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Emmanuel Foiry (Kuoni) : "Une profession qui fait de moins en moins rêver, sortie des radars des jeunes..." 🔑

Interview d'Emmanuel Foiry, le président de Travel Lab (Kuoni France)


S'il est une entreprise du secteur qui a dû être heureuse de tourner la page de 2021, c'est bien Kuoni. Avec une activité à l'arrêt, un PSE, puis le variant Omicron, c'est peu de dire que Emmanuel Foiry en avait marre de ce satané exercice. Pour le moment, 2022 ne change pas grand-chose au schmilblick, mais la pandémie n'est pas la principale problématique pour le président de Kuoni France...


Rédigé par le Mercredi 12 Janvier 2022

"Nous avons un problème d'adéquation entre les études et ceux que veulent faire les gens, puis la réalité de l'emploi. Il y a un vrai débat à mener pour trouver de l'attractivité dans notre secteur," selon Emmanuel Foiry (Kuoni) - Depositphotos @Curvabezier
"Nous avons un problème d'adéquation entre les études et ceux que veulent faire les gens, puis la réalité de l'emploi. Il y a un vrai débat à mener pour trouver de l'attractivité dans notre secteur," selon Emmanuel Foiry (Kuoni) - Depositphotos @Curvabezier
TourMaG.com - En ce début d'année et après un exercice 2021 douloureux, à quoi ressemblent les premiers jours de 2022 ?

Emmanuel Foiry :
Ils sont très pénibles.

Nous étions très bien orientés en septembre et octobre, jusqu'à l'arrivée du variant omicron.

Nous étions très contents déjà pour nous, de pouvoir refaire notre boulot, puis pour la boite aussi.

Sauf que maintenant l'activité est à l'arrêt, puis ce qui devient de plus en plus compliqué, c'est au niveau opérationnel.

Les cas contacts se multiplient, avec des équipes entières affectées par le coronavirus.

Omicron : "des destinations commencent à être très désorganisées"

TourMaG.com - Non seulement, le variant omicron vous pénalise au niveau des ventes, mais aussi pour travailler tous les jours, si je comprends bien...

Emmanuel Foiry :
Exactement, c'est aussi le cas dans de nombreux endroits.

Des compagnies aériennes annulent des vols du jour au lendemain, faute de PNC. Des destinations commencent à être très désorganisées, comme la Laponie finlandaise.

Là bas, la haute saison est très courte, sauf que la multiplication des cas contacts rend l'opérationnel très compliqué. Le télétravail est aussi pénalisant.

D'ailleurs vous noterez que le décret poussant les entreprises à réinstaurer le télétravail à la faveur de 3 jours par semaine, ce décret n'est toujours pas sorti et il ne sortira jamais.

La situation n'est pas simple depuis le début, mais nous revenons doucement en arrière.

TourMaG.com - Cela signifie qu'il y a un retour du chĂ´mage partiel ?

Emmanuel Foiry :
Nous avons dĂ» remettre certaines personnes Ă  l'arrĂŞt, dans le cas de l'accord sur l'APLD.

Après c'est surtout le timing qui est perturbant, alors que nous étions dans une bonne dynamique en réduisant les périodes d'inactivité, omicron nous a remis un petit coup derrière la tête.

Il est arrivé au mauvais moment.

Tourisme : "nous allons avoir un mal de chien Ă  conserver nos talents"

TourMaG.com - L'enjeu est maintenant de sauver le printemps ?

Emmanuel Foiry :
Oui, après je vais dire une tautologie, mais nous n'avons jamais été aussi près de la fin de cette pandémie.

Après ce qui me rassure dans cette histoire, c'est que je n'ai plus aucun doute sur le niveau d'appétence des Français pour le voyage. En septembre ça revenait très fort, sur des niveaux très proches de 2019, alors que nous n'avions même pas toutes les destinations ouvertes.

Je sais que ça va repartir et fort, mais je ne sais pas quand et surtout il ne faut pas trop que ça traîne.

TourMaG.com - Pourquoi ne faut-il pas que cette reprise traîne ?

Emmanuel Foiry :
Je rejoins les idées de François Piot qui intervient souvent chez vous et qui a des analyses très justes.

Nous allons avoir de vrais problèmes en ressources humaines, avec une profession qui fait de moins en moins rêver. Elle est sortie des radars des jeunes, il n'est plus trop possible de voyager, donc les éductours se rarifient.

En plus de ça, être agent de voyages vous n'êtes pas bien payés et c'est un métier très compliqué, vous ajoutez à cela, le télétravail.

Notre profession commence à être désertée, nous allons avoir un mal de chien à conserver nos talents.

Plusieurs des salariés de Kuoni sont partis et des chasseurs de têtes profitent de nos faiblesses actuelles, pour débaucher nos salariés.

"Un vrai débat est à mener pour trouver de l'attractivité dans notre secteur "

TourMaG.com - Et les nouveaux talents ne sont pas si faciles Ă  trouver ?

Emmanuel Foiry :
Ce n'est pas tant ça, c'est que nous devons les payer plus cher.

Sauf que le voyage n'est pas une industrie riche, nous ne sommes pas le secteur pharmacologique, l'assurance ou la finance, donc nous ne pouvons pas rivaliser.

Je suis assez inquiet Ă  ce sujet.

Nous ne sommes pas encore dans la mĂŞme situation que les Etats-Unis, mais je vois des parcours incroyables, avec des personnes qui quittent le secteur Ă  50 voire mĂŞme 55 ans.

Quelque chose qui était impossible avant la pandémie. Les rapports s'inversent, les salariés ont pris le dessus, en quelque sorte. Nous allons devoir faire preuve d'ingéniosité, pour conserver nos staffs et éventuellement en recruter.

TourMaG.com - Le gouvernement va lancer une vaste campagne de communication sur les métiers du tourisme, est-ce suffisant ?

Emmanuel Foiry :
C'est aux entreprises de travailler sur les niveaux de revenu, notamment.

Le gouvernement peut faire n'importe quel genre de communication, si les entreprises ne répondent pas présentes, ça ne servira à rien. Après ce n'est pas seulement propre au tourisme, une multitude de secteurs n'arrivent pas à recruter.

Nous avons un problème d'adéquation entre les études et ceux que veulent faire les gens, puis la réalité de l'emploi. Il y a un vrai débat à mener pour trouver de l'attractivité dans notre secteur et mon entreprise.

TourMaG.com - Êtes-vous prêts à augmenter les salaires ? Si c'est le cas, c'est tout un modèle économique à revoir.

Emmanuel Foiry :
Je suis prêt, mais dans l'ordre de grandeur du marché.

Si nous étions dans une industrie qui gagne beaucoup d'argent, alors nous pourrions bien rémunérer nos salariés. Aujourd'hui, tout le monde sait que le tour-opérating et les agences de voyages sont avant tout des métiers de passion.

Les marges de manoeuvre sont restreintes, il n'y a pas d'argent magique dans les sociétés.

"En 2021 nous avons fait le même chiffre qu'en 2020, voire légèrement moins"

TourMaG.com - Arrivez-vous Ă  anticiper ce Ă  quoi ressemblera 2022 ?

Emmanuel Foiry :
Tout dépend, quand nous allons repartir sur un rythme proche de ce que nous avons observé en septembre ou octobre.

Si nous revenons à ce genre de situation, avec des destinations fortes ouvertes, courant février alors 2022 peut largement être sauvée. Sauf que nous loupons actuellement les beaux mois de réservations.

Je ne suis pas devin, je laisse les prédictions et les projections aux autres.

TourMaG.com - Pour terminer sur 2021, comment avez-vous clôturé l'année, avec deux bons mois ?

Emmanuel Foiry :
Le problème c'est qu'en septembre et octobre, les clients réservaient pour 2022 et la fin d'année, donc les revenus seront en grande partie pour le prochain exercice.

Nous n'avons pas encore totalement clôturé, nous allons faire grosso modo le même chiffre qu'en 2020, voire légèrement moins. Nous sommes nombreux dans le même cas.

Le truc c'est qu'en 2020, jusqu'au 15 mars, nous avions eu trois mois exceptionnels. En 2021, de janvier à fin juin, l'activité était proche de 0, puis à partir de juillet, nous avons remis en route.

En résultat, nous l'améliorons largement en 2020.

Romain Pommier Publié par Romain Pommier Journaliste - TourMaG.com
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Commentaires

1.Posté par Franck Gomes le 13/01/2022 10:58 | Alerter
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En 25 ans chez les TO et après avoir travaillé à la fois chez des spécialistes, des généralistes, des groupistes, des agences en ligne et un croisièriste, des entreprises à tailles humaines ou des groupes internationaux, mon constat est sans appel.
1 - Visibilité et Notoriété des TO quasi nulle du secteur auprès du grand public, excepté 1 ou 2 TO.
2 - Un rapport de force constant et malsain entre TO et distributeurs: Chacun tirant la couverture à soit, pour défendre ses petits intérêts.
3 - Malgré les faillites et plans sociaux à répétitions, très peu de leçons tirées et très peu de remises en question des modèles économiques.
4 - Un cruel manque d'anticipation dans sur les tendances marchés et dans le digital.
5 - Une guerre des prix, qui abîment les marges et fragilise les trésoreries,
6 - Au final, des clients devenus plus autonomes, qui se détournent des offres packagées et ne comprennent plus vraiment qu'elle est la valeure ajoutée d'un TO, ou d'une agence.
7 - Des niveaux salaires trop faibles par rapport Ă  d'autres secteurs plus attractifs.
8 - Des avantages salariés qui ont fondus comme neige au soleil en 20 ans (merci l'Urssaf).
9 - Un secteur incertain du fait des nombreux évènements extérieurs tels guerres, révolutions, pandémie, attentats, dérèglements climatiques, etc...
10 - Pas ou peu de plans de formations et de carrières en interne (grands groupes).
11 - Trop d'acteurs, qui font la même chose, avec les mêmes réceptifs : Peu de valeure ajoutée et d'avantages concurrentiels = clients perdus.
13 -
13 - Le dernier point qui me semble le plus important : LE CLIENT, peu ou pas d'études visant à mieux connaitre ses clients, leurs attentes, leurs modes d'achats et de consommation, leurs sources d'informations et d'inspirations, etc... juste une "stratégie" orientée vente et remplissages...une fuite en avant constante.
Voici mon bilan, basé sur 25 ans passé chez les TO...ce n'est reluisant. Je ne mets pas tout le monde dans le même panier, excepté 2 ou 3 acteurs, qui me paraissent solides, je ne vois pas ce secteur devenir attractif dans les années à venir, si certaines décisions ne sont pas prisent rapidement.

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