Réseaux sociaux : vers une communication touristique durable ?

Le tourisme devra être durable ou ne sera plus, c'est le mantra que toute l'industrie devrait se dire chaque jour.

Alors que le secteur représente à lui seul environ "8 % du total des émissions de gaz à effet de serre de l'humanité, dont les trois quarts proviennent des transports," pour durer, l'activité devra s'acheter une virginité.

En attendant l'arrivée de l'avion à hydrogène ou une bascule de l'industrie vers plus de sobriété, le tourisme durable est une des portes de sortie que tout le monde doit emprunter.

"Depuis 50 ans, le GIEC nous alerte sur la situation et nous avons pensé qu'il est temps de mettre en place des choses pour réduire l'impact du numérique dans le tourisme," introduit enthousiaste Sébastien Repéto, le fondateur et directeur de My Destination.

Alors que l'Arcep annonce que la consommation électrique des réseaux de communication pourrait doubler à l'horizon 2035 en raison de la démultiplication des usages, il est temps d'agir et vite !

My destination, dont le champ d'action reste la communication digitale, a développé un nouvel outil : le Progrès-Score !

Si 77% des émissions de gaz à effet de serre (GES) proviennent de la mobilité, la pollution numérique est de moins en moins anodine, mais surtout elle ne cesse de croitre.

Pour justement baisser ce poids de l'empreinte du digital de destinations, très friandes de vidéos et photos sur les réseaux sociaux, My Destination a planché sur une nouvelle façon d'aborder la communication touristique.

"Notre idée est de placer un numérique au service d'un tourisme responsable, une sorte de IT for Green (informatique durable).

Avec notre activité, nous pouvons toucher plusieurs millions de personnes, dont autant de chance de sensibiliser et faire évoluer les comportements," affirme le très engagé patron de l'agence digitale.

Une fois les belles paroles et la volonté mise en étendard, comment ont avancé les équipes de My Destination ? Dès 2019, le questionnement autour de la pollution numérique et la création d'indicateurs qualitatifs, plutôt que de juger seulement sur des marqueurs quantitatifs, s'est posé.

Deux ans plus tard, une pandémie et quelques séances de brainstorming à Bordeaux, le couperet est tombé. Pour reprendre une mécanique marketing bien huilée, en se basant sur le nutri-score dans le secteur alimentaire, l'idée est de noter les performances digitales des destinations.

Vous ne comprenez pas vraiment, Sébastien Repéto l'explique mieux que moi.

"C'est un outil d'analyse et de pilotage de la performance numérique au service du tourisme responsable. Sur cette première version, les comptes Facebook et Instagram des destinations que nous avons comme clientes ont été analysés, suite à cela une note globale est donnée."

La notation se fait sur la base de 4 indicateurs : les interactions (le rapport entre les personnes atteintes et leurs interactions), les prises de parole jugées comme "responsables", la performance vidéo et les émissions numériques.

Dans le cadre du Progrès-Score, plus de 10 000 publications ont été analysées manuellement, cette fois-ci, au cours des derniers mois, par les équipes de l'agence.

Une fois que les postes sur les réseaux sociaux ont été épluchés, les prises de paroles sont notées selon les 4 indicateurs.

Une moyenne générale est donnée à la destination qui est ensuite apposée une étiquette, sous la forme du nutri-score, pour juger la stratégie social media.

"Nous analysons la performance sur des critères qui vont au-delà du numérique, mais qui prennent en compte la responsabilité. La notation est symboliquement facile à comprendre, comme un DPE ou autres," explique Sébastien Repéto.

Chaque indicateur est noté entre 0 et 3, pour connaitre le niveau d'engagement de la campagne, puis une note globale est donnée allant de A à F, dans un dégradé de vert.

La grande innovation repose surtout sur la question de l'engagement des messages véhiculés, pour un tourisme plus durable.

"En gros, nous jugeons si une prise de parole est très engagée, engagée, neutre ou si elle va à l'encontre de la stratégie de la destination.

Plus les territoires font de la pédagogie sur la problématique des déchets, une sensibilisation sur la protection des espaces naturels ou sur la valorisation des mobilités douce, alors plus la note sera élevée (3/3).

Dans le même temps, un zéro pointé est donné, en cas de mise en avant d'une activité à fort impact carbone ou lorsque la cause animale est remise en cause. Une sentence assez rare.

Après quelques mois d'analyse, les territoires partenaires ont reçu leur Progrès-Score.

"Sur les 30 destinations analysées, 37% des prises de parole sont considérées comme engagées, donc avec une note comprise de 2 à 3. Il y a déjà une bonne base de travail, même si la marge de progression est évidente."

Si trois territoires ont reçu B comme note générale, la grande majorité est classée en C et D. La progression est donc possible.

Sur le sujet de la pollution numérique, l'agence n'est pas rentrée dans le détail de la localisation des serveurs, les contenus, etc.

Tout d'abord, car juste pour trouver le poids d'un tweet ou d'un post sur les médias de Mark Zurckerberg, il faut s'accrocher.

"Aucune donnée n'existe sur le web. Pour évaluer la pollution digitale, nous avons créé des coefficients avec notre propre méthodologie, tout en nous appuyant sur les travaux du Shift Project," poursuit le fondateur de l'agence.

Attention, le Progrès-Score ne délivre pas un bilan carbone des réseaux sociaux, mais une estimation de volume. Malgré tout, il ressort de cette première étude, que l'impact n'est pas négligeable.

D'ailleurs My Destination travaille déjà sur une évaluation, reprenant les mêmes grilles et principes, des sites internet des destinations touristiques.

"L'activité social media d'une destination touristique représente quelques tonnes de CO2, de l'ordre de quelques tonnes par an, sur Facebook et Instagram, pour plusieurs millions de personnes touchées."

Pour mettre en perspective, un aller-retour Paris-New York émet 2,6 tonnes de CO2, soit environ le total des émissions annuelles auxquelles nous devrions nous limiter pour respecter les objectifs imposés par le gouvernement, afin de pour lutter contre le réchauffement climatique.

"Après pour ne pas polluer, il ne faut toucher personne avec les campagnes social media, ce n'est pas le but. Il est possible de faire changer les comportements et donc avoir un impact carbone bien meilleur localement," imagine Sébastien Repéto.

Une fois la parenthèse de l'impact écologique refermée, il est possible après pour l'agence d'analyser plus en profondeur tel ou tel item du Progrés-Score, afin d'optimiser le travail des équipes de communication.

A l'heure où les prix du baril font du yo-yo en se rapprochant parfois des sommets historiques, le sujet de la mobilité sera central tout au long de l'été.

Les territoires auront leurs cartes à jouer en valorisant les déplacements plus respectueux comme le train ou le vélo, donc d'améliorer leur note.

Vous l'aurez compris, l'enjeu n'est pas de faire culpabiliser les responsables marketing ou de communication, mais plutôt de leur faire prendre conscience des points forts et faiblesses de leurs travaux.

"Nous voulons qu'ils prennent conscience des choses et qu'ils pensent bien leurs sujets.

Si le numérique doit devenir un serviteur du tourisme responsable, alors nous devons conserver de la performance," rappelle Sébastien Repéto.

Bien que le tourisme durable soit boosté dans les publications, cela ne doit pas engendrer moins de vues, bien au contraire. D'ailleurs pour La Rochelle Tourisme, le constat est encourageant car le taux d'interaction n'a pas baissé, mais plutôt progressés.

"Après, il faut que la question face partie de l'ADN du territoire. La communication ne doit pas être moralisatrice, mais être utile."

Surtout que les community manager ont parfois du mal à aborder le sujet, par peur d'être estampillé comme greenwasheur et aussi parce que les actions ne sont pas toujours en adéquation avec les déclarations.

L'enjeu n'est pas de travestir les velléités des régions, villes ou départements, mais bien que la communication digitale colle à leur stratégie touristique. Cette dernière doit rester l'arbitre au moment de communiquer.

Après quelques démonstrations, les retours sont plus que positifs pour My Destination. L'agence n'entend pas s'arrêter en si bon chemin.

De nombreux développements sont attendus, comme d'étendre le système de notation à l'écosystème numérique ou modifier la façon d'évaluer les posts, en y amenant de la technologie, via des algorithmes.

"L'édition du prochain Progrès-Score est attendue pour 2022, avec une analyse des posts de 2021. En attendant, nous le déclinons sur des périodes plus courtes pour certaines destinations," conclut Sébastien Repéto.