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Patrice Paoli (Quai d'Orsay) : "Il y a une augmentation du niveau de risque dans certaines régions..."

L'interview du directeur du Centre de crise du Quai d'Orsay


Missions, décisions, conseils aux voyageurs, relations avec les professionnels du tourisme... Patrice Paoli, directeur du Centre de crise du ministère des Affaires étrangères et du développement international (MAEDI) revient pour TourMaG.com sur le fonctionnement de son service au Quai d'Orsay.


Rédigé par Céline EYMERY le Dimanche 1 Octobre 2017

P. Paoli : "Nous reconnaissons que nous n’avons pas une compétence exclusive. Les tour-opérateurs, les agents de voyages, l’industrie du voyage ont une expertise du terrain et il faut confronter nos points de vue" - DR : MAEDI
P. Paoli : "Nous reconnaissons que nous n’avons pas une compétence exclusive. Les tour-opérateurs, les agents de voyages, l’industrie du voyage ont une expertise du terrain et il faut confronter nos points de vue" - DR : MAEDI
TourMaG.com - Quelles sont les missions du Centre de crise du ministère des Affaires étrangères et du développement international (MAEDI) ?

Patrice Paoli :
« Le Centre de crise a été créé en 2008 pour professionnaliser et concentrer plusieurs missions qui lui ont été confiées.

La première, c’est la protection des Français à l’étranger. C’est une mission préventive, d’accompagnement, d’aide aux personnes et de conseils aux voyageurs, mais aussi de gestion des crises.

La deuxième concerne l’action humanitaire. C’est en quelque sorte le principe d’assistance appliqué aux personnes qui ne sont pas françaises.

Ces deux missions principales ont pour facteur commun la gestion de l’urgence. Par exemple, Mossoul en Irak va être libérée de l’emprise de Daesh. Plusieurs questions se posent : sur le retour des personnes déplacées et sur la réhabilitation des services publics.

Quatrième mission : l’anticipation. Le Centre de crise ne travaille pas avec une boule de cristal. Nous nous basons sur une analyse des situations de risques à la fois par rapport à la présence de nos compatriotes à l’étranger et de nos intérêts économiques. Nous analysons des situations de fragilité afin d’aider à la décision pour mettre en place des réponses aux problèmes qui pourraient survenir.

Depuis 2015, le Centre de crise a une mission supplémentaire : la coordination des moyens de l’État pour assurer l’assistance aux victimes en cas d’attentats terroristes en France à travers la cellule interministérielle d’aide aux victimes, pilotée par le directeur du Centre de crise au Quai d’Orsay sous l’autorité du Premier Ministre.

Elle a pour vocation de fédérer les moyens de l’État : ministère de l’Intérieur, de la Santé, de la Justice, des Affaires étrangères et les associations d’aides aux victimes. Elle a été activée à deux reprises après les attentats du 13 novembre 2015 à Paris et Saint-Denis et le 14 juillet 2016 après les attentats de Nice ».

TourMaG.com - Combien de personnes travaillent pour le Centre de crise ?

P.P :
« Pour mener à bien ces missions, le Centre de crise peut compter sur une équipe de 84 personnes.

Elles exercent des fonctions extrêmement diverses : il y a des fonctionnaires du Quai d’Orsay, du personnel détaché d’autres ministères, des personnes qui viennent du privé, des médecins, des juristes…

Bien entendu, lors de crises très importantes, nous avons recours à des ressources extérieures. Les moyens humains sont adaptés en période de crise aux besoins qui apparaîtront ».

TourMaG.com - Comment travaillez-vous sur les fiches des conseils aux voyageurs ?

P.P :
« Tout d’abord, il est important de le souligner, les fiches des conseils aux voyageurs (FCV) font l’objet d’une certification ISO 9001. Nous devons répondre à des critères précis de qualité.

Nous avons eu d’ailleurs en juin dernier le renouvellement de notre certification pour 3 ans. En clair nous ne faisons pas n’importe quoi.

C’est le seul service du Quai d’Orsay qui soit certifié ISO 9001. C’est important car cela oblige à produire le conseil que nous donnons aux Français de la manière la plus élaborée et la plus juste possible ».

TourMaG.com - Justement, comment sont-elles élaborées ?

P.P :
« Le point de départ de la fiche des conseils aux voyageurs, c’est l’évaluation du risque réalisée par l’ambassade sur place.

Aujourd’hui, nous avons tendance à considérer que le risque est terroriste. Or le risque est de plusieurs ordres : sanitaire, climatique, liés aux conditions de circulation dans les pays… Il y a davantage de morts causés par des accidents de la route que lors d’autres événements qui défrayent la chronique.

Le risque c’est un ensemble de facteurs qui sont liés à une analyse la plus précise possible.

L’ambassade propose. De notre côté, nous étudions ensuite à Paris et analysons de manière profonde les données pour arriver à dégager des lignes de force dans la durée. Nous croisons nos informations avec les éléments préparés par la matrice d’anticipation. Nous travaillons aussi avec les services de renseignements.

C’est un large travail collaboratif. À la fin, il y a un maître d’oeuvre, la cellule de crise certifiée comme je vous le disais ISO 9001. C’est une élaboration partagée, une responsabilité exclusive ».

TourMaG.com - Peut-il y avoir une intervention extérieure ?

P.P :
« La certification n’est pas statique mais dynamique. Lorsque nous avons fini un audit, c’est aussi à chaque fois avec des suggestions de pistes d’amélioration.

Une des pistes sur laquelle nous travaillons est de rendre les fiches plus homogènes. L’analyse du risque doit être réalisée de la même manière par toutes les ambassades, avec une grille de lecture.

Cette analyse requiert des compétences et une formation. Cette homogénéisation doit être effectuée tout en gardant la différenciation nécessaire par pays.

Autre piste d’amélioration : la mise en relation de différents éléments d’une région ou d’une sous-région. Nous ne pouvons pas déconnecter l’évolution de certains risques dans un pays, sans le rattacher à ce qui se passe dans des pays voisins ou dans la région.

Il faut veiller à ce qu’il y ait une cohérence d’ensemble qui peut dépasser très largement un cadre sous régional ».

TourMaG.com - Quelles ont vos relations avec le SETO ?

P.P :
« Sur le plan institutionnel, nous avons une relation de confiance avec le SETO.

Quand nous travaillons avec les acteurs du tourisme sur des questions extrêmement sensibles qui touchent à la protection des Français à l’étranger, il est nécessaire de croiser les regards.

Nous reconnaissons que nous n’avons pas une compétence exclusive. Les tour-opérateurs, les agents de voyages, l’industrie du voyage ont une expertise du terrain et il faut confronter nos points de vue.

Nous sommes en concertation, chacun joue son rôle, nous travaillons ensemble mais nous ne sommes pas soumis à des codécisions ».

TourMaG.com - Quelle est votre vision de l’évolution globale des fiches des conseils aux voyageurs en terme de risque ?

P.P :
« Les fiches des conseils aux voyageurs et les cartes qui y sont associées ne sont pas statiques. Il faut avoir une vision réversible des situations.

Dans nos conseils aux voyageurs, nous devons refléter l’évolution à la fois en termes de risques mais aussi de leur diminution.

Par rapport au début de l‘existence des fiches des conseils aux voyageurs, nous avons une diffusion de zones rouges parce qu’il y a une dangerosité particulière liée essentiellement à des risques terroristes et de nature politique.

Je pense à la zone sahélienne, le bassin du lac Tchad, le Moyen- Orient, l’Afrique du Nord pour une bonne partie des pays qui la constitue. Il y a une augmentation du niveau de risque dans certaines régions mais pas partout.

Aujourd’hui, nous avons une perception d’une menace croissante dans plusieurs régions du monde. C’est le sentiment général. Il y a une diffusion d’une menace terroriste. Nous ne sommes pas figés, et si l’évolution est favorable nous en tiendrons compte ».

TourMaG.com - La carte n’est pas le seul indicateur pour les voyageurs, il y a aussi le texte ?

P.P :
« Le texte est nécessaire, il faut absolument que les voyageurs lisent les textes.

Il y a des pays dans lesquels ils peuvent voyager en toute sécurité en tenant compte des conseils en matière de vaccination ou de prévention sur la circulation routière. Ce n’est pas parce qu’un pays est vert que tout est parfait.

Le texte est valable pour des situations très simples comme pour des situations plus compliquées.

Et puis il y a des « dernières minutes » qui attirent l’attention des voyageurs sur des événements récents et il faut en tenir compte.

Dans les semaines qui viennent nous allons également ajouter de manière permanente et plus lisible des indications pour des pays dans lesquels il y a des procédures particulières ou des problèmes que nous voyons revenir de manière récurrente ».

Ariane, un outil pour vos clients !

Le ministère des Affaires étrangères souhaite promouvoir le service Ariane.

Il permet à ses utilisateurs de recevoir des conseils de sécurité, de rester informés sur les risques des pays visités, et de mieux localiser les voyageurs en cas de problème sur la destination.

Le service en ligne Ariane a été créé pour avoir une meilleure connaissance du nombre de voyageurs de courte durée (1 jour à 6 mois).

« Le besoin nous est apparu très clairement après le séisme du Népal au printemps 2015, lorsque nous avons appris, essentiellement par les agences de voyages et tour-opérateurs, qu’il y avait 2500 Français dont on ne connaissait pas la présence sur place » explique Patrice Paoli. « Seuls 300 étaient inscrits sur Ariane et 300 au consulat. »

Le directeur du Centre de crise souhaite que les professionnels du tourisme deviennent des promoteurs de ce service auprès de leurs clients.

Il reste confronté à certaines réticences : « Les professionnels du tourisme ne souhaitent pas en parler à leurs clients de peur de les effrayer. Nous pensons exactement le contraire. Bien informer les voyageurs est davantage un moyen de les rassurer », ajoute Patrice Paoli.

Ariane se développe. Entre janvier et juin 2017, 420 000 personnes ont déclaré un voyage. « Nous avons essayé de créer des fonctions obligatoires. Par exemple, nous obligeons les écoles dans le cadre de voyages scolaires à s’inscrire », poursuit-il.

Dans le secteur du voyage d’affaires, certaines entreprises font également de l’inscription sur Ariane une condition pour avoir un ordre de mission. C’est vrai aussi pour des agences de l’État.

« Aujourd’hui, l’enjeu pour nous est de persuader le plus grand nombre que c’est utile. Il y a une catégorie de personnes qui estiment que ce n’est pas la peine de s’inscrire sur Ariane pour des voyages en Espagne ou en Italie et pourtant… ».

Le Quai d’Orsay va désormais porter ses efforts sur la promotion. Ariane va apparaître plus souvent dans les guides touristiques et sur les sites de voyageurs…

Retrouvez cet article et l'ensemble de notre magazine 2017, intitulé "Nouvelles frontières, nouveaux défis", en ligne en cliquant sur ce lien.

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Commentaires

1.Posté par baudoin le 02/10/2017 17:49 | Alerter
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la fiche ISO 9001,c'est bien d'en parler mais il ne faut pas se cacher derrière elle,elle a le mérite d'exister;mais les services de l'état ont une expertise plus étendue que cette 'fiche' qui est moins disante(à mon humble avis)

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