Vue aérienne du MUCEM et du fort Saint-Jean à l'entrée du Vieux Port - Depositphotos.com Auteur sam741002
Nombreux sont en effet ceux, dans ce monde, qui craignent pour les financements de leurs compagnies théâtrales, la survie de leurs festivals, l’existence même de leurs manifestations culturelles… qui pourtant sont un carburant pour le tourisme.
Pour en savoir un peu plus, sur ce monde d’aprés, Jean Michel Tobelem, consultant spécialisé et enseignant a répondu à nos questions et émis des pistes de réflexion sur les politiques globales à mener pour rendre plus performant notre patrimoine.
Espérons qu’il sera entendu et que culture et tourisme apprendront à se parler.
Pour en savoir un peu plus, sur ce monde d’aprés, Jean Michel Tobelem, consultant spécialisé et enseignant a répondu à nos questions et émis des pistes de réflexion sur les politiques globales à mener pour rendre plus performant notre patrimoine.
Espérons qu’il sera entendu et que culture et tourisme apprendront à se parler.
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Futuroscopie - Premier point, aujourd’hui, où en est-on exactement dans le secteur de la culture ?
JM.Tobelem : Si pour certains la culture est synonyme d’échange, de rencontre, de partage et de dialogue, alors que pour d’autres elle évoque davantage le repli sur soi ou l’exclusion, les destinations touristiques peuvent difficilement se concevoir autrement que comme des symboles d’accueil, d’hospitalité et d’ouverture aux autres.
A cet égard, la diversité culturelle de la France peut être vue comme un atout pour assurer sa place dans le monde et pour renforcer son attractivité. Il existe en effet des marges de manœuvre pour progresser dans ces deux secteurs connexes, indispensables l’un à l’autre.
Futuroscopie - D’après votre expérience et vos réflexions, que suggérez-vous ?
JM Tobelem : Nous suggérons surtout quelques principes qui pourraient guider la recherche de solutions pour progresser dans ce domaine.
Le plus important est d’abord la nécessité de penser de façon globale et stratégique, en se détachant des urgences du court terme (remous politiques, crise écologique, troubles sociaux, enjeux géo-stratégiques) même si celles-ci impressionnent, au risque toutefois de la paralysie.
Il convient également de prendre de la distance par rapport à ce qui pourrait parfois apparaître comme des mouvements de mode comme l’immersion, les tiers-lieu, les big data, la smart city, le design thinking, l’art numérique et j’en passe ! Et, il faudrait tracer des perspectives ambitieuses mais réalistes, définir des grands objectifs et préciser les moyens mis en œuvre à travers un plan d’action.
Une démarche qui représente le plus souvent la garantie d’un développement robuste et efficace. En outre il semble utile de commencer par tirer les leçons du passé : tel dispositif a-t-il fait la preuve de son efficacité ?
Telle action a-t-elle été couronnée de succès ? Telle orientation n’a-t-elle pas fait un usage disproportionné des ressources disponibles ? Sans oublier à l’inverse que certains dispositifs, actions ou orientations ont parfois été abandonnés à tort !
JM.Tobelem : Si pour certains la culture est synonyme d’échange, de rencontre, de partage et de dialogue, alors que pour d’autres elle évoque davantage le repli sur soi ou l’exclusion, les destinations touristiques peuvent difficilement se concevoir autrement que comme des symboles d’accueil, d’hospitalité et d’ouverture aux autres.
A cet égard, la diversité culturelle de la France peut être vue comme un atout pour assurer sa place dans le monde et pour renforcer son attractivité. Il existe en effet des marges de manœuvre pour progresser dans ces deux secteurs connexes, indispensables l’un à l’autre.
Futuroscopie - D’après votre expérience et vos réflexions, que suggérez-vous ?
JM Tobelem : Nous suggérons surtout quelques principes qui pourraient guider la recherche de solutions pour progresser dans ce domaine.
Le plus important est d’abord la nécessité de penser de façon globale et stratégique, en se détachant des urgences du court terme (remous politiques, crise écologique, troubles sociaux, enjeux géo-stratégiques) même si celles-ci impressionnent, au risque toutefois de la paralysie.
Il convient également de prendre de la distance par rapport à ce qui pourrait parfois apparaître comme des mouvements de mode comme l’immersion, les tiers-lieu, les big data, la smart city, le design thinking, l’art numérique et j’en passe ! Et, il faudrait tracer des perspectives ambitieuses mais réalistes, définir des grands objectifs et préciser les moyens mis en œuvre à travers un plan d’action.
Une démarche qui représente le plus souvent la garantie d’un développement robuste et efficace. En outre il semble utile de commencer par tirer les leçons du passé : tel dispositif a-t-il fait la preuve de son efficacité ?
Telle action a-t-elle été couronnée de succès ? Telle orientation n’a-t-elle pas fait un usage disproportionné des ressources disponibles ? Sans oublier à l’inverse que certains dispositifs, actions ou orientations ont parfois été abandonnés à tort !
Le ministère de la Culture ne possède toujours pas de de bureau tourisme
Futuroscopie - Tout cela ne se fait-il pas ?
JM.Tobelem : On aurait pu penser que la crise de la Covid, qui a parfois conduit à penser que rien ne serait ensuite comme avant, a en réalité donné lieu à peu de réflexions nouvelles, originales ou inédites.
Dans la plupart des cas, c’est le retour au statu quo ante auquel on a assisté. Préparons-nous par conséquent à penser en termes de pertinence, mais également de soutenabilité et de résilience pour faire face aux prochaines crises qui ne manqueront pas de se manifester à l’avenir, qu’elles soient économiques, sanitaires ou politiques.
Remarquons une nouvelle fois à ce sujet que le ministère de la Culture ne possède toujours pas de cellule ou de bureau spécialisé dans le domaine du tourisme (même si une personne est notamment chargée du suivi des conventions entre ministère de la Culture et ministère du Tourisme).
Cela prive donc le secteur culturel de capacités d’analyse, de coordination, d’action et d’anticipation.
Futuroscopie - pouvez-vous nous donner des exemples et esquisser des propositions susceptibles de sonner l’alerte mais surtout de sortir de l’immobilisme ?
JM. Tobelem : En dehors des grandes institutions de rang international : Louvre, Orsay, Versailles, Tour Eiffel, Arc de triomphe… nombre de musées et de monuments de notre pays sont modestement fréquentés, ce qui paraît peu rationnel compte tenu du fait qu’il s’agit de financer des établissements en ordre de marche du 1er janvier au 31 décembre.
L’une des raisons de cette situation sous-optimale tient au fait que les publics sont peu motivés à visiter un lieu qu’ils connaissent déjà , en l’absence de proposition nouvelle suffisamment attractive. Pour cela, il paraît nécessaire d’étoffer la programmation d’expositions, pour passer d’une situation où l’on présente deux expositions par an au mieux à une situation caractérisée par un nombre significativement plus important d’expositions temporaires.
Plusieurs pistes peuvent être explorées à cet égard : développement des partenariats et des coopérations entre musées, échange temporaire de collections entre établissements, soutien approfondi des musées et monuments nationaux aux établissements en régions, création d’une agence spécialisée dans la circulation d’expositions, etc.
Autre exemple : L’Etat possède 87 cathédrales. Inexplicablement, ces monuments sont laissés en friche du point de vue des services aux visiteurs et de leur capacité à intéresser les touristes, français et étrangers. Pourquoi ?
On note en effet l’absence quasi complète d’interprétation (histoire, architecture, art, construction, vitraux, urbanisme…), en dehors de l’offre de visites guidées. Autrement dit, rien n’est fait pour retenir le visiteur, l’inciter à prolonger sa visite ou encore le diriger vers d’autres points d’intérêt de la destination.
Dans le même registre, il conviendrait de développer dans chaque territoire un schéma directeur d’interprétation des patrimoines (SDIP), qui permettrait de révéler aux habitants et aux touristes nombre de points d’intérêt situés dans leur environnement.
La situation actuelle est en effet caractérisée par une stratification et un enchevêtrement de dispositifs d’interprétation, et d’une absence d’interprétation de certains éléments notables du patrimoine.
JM.Tobelem : On aurait pu penser que la crise de la Covid, qui a parfois conduit à penser que rien ne serait ensuite comme avant, a en réalité donné lieu à peu de réflexions nouvelles, originales ou inédites.
Dans la plupart des cas, c’est le retour au statu quo ante auquel on a assisté. Préparons-nous par conséquent à penser en termes de pertinence, mais également de soutenabilité et de résilience pour faire face aux prochaines crises qui ne manqueront pas de se manifester à l’avenir, qu’elles soient économiques, sanitaires ou politiques.
Remarquons une nouvelle fois à ce sujet que le ministère de la Culture ne possède toujours pas de cellule ou de bureau spécialisé dans le domaine du tourisme (même si une personne est notamment chargée du suivi des conventions entre ministère de la Culture et ministère du Tourisme).
Cela prive donc le secteur culturel de capacités d’analyse, de coordination, d’action et d’anticipation.
Futuroscopie - pouvez-vous nous donner des exemples et esquisser des propositions susceptibles de sonner l’alerte mais surtout de sortir de l’immobilisme ?
JM. Tobelem : En dehors des grandes institutions de rang international : Louvre, Orsay, Versailles, Tour Eiffel, Arc de triomphe… nombre de musées et de monuments de notre pays sont modestement fréquentés, ce qui paraît peu rationnel compte tenu du fait qu’il s’agit de financer des établissements en ordre de marche du 1er janvier au 31 décembre.
L’une des raisons de cette situation sous-optimale tient au fait que les publics sont peu motivés à visiter un lieu qu’ils connaissent déjà , en l’absence de proposition nouvelle suffisamment attractive. Pour cela, il paraît nécessaire d’étoffer la programmation d’expositions, pour passer d’une situation où l’on présente deux expositions par an au mieux à une situation caractérisée par un nombre significativement plus important d’expositions temporaires.
Plusieurs pistes peuvent être explorées à cet égard : développement des partenariats et des coopérations entre musées, échange temporaire de collections entre établissements, soutien approfondi des musées et monuments nationaux aux établissements en régions, création d’une agence spécialisée dans la circulation d’expositions, etc.
Autre exemple : L’Etat possède 87 cathédrales. Inexplicablement, ces monuments sont laissés en friche du point de vue des services aux visiteurs et de leur capacité à intéresser les touristes, français et étrangers. Pourquoi ?
On note en effet l’absence quasi complète d’interprétation (histoire, architecture, art, construction, vitraux, urbanisme…), en dehors de l’offre de visites guidées. Autrement dit, rien n’est fait pour retenir le visiteur, l’inciter à prolonger sa visite ou encore le diriger vers d’autres points d’intérêt de la destination.
Dans le même registre, il conviendrait de développer dans chaque territoire un schéma directeur d’interprétation des patrimoines (SDIP), qui permettrait de révéler aux habitants et aux touristes nombre de points d’intérêt situés dans leur environnement.
La situation actuelle est en effet caractérisée par une stratification et un enchevêtrement de dispositifs d’interprétation, et d’une absence d’interprétation de certains éléments notables du patrimoine.
La destination France souffre d’un manque de destinations de courts-séjours urbains
Futuroscopie - La destination France est-elle victime de cette situation ?
JM. Tobelem : Oui. La destination France souffre d’un manque de destinations de courts-séjours urbains, autrement dit de city breaks identifiés à l’échelle sinon internationale, du moins européenne (à l’exception de Paris, Nice-Cannes, Strasbourg, Bordeaux, Aix-Marseille et quelques autres), alors même que le potentiel représenté par des villes accessibles et dotées d’infrastructures culturelles, hôtelières, commerciales et de restauration est significatif.
Cela nous place dans une situation non compétitive vis-à -vis des villes italiennes, mais également allemandes ou espagnoles, notamment. Plusieurs raisons peuvent être avancées à cet égard : faiblesse des études de marché, modestie des réflexions en termes de positionnement concurrentiel, limites en termes de coordination des efforts des différentes parties prenantes (public-privé, culture-tourisme, offre pérenne-offre événementielle), malgré l’effort consenti au titre des contrats de destination.
Enfin, il est clair que seule une partie de la destination France possède une réelle existence sur le plan touristique.
Sans imaginer que tout l’Hexagone puisse prétendre acquérir une attractivité touristique, il n’en reste pas moins qu’il est possible de construire un développement touristique raisonné s’appuyant sur l’offre existante (lieux de visite, hébergements, offre commerciale et de restauration, activités, événements…).
L’une des raisons de la faiblesse de notre pays dans ce domaine tient à la difficulté pour les acteurs institutionnels de construire une offre de séjour s’affranchissant des limites administratives ; et à celle des acteurs privés de posséder une connaissance suffisante du territoire pour proposer des produits adaptés aux besoins des clientèles.
Des approches nouvelles apparaissent toutefois : nous en reparlerons le moment venu.
En définitive, les périodes de crise sont des moments de mutation et de transformation qui peuvent aussi permettre de progresser. Tel est le sens des propositions que nous formulons et dont nous pourrons débattre dans les temps à venir avec les acteurs concernés. Nous y reviendrons…
*Jean-Michel Tobelem, consultant, directeur d’Option Culture, est professeur associé HDR à l’Institut de Recherche et d’Études Supérieures en Tourisme (IREST, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne). Il est notamment l’auteur de « Politique et gestion de la culture. Publics, financement, territoire, stratégie » (Armand Colin).
JM. Tobelem : Oui. La destination France souffre d’un manque de destinations de courts-séjours urbains, autrement dit de city breaks identifiés à l’échelle sinon internationale, du moins européenne (à l’exception de Paris, Nice-Cannes, Strasbourg, Bordeaux, Aix-Marseille et quelques autres), alors même que le potentiel représenté par des villes accessibles et dotées d’infrastructures culturelles, hôtelières, commerciales et de restauration est significatif.
Cela nous place dans une situation non compétitive vis-à -vis des villes italiennes, mais également allemandes ou espagnoles, notamment. Plusieurs raisons peuvent être avancées à cet égard : faiblesse des études de marché, modestie des réflexions en termes de positionnement concurrentiel, limites en termes de coordination des efforts des différentes parties prenantes (public-privé, culture-tourisme, offre pérenne-offre événementielle), malgré l’effort consenti au titre des contrats de destination.
Enfin, il est clair que seule une partie de la destination France possède une réelle existence sur le plan touristique.
Sans imaginer que tout l’Hexagone puisse prétendre acquérir une attractivité touristique, il n’en reste pas moins qu’il est possible de construire un développement touristique raisonné s’appuyant sur l’offre existante (lieux de visite, hébergements, offre commerciale et de restauration, activités, événements…).
L’une des raisons de la faiblesse de notre pays dans ce domaine tient à la difficulté pour les acteurs institutionnels de construire une offre de séjour s’affranchissant des limites administratives ; et à celle des acteurs privés de posséder une connaissance suffisante du territoire pour proposer des produits adaptés aux besoins des clientèles.
Des approches nouvelles apparaissent toutefois : nous en reparlerons le moment venu.
En définitive, les périodes de crise sont des moments de mutation et de transformation qui peuvent aussi permettre de progresser. Tel est le sens des propositions que nous formulons et dont nous pourrons débattre dans les temps à venir avec les acteurs concernés. Nous y reviendrons…
*Jean-Michel Tobelem, consultant, directeur d’Option Culture, est professeur associé HDR à l’Institut de Recherche et d’Études Supérieures en Tourisme (IREST, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne). Il est notamment l’auteur de « Politique et gestion de la culture. Publics, financement, territoire, stratégie » (Armand Colin).
Josette Sicsic - DR
Journaliste, consultante, conférencière, Josette Sicsic observe depuis plus de 25 ans, les mutations du monde afin d’en analyser les conséquences sur le secteur du tourisme.
Après avoir développé pendant plus de 20 ans le journal Touriscopie, elle est toujours sur le pont de l’actualité où elle décode le présent pour prévoir le futur. Sur le site www.tourmag.com, rubrique Futuroscopie, elle publie plusieurs fois par semaine les articles prospectifs et analytiques.
Contact : 06 14 47 99 04
Mail : touriscopie@gmail.com
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