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Convalescent, le transport aérien français fait le point et s’organise

Retour sur "Les Etats de l’Air" organisés au sein de la DGAC


Signe de plus d’un certain retour à la normale, l’Association des diplômés de l’ENAC (ENAC Alumni) pouvait à nouveau tenir, le 30 septembre dernier, sa Masters Class "Les Etats de l'Air" réunissant les grands acteurs du transport aérien français, pour les faire réfléchir ensemble aux perspectives de reprise et d’évolution du transport aérien. Une journée très riche d’échanges à laquelle TourMaG.com et AirMaG s’étaient associés et qui a vu se succéder aux micros des experts reconnus, des personnalités, et les acteurs du transport aérien, notamment le ministre des Transports.


Rédigé par Christophe HARDIN le Dimanche 10 Octobre 2021

La 2e édition des Etats de l’Air s'est tenue jeudi 30 septembre 2021. Sur la photo, Xavier Eiglier, Executive Vice President CMA CGM AIR CARGO et Laurent Timsit, délégué général de la FNAM - DR : C.H.
La 2e édition des Etats de l’Air s'est tenue jeudi 30 septembre 2021. Sur la photo, Xavier Eiglier, Executive Vice President CMA CGM AIR CARGO et Laurent Timsit, délégué général de la FNAM - DR : C.H.
Privé de cette "communion" l’année dernière, Marc Houalla, le président de l’association ENAC Alumni et également directeur de l’aéroport de Paris Charles de Gaulle ne boudait pas son plaisir, en introduisant les débats de cette 2e édition des Etats de l’Air, jeudi 30 septembre 2021, de pouvoir enfin se retrouver "en présentiel".

Dans un amphithéâtre un peu clairsemé du fait d’une limite de jauge, l’ambiance n’était cependant pas à l’euphorie de 2019.

La crise a pourtant un aspect intéressant, elle a mis au défi les industriels et les opérateurs de revoir complètement leurs objectifs à court terme.

Ne pas faire plus mais faire mieux. Mieux sur l’opérationnel, mieux sur l’environnement, mieux sur les nouvelles mobilités.

Se projeter et aussi faire le point sur la situation du transport aérien

Laurent Timsit, délégué général de la FNAM ((Fédération Nationale de l'Aviation Marchande) s’est voulu positif en parlant d’un petit vent d’optimisme, tout en rappelant un chiffre marquant : sur cette année 2021 et en nombre de passagers transportés fin août en France, nous en sommes à 30% du trafic de 2019.

Et, toujours pour la France, sur 75 pays en principe ouverts aux long-courriers, 42 restent fermés. Et d’ajouter qu’on était donc très loin d’un retour à la normale.

Pour compléter ce diagnostic, Edward Akwright, directeur général exécutif d'ADP confirmait ne pas revoir un trafic complet revenir avant 2025 à Paris.

Damien Cazé, directeur général de la DGAC (Direction générale de l'Aviation civile), également autour de la table, se voulait cependant rassurant mais souhaitait clairement sonner le réveil pour sortir d’un état de sidération dans lequel est plongé le transport aérien.

"Nous sommes sortis de l’état d’affolement où les décisions se prenaient successivement pour parer aux problèmes et sans perspectives de long terme. Les projets repartent, les esprits se restabilisent et le trafic va redécoller.

Nous devons reprendre nos activités, reprendre les projets. C’est ce qui se passe ailleurs et si en Europe nous restons dans une psychologie de crise, nous allons louper quelque chose que les autres ont commencé à anticiper.
"

Le chemin vers la décarbonation doit s’accélérer

Laurent Timsit, pour la FNAM, a tout de même rappelé la fragilité des compagnies aériennes "encore dans le dur de la crise" et plaidé pour prolonger un accompagnement encore nécessaire et dont les compagnies doivent bénéficier.

Profitant de la présence du DG Exécutif d’ADP et du DG de la DGAC, il a appelé publiquement à une modération des taxes d’aéroport, plus que la bienvenue dans les temps à venir. "Mettons nous autour de la table et regardons comment, de manière raisonnée, prudente et supportable pour l’ensemble des acteurs, nous pouvons reconstruire le transport aérien français."

Et ce, en tenant compte de la crise sanitaire bien sûr, mais aussi l’autre phénomène qui bouleverse le transport aérien, l’urgence à s’adapter, quelque fois à marche forcée, au changement climatique.

Edward Akwright pour Aéroports de Paris a illustré assez bien la révolution en train de s’opérer en évoquant les nouvelles priorités d’un aéroport comme Charles de Gaulle "qui sont désormais la gare et l’énergie".

Oubliés les projets d'il y a cinq ans qui se résumaient à l’optimisation de l'usage du foncier pour accueillir plus de passagers dans cet aéroport. "Le frein au développement du trafic à CDG devient le rythme de nos amis du ferroviaire à suivre l’enjeu de transformation environnementale du secteur".

Quelles que soient les difficultés et les immenses efforts qu’impliquent ces changements majeurs, l’ensemble des acteurs de l’aérien, administration, constructeurs, opérateurs s’accordent cependant à valider définitivement cette "course", ce chemin vers la décarbonation qui doit s’accélérer, comme l'a souligné Damien Cazé.

Décrivant la compagnie aérienne de demain, Laurent Timsit, optimiste, souhaite une compagnie verte, améliorant le plaisir du voyage et créatrice d’emplois.

Laurent Magnin en invité surprise

Cette première table ronde touchait à sa fin dans une ambiance tranquille et plutôt consensuelle.

C’était sans compter l’intervention d’une personne du public, Laurent Magnin himself, souhaitant interpeller les intervenants.

Avec l’énergie et le franc-parler qu’on lui connait, l’ancien PDG d’XL Airways, en "invité surprise" dénonçait "une double personnalité de l’Europe".

Et d’expliquer : "On va sortir en Europe 50 milliards de prêts pour sauver les grandes compagnies européennes et l’on signe en même temps un accord de ciel ouvert avec la Qatar. C’est le culte de la double personnalité.

On a fait preuve d’une rigueur incroyable pour octroyer des prêts et des aides aux compagnies et d’un autre côté, dans la vision ultra consumériste de l’Europe, elle signe cet accord très "far away" des valeurs défendues dans l’espace européen et qui ne sont pas acceptées et validées par les grands acteurs de l’aérien européen."


Au passage, Laurent Magnin nous révélait cette anecdote : un déplacement chez Qatar Airways dans une tentative de sauver XL Airways avec le patron de Qatar Airways où ce dernier lui aurait tout de go posé la question de savoir "combien lui coûtait le social, et pourquoi il faisait du social…"

Représentant de l’Etat, Damien Caze a répondu pour défendre et assumer les choix européens, concédant cependant que cet accord, fruit de négociations entamées quand le secteur allait mieux qu’aujourd’hui, "arrivait au plus mauvais moment".

Pragmatique, et en termes choisis, le directeur général de la DGAC a expliqué cependant clairement qu’il y a des intérêts avec certains Etats qui dépassent l’aérien, qui intéressent aussi certaines industries.

"Quand vous avez entamé des négociations, c’est difficile d’expliquer à certains Etats que parce que le contexte a changé, vous ne voulez plus…"

Pour résumer et en le disant encore plus clairement : quand vous avez des commandes d’environ 15 milliards de dollars avec le Qatar sur, entre autres, des Rafales, des Airbus, le métro de Doha, vous devez faire des concessions.

Le Big Data en tant que créateur de valeur

Autre sujet important parce que de plus en plus présent dans tous les domaines, le Big Data en tant que créateur de valeur a fait l’objet d’une réflexion lors de ces échanges des Etats de l’Air.

Considérée déjà en 2019 comme "une véritable mine d’or", les entreprises du transport aérien ont pris la mesure des possibilités offertes par la transformation de très grands volumes de données en informations utiles et indispensables pour améliorer l’expérience client et la performance opérationnelle.

Les enjeux sont clairs : si on maitrise le traitement de ces données, si elles sont exactes, complètes, organisées et standardisées, elles contribueront à la croissance de l'organisation.

Dans le cas contraire, cela peut conduire à une latence dans la prise de décisions ou à des décisions préjudiciables en raison d'informations incomplètes ou incorrectes.

Déjà, le Big Data associé à la digitalisation et à l’intelligence artificielle deviennent des outils indispensables pour la gestion des flux passagers, la navigation aérienne, la maintenance…

L’une des applications les plus intéressantes au regard des enjeux de la préservation de l’environnement est celle développée par une jeune entreprise française, OpenAirlines, dont Alexandre Feray, le PDG, a présenté l’activité, et notamment sa collaboration avec Transavia France, grace au développement d’une solution utilisant le Big Data et l’intelligence artificielle ayant pour objectif la réduction de consommation carburant.

La collecte des données se fait via les enregistreurs de vols après chaque rotation.

Les données sont diverses et concernent la météo, le contrôle aérien… sur lesquelles OpenAirlines fait passer ses algorithmes qui permettent de faire des recommandations pouvant concerner la préparation de l’avion, celle du vol, du choix des meilleures routes et l’exécution du vol en lui-même.

Dorénavant et sur leur tablette, les pilotes de Transavia peuvent avoir avant chaque vol un "éco briefing" leur permettant de choisir les meilleures options et être, eux aussi, acteurs de la décarbonation du secteur.

Aussi, et un peu comme le joggeur qui regarde sa montre après sa course, le pilote peut mesurer, à la fin du vol son "éco-performance". "Ils progressent beaucoup", s'est félicité Alexandre Feray.

Et les résultats sont impressionnants. Pour Transavia, c’est une économie de 3 200 tonnes de kérosène pour 2019 et toujours sur cette année, pour l’ensemble des client d’OpenAirlines c’est 600 000 tonnes de CO2 économisées.

Et Alexandre Feray d’illustrer ce chiffre par une image : "ce volume, c’est ce que tous les conducteurs Tesla ont économisé aux Etats-Unis en roulant avec cette voiture électrique."

La data, un enjeu de stratégie et de souveraineté

La collecte et la maitrise de l’analyse d’énormes volumes de données est bien devenue non seulement une mine d’or, mais aussi un enjeu de stratégie et de souveraineté.

En la matière, le retard pris par les Européens il y a quelques années a eu des conséquences. Celle par exemple de laisser Airbus contractualiser avec une entreprise américaine, Palantir, proche des agences de renseignements US pour une mutualisation des données de production et d’exploitation des avions.

Interrogé à ce sujet, Benjamin Binet, vice-président Stratégie et Affaires Publiques du groupe Thalès, a concédé ''que l’Europe avait pris au départ un peu de retard.'' Cependant il semble que certains acteurs, dont le groupe Thalès, soient désormais en ordre de marche.

Il se passe beaucoup de choses quant au big data souverain au niveau français et européen.

Atos et Thalès ont ainsi annoncé en mai 2021 la création d’Athea, une société commune destinée à développer une plateforme souveraine associant traitement de données massives et intelligence artificielle pour les secteurs de la défense, du renseignement et de la sécurité intérieure et qui s’adresse tant aux acteurs publics que privés.

Athea bénéficie de l’expérience acquise par les deux entreprises dans la phase de démonstration du programme "ARTEMIS", la plateforme Big Data du ministère des Armées.

La coopération avec les Américains semble encore indispensable puisque ce 6 octobre 2021, où Thales et Google Cloud ont annoncé la signature d’un accord stratégique pour codévelopper, au sein d’une nouvelle société, une offre de cloud souverain répondant aux critères du label français "Cloud de Confiance" à destination des Institutions publiques et des entreprises françaises.

Dans ce nouveau partenariat, les garanties de souveraineté semblent assurées. L’infrastructure dédiée sera gérée et opérée par une nouvelle société détenue majoritairement par Thalès en charge de la gestion des clés de chiffrement, des accès et des identités et la supervision cyber grâce au soutien de son Centre Opérationnel de Cybersécurité.

Une nécessaire révolution de l’intermodalité entre le train et l’avion

Dans une dernière table ronde Jean-Baptiste Djebbari, le ministre des Transports qui avait fait le déplacement, confirmait "une croissance de l’aérien durable et importante" avec cependant un modèle à totalement repenser.

La question n’est donc pas de savoir si nous allons continuer de prendre l’avion, mais plutôt comment.

La crise a accéléré les grandes transformations déjà à l’œuvre dont la décarbonation qui s’impose désormais.

Le ministre a également insisté sur la nécessaire révolution de l’intermodalité entre le train et l’avion. "Quand réellement le train à grande vitesse est en concurrence avec l’avion sur du porte à porte, c’est le train qui gagne.

La concurrence mène donc là un mauvais combat mais il y a un vrai intérêt à organiser l’intermodalité et la complémentarité. Il y a un enjeu de partenariat avec ces grands acteurs que sont la SNCF et l’aérien qui n’ont pas encore l’habitude de travailler ensemble, c’est un travail culturel à faire pour en tirer les bénéfices"
.

Et le ministre de citer les gares déjà existantes (Paris, Lyon, Strasbourg) mais aussi le projet pour Nice avec la décision ministérielle en mars sur la LGV, qui débloque la réalisation de la gare "Nice Aéroport", un pôle multimodal faisant correspondre TGV, TER, bus, tramway et aérien pour 200 M€.

Avant de s’éclipser, Jean-Baptiste Djebbari a délivré un dernier message à Air France : "La France est un pays d’accueil, c’est un pays très touristique, connecté au monde via entre autres une compagnie aérienne, un groupe international majeur mais qui va devoir s’organiser différemment en préservant ses intérêts nationaux et européens dans un monde de concurrence."

A bon entendeur salut !

Dans la salle, Laurent Magnin n’était plus là pour rappeler aussi la cause des autres compagnies du pavillon français qui restent, en ce début de saison hiver, en grande souffrance.

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