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Futuroscopie - Tourisme : le poids de la culture individuelle 🔑

Qui sont vos clients ? Une nouvelle série de Futuroscopie. Episode 3


Le tourisme a beau se démocratiser et tenter de devenir un bien de consommation courant, il n’en reste pas moins un produit parfois élitiste impliquant de ses pratiquants une somme de connaissances et des capacités de réflexion et d’analyse non négligeables. Bâti sur le modèle du circuit de découverte inspiré par l’aristocratie européenne du XIXe siĂšcle, le tourisme, en opposition au séjour de vacances dont la simple vocation est de se détendre, est donc étroitement lié au bagage culturel du touriste et à ses relations au monde et à sa population. Il revêt cependant des visages différents, selon les sujets d’intérêt et l’intensité de l’engagement du touriste.


Rédigé par le Jeudi 16 Juin 2022

Le tourisme culturel reste le tourisme d’une classe aisée et cultivée. Mais, de plus en plus, on voit arriver des populations moins diplômées, cherchant à découvrir les beautés du monde et à s’instruire en voyageant - DR : Depositphotos.com, ambrozinio
Le tourisme culturel reste le tourisme d’une classe aisée et cultivée. Mais, de plus en plus, on voit arriver des populations moins diplômées, cherchant à découvrir les beautés du monde et à s’instruire en voyageant - DR : Depositphotos.com, ambrozinio
Bien que les motivations relaxantes, festives et dépaysantes prennent l’avantage sur les motivations culturelles, le touriste guidĂ© par l’envie de découvrir un ailleurs chargé d’un patrimoine culturel et artistique réputés, n’a pas disparu.

Cherchant parfois à éprouver le syndrome de Stendhal, il court les musées, les monuments anciens et contemporains, les centres villes, les jardins, les villas, les villages, les châteaux, les usines, les friches, les temples, les églises, les chapelles, les festivals, les grands et les petits événements... Car, tout a priori l’intéresse.

Son bagage d’universitaire ou d’autodidacte est-il à l’origine de sa vitalité touristique et de ses envies de courir les routes ? En partie.

Le tourisme culturel au sens original du terme, reste le tourisme d’une classe aisée et cultivée. Mais, de plus en plus, le tourisme étant un diffuseur de culture incomparable, on voit arriver dans les rangs de ses pratiquants, des populations moins diplômées ou pas diplômées du tout, cherchant à découvrir les beautés du monde et à s’instruire en voyageant.


Il nous semble cependant que les rapports que l’on entretient avec le monde, l’autre, l’ailleurs, sont légèrement distincts.

Ils dépendent sans doute un peu plus d’une éducation familiale et d’une personnalité que d’une éducation.

Dans les familles nombreuses, ouvertes, entretenant de vastes réseaux sociaux, on a tendance à plus s’intéresser à l’autre que dans des familles conservatrices, fermées, malheureusement peu éduquées. Les milieux dans lesquels on lit des livres sont probablement aussi à l’origine d’un engouement pour l’ailleurs.

Il ne faut pas minimiser non plus les images publicitaires dont la plupart cherche résolument à mettre en valeur le patrimoine culturel d’une destination.

La mise en scène touristique choisit majoritairement des décors patrimoniaux réputés pour diffuser ses messages : Égypte, Italie, Inde, France, Espagne... Nous avons tous en tête des clichés de pyramides, de temples, ceux de Notre-Dame de Paris, du Colisée de Rome ou de Manhattan et de ses gratte-ciels, conjugués régulièrement désormais à des visages.

Grâce à ces formidables moyens de diffusion que sont la télévision et Internet, le discours touristique ambiant a évolué vers la rencontre. Et bien que « l’autre » soit encore victime de folklorisation, on ne peut nier que l’attitude « mainstream » à l’endroit des populations autochtones soit en mutation.

Une typologie complexe s’impose donc, avec toutes sortes de nuances à l’intérieur de chaque portrait.

1. Le visiteur : le touriste parfait

Curieux, un brin cultivé, ce touriste est un bonheur pour l’industrie touristique.

Voyager ou simplement se déplacer, correspond à un moyen supplémentaire mis à sa disposition, d’acquérir des connaissances. Tout ne l’intéresse pas forcément et il est loin d’être un spécialiste ni du Moyen-Age ni de l’art baroque, ni du vers à soie ni de la vigne, mais il entend profiter de son déplacement pour découvrir et enrichir sa culture.

Tous ces touristes ne fonctionnent pas au même rythme. Certains, des spécialistes, font un usage excessif des musées, monuments et des guides et documents touristiques existants.

D’autres modèrent leurs pratiques et se limitent à quelques sites semblant correspondre à leurs intérêts et leurs goûts.

D’autres enfin ne font que regarder sans prendre la peine de détailler leurs visites. Soit, par souci d’économie, soit par manque de temps, soit par manque de motivations. Le seul fait d’avoir « vu » leur suffit !

Pour l’ensemble de ces touristes utilisant le déplacement à des fins culturelles, il va de soi que l’enrichissement permanent de l’offre touristique mélangeant aujourd’hui arts majeurs et arts mineurs, architecture et art contemporains au classicisme des siècles passés, va dans le bon sens et permet à chacun d’entre eux de « répéter » ses voyages pour découvrir une nouveauté !

Typologies concernées : On retrouve dans cette catégorie à peu près tous les segments de la population touristique, depuis les érudits jusqu’à des personnes moins éduquées mais curieuses.

Offres touristiques favorites : Toutes les destinations et sites offrant quelques monuments et sites mineurs ou majeurs de la culture nationale ou locale.

Tous les voyages et circuits de découverte proposés par des voyagistes ou des associations diverses.

2. Le pédant : une caricature toujours bien présente

L’importance de la culture dans le bagage du touriste n’est pas exempte de défauts.

Une catégorie de touristes ne manque pas de se renouveler au fil des décennies. Elle se situe dans cette population de « monsieur et madame je sais tout », autrement dit les pédants.

Catégorie éternelle, indissociable d’un tourisme historique reposant essentiellement sur la découverte culturelle, ce touriste est un fléau pour ses compagnons de voyages et pour les populations et professionnels qui l’accueillent.

Se refusant à diversifier son regard, à cibler d’autres réalités et vérités que celles qui lui sont connues, il inspecte plus qu’il ne visite et exige précisions et détails souvent inutiles dans le simple but d’exhiber son savoir et de prendre le pouvoir sur les autres.

Évidemment, la preuve de sa supériorité réside également dans ses exigences et sa curiosité réelle ou feinte pour des sites et monuments plus confidentiels et décalés.

Le pédant est en fait souvent un « snob » au sens premier du terme : « sine nobilitate ».

Typologies concernées : Ce sont souvent des individus diplômés, mais pas seulement. Sans doute plus âgés que la moyenne. Mais, l’on trouve des pédants également dans les rangs des jeunes générations !

Offres touristiques favorites :  : L’offre touristique traditionnelle grand public ne leur suffit pas. Ils en veulent généralement plus : des sites et monuments ou des événements moins connus et visités.

3. L’apprenant : une catégorie montante

La nécessité d’étoffer l’offre touristique a permis de créer toutes sortes de produits basés sur un apprentissage, soit intensif, soit plus léger, à destination d’un public en quête de nouveaux savoirs, d’initiation ou de perfectionnement.

Dans cette catégorie, on retrouve donc à la fois des jeunes et des moins jeunes, à la fois des individus cherchant tout simplement à perfectionner une pratique artisanale et des spécialistes d’une discipline artistique de haut niveau.

En fait, se rencontrent dans cette population touristique somme toute plus ancienne qu’on ne le dit, tous ceux qui cherchent à mettre leur temps libre à profit pour s’enrichir dans un domaine quelconque : musique, danse, cirque, peinture, langues étrangères, cuisine, artisanat, développement personnel... mais, sur un mode actif et créatif.

Le modèle des colonies de vacances n’est pas loin. Au contraire, on l’imite et on s’en inspire, car dans notre « société en culottes courtes », les frontières entre enfants et adultes sont de plus en plus ténues.

Typologies concernées : On retrouve dans cette catégorie à peu près tous les segments de la population touristique, depuis les érudits jusqu’à des personnes moins éduquées mais curieuses.

Les femmes sont cependant plus nombreuses que les hommes à vouloir mettre la main à la pĂąte. Les stages, quelle que soit la durée, pourvu qu’ils soient bien organisés, de qualité, offrant en même temps une bonne dose de convivialité.

L’environnement compte aussi beaucoup dans ce type d’offres ainsi que les tarifs. Les destinations étrangères sont de plus en plus appréciées. Les master-class, surtout en parallèle des festivals de musique, sont également recherchées.

4. Le défricheur : toujours plus loin !

ll calque en partie son comportement sur celui des explorateurs d’autrefois dont il a dévoré les récits.

Il est poussé par la curiosité mais aussi par le désir d’aller au-delà des frontières du possible. Il n’hésite pas à se lancer dans des expéditions parfois risquées pour découvrir un ailleurs qu’il espère conforme à ses espérances.

Et, si ce n’est pas par le choix de la destination qu’il s’illustre, il s’illustre par le choix d’un moyen de locomotion (vélo dans la Cordillère des Andes, pirogue en Afrique...) ou par celui d’un hébergement (igloo, isba, refuges) ou encore par celui d’une population, d’une activité, d’un événement : fêtes populaires, religieuses, pèlerinages, etc.

Mêlant la quête de l’exploit à celle de l’inédit et de l’inconnu, le défricheur a parfois une stature de héros (à ses yeux tout au moins), parfois plus simplement la stature d’un touriste plus curieux que la moyenne et parfois encore, celle d’un avant-gardiste soucieux de prouver sa singularité à son entourage proche et plus lointain avec lequel il communique via des réseaux sociaux.

Le personnage est donc ambigu. Cette fois encore, le portrait mérite d’être très nuancé, entre les défricheurs authentiques et les défricheurs plus ou moins factices.

Typologies concernées : Le seul point commun de cette population réside dans son âge. Elle est plutôt jeune. Elle est plutôt célibataire. Elle est plutôt éduquée.

Offres touristiques favorites  : Aucune. Excepté des billets d’avion et généralement des modes de transport pratiques.

5. L’artiste : le voyage pour créer

On l’oublie souvent, mais ce personnage est indispensable à la mythologie du voyage.

L’artiste, qu’il soit peintre, plasticien, musicien, poète, professionnel ou amateur, reconnu ou non, est celui qui tire son inspiration de l’ailleurs.

Que cet ailleurs, soit proche ou lointain, qu’il se situe à proximité de son domicile, ou à l’autre bout du monde, peu importe.

C’est la distance assortie à l’esthétique ou à l’étrangeté, à la turbulence ou à la sérénité d’un lieu qui lui permettent de se régénérer et de créer.

De Byron à Matisse, de Shelley à Frédéric Chopin, de Braque à Michel Berger, quel artiste n’a pas eu besoin de voyager ?

Certes, tous les voyages n’ont pas la même durée, la même intensité et le même type d’organisation. Certains artistes choisissent de louer une maison coup de cƓur, d’autres optent pour l’achat, quand certains privilégient l’hôtel et d’autres encore le séjour chez des proches.

Certains rompent avec leurs habitudes et créent dans la rupture alors que d’autres ne trouvent l’inspiration que dans les retrouvailles et la répétition.

Typologies concernĂ©es : Les artistes dans toutes les catégories de disciplines, toutes nationalités et âges confondus.

Offres touristiques favorites  : Des destinations présentant des qualités environnementales ou patrimoniales de qualité, permettant à la fois le recueillement mais aussi la rencontre. Littoral, campagne, centres-villes, villages...

Retrouvez tous les articles de la série Futuroscopie "Qui sont vos clients ?"

Josette Sicsic - DR
Josette Sicsic - DR
Journaliste, consultante, confĂ©renciĂšre, Josette Sicsic observe depuis plus de 25 ans, les mutations du monde afin d’en analyser les consĂ©quences sur le secteur du tourisme.

AprĂšs avoir dĂ©veloppĂ© pendant plus de 20 ans le journal Touriscopie, elle est toujours sur le pont de l’actualitĂ© oĂč elle dĂ©code le prĂ©sent pour prĂ©voir le futur. Sur le site www.tourmag.com, rubrique Futuroscopie, elle publie plusieurs fois par semaine les articles prospectifs et analytiques.

Contact : 06 14 47 99 04
Mail : touriscopie@gmail.com


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