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Taxe Venise : "C'est de l'artifice, il n'y a aucune volonté de réguler"

Une taxe d'entrée est expérimentée à Venise


Venise est l'un des symboles mondiaux et médiatiques du surtourisme. La Sérénissime est envahie chaque année par des millions de touristes, privant la population de sa ville et de ses atouts. Pour lutter contre ce phénomène, la municipalité teste du 25 avril au 14 juillet 2024, une taxe d'entrée de 5 euros pour les visiteurs. L'enjeu officieux est sans doute de dégager des budgets supplémentaires, mais en aucun cas de réguler les flux selon le géographe Rémy Knafou.


Rédigé par le Vendredi 26 Avril 2024

Une taxe d'entrée est expérimentée à Venise depuis ce 25 avril 2024 - Depositphotos @@ Aron_M
Une taxe d'entrée est expérimentée à Venise depuis ce 25 avril 2024 - Depositphotos @@ Aron_M
Depuis de nombreuses années, Venise - et dans une moindre mesure Barcelone - sont devenues le symbole mondial et médiatique des effets négatifs d'un tourisme non maîtrisé.

Ce surtourisme, ou cette déferlante continue de milliers de personnes chaque jour pour visiter la ville, a entrainé une déportation des habitants vers d'autres quartiers et cités alentour.

La population étouffe.

Le rejet des Vénitiens envers ce trop-plein a conduit les édiles à légiférer.

Les bateaux de croisières ont été chassés à l'extérieur de la Cité des doges, et désormais l'instauration d'un péage. ou d'une taxe. devient une réalité.

Depuis de nombreuses années, la municipalité en fait planer la menace, mais ce 25 avril 2024 marque un tournant.

Une taxe d’entrée journalière de 5 euros est exigée à l'ensemble des visiteurs journaliers, souhaitant se rendre dans le centre historique de Venise, lors des pics de fréquentation.


"Cette opération n'a pas pour but de fermer une ville, ce n'est pas une caserne. Le premier objectif est de défendre la ville et de la rendre vivable," a affirmé Luigi Brugnaro, le maire de Venise.

La Sérénissime ne va pas se recroqueviller sur elle-même, là n'était pas le but.

Venise : des visiteurs favorables à la taxe ?

Tout d'abord, l'instauration de cette mesure fait suite aux craintes émises par l'UNESCO.

En juillet dernier, le Centre du Patrimoine mondial a émis comme recommandation de placer Venise sur la liste du Patrimoine mondial en péril.

Si le changement climatique est pointé du doigt, il n'est pas le seul facteur qui pourrait entrainer un déclassement, "le tourisme de masse menace de causer des changements irréversibles à la valeur universelle exceptionnelle du bien."

Deux ans plus tôt, l'instance avait déjà proposé ce placement.

Pour remédier à cette mauvaise publicité, la municipalité a voulu montrer les muscles et a donc pris le parti de taxer les visiteurs et excursionnistes.

L'initiative a été vivement commentée dans le sondage lancé par Les Ailes de Venise sur les réseaux sociaux.

L'agence, qui propose des séminaires et événements dans la cité des Doges axés sur la durabilité, a noté une lassitude vis-à-vis du surtourisme. Pour l'un des sondés, la "surfréquentation est catastrophique".

Les personnes ayant répondu ne sont globalement pas opposées à cette taxe (68,5%). Par contre, elles sont dubitatives sur l'intérêt et l'efficacité d'une telle initiative.

Les sondés se sont déclarés comme favorables à la taxe seulement “si cela permet de financer la conservation” du patrimoine, car il est "important de le préserver".

Taxe Venise : la population dénonce l'hypocrisie de la mesure

Dans le même temps, pour les voyageurs interrogés, la municipalité se trompe de cible.

Ils aimeraient d'abord que le pouvoir en place s'attaque aux croisiéristes, responsables d’un tourisme journalier envahissant.

Mais ces politiques ne freinent pas le développement touristique de la ville. A Mestre, de nouveaux hôtels low-cost se construisent et l'aéroport Marco Polo sera agrandi d'ici 2025, la jauge des passagers annuels passant alors de 11 à 16 millions de personnes.

Cette pression du tourisme sur une population en souffrance génère une contestation croissante. Les Vénitiens ont d'ailleurs manifesté, non pas contre la taxe, mais contre l'hypocrisie du Maire.

"La municipalité parle beaucoup d'un nouveau système de contrôle, mais en attendant, elle veut ramener les gros navires dans la lagune et donc un million et demi de touristes supplémentaires.

Elle souhaite ouvrir un hub à San Giuliano sur le continent pour amener les touristes de San Giobbe à Venise, et un à Montiron pour relier l'aéroport au quartier de Castello.

Comment peuvent-ils nous dire qu’ils veulent faire quelque chose alors qu’ils font simplement de Venise un musée ?
" ont posé comme question les organisateurs à nos confrères de la Repubblica.

La réponse est toute trouvée pour Rémy Knafou, professeur émérite à l'Université Paris 1 - Panthéon-Sorbonne et grand observateur de Venise.

"Venise n'est pas en proie au surtourisme", selon Remy Knafou

Pour Rémy Knafou "le plus souvent, le mot surtourisme est employé sans discernement, la notion introduit la subjectivité de ceux qui l'emploient. Dire qu'il y a un "trop" est une notion purement subjective, c'est une différence entre le plus et le trop.

Pour parler de surtourisme, nous devons vérifier que les conditions soient bien remplies : l'excès nuit à la conservation du site, l'excès provoque un rejet de la part d'une partie de la société d'accueil, comme à Barcelone, et l'excès nuit à la qualité de la visite par les touristes eux-mêmes.

A Venise, les touristes ne sont pas tellement gênés par la présence des autres touristes, tellement ils sont émerveillés et dans la découverte des lieux. Les cas de surtourisme sont rares.

Il y a surtourisme quand il n'y a pas de régulation.

Pour moi Venise n'est pas en proie au surtourisme, mais cela ne veut pas dire qu'elle n'est pas confrontée à de véritables problèmes.

La société vénitienne dans sa majorité collabore au tourisme, c'est même elle qui transforme ses logements, en location touristique temporaire, rien ne les y oblige, sauf l'appât du gain.

Quant au Maire et au Conseil municipal, élus par cette partie importante de la population vénitienne qui vit du tourisme, ils n'ont strictement aucune intention d'introduire une véritable régulation.

Ils sont passés maîtres dans l'art du contre-feu médiatique, mais ne changent rien à la réalité des choses,
" pense celui qui a beaucoup étudié le cas de la Sérénissime.

Venise : "On préfère amuser la galerie avec cette taxe de séjour"

"Les navires de croisières ont été éloignés, ils ne passent plus devant le palais des Doges, sauf qu'ils sont toujours aussi nombreux à stationner au fond de la lagune.

C'est uniquement de l'artifice, il n'y a aucune volonté de réguler.

La situation est préoccupante, j'en conviens, tout comme il est avéré que la population décroit, mais ce sont les Vénitiens eux-mêmes qui participent à ce mouvement, en tirant des profits de la situation. Ils s'excluent eux-mêmes, mais aussi leurs enfants de vivre dans Venise.

Les gens oublient que la commune est très vaste. Elle ne s'arrête pas à la partie historique, ni à l'archipel, elle comprend une large partie sur la terre ferme.

L'essentiel des Vénitiens n'habitent plus dans le centre historique de Venise, y compris le Maire. Ils vivent à terre.

Ce centre historique est devenu de facto un parc d'attractions pour les touristes, et rien n'est fait par la municipalité pour arrêter le mouvement.

Pour preuve, au printemps 2023, une proposition d'un conseiller municipal a été faite, pour restreindre la transformation des logements en Airbnb, elle a été retoquée par la majorité.

On préfère amuser la galerie avec cette taxe de séjour, seulement quelques jours par an. D'ailleurs aucun contrôle ne sera effectué. La mairie a annoncé des contrôles aléatoires.

Ce n'est pas du tout un outil de régulation, par contre, c'est quelque chose que je trouve légitime, car les excursionnistes ne consomment pas beaucoup ou suffisamment aux dires des Vénitiens, sauf qu'il faut voir l'état de la ville derrière.

Que l'on fasse payer l'entretien de la ville à ces personnes, ça ne m'étonne pas, mais ce n'est pas un outil de régulation,
" conclut le sociologue et auteur de nombreux livres sur le tourisme.

Venise : quels jours la taxe est-elle exigée ?

- 25, 26, 27, 28, 29 et 30 avril 2024,

- 1, 2, 3, 4, 5, 11, 12, 18, 19, 25, 26 mai 2024,

- 8, 9, 15, 16, 22, 23 , 29, 30 juin 2024

- 6, 7, 13 et 14 juillet 2024.

Pour l'accès à Venise, le paiement d'un droit d'accès est exigé si vous ne rentrez pas dans les hypothèses ouvrant droit à l'exonération de paiement.

La cotisation n'est pas due de 16h00 à 8h30.


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