Depuis le 1er janvier, Airbnb se doit de collecter la taxe de séjour, mais son comportement est-il conforme à la loi ? - Crédit photo : Depositphotos @VitalikRadko
La taxe de séjour a été instaurée pour financer la promotion des territoires. Initialement collectée auprès des hôteliers et terrains de camping français, les nouveaux modes de consommation du voyage ont élargi son périmètre.
Depuis maintenant deux ans, les clients d'Airbnb se retrouvent dans l'obligation de payer la taxe de séjour.
Et au 1er janvier 2019, Airbnb s'est retrouvée dans l'obligation de collecter le fameux impôt local, à la place des hébergeurs présents sur la plateforme.
En tout, 23 000 communes françaises devraient bénéficier de l'impôt.
Sauf que tout ne se passe pas exactement comme prévu. C'est ce que nous confirme un cadre de l'administration française qui souhaite rester anonyme : "en effet, on nous remonte de nombreux problèmes".
Depuis maintenant deux ans, les clients d'Airbnb se retrouvent dans l'obligation de payer la taxe de séjour.
Et au 1er janvier 2019, Airbnb s'est retrouvée dans l'obligation de collecter le fameux impôt local, à la place des hébergeurs présents sur la plateforme.
En tout, 23 000 communes françaises devraient bénéficier de l'impôt.
Sauf que tout ne se passe pas exactement comme prévu. C'est ce que nous confirme un cadre de l'administration française qui souhaite rester anonyme : "en effet, on nous remonte de nombreux problèmes".
Les 12 travaux d'Hercule... pour 2,64€ ?
En début de semaine, un de nos lecteurs nous alerte sur son cas.
Réservant une nuit dans un logement à Moulins, une petite commune de l'Allier, via Airbnb, le jeune homme se retrouve face à un montant surprenant dans la case réservée à "la taxe de séjour".
Damien Rouaud, propriétaire d'un gîte et élu au tourisme à Séné, se remémore : "je me suis retrouvé à devoir payer 2,64€ pour 2 adultes sur une nuitée à 43€, avec 2 enfants de 4 et 7 ans."
Toutefois, comme le souligne la loi, les mineurs sont exemptés de l'impôt.
Notre lecteur contacte alors Aibrnb pour réclamer le trop versé. La plateforme reconnaît quant à elle cette erreur, mais précise : "il est vrai que les enfants ne sont pas censés la payer. Veuillez savoir que le système informatique de la plateforme n'est pas à même à prendre en compte les exemptions."
Et elle l'écrit d'ailleurs noir sur blanc sur son site (voir copie d'écran ci-dessous).
Une réponse pour le moins étonnante de la part d'une entreprise qui doit sa réussite en grande partie à la technologie.
Il serait alors impossible à Airbnb de faire appel à un développeur pour résoudre ce problème ?
La plateforme que nous avons contactée nous a précisé : "nous travaillons à développer les modalités de prise en compte des différents cas d’exemption dans le cadre de la collecte automatisée de taxe de séjour en France.
Pour l’heure, Airbnb met à disposition de tous les voyageurs des informations sur la procédure de remboursement en cas d’exemption."
Réservant une nuit dans un logement à Moulins, une petite commune de l'Allier, via Airbnb, le jeune homme se retrouve face à un montant surprenant dans la case réservée à "la taxe de séjour".
Damien Rouaud, propriétaire d'un gîte et élu au tourisme à Séné, se remémore : "je me suis retrouvé à devoir payer 2,64€ pour 2 adultes sur une nuitée à 43€, avec 2 enfants de 4 et 7 ans."
Toutefois, comme le souligne la loi, les mineurs sont exemptés de l'impôt.
Notre lecteur contacte alors Aibrnb pour réclamer le trop versé. La plateforme reconnaît quant à elle cette erreur, mais précise : "il est vrai que les enfants ne sont pas censés la payer. Veuillez savoir que le système informatique de la plateforme n'est pas à même à prendre en compte les exemptions."
Et elle l'écrit d'ailleurs noir sur blanc sur son site (voir copie d'écran ci-dessous).
Une réponse pour le moins étonnante de la part d'une entreprise qui doit sa réussite en grande partie à la technologie.
Il serait alors impossible à Airbnb de faire appel à un développeur pour résoudre ce problème ?
La plateforme que nous avons contactée nous a précisé : "nous travaillons à développer les modalités de prise en compte des différents cas d’exemption dans le cadre de la collecte automatisée de taxe de séjour en France.
Pour l’heure, Airbnb met à disposition de tous les voyageurs des informations sur la procédure de remboursement en cas d’exemption."
Airbnb dans l'illégalité ?
Mais a-t-elle le droit de percevoir une taxe pour des voyageurs qui en sont exemptés ?
Le sujet paraît "touchy". Contacté par nos soins, le Ministère de l'Economie a botté en touche : "cela concerne les communes, donc veuillez vous rapprocher d'elles. Bon courage." Fin de la discussion.
Mais un organisme de représentation des acteurs du tourisme a bien souhaité nous répondre anonymement.
"Nous avons déjà de gros différends avec Airbnb et nous ne voulons pas ajouter de l'huile sur le feu", nous prévient-on.
Mais "notre cabinet d'avocats a étudié le cas de votre lecteur et pour eux, Airbnb semble être dans l'illégalité, la plateforme ne peut pas prélever une somme qui n'est pas due."
Dans ces conditions, la perception de la taxe de séjour sur une personne exonérée comme les mineurs ne serait donc pas légale.
Pour cela, les avocats s'appuient sur les articles L2333-34 et L2333-33 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) stipulant que "les professionnels qui, par voie électronique, assurent un service de réservation ou de location (...) peuvent (...) être préposés à la collecte de la taxe de séjour et de la taxe additionnelle prévue à l'article L. 3333-1 et à l'exécution des formalités déclaratives correspondantes."
Même son de cloche du côté d'une entreprise en charge de la collecte de la taxe. Pour elle aussi, les méthodes d'Airbnb lui semblent en-dehors des clous.
Un cadre de l'administration, placée sous l’autorité du ministère de l’Économie, valide les propos : "il y a une mauvaise application du texte de loi."
La réponse de Maître Durand du cabinet Affaires Publiques va aussi dans ce sens en, s'appuyant sur l’article L. 2333-31 du CGCT.
"Il indique de manière non équivoque que les personnes mineures ne sont pas redevables de cet impôt : « Sont exemptées de la taxe de séjour : 1° Les personnes mineures… ».
Les plateformes de réservations sont donc dans l’obligation de calculer le montant de la taxe à percevoir sur l’assujetti en conformité avec les délibérations des communes ou EPCI (Établissement public de coopération intercommunale, ndlr) mais également en conformité avec la Loi et les exemptions qu’elle prévoit."
Une position qui ne surprend que très peu Maître Bellaiche, avocat de l'UMIH, engagé actuellement dans un procès contre la plateforme. "C'est toujours le même problème. Il y a la loi puis son interprétation faite par Airbnb." Et cela va bien souvent ou toujours en sa faveur.
Si le cas ne paraît être qu'une poussière, et ne représente que quelques dizaines de centaines de centimes par personne, multiplié par des millions de réservations chaque année, cela peut vite faire de belles sommes.
Et vers qui se retourner en cas de trop-perçu ?
Et c'est à partir de ce moment que tout dérape. Outre le fait que notre lecteur se retrouve à devoir payer un montant qu'il ne devrait pas, il a bien des difficultés à récupérer la somme.
Le sujet paraît "touchy". Contacté par nos soins, le Ministère de l'Economie a botté en touche : "cela concerne les communes, donc veuillez vous rapprocher d'elles. Bon courage." Fin de la discussion.
Mais un organisme de représentation des acteurs du tourisme a bien souhaité nous répondre anonymement.
"Nous avons déjà de gros différends avec Airbnb et nous ne voulons pas ajouter de l'huile sur le feu", nous prévient-on.
Mais "notre cabinet d'avocats a étudié le cas de votre lecteur et pour eux, Airbnb semble être dans l'illégalité, la plateforme ne peut pas prélever une somme qui n'est pas due."
Dans ces conditions, la perception de la taxe de séjour sur une personne exonérée comme les mineurs ne serait donc pas légale.
Pour cela, les avocats s'appuient sur les articles L2333-34 et L2333-33 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) stipulant que "les professionnels qui, par voie électronique, assurent un service de réservation ou de location (...) peuvent (...) être préposés à la collecte de la taxe de séjour et de la taxe additionnelle prévue à l'article L. 3333-1 et à l'exécution des formalités déclaratives correspondantes."
Même son de cloche du côté d'une entreprise en charge de la collecte de la taxe. Pour elle aussi, les méthodes d'Airbnb lui semblent en-dehors des clous.
Un cadre de l'administration, placée sous l’autorité du ministère de l’Économie, valide les propos : "il y a une mauvaise application du texte de loi."
La réponse de Maître Durand du cabinet Affaires Publiques va aussi dans ce sens en, s'appuyant sur l’article L. 2333-31 du CGCT.
"Il indique de manière non équivoque que les personnes mineures ne sont pas redevables de cet impôt : « Sont exemptées de la taxe de séjour : 1° Les personnes mineures… ».
Les plateformes de réservations sont donc dans l’obligation de calculer le montant de la taxe à percevoir sur l’assujetti en conformité avec les délibérations des communes ou EPCI (Établissement public de coopération intercommunale, ndlr) mais également en conformité avec la Loi et les exemptions qu’elle prévoit."
Une position qui ne surprend que très peu Maître Bellaiche, avocat de l'UMIH, engagé actuellement dans un procès contre la plateforme. "C'est toujours le même problème. Il y a la loi puis son interprétation faite par Airbnb." Et cela va bien souvent ou toujours en sa faveur.
Si le cas ne paraît être qu'une poussière, et ne représente que quelques dizaines de centaines de centimes par personne, multiplié par des millions de réservations chaque année, cela peut vite faire de belles sommes.
Et vers qui se retourner en cas de trop-perçu ?
Et c'est à partir de ce moment que tout dérape. Outre le fait que notre lecteur se retrouve à devoir payer un montant qu'il ne devrait pas, il a bien des difficultés à récupérer la somme.
"C'est à Airbnb de payer le trop-perçu..."
Pour Airbnb, la réponse est simple : "la commune concernée est bien dépositaire du trop-perçu à partir de décembre de l'année écoulée. Comme le prévoit la loi, il appartient à la commune de le restituer l'année suivant la réservation aux voyageurs qui en font la demande."
C'est là que Damien refait surface et nous explique avoir contacté la mairie de Moulins, abasourdie par sa demande, qui lui conseille alors de se rapprocher de l'Office du tourisme.
Cependant, "aucune administration n'est au courant de la procédure. Ce serait à la ville de rembourser, sauf que ce n'est pas elle qui reçoit la somme" mais plutôt la communauté d'agglomération.
Nous avons joint l'établissement public, qui avant de nous renvoyer vers l'Office du tourisme pour en savoir plus sur les démarches, se montrait coopérante pour rembourser notre lecteur.
Reste que la réponse de l'OT est simple : "il nous est impossible de rembourser puisque la taxe de séjour est prélevée au réel donc la trésorerie ne pourra émettre un titre."
Une fois de plus, Airbnb profiterait d'un texte de loi flou et peu précis. "Le législateur n’a pas envisagé le cas de figure où la plateforme de réservation n’a pas pris le soin de prendre en compte les exemptions", explique Maître Durand.
Il a toutefois précisé que la perception et le versement de la taxe étaient assurés par ces plateformes intermédiaires sous leur responsabilité.
Ceci implique que pèse une obligation de résultat sur lesdites plateformes, pour garantir une perception conforme aux exigences légales et réglementaires.
Et nos échanges avec l'agence spécialisée dans la solution de collecte de la taxe de séjour confirment les dires de notre lecteur. "Comment voulez-vous qu'une mairie ou une intercommunalité puisse rembourser un voyageur, quand elle n'a pas touché ladite somme ?" Puisque cette dernière sera versée par Airbnb seulement le 31 décembre 2019.
Toujours selon l'agence, il est impossible pour une administration de vérifier et de verser une somme, sans avoir reçu l'argent ni pu contrôler le versement de la taxe de séjour.
"C'est une situation très compliquée, il est hors de question que la collectivité rembourse", martèle le cadre de l'administration.
L'écho est le même dans le cabinet de Maître Bellaïche. "Ma position sur cette affaire étant que le lecteur doit demander la restitution auprès d'Airbnb, car nous nous trouvons dans le cas manifeste d'un indu.
Celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l’a indûment reçu. Deux questions se posent : soit Airbnb ne l'a pas fait exprès, c'est un sujet mineur, mais si jamais la plateforme l'a fait exprès, ce sera extrêmement grave."
C'est là que Damien refait surface et nous explique avoir contacté la mairie de Moulins, abasourdie par sa demande, qui lui conseille alors de se rapprocher de l'Office du tourisme.
Cependant, "aucune administration n'est au courant de la procédure. Ce serait à la ville de rembourser, sauf que ce n'est pas elle qui reçoit la somme" mais plutôt la communauté d'agglomération.
Nous avons joint l'établissement public, qui avant de nous renvoyer vers l'Office du tourisme pour en savoir plus sur les démarches, se montrait coopérante pour rembourser notre lecteur.
Reste que la réponse de l'OT est simple : "il nous est impossible de rembourser puisque la taxe de séjour est prélevée au réel donc la trésorerie ne pourra émettre un titre."
Une fois de plus, Airbnb profiterait d'un texte de loi flou et peu précis. "Le législateur n’a pas envisagé le cas de figure où la plateforme de réservation n’a pas pris le soin de prendre en compte les exemptions", explique Maître Durand.
Il a toutefois précisé que la perception et le versement de la taxe étaient assurés par ces plateformes intermédiaires sous leur responsabilité.
Ceci implique que pèse une obligation de résultat sur lesdites plateformes, pour garantir une perception conforme aux exigences légales et réglementaires.
Et nos échanges avec l'agence spécialisée dans la solution de collecte de la taxe de séjour confirment les dires de notre lecteur. "Comment voulez-vous qu'une mairie ou une intercommunalité puisse rembourser un voyageur, quand elle n'a pas touché ladite somme ?" Puisque cette dernière sera versée par Airbnb seulement le 31 décembre 2019.
Toujours selon l'agence, il est impossible pour une administration de vérifier et de verser une somme, sans avoir reçu l'argent ni pu contrôler le versement de la taxe de séjour.
"C'est une situation très compliquée, il est hors de question que la collectivité rembourse", martèle le cadre de l'administration.
L'écho est le même dans le cabinet de Maître Bellaïche. "Ma position sur cette affaire étant que le lecteur doit demander la restitution auprès d'Airbnb, car nous nous trouvons dans le cas manifeste d'un indu.
Celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l’a indûment reçu. Deux questions se posent : soit Airbnb ne l'a pas fait exprès, c'est un sujet mineur, mais si jamais la plateforme l'a fait exprès, ce sera extrêmement grave."
Quelle suite à cette affaire ?
Dans ce dernier cas, la qualification pénale pourrait alors être retenue.
Mais ce géant d'Internet ne paraît pas vraiment craindre les représailles. Tout d'abord car il faudra attendre le 31 décembre 2019 pour vérifier le montant à verser.
Et selon l'association de professionnels du tourisme, "le seul recours contre cette pratique serait une action de groupe de consommateurs."
Du côté de l'administration, un procès n'est pas à exclure, mais les représentant de l'Etat misent plutôt sur la mauvaise image véhiculée par un problème de cette importance, pour tout faire rentrer dans l'ordre.
En effet, on imagine mal la commune de Moulins se lancer dans un procès pour 2,64 euros contre un mastodonte valorisé à plus de 30 milliards d'euros...
Mais ce géant d'Internet ne paraît pas vraiment craindre les représailles. Tout d'abord car il faudra attendre le 31 décembre 2019 pour vérifier le montant à verser.
Et selon l'association de professionnels du tourisme, "le seul recours contre cette pratique serait une action de groupe de consommateurs."
Du côté de l'administration, un procès n'est pas à exclure, mais les représentant de l'Etat misent plutôt sur la mauvaise image véhiculée par un problème de cette importance, pour tout faire rentrer dans l'ordre.
En effet, on imagine mal la commune de Moulins se lancer dans un procès pour 2,64 euros contre un mastodonte valorisé à plus de 30 milliards d'euros...