Quelles dispositions les employeurs vont-ils mettre en place pour s’assurer que leurs locaux ne présentent aucun danger pour leurs employés ?
Même si, pour beaucoup, ce contexte était particulièrement favorable à la fin de l’open space, plusieurs arguments pointent au contraire vers la solution du « clean desk ».
La flexibilité à tout prix
L’expression « clean desk » – littéralement « bureau propre » – date de bien avant la crise sanitaire, et vise une pratique qui consiste à ne pas attribuer de bureau personnel à ses collaborateurs. De fait, ces derniers disposent de casiers individuels dans lequel ils entreposent leur ordinateur et dossiers personnels lorsqu’ils ne sont pas présents dans l’organisation.
Ainsi, à la fin de leur journée, ils laissent derrière eux des surfaces de travail vides de tout objet, « propres » donc. C’est le même phénomène que nous retrouvons derrière d’autres expressions telles que le « flex office » ou encore le « nomadisme ».
Cette solution d’organisation spatiale du travail est rarement plébiscitée par ses utilisateurs. Brouillage de la localisation des collègues, impossibilité de s’approprier un espace à soi, sentiment de mise à distance vis-à-vis de son entreprise sont autant de raisons mises en avant contre cet usage.
Il est d’autant moins populaire que du côté des organisations, la raison qui les conduit à opérer ce choix est avant tout économique, car elle permet de réduire le nombre de postes de travail à gérer. Toutefois, dans le contexte actuel, le clean desk permet aussi de garantir un meilleur nettoyage des bureaux.
Plus de propreté, moins de convivialité ?
Aujourd’hui, la plupart des entreprises externalisent les activités estimées non essentielles, c’est notamment le cas de la propreté qui est généralement déléguée à une entreprise qui en a fait son cœur de métier.
De fait, le nettoyage des bureaux est effectué par des prestataires de service aux gestes strictement encadrés et réglementés, or ces derniers n’ont pas le droit de toucher aux effets personnels des occupants des locaux.
Ainsi, un bureau où demeuraient constamment documents, photos de famille ou pot à crayons poserait un vrai problème de sécurité sanitaire, ce qui ne saurait être le cas du bureau dépersonnalisé puisqu’il doit être vidé systématiquement.
Par ailleurs, comme il est impératif de conserver des distances de sécurité entre les postes de travail, il va de soi que le télétravail sera amené à se développer pour organiser une plus grande rotation du personnel présent sur site.
Ce dernier point va également dans le sens du développement de la politique du clean desk, car il met à mal la logique qui veut qu’un employé dispose d’un bureau dédié du fait de sa présence cinq jours sur sept.
Du reste, les prévisions économiques étant particulièrement négatives, toute réduction des coûts de fonctionnement sera nécessairement la bienvenue pour les entreprises.
Si le clean desk paraît offrir un cadre capable de répondre aux préoccupations actuelles, il peut aussi faire naître quelques inquiétudes quant à la cohésion des équipes, ou vis-à-vis de la vie sociale au travail que nous souhaitons tous retrouver. Sur ce point, la littérature académique offre des éclairages intéressants.
En premier lieu, il faut admettre l’idée que l’espace ne peut pas tout : ce n’est pas parce qu’un lieu aura été conçu pour des moments conviviaux (ou créatifs) que pour autant il le sera.
En revanche, la culture de l’organisation – et entendons par là ce qu’elle admet ou non comme comportements – doit être davantage interrogée pour répondre à ces préoccupations.
Si, comme cela paraît être le cas, nous allons vers du télétravail accru, une grande rotation du personnel et des postes de travail dépersonnalisés, l’entreprise cesse alors d’être un lieu de production pour devenir un lieu de rencontres et de partage pour les individus d’une même organisation.
Dans cette perspective, il est nécessaire que la spatialité organisationnelle s’adapte à ce changement de paradigme majeur et offre d’autres cadres qui se prêtent davantage à ces moments fondamentaux.
Delphine Minchella, Enseignant-chercheur en Management stratégique - Laboratoire Métis EM Normandie, École de Management de Normandie – UGEI
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.