Tourisme : comment le marché de l'emploi a t-il évolué en 2024 ? [ABO]

L'année 2024 pour le marché de l'emploi dans le tourisme n'a pas été un long fleuve tranquille.

Le contexte politique en France après la dissolution de l'Assemblée Nationale et l'organisation des Jeux Olympiques ont impacté le secteur.

Sur l'hôtellerie - restauration, "le marché du travail a été très contrasté depuis mai 2024 où les chefs d’entreprise ont été plongés dans l’incertitude après la dissolution de l’Assemblé Nationale et aux mesures fiscales et sociales qui pouvaient en découler... Une visibilité moindre, un marché un peu étrange que l’on retrouvera surement sur le 1er semestre 2025 avec peu de stabilité." explique Alain JACOB, directeur associé d'AJ Conseils.

Sur le MICE, Corinne AUGARDE directrice de CORINNE AUGARDE CONSEIL, constate de l'attentisme : "c'est plutôt mou... certains recruteurs étaient pressés, mais ils ne le sont plus. D'autres ne trouvent pas de profils correspondants à leurs critères".

Pour Carole BETITO, Directrice Générale de MS Group, le recul de l'activité a aussi joué en défaveur des recrutements : "Le tourisme et les voyages d’affaires ont été marqués par une baisse significative de la demande, ce qui a impacté les recrutements et l’activité générale. Nous ne sommes pas très présents dans l'hôtellerie, à l'exception des métiers liés à la réception, mais nous constatons que la baisse d’activité cet été sur Paris et la région parisienne a fragilisé certains services associés.

La déception est également palpable suite aux JO, où l'anticipation de la demande n’a pas été à la hauteur des espoirs. Les retombées économiques attendues n’ont pas eu l'impact escompté, ce qui a freiné la reprise des secteurs du tourisme et des voyages d’affaires. Cette situation a conduit à une réduction de l'activité et, par conséquent, à une baisse des recrutements sur une bonne partie de l’année, même si la tendance est à la reprise depuis ces derniers mois".

Dans le secteur du tour-opérating et des agences de voyages même constat.

"Nous observons une baisse des recrutements avec des candidats et des entreprises attentistes dans un contexte incertain. Cependant, on note encore des opportunités dans les grands réseaux de distribution de voyages, les spécialistes du voyages sur-mesure et du luxe, les groupistes.

Les métiers de conseillers voyages et commerciaux groupes sont en tension et les recruteurs doivent désormais se concentrer sur le qualitatif et chercher des profils en pénurie." précise Valérie Dufour, responsable de la rubrique emploi de TourMaG.

Les profils recherchés pour des postes de cadres évoluent peu dans l'hôtellerie - restauration : Revenue et Yield Management, Chefs de cuisine, Chefs. Idem pour les agences et TO : conseillers voyages, spécialistes de destination, commerciaux groupes, forfaitistes groupes, conseillers en voyages d’affaires, billettistes, spécialistes en voyages sur-mesure, spécialistes de la communication et du marketing digital sont les plus recherchés.

Et dans cette quête, les soft skills font de plus en plus la différence dans le choix du candidat final : la communication, l’aisance relationnelle, l’empathie etc.. sont des critères essentiels.

"Les recruteurs recherchent avant tout des profils polyvalents et agiles, capables de s’adapter aux évolutions rapides du secteur et d’offrir un service client exceptionnel. Les métiers traditionnels du tourisme, tels que les conseillers voyages ou les chargés de relations clients, ont considérablement évolué.

Désormais, ces professionnels ne se limitent plus à la gestion de réservations ou à l’information, mais jouent un rôle clé dans la gestion de l’expérience client, répondant à des attentes toujours plus exigeantes en matière de personnalisation et de service haut de gamme. L’engagement en faveur du développement durable est également devenu un critère essentiel". ajoute Carole BETITO de MS Group.

Elle poursuit : "Dans les métiers de l’hôtellerie et de la restauration, les contrats saisonniers et temporaires restent largement utilisés en raison de la nature fluctuante de l’activité. Cependant, pour attirer et fidéliser des talents qualifiés, les entreprises du tourisme tendent de plus en plus à proposer des contrats à durée indéterminée (CDI), en particulier pour les profils expérimentés et les postes stratégiques".

Ce que confirme AJ Conseils, cabinet de recrutement spécialisé l'hôtellerie pour les cadres, qui constate que sur son créneau, sont proposés essentiellement des CDI, des CDD ainsi que "quelques contrats de management de transition."

Sur la partie agences et TO, une majorité de CDI et de contrats en stage et alternance ont été proposés au cours du 1er semestre 2024. Mais depuis la fin de l’année, Valérie Dufour voit le retour des CDD et des contrats en freelance, ainsi qu'une baisse des contrats alternances au profit des postes en stage.

Sur le MICE, les CDI sont de rigueur, mais les contrats de freelance ont également le vent en poupe. Et du côté candidats ? Qu'attendent-ils ? Avec le covid, ils ont pris le pouvoir fort d'un marché de l'emploi en tension.

"Les candidats veulent du télétravail et de la flexibilité dans les horaires et ne pas travailler les week-ends mais dans beaucoup d’agences c’est impossible à concilier" résume Valérie Dufour de TourMaG.

Un constat partagé également par Carole BETITO : "Les profils en recherche d’emploi dans le secteur du tourisme sont diversifiés, mais ils partagent une aspiration commune : trouver des postes offrant davantage de sens, de flexibilité et de stabilité. Cette tendance s’observe notamment chez des candidats issus d’autres secteurs en reconversion ou en quête de meilleures conditions de travail."

Autre changement de paradigme, pour les employeurs, l'attachement à l'entreprise a fortement diminué. "Certains employeurs donnent l’impression de penser, parce qu’ils ont une notoriété forte, que les candidats ne demandent qu’à travailler chez eux. Les candidats restent factuels pour prendre leurs décisions : le salaire, les RTT, le TT, le temps de déplacement pour rejoindre le lieu de travail etc.." ajoute Alain Jacob.

Reste la sempiternelle adéquation de la demande des recruteurs face à celles des candidats.

"Dans un tel contexte très concurrentiel et incertain, les recruteurs vont devoir miser sur la technologie, la rémunération et les avantages sociaux, et une expérience humaine forte pour attirer les meilleurs talents ! Il est crucial pour les entreprises d’être flexibles et innovantes dans leurs stratégies de recrutement, tout en accordant une attention particulière aux besoins et aux attentes des candidats. Seules celles qui sauront s'adapter efficacement aux évolutions du marché pourront tirer leur épingle du jeu" estime Valérie Dufour.

Les entreprises doivent répondre aux nouvelles attentes des candidats en termes de flexibilité, de sens au travail et d'engagement RSE rappelle Carole BETITO : "Celles qui sauront adapter leurs pratiques de recrutement pour intégrer des valeurs humaines et offrir une plus grande souplesse dans l’organisation du travail seront mieux positionnées pour attirer et fidéliser les talents.

Recruter des talents deviendra de plus en plus complexe si l’on continue de privilégier les CV traditionnels au détriment des personnalités et des compétences transférables, capables de s’adapter à différents métiers. "