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Futuroscopie - Lien social en vacances : illusion ou réalité ? 🔑

Le décryptage de Josette Sicsic (Futuroscopie)


Le délitement du lien social et la nécessité de le reconstruire comptent parmi les constats les plus récurrents sur nos sociétés minées par un usage abusif de la technologie et une montée en puissance des communautarismes et de leur violence.


Rédigé par le Mercredi 28 Août 2024

Les vacances doivent permettre de créer du lien social - Depositphotos.com Auteur oneinchpunch
Les vacances doivent permettre de créer du lien social - Depositphotos.com Auteur oneinchpunch
Dans ce paysage chaotique, les temps et les espaces de vacances, de loisirs et de fêtes apparaissent comme des parenthèses précieuses privilégiant les retrouvailles, les échanges, le partage.

Pour autant, ces moments sont-ils utilisés à leur juste mesure ? Mieux, touristes et vacanciers se donnent-ils la possibilité de communiquer et de se connaître ?

En cette fin d’été, à l’heure où les réseaux sociaux n’en finissent pas de tisser des liens virtuels fictifs et après des Jeux Olympiques pas comme les autres, voici notre décryptage…


… La formidable ambiance générée par les Jeux Olympiques de Paris, leurs participants, le public, la qualité des épreuves, les médailles de la France…, comme la victoire des footballeurs français en 1998, resteront une référence en matière de convivialité, joie d’être ensemble, festivités…

Il faut dire que notre pays, malgré les Cassandre de toutes sorte, a bien fait les choses et qu’après des semaines perturbées et perturbantes, le public avait besoin de ces grands moments de défoulement collectif que le sociologue Michel Maffesoli analysait dès les années quatre-vingt.

Voyant le retour du besoin de grandes messes festives couplant l’engagement politique ou religieux avec les fondamentaux de la fête : le déguisement, la musique, la danse, les éclats de voix et autre gestuelle figurative, le sociologue était catégorique :
« Nous avons laissé sur le bord du chemin une série d’impedimenta inutiles, dont le ludique et le festif, explique-t-il. Aujourd’hui, l’émotionnel et la fête reprennent le dessus. Nous sommes dans une « baroquisation » du monde. Les jeunes aussi et ça s’est amplifié ! »

Mode de vie sans contact : les Français font preuve d'exaspération

- Autre constat : Selon une enquête de Cetelem réalisée durant le Covid : 8 Européens sur 10 ont le sentiment que les pratiques sans contact font désormais partie de leur quotidien.

Mais, et c’est là que se situe le nœud du problème : ils ne sont que 45% à apprécier ce nouveau mode de vie.

Les Français surtout figurent parmi ceux qui portent le regard le plus sévère sur ce phénomène. Ils sont 81% à faire preuve d’exaspération, suivis de près par les Espagnols et les Belges (80%) ainsi que les Italiens (79%). En revanche, Allemands et Britanniques sont moins nombreux dans ce cas.

- Troisième constat : selon les plaidoyers de nombreux organisateurs de séjours de vacances, les vacances doivent permettre de créer du lien social, notamment entre vacanciers issus de catégories sociales différentes.

Les responsables de colonies de vacances surtout sont très impliqués dans ce type de démarche destinée à créer des relations entre des milieux sociaux n’étant parfois pas destinés à se rencontrer.

Et l’on ne compte plus le nombre d’expériences tentées par toutes sortes d’associations tendant à faire se rencontrer et bavarder les quantités de personnes souffrant de solitude, évaluées à environ 20% de notre société.

Pour mémoire, rappelons d’ailleurs la création du « Friendly bench » au Royaume-Uni ou des jardins partagés, partout dans les grandes villes, ou encore de l’École de la convivialité et ses « social bars ».

La force des clivages sociaux

Or, malgré les efforts des uns et des autres, il apparaît que les liens se créent très souvent mais se défont tout aussi souvent une fois les vacances terminées.

On a beau s’échanger des adresses, une fois la partie de pétanque ou de ping-pong achevée, ceux qui n’ont rien d’autre à partager que ces moments de détente, retournent dans leur tiroir social. Au mieux, en attendant les prochaines vacances.

Certes, pour les enfants et les jeunes en général, la mayonnaise prend mieux. On joue, on s’amuse, on partage un goûter, une glace, un repas une musique… et les grandes amitiés ou amourettes se nouent, en dehors de tout clivage socio culturel.

Mais, pour les adultes, plusieurs sociologues constatent des échecs récurrents dans les tentatives d’établir des relations durables. On se lie durablement avec ses semblables et rarement avec des individus n’offrant ni affinités économiques, culturelles, géographiques…

Mais qui sont les plus enclins au bavardage ? Quatre catégories de vacanciers

Une fois constatés ces différents points, est-il donc possible de transformer le temps et lieu de vacances en un accélérateur de liens amicaux ?

La réponse est d’autant plus mitigée que, la société dans son ensemble (et les vacanciers en particulier), non contente de contenir des classes sociales et générationnelles, compte une diversité de personnalités affichant des tempéraments donc des comportements différents en matière d’ouverture à l’autre.

Ainsi, la Sncf, il y a quelques années, avait réalisé une étude fort intéressante sur le sujet. Quatre catégories de voyageurs y étaient distinguées. Lesquelles sont tout à fait valables pour l’ensemble de la communauté des vacanciers. Les voici assorties de nos commentaires.

A lire aussi : Le tourisme est un facteur de "bien-être et de cohésion"

Lien social : quatre catégories de voyageurs

Les autistes de la tech : mes écrans d’abord !

Première catégorie particulièrement identifiable et nuisible au vivre ensemble, les utilisateurs compulsifs de smartphone. Plongés dans la contemplation permanente de leur écran, ils ne daignent jeter un regard sur le monde alentour, et encore moins sur leurs semblables qu’ils ignorent. Sans mépris particulier mais tout simplement avec une indifférence absolue.

Jeunes ou moins jeunes, ils ne sont pas dans le monde d’ici mais dans le monde d’ailleurs et communiquent mieux avec des relations situées à distance qu’en présentiel ! Quand on sait que chacun d’entre nous passe entre 2 et 4 heures par jour sur son portable, il n’est aucun moyen d’améliorer la sociabilité de ces vacanciers (environ 25%), dans un monde malade de sa technologie.

Les « introvertis » : silence absolu !

Timides ou tout simplement indifférents aux autres, ceux-là sont immédiatement identifiables par leurs capacités à tenir les autres à distance. Souvent plus arrogants que la moyenne, voire méprisants, ils ne sont pas des compagnons de voyage faciles. Pour eux, vous n’existez pas. Absorbés par leur monde, parfois dans leurs lectures, ils n’attendent rien des autres, ni sourire, ni amabilité. Au mieux, un mot de politesse.

Les « extravertis » : joie de vivre et priorité aux autres

Fort heureusement, à l’inverse, une catégorie d’individus estimé à un tiers, reste toujours très vivante et présente dans la vie en général et les lieux de vacances en particulier. C’est celle des « extravertis », débonnaires, bon vivants, coopératifs, bienveillants… Ils saluent, remercient, donnent volontiers un coup de main à une personne âgée, racontent facilement leur vie après avoir commenté le climat et la température…

Bref ! Bien avec eux-mêmes et avec les autres, ils peuvent parfois se montrer un peu intrusifs, mais on le leur pardonne dans la mesure où ils partagent avec plaisir une danse, un apéritif, un divertissement. Très friands des séjours en camping ou hôtels-clubs, ils se déplacent le plus souvent en tribus mais en tribus « ouvertes » aux autres dont ils se font volontiers des amis ou tout au moins des relations.

Les « polis » : le respect d’autrui, sans plus

Enfin, il est parmi les vacanciers une dernière catégorie représentant un tiers environ d’entre eux, ce sont des individus relativement distants, ne recherchant pas forcément la compagnie des autres, mais se montrant courtois en toutes occasions. Saluant, remerciant, échangeant des paroles aimables, ils essaient d’éviter de déranger les autres afin de ne pas être dérangés eux-mêmes.

On se fait rarement des amis dans cette catégorie de personnalités, un tant soit peu égoïste. Mais, on en apprécie la délicatesse et la bienveillance.

… Constatée une fois de plus, la complexité sociétale devrait donc nous prémunir contre les clichés fallacieux à force d’être généralistes, nous faisant croire à un lien de causalité systématique entre temps libre, divertissement, convivialité. Oui, les vacances peuvent générer des liens amicaux, mais ceux-ci sont rarement durables tant les barrières sociales et mentales restent solides.

Pour parvenir à de bons résultats, les acteurs du tourisme doivent donc remettre en question leurs programmes d’animation régulièrement

Josette Sicsic - DR
Josette Sicsic - DR
Journaliste, consultante, conférencière, Josette Sicsic observe depuis plus de 25 ans, les mutations du monde afin d’en analyser les conséquences sur le secteur du tourisme.

Après avoir développé pendant plus de 20 ans le journal Touriscopie, elle est toujours sur le pont de l’actualité où elle décode le présent pour prévoir le futur. Sur le site www.tourmag.com, rubrique Futuroscopie, elle publie plusieurs fois par semaine les articles prospectifs et analytiques.

Contact : 06 14 47 99 04
Mail : touriscopie@gmail.com

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