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APG : père, fille... destins croisés ! 🔑

Episode 1 !


Entre un père et sa fille... APG a fêté ses 40 ans d'existence avec à sa tête Jean-Louis Baroux puis sa fille Sandrine de Saint-Sauveur. Dans cette première partie du long entretien qu’ils ont accordé à TourMaG, nous remontons le temps et retrouvons Sandrine et Jean-Louis d’abord dans un restaurant en Californie à Marina Del Rey près de Los Angeles, puis au bar de l’aéroport de Madrid. Entre ces quelques gorgées, les unes d’un vin californien, et les autres de bière, déjà beaucoup de choses…


Rédigé par le Jeudi 6 Juin 2024

Porto Rico en 1985. Jean Louis Baroux et sa fille. Naissance d’une complicité et d’une confiance.Photo F. Despreaux
Porto Rico en 1985. Jean Louis Baroux et sa fille. Naissance d’une complicité et d’une confiance.Photo F. Despreaux
Dans l’aérien, la transmission entre générations d’une même famille est chose rare.

Il y a quelques mois cependant, un père, Jean-Paul Dubreuil a laissé les commandes du groupe qui gère entre autres les compagnies Air Caraïbes et French bee, à son fils Paul-Henri Dubreuil.

Chez APG, qui a fêté ses quarante ans d’existence, son créateur, Jean-Louis Baroux bien connu des lecteurs de TourMaG pour ses chroniques sur le transport aérien, a laissé les commandes de l’entreprise à sa fille Sandrine de Saint-Sauveur.

Comment le passage de témoin s’est opéré ? Quelles sont les relations qu’ils entretiennent entre eux et qui sont-ils au-delà de l’image que l’on a d’eux?

Le père et la fille se sont ouverts à TourMaG lors d’une rencontre dans les locaux d’APG Paris, pour se raconter, croiser leur regard et nous expliquer l’aventure singulière d’un père et de sa fille dont les trajectoires s’éloignent se rapprochent et s’unissent naturellement.

Los Angeles dans les années 90. Dans la douceur du soir californien, une belle cylindrée rouge cabriolet quitte la zone de l’aéroport. Au volant, Sandrine, jeune étudiante française fraichement diplômée, est venue chercher son père Jean-Louis qui arrive de Paris.

Avec Louis Armstrong à la radio, la voiture file sur Lincoln Boulevard en direction de Marina Del Rey et de ses restaurants pour un diner en tête à tête.

C’est ce soir-là, Jean-Louis, PDG d’APG évoque avec Sandrine la possibilité d’une collaboration dans son aventure entrepreneuriale. L’histoire commence. Laissons les, nous la raconter.


Un bouquet de roses déclenche une vocation

TourMaG- Jean-Louis, Baroux, comment êtes-vous arrivé dans le monde du transport aérien ?

Jean-Louis Baroux : Je vais vous raconter une anecdote. J’avais fait mon service militaire en Libye au titre de la coopération à Benghazi plus précisément. Mon épouse était enceinte et mon fils Éric est né dans notre appartement.

Il y avait une petite communauté de français, notamment des gens d’Air France. Dans l’après-midi, l’un deux est arrivé avec un magnifique bouquet de roses.

J’étais très étonné, il était impossible de trouver des roses en Lybie et je lui ai demandé comment il s’était débrouillé. « J’ai été les acheter à Rome, m’a-t-il répondu simplement ».

Je me suis dit qu’un tel secteur d’activité qui peut rendre cela possible, je devais y entrer ! J’ai intégré Air Inter en 1970. J’y suis resté cinq ans avant de démissionner pour entrer dans une société qui représentait les compagnies régionales à Paris.


TourMaG - Vous n’étiez pas carriériste ? L’envie de faire votre parcours dans une grande compagnie nationale ?

Jean-Louis Baroux : Non. En fait je me suis retrouvé en face d’un directeur commercial que je ne supportais pas. Il voulait tout régenter. J’étais responsable commercial « passagers ».

Je lui ai dit : si vous voulez tout commander, vous commanderez tout seul et j’ai fait la grève avec à mes côtés tous mes collaborateurs !


TourMaG- Vous Jean-Louis ? Vous avez été gréviste ?

Jean-Louis Baroux : Oui !

Sandrine de Saint-Sauveur : (malicieuse ) C’est son côté « coco ».

Jean-Louis Baroux : Je suis parti et j’ai créé en 1983 ma première société "Europe air Promotion" pour représenter les compagnies régionales.

J’ai ensuite développé l’activité avec une deuxième entreprise "Europe Air Représentation" ou je m’étais associé à un partenaire et avec une mini-holding en 1985 qui s’appelait APG.


TourMaG - Vous sentiez à l’époque des opportunités ?

Jean-Louis Baroux : Rien du tout ! Nous étions dans un demi-bureau, hébergés par une agence de pub rue des Pyramides, et sans clients jusqu’à ce qu’un de mes actionnaires, André Carrié, ne m’amène un contrat de représentation pour la compagnie Aloha Airlines !

On a démarré avec ça… on ne faisait pas grand-chose au départ et puis petit à petit nous avons reçu des demandes d’autres compagnies aériennes nous permettant de développer l’entreprise.

Mais à la fin des années 90, mon partenaire a été défaillant, il avait « oublié » de payer nos compagnies aériennes clientes, ce qui nous a contraints à déposer le bilan.
Nous avions une quinzaine de compagnies.

Réunies devant un juge-commissaire en ma présence, elles ont cependant souhaité continuer de travailler avec moi et ma fierté c’est que nous avons finalement réussi à payer tout le monde.


TourMaG - Une première réussite donc

Jean-Louis Baroux : Oui et surtout une grande fierté.

Nous étions en 1994. À cette époque ma directrice commerciale, Christine Guichard, amie avec ma fille Sandrine, étudiante aux États-Unis, m’avait soufflé qu’elle pourrait être tentée de travailler chez APG.

Je suis parti à Los Angeles pour la voir, nous avons dîné ensemble et je lui ai dit qu’elle pouvait venir quand elle voulait.

California dreaming

TourMaG - Sandrine, quels rêves aviez-vous quand vous êtes partie aux États-Unis pour passer un diplôme dans la finance ?

Sandrine de Saint-Sauveur : Je n’avais qu’une idée : partir. Partir pour aller voir ailleurs.

TourMaG - Et pourquoi les États-Unis ?

Sandrine de Saint-Sauveur : Parce que là-bas, c’était la fête. Des fêtes de dingue, c’était drôle, joyeux, je travaillais aussi à l’aéroport. Je voulais aller voir, en profiter.

TourMaG - Pas forcément ce but d’aller se diplômer dans une université et ensuite faire des affaires ?

Sandrine de Saint-Sauveur : Non pas du tout. Je n’avais pas de programme. Je n’ai jamais fonctionné comme ça. D’autres, comme un de mes professeurs d’éco avait déjà décrété un avenir pour moi de direction d’entreprises…

Moi, très sincèrement, je n’ai rien programmé. J’avais confiance dans l’avenir et j’étais persuadée que les choses allaient se faire. C’était naturel. Se programmer pour moi c’est triste, c’est se mettre des barrières. Moi je me disais « les choses vont se faire ». C’est tout.


TourMaG - C’est intéressant, on aurait pu penser à lire votre CV et diplôme qu’était en train de naitre une femme d’affaires, très sérieuse, mais vous semblez dire que vous viviez comme une gipsy à San Francisco

Sandrine de Saint-Sauveur : Mais oui, c’est vrai j’étais « Gipsy ».

TourMaG - Cependant pour décrocher un Master en finance, niveau Major à l’université de San Diego, il faut quand même bosser un peu non ?

Sandrine de Saint-Sauveur : Le niveau franchement n’était pas très élevé. Si vous bossez un petit peu, vous avez ce que vous voulez !

TourMaG - Vous êtes modeste.

Sandrine de Saint-Sauveur :Non franchement et vous savez c’était beaucoup plus compliqué de faire le job à l’aéroport ou je faisais de la supervision de vols pour Nouvelles-Frontières avec des avions qui n’arrivaient pas !

TourMaG - Et ce job à l’aéroport c’était déjà une attirance pour le milieu de l’aérien ?

Sandrine de Saint-Sauveur : Complètement parce que là encore pour moi l’avion cela veut dire partir, aller voir et même encore aujourd’hui cette idée me fascine.

TourMaG - Ce travail à l’aéroport c’était pendant vos études ?

Sandrine de Saint-Sauveur : Non c’était juste après les études où il fallait faire des stages.

Ce travail m’a plu. J’adorais c’était drôle, rock’n roll, c’était la vie. J’avais 23 ans, je fumais comme un pompier et passait mes nuits à Venice Beach…


Jean-Louis Baroux : Tu gagnais ta vie toute seule.

Sandrine de Saint-Sauveur : Oui, et c’était dur quand même. Mais cela a été un magnifique apprentissage. J’avais aussi travaillé à l’aéroport pour AOM.

Je pense qu’on ne peut pas comprendre le monde de l’aérien sans ces expériences sur le terrain.

Premières missions chez APG

TourMaG - Quand vous êtes rentrée en France que faisiez-vous chez APG ?

Sandrine de Saint-Sauveur : Pour préciser les choses sur ma venue chez APG, cela s’est fait de façon très naturelle, très fluide.

Dans mon mémoire de fin d’études, je traitais de la dérégulation du transport aérien, un sujet qui intéressait beaucoup ma professeur de finances dont le mari était en poste à la DGAC.

J’ai donc beaucoup interviewé mon père sur ces sujets et sur l’aérien. Assez naturellement, j’ai enchainé chez APG, mais sans que mon père me demande ce que je voulais faire.

J’ai débuté avec des missions « pourries », les bureaux internationaux qui perdaient de l’argent. Que des catastrophes !

Et vous voyez l’histoire a été bien faite, car lorsque nous avons créé APG Airlines, les choses étaient compliquées. Elles ont pu se décanter en partie grâce au mari de ma professeur de finances.


TourMaG - Pour en revenir à vos débuts qu’est ce qui vous a le plus aidé ? Vos diplômes ou peut être votre état d’esprit, votre façon d’aborder les choses ?

Sandrine de Saint-Sauveur : J’ai plein de défauts, mais quand je décide quelque chose, je vais jusqu’au bout ! C’est gravé dans le marbre !

Si je prends une mission, qu’elle soit facile ou difficile j’y vais. On ne réussit pas toujours.
Cela m’a fait comprendre la difficulté de travailler avec des cultures différentes.

Nous avions certains bureaux qui ne se parlaient pas entre eux. Très tôt, j’ai compris les limites que nous pouvions avoir.


TourMaG - Mais pourtant aujourd’hui APG c’est plein de bureaux dans le monde qui se parlent ?

Sandrine de Saint-Sauveur : Oui, mais c’est quelque chose de très subtil et c’est parce qu’ avec les années nous les avons emmenés à un point où l’entente est indispensable.

Jean-Louis Baroux : L’une des clés, non pas de la réussite, mais disons de l’absence d’échec, c’est d’essayer de comprendre la culture des autres.

C’est difficile. En Bulgarie, hocher la tête de bas en haut ça veut dire non ! Au Japon, il ne faut pas croiser les jambes. Quand on reçoit un cadeau, faut-il l’ouvrir tout de suite ? Si on fait du business en Amérique latine il faut être théâtral, mais pas en Asie sinon on est mort. J’ai ramassé beaucoup de gamelles par manque de compréhension de ce qui se passait.

Également, l’une des clés pour comprendre les autres, c’est aussi de connaitre leur religion qui influence la culture.

Bière, Pata Negra et passage de relais

TourMaG - Sandrine, comment avez-vous évolué ensuite chez APG ?

Sandrine de Saint-Sauveur : Je n’avais absolument aucun plan de carrière et mon père n’en a jamais tracé pour moi. Ces questions ne se posaient pas. J’allais où étaient les besoins comme une évidence.

Jean-Louis Baroux : Chaque fois que nous avions quelque chose qui se développait, j’avais besoin de quelqu’un pour s’en occuper et Sandrine disait « je prends ».

TourMaG - Et jamais de conflits entre vous quant à la conduite des affaires ?

Sandrine de Saint-Sauveur : Des fois les gens peuvent être étonnés de la virulence avec laquelle nous nous parlons. Ce n’est pas du conflit, c’est de la vie, de la discussion, une façon de fonctionner.

Jean-Louis Baroux : Et une discussion animée n’est absolument pas un conflit. On peut avoir des positions tout à fait opposées, simplement à un moment donné, chacun sait qu’il y a quelqu’un qui doit décider.
Il fut un temps c’était moi. Après ça ne l’était plus.


TourMaG - Mais ce changement de « décideur » ne s’est pas fait du jour au lendemain ?

Jean-Louis Baroux : Là aussi les choses se sont faites de façon assez naturelle où plus ça allait, et plus Sandrine prenait des responsabilités.

Un jour, c'était en 2003, nous étions à Madrid où nous avions eu un rendez-vous d’affaires. L’entretien ne s’était pas très bien passé, nous étions un peu énervés et je me disais à cette époque « il faut que tu penses à sortir ». Il ne faut pas faire le combat de trop. Jamais.

Nous attendions notre vol retour vers Paris avec une bière et un bon jambon « Pata Negra ».

J’ai posé la question à Sandrine « Est-ce que tu veux prendre ma suite ? ». La question est venue naturellement une fois de plus. Comme si je lui proposais une autre bière.


TourMaG - La question ne vous a pas surprise Sandrine ?

Sandrine de Saint-Sauveur : Non, les gens ont du mal à le comprendre, mais cela procède toujours de la fluidité, d’une façon très tranquille et naturelle dont les choses arrivent et se font.

J’ai cependant fixé un délai. Nous étions au mois de mai 2003 et j’ai dit : « pas avant Le 31 mars prochain ».

A suivre...

Christophe Hardin Publié par Christophe Hardin Journaliste AirMaG - TourMaG.com
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