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Air Caraïbes : "Nous ne souhaitons pas la mort de Corsair !"🔑

Interview de Christine Ourmières-Widener, la PDG d'Air Caraïbes


Dans le plan de restructuration déposé par le gouvernement français à la Commission européenne en faveur de Corsair, il est prévu un temps de parole pour toutes les parties prenantes du dossier. Le groupe Dubreuil a décidé d'apporter ses commentaires et observations, non pas pour plomber son concurrent, mais pour permettre une concurrence plus équitable, selon la présidente directrice générale Christine Ourmières-Widener. Air Austral a aussi déposé un référé à Bruxelles.


Rédigé par le Lundi 3 Juin 2024

TourMaG - Air Caraïbes a adressé ses observations à la Commission européenne, dans le cadre du plan de restructuration de Corsair. Pouvez-vous rappeler à nos lecteurs le cadre de cette prise de parole ?

Christine Ourmières-Widener : Comme vous le savez, la Commission européenne a ouvert une enquête approfondie concernant le plan de restructuration de Corsair.

Dans le cadre de cette procédure, les parties prenantes, donc les concurrents de la compagnie, avaient 30 jours pour faire des observations. C'est ce que nous avons fait, en livrant notre dossier rédigé par des avocats, en temps et en heure.

Cette étape a nécessité beaucoup de travail de la part de nos équipes.


Air Caraïbes : "nous voulons éviter toute distorsion de concurrence"

TourMaG - Vous l'avez déposé dans les dernières heures, avant la fermeture de la procédure. Pourquoi autant de temps ?

Christine Ourmières-Widener :
C'est un travail lourd et minutieux.

Pour rendre nos observations, nous avons épluché les griefs de la Commission européenne, suite à sa publication officielle.

Quand vous voyez la longueur du document et tous les éléments qu'il comporte, cela nécessite beaucoup de travail d'interprétation et de commentaires à rédiger.

Nous ne voulons pas de distorsion de concurrence.

A lire : Air Caraïbes : "Nous voulons une concurrence équitable !"

TourMaG - Quels sont vos principales observations ?

Christine Ourmières-Widener :
Pour faire simple, tout le monde parle de la Commission européenne, mais l'enquête est prise en charge par la direction générale de la concurrence de la commission européenne (DGCOMP).

Lors d'aides d'Etat à une compagnie aérienne et à une entreprise d'une façon générale, l'instance doit vérifier dans quelle mesure cela n'occasionne pas de distorsion de concurrence.

Il nous a donc été demandé de nous exprimer sur cette problématique.

Nous avons relevé deux principaux points, en cohérence avec les griefs de la Commission.

Tout d'abord, le dossier explique que ce plan est une extension du 1er plan déposé en 2020.

Nous expliquons que ce n'est pas le cas et que Corsair va bénéficier d'un nouveau projet, cela ne s'inscrit pas dans la continuité, notamment avec le développement africain.

Puis, nous soulevons aussi que certaines choses n'ont pas été respectées durant le 1er plan, vis-à-vis des recommandations de la Commission européenne.

Air Caraïbes : "Nous n'avons jamais dit que nous voulions la fin de Corsair"

Nous n'avons jamais dit que nous voulions la fin de Corsair.

Trois options se présentent à la Commission : soit elle valide le plan car tout est conforme, soit elle refuse, avec des conséquences dramatiques pour la compagnie.

La troisième position, la plus probable c'est que l'Europe modifie le plan et demande de mettre en place une série de remèdes, donc une réduction de la flotte, une restructuration des coûts, etc.


Cela a déjà été déjà le cas d'ailleurs, en 2020.

Nous voulons qu'il n'y ait pas de distorsion de concurrence. Ne pas vouloir cela, ne signifie pas que nous souhaitons la mort de Corsair, contrairement aux propos tenus par certaines personnes.

Nous voulons une concurrence équitable. Nous n'avons jamais eu d'aides d'Etat, malgré ce qu'insinuent certains détracteurs, et nous avons des actionnaires privés.

Nous demandons que tout le monde dispose des mêmes armes, pour pouvoir avoir une concurrence loyale. Et la concurrence commence à partir de 2 et non de 3 transporteurs, contrairement aux arguments avancés par certaines parties.

Par cette action, nous défendons nos intérêts, ceux de nos salariés et de nos clients.

Air Caraïbes : "assignation à comparaitre, pour que Corsair publie ses comptes"

TourMaG - Par rapport à ce plan, comment la concurrence pourrait-elle devenir équitable ?

Christine Ourmières-Widener :
Tout d'abord pour que l'aide soit accordée, il ne faut pas parler de "nouveau plan".

Pour nous, c'est une autre stratégie qui a été déposée auprès de la Commission européenne. Et nous pensons que toute aide d'Etat implique une restructuration et des contraintes, sauf que nous avons remarqué l'augmentation des capacités et de la flotte de Corsair.

Ce que nous ne comprenons pas non plus, ce sont ces coups de pouce utilisés pour une croissance sans restructuration explicite des coûts.

Dans le même temps, ce plan aurait dû s'accompagner d'une contribution propre qui soit au moins égale à 50 % de l'aide d'État, ce qui n'est pas le cas (il est prévu d'abandonner 147 millions d'euros de dette fiscale ou sociale, contre 30 millions d'euros de recapitalisation, ndlr).

Après nous ne savons rien de plus que les griefs publiés par l'instance européenne.

TourMaG - Vous n'avez pas eu accès à des documents financiers ?

Christine Ourmières-Widener :
Non rien de plus.

C'est aussi pour cela que nous avons émis une assignation à comparaitre, pour que Corsair publie ses comptes, afin de pouvoir juger le plan de restructuration, avec toutes les informations financières pour juger de la possible pérennité de l'entreprise.

En l'état, ce n'est absolument pas possible.

Il est très difficile de faire des observations sans des éléments réels et récents (le dernier bilan déposé remonte à l'exercice 2021, ndlr).

Air Caraïbes : "Il n'y a pas d'acharnement de notre part !"

TourMaG - Si je résume, vous voudriez qu'il n'y ait pas d'abandon de dettes de l'Etat, vis-à-vis de Corsair...

Christine Ourmières-Widener :
S'il y a un besoin de soutien de l'État, déjà, il faut qu'on nous explique si le dernier plan a été livré conformément au cadre législatif (la Commission avait justement émis des critiques à ce sujet dans ces griefs, ndlr).

Deuxièmement, conformément à ce que peut expliquer l'Etat, si c'est une extension du plan 2020, alors nous demandons une confirmation qu'il soit conforme aux règles et savoir ce que prévoit le plan de restructuration.

Un plan d'aide étatique, pour une compagnie en difficulté, prévoit une restructuration des coûts et non une augmentation de la flotte. Pourtant, Corsair possède un avion supplémentaire, alors que l'Europe avait exigé un maintien de la flotte et non un accroissement.

Encore une fois, nous voulons continuer à nous développer, mais à armes égales. Nous avons seulement des velléités en rapport avec le business.

TourMaG - Pourtant vos concurrents dénoncent régulièrement un "acharnement" de votre part...

Christine Ourmières-Widener :
Ce mot est totalement déplacé.

Nous parlons seulement de business, il n'y a rien de personnel. Ensuite nous sommes parties prenantes, face à des aides du gouvernement français que je qualifierais de très conséquentes, c'est un euphémisme.

Donc au regard de ces montants, il aurait été choquant et non professionnel que nous n'ayons pu partager notre avis.

TourMaG - Vous savez que si ce plan de restructuration tombe à l'eau, l'avenir de Corsair à court et moyen terme est grandement hypothéqué. L'offre aérienne serait alors drastiquement réduite.

Christine Ourmières-Widener :
C'est une hypothèse qui n'est démontrée par personne;

Toutes les affirmations qui expliquent qu'en réduisant la concurrence et en passant de 3 concurrents à 2, cela entrainerait une hausse des prix, ne sont basées sur aucune réalité économique.

Dans l'aérien, la seule règle qui vaille est celle de la capacité. Si la capacité ne bouge pas, il n'y a pas de raison que les prix changent.

Il n'est pas possible de vouloir maintenir des acteurs juste pour éviter la consolidation du marché.


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