des difficultés liées à l'inflation, à la guerre qui perdure ou à d'autres phénomènes circonstanciels. Ce serait à nouveau compliqué et nous devrions renoncer à nos projets initiaux comme nous avons dû le faire durant cette pandémie.
Et puis, il y autre chose : c'est maintenant que nous aimerions que le PGE soit protégé !
Qu'on nous laisse six mois ou un an de répit, maintenant que la reprise est là et alors que nous avons tenu nos entreprises hors de l'eau pendant tant de mois, plutôt que de nous obliger à rembourser. Surtout que cette reprise est encore timide pour une partie de la profession : le long-courrier, la croisière...