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Destinus : le projet qui veut mettre New York à 1h30 de Paris 🔑

un projet hypersonique


Un avion avec une vitesse de 6000 km/h, qui ne polluera pas et qui pourrait voler dès 2030 : tel est le défi que voudrait relever l’entreprise européenne Destinus. TourMaG a rencontré le Directeur général de la branche française en charge de ce projet fou.


Rédigé par le Vendredi 1 Mars 2024

Le projet de Destinus est de proposer un vol entre Paris et New York en 1h30 - Crédit : Destinus
Le projet de Destinus est de proposer un vol entre Paris et New York en 1h30 - Crédit : Destinus
On n’arrête pas le progrès.

Mis cependant entre parenthèses après la fin du Concorde, les programmes supersoniques et hypersoniques ont repris et ils aboutiront d’ici une petite dizaine d’années.

Alors que la communauté du transport aérien surveillait les projets autour de l’avion supersonique, voilà qu’une entreprise européenne, Destinus, travaille sur un avion hypersonique à hydrogène et qui pourrait voler d’ici 10 ans et relier Paris à New York, le temps pour les passagers de prendre un verre à bord.

À l’origine de ce projet, Destinus, une société fondée il y a quelques années en suisse par Mikhail Kokorich d’origine russe et qui vient de définitivement tourner le dos à son pays en renonçant a sa nationalité : « une décision consciente motivée par mon désaccord fondamental avec l’invasion russe de l’Ukraine et la politique de l’actuel gouvernement Poutine »


Destinus : 75 millions d’euros levés depuis sa création

À l’origine, Destinus est plutôt une entreprise évoluant dans le domaine de la défense.

Elle maitrise déjà la conception de drones et le magazine Challenges révélait il y a quelques semaines qu’elle livrait dans le plus grand secret des centaines de drones à l’Ukraine depuis 2023.

Avec 75 millions d’euros levés depuis sa création, 17 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2023 et l'arrivée à son conseil d’administration du général Michel Friedling, ancien commandant de l’espace de l’armée française, la start-up semble pouvoir donner des gages de sérieux.

Aussi, le projet civil lancé récemment pour faire voler d’ici 10 ans un avion se déplaçant à presque trois fois la vitesse du Concorde pour relier la côte Est des États-Unis en moins de temps qu’il ne faut pour traverser Paris en voiture en pleine journée, suscite bien sûr du scepticisme, mais aussi de la curiosité.

Rendez-vous avait été pris il y a quelques jours à Paris avec Jean-Philippe Giraud, le directeur de la filiale française de Destinus qui porte le projet.

Un premier avion avec une version entre 25 et 30 passagers

TourMaG.com - Avant d’évoquer le projet Destinus, pouvez-vous nous parler de votre parcours ?

Jean-Philippe Girault : Je suis ingénieur de formation et j’ai fait l’essentiel de ma carrière technique à la fois en Europe et aux États-Unis sur la propulsion fusée. Un rocket scientist comme on dit.

Ensuite j’ai quitté le domaine technique pour faire de la fusion acquisition pour le compte de Safran. Je suis rentré dans l’aventure Destinus il y a trois ans quand Mikhail Kokorich m’a contacté pour me rencontrer.

Il m’a convaincu de son projet avec cette vision d’un transport décarboné propulsé par l’hydrogène.


TourMaG.com - Mikhail Kokorich est d’origine russe, un pays réputé pour ses ingénieurs aéronautiques

Jean-Philippe Girault : Oui et vous remarquerez que par exemple Universal Hydrogen, un autre constructeur d’avions décarbonés, est présidé par Paul Eremenko d’origine russe.

Si je prends Zeroavia, qui fabrique aussi ce genre d’avion, le président est Val Miftakhov qui fait également partie de la crème de la crème des personnalités scientifiques russes.

Ils sont en train de changer le monde, car ils ont la volonté d’entreprendre sur quelque chose de différent avec un bagage scientifique exceptionnel qui va leur permettre d’apporter de vraies solutions. Je trouve cela génial.


TourMaG.com - Nous étions jusqu’à maintenant curieux des projets d’avions qui en quelque sorte voulaient réinventer le Concorde, un avion supersonique comme le projet Boom par exemple mais ce que vous proposez c’est carrément un avion qui vole à Mach 5, une vitesse hypersonique et donc pour donner un exemple : Paris – New York en 90 minutes...

Jean-Philippe Girault : Absolument. Vous rentrez dans l’avion, vous regardez un film et à la fin vous êtes arrivé. Et quand je parle de cela aux gens, ils me disent tout de suite : « je veux un billet ». Il y a donc un vrai marché pour cela.

TourMaG.com - Alors bien sur notre question c’est quand ? Quand embarque-t on et avec combien de passagers ?

Jean-Philippe Girault : La vision future, c’est un avion de 350, 400 places, mais là on parle de 2040.

L’étape intermédiaire c’est un avion commercial pour 25 à 30 personnes avec un objectif : un transport transatlantique hyper rapide d’ici 10 ans. Paris - New York en 90 minutes, Paris - Cancun en 02h00.

Un fer Ă  repasser volant

Jean-Philippe Girault à Paris le 16 février.Photo : C.Hardin
Jean-Philippe Girault à Paris le 16 février.Photo : C.Hardin
TourMaG.com - L’avion décollerait des aéroports déjà existants ?

Jean-Philippe Girault : Oui et on volerait à 30 kilomètres d’altitude. Pour vous donner une idée, le Concorde volait à 17 kilomètres.

Nous discutons actuellement avec Eurocontrol et l’EASA, l’agence européenne du transport aérien, dans le cadre du programme éco 2 qui consiste à regarder comment les futurs avions très rapides pourront s’insérer dans le trafic aérien commercial et quelles sont les routes à définir. Les conclusions seront livrées en 2026.


TourMaG.com - Quels sont les défis à relever pour pouvoir mettre 25 personnes dans un véhicule qui les emmène à New York en 1h30 à Mach 5 ?

Jean-Philippe Girault : C’est un véhicule qui n’aura pas de hublots…

TourMaG.com - Je crois qu’au début du projet Concorde, les ingénieurs ne voulaient pas mettre de hublots. On leur a dit alors que les gens ne voudraient pas monter dans un avion sans hublots…

Jean-Philippe Girault : Effectivement, mais nous notre avion n’aura pas de hublots notamment à cause de l’échauffement de la structure. De plus il n’y aura rien à voir. À 30 kilomètres le ciel sera presque noir, on ne verra même pas les étoiles.

Nous pensons plutĂ´t Ă  ce que fait Airbus innovation : des cabines virtuelles avec Ă©crans plats qui redonneront un paysage subsonique habituel.

Nous avons effectivement cette difficulté qui concerne l’échauffement de la structure. Les parties les plus exposées comme les bords d’attaque des ailes ou les bords des entrées d’air devront être refroidies et nous le ferons avec l’hydrogène.

Pour le reste nous utilisons des matériaux normaux et un alliage en acier. Le deuxième défi c’est la conception de l’avion. Nous allons utiliser la combustion à l’hydrogène. C’est une molécule très légère, mais qui prend beaucoup de la place.

Pour simplifier si vous voulez embarquer une tonne de kérosène vous avez besoin d’un mètre cube. Une tonne d’hydrogène c’est plusieurs mètres cubes.

La conception de l’avion est donc à revoir. C’est ce que fait Airbus dans ses projets. Ils acceptent de perdre de l’espace normalement réservé aux sièges passagers au profit d’une combustion décarbonée.

Nous allons nous, nous inspirer des études menées par l’agence spatiale européenne (ESA) et qui a défini un avion en forme de fer à repasser. C’est à cela que ressemblera notre avion.

Investir maintenant dans l’hydrogène

TourMaG.com - Expliquez-nous une chose. Quand on parle de l’hydrogène pour propulser des avions pour traverser l’atlantique, on parle de projets très lointains. Le moteur d’ailleurs n’existe pas. Or votre projet, c’est de faire voler votre avion dans 5 ou 6 ans…

Jean-Philippe Girault : C’est une question de politique industrielle.

Safran, sur son site industriel de Vernon, fait déjà tourner un moteur CFM avec de l’hydrogène. Moi-même à la fin des années 90, j’ai travaillé sur le programme Cryoplane, un Airbus A320 propulsé par hydrogène et dont le maitre d’œuvre était Airbus Allemagne.

Il n’y a aucun problème. C’est une question de politique industrielle et d’investissements.

Évidemment que c’est compliqué. Mais en France, nous faisons de l’hydrogène. Depuis 60 ans, la France maitrise l’hydrogène liquide.

A lire aussi : Après le Concorde, doit-on miser sur l’avion spatial stratosphérique ?

Il faut investir, mais je pense que les motoristes préfèrent investir sur quelque chose qui rapporte à court terme plutôt qu’à un horizon de 15 ans.

Ils préfèrent investir sur du SAF compatible avec les moteurs actuels plutôt que de faire un saut. Et c’est un double saut qu’il faut faire. Du point de vue de l’avion, mais aussi du système aérien.

C’est un peu comme les voitures. Ici à Paris vous avez les taxis « HYPE » qui roulent très bien à l’hydrogène, mais si vous n’avez pas la station-service cela ne sert à rien.

Pour l’aérien cela veut dire qu’il faut aussi des aéroports avec de l’hydrogène à fournir aux avions. Là est la difficulté.

Il faudrait que l’ensemble des acteurs : constructeurs, motoristes, aéroports, compagnies aériennes se disent « on a vu la lumière », on n’y va !


TourMaG.com - Ça sera peut-être vous la lumière ?

Jean-Philippe Girault : Nous essayons de jouer « la mouche du coche ». Cependant des choses bougent, le Groupe ADP et Air Liquide viennent de créer un joint venture : "Hydrogen Airport" qui a pour vision de mettre à disposition de l’hydrogène sur les aéroports du monde entier et Vinci fait la même chose.

Mais actuellement on sent que ce n’est pas LA priorité.


TourMaG.com - Le coût de production de l’hydrogène est aussi une difficulté ?

Jean-Philippe Girault : Oui. Faire de l’hydrogène nécessite de l’électricité. Cela reste cher. Les industriels disent que nous n'avons pas de visibilité exacte sur les coûts et sur les investissements à financer. C’est ce que l’on appelle le mixtfeeling en anglais.

Les gens sont persuadés que c’est la solution, mais les métriques économiques sont encore un peu floues à la fois sur le coût de la production et le coût de l’utilisation. Pour un investisseur ce n’est pas l’idéal !

Passer le mur du son

TourMaG.com - Avec l’hydrogène, l’avion ne polluera pas cependant, il reste le bruit du mur du son…

Jean-Philippe Girault : Oui l’hydrogène est propre à condition que l’électricité que vous utilisez pour l’électrolyse* soit décarbonée. Si vous utilisez une centrale à charbon pour produire l’électricité, ce n’est pas bon.

Par contre effectivement le bruit sonique sera toujours lĂ . Le passage du mur du son devra se faire au-dessus de la mer.


TourMaG.com - Comme avant avec le Concorde ?

Jean-Philippe Girault : Oui, exactement. Par contre, ce que l’on voit c’est que 80% des aéroports principaux dans le monde sont proches de la mer.

Donc nos trajets de point à point entre les continents se feront sur ces aéroports.

Installation Ă  Rochefort

TourMaG.com - Concrètement vous avez le projet de vous installer sur l’aéroport de Rochefort pour commencer à faire des essais, c’est toujours d’actualité ?

Jean-Philippe Girault : Tout à fait. Nous allons commencer des premiers essais sur la base militaire de Cazaux pour faire voler notre troisième démonstrateur.

Deux sont déjà testés. L’un est de la taille d’une voiture et vole avec de l’hydrogène gazeux, et l’autre à la taille d’un petit bus. Ils ne volent pas à la vitesse supersonique.

Notre troisième démonstrateur fera une dizaine de mètres, il sera beaucoup plus lourd (2 tonnes) et a vocation à rentrer dans le supersonique avec de l’hydrogène liquide. Et nous le ferons ensuite voler à Rochefort.

Ensuite nous ferons encore évoluer des modules que nous équiperons d’une propulsion proche du moteur du Rafale avec un statoréacteur pour voler à Mach 5.


TourMaG.com - Il y aura bien un pilote dans l’avion ?

Jean-Philippe Girault : Oui il y aura un pilote, mais l’automatisation du vol sera beaucoup plus poussée qu’aujourd’hui. Et avec l’EASA, nous réfléchissons aussi à un vol entièrement automatique.

TourMaG.com - Quand on vole Ă  Mach 5, y a-t-il des contraintes physiques pour les passagers ?

Jean-Philippe Girault : Non, cela ne change rien. La difficulté pour les organismes, ce sont les accélérations.

Mais rassurez vous, nous n’irons pas de 0 à Mach 5 en une minute. Il y aura d’abord une montée subsonique progressive pour s’intégrer dans le trafic aérien classique, et ensuite aller à 30 km d’altitude et Mach 5.

Un marché pour les vols hypersoniques ?

Un avion en forme de fer à repasser sans hublots - Crédit : Destinus
Un avion en forme de fer à repasser sans hublots - Crédit : Destinus
TourMaG.com - Vous pensez qu’il y a un marché pour ces vols ?

Jean-Philippe Girault : Il y a un véritable attrait auprès du public, cela est certain. Nous travaillons avec des cabinets-conseils qui font des sondages et qui nous ont dit « il n'y a aucun doute sur la manière dont vous capturerez une fraction du marché. »

Il y avait avec les anciens vols supersoniques une difficulté, le décalage horaire. Dans le sens Paris - New York, c’est parfait. On arrive avant d’être parti, c’est très bien.

Mais quand on revient dans l’autre sens, c’est plus compliqué. Pour Concorde, c’était un souci. Les passagers disaient : « je préfère rester jusqu’au soir à New York et partir avec un vol classique pour arriver le lendemain matin en Europe. Cela me coûte moins cher et je suis mieux recalé. »

Ce que nous allons offrir est différent, car un vol de 01h30, cela change tout. On peut revenir le soir même en étant parti le matin !


TourMaG.com - Pour prendre un calendrier précis, vous prévoyez une certification en 2032 ?

Jean-Philippe Girault : Oui 2031 ou 2032.

TourMaG.com - Donc des vols commerciaux un peu plus tard ?

Jean-Philippe Girault : Oui nous prévoyons l’entrée en service pour 2035.

TourMaG.com - L’avion sera donc prêt en 2030. C’est demain !

Jean-Philippe Girault : Oui, absolument. Cependant nous aurons bien sûr besoin des investissements qui vont bien. Aujourd’hui, nous avons une bonne santé financière qui nous permet de fabriquer nos démonstrateurs et d’avancer. Nous n’avons pas encore le milliard nécessaire pour construire l’avion et pour cela nous déclencherons une levée de fonds.

TourMaG.com - Avez-vous des concurrents sur ce type de projet ? Aux États-Unis, j’imagine ?

Jean-Philippe Girault : Absolument. C’est un projet similaire : « Hermeus ». Ils sont un peu en avance avec un premier prototype pour faire des essais de roulage au sol et qui devrait commencer à voler cette année.

Nous avons la même feuille de route avec les mêmes objectifs. Une différence cependant, le projet aux Etats Unis est très soutenu par le DOD (U.S. Department of Defense) avec lequel a déjà été passé un contrat plafonné à 950 millions de dollars.

Frilosité européenne

TourMaG.com - Et pourquoi de ce coté de l'Atlantique cette frilosité sur de tels projets ?

Jean-Philippe Girault : Je n’ai pas la réponse. On discute de manière positive avec les autorités françaises, mais il n'y a pas encore de déclic sur un programme comme celui-ci.

Il n'y a pas non plus les mêmes ressources financières qu’aux États-Unis. Je peux comprendre que les autorités s’interrogent sur le bien-fondé d’un programme de ce type là, mais on y viendra.

Je suis persuadé qu’un avion de ce type-là intéressera le civil et les militaires et qu’il sera double usage. Avec ses performances hypersoniques, cet avion fera un excellent intercepteur pour protéger un pays, etc.


TourMaG.com - Une sacrée révolution quand même ce projet ?

Jean-Philippe Girault : Oui et si nous nous y mettons il n'y a pas de difficultés insurmontables.

Nous discutons déjà aujourd’hui dans le détail avec des aéroports et dans le monde, au Canada par exemple, pour comprendre comment nous pouvons dès à présent faire partir des projets pilotes en hydrogène.


* La méthode utilisée pour la production de l’hydrogène vert est celle de l’électrolyse de l’eau. Elle n’est pas la seule technique permettant la production d’hydrogène, mais elle est la seule qui permette une production exempte d’émissions de gaz à effet de serre.


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Commentaires

1.Posté par Maurice le 02/03/2024 16:46 | Alerter
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Je me mare venir 3 h avant a l aeroport et faire 6000km en 1h30 quel idee sangrenu

2.Posté par PlanesFan le 02/03/2024 17:08 | Alerter
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Génial ce projet ! Je suivais dejà ce qu'allait devenir le destinus (initialement prévu pour 2027). j'ai hâte de voir le résultat !

3.Posté par zoukolor le 14/03/2024 12:43 | Alerter
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A ce rythme lĂ  on va remonter le temps
J'ai hâte de savoir combien coûtera le billet et combien de pax seront autorisés à bord
Wait and see

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