Futuroscopie : un climat instable crée un touriste de plus en plus instable 🔑

… Selon un tout récent sondage de BVA, 40% des Français interrogés se déclarent prêts à changer leurs habitudes touristiques au vu des changements climatiques récents. Un pourcentage non négligeable reflétant la réalité d’une opinion de plus en plus alertée par les phénomènes climatiques et consciente de leur durabilité.

Car, tandis que guerres et conflits devraient connaître une fin, les mutations climatiques sont inscrites nettement plus profondément dans les cartes touristiques.

A lire aussi : FUTUROSCOPIE - Feux, inondations, pollution... Une nouvelle cartographie touristique se met en place

Sans doute même définitivement. Mais que se passe-t-il plus exactement ?

- Quelques exemples. Dans le monde d’hier, madame Y rêvait de découvrir l’ouest américain et tout particulièrement la Californie, synonyme pour elle, de plages, de jeunes surfeurs bronzés, de grands espaces, de paysages et de nature préservée. Enfin prête à boucler ses valises pour réaliser son rêve, madame Y découvre malheureusement que la Californie est sous la neige !

Et pas n’importe quelle neige. Une neige exceptionnellement abondante, durable… à cause de laquelle des milliers de foyers sont privés d’électricité et des quantités de voitures accidentées. En un clin d’œil, son rêve vacille et se transforme en un « cauchemar ».

Lire aussi : Futuroscopie - Le Signal de Soulac-sur-Mer peut-il en cacher un autre ? 🔑

D’autant qu’elle se souvient que les incendies de l’été ont ravagé des régions entières dont la tristement célèbre ville de Paradise, tué des dizaines d’habitants, tandis que l’eau manque un peu partout et que des tempêtes de pluie ont submergé certaines régions du « Golden state ». Que faire ?

- Autre exemple : monsieur X se laisserait bien tenter par un séjour dans les provinces baltes. Des proches lui ont vanté leurs atouts touristiques. De plus, les billets d’avion semblent tout à fait à la portée de sa bourse. Mais, passée l’euphorie que suscite la perspective de ce voyage, monsieur X regarde de plus près la géographie de la destination.

Et que découvre-t-il ? Tout simplement que les « belles » provinces sont frontalières avec la Russie et la Biélorussie ! Aïe ! Le mirage de son voyage se brise. En tout cas se ternit. Monsieur X cherche donc d’autres destinations acceptables sur le plan géopolitique et climatique. Il songe à l’ouest canadien.

Mais, là-bas, n’est-ce pas un dôme de chaleur qui en 2022 a fait des ravages ? Alors, pourquoi pas l’Inde du nord ? Mais, dans une région il y a peu, fréquentable en hiver, autre dôme d’une chaleur exceptionnelle !

Plus proche de nous : madame et monsieur Z étaient sur le point de louer une villa dans le centre d’un très beau département français. Mais, la sécheresse y a déjà entraîné des restrictions d’eau. Passer un mois d’été avec des coupures, une piscine vide, des fleurs non arrosées … effraie le couple. Il cherche donc ailleurs une résidence où l’eau coulera dans les robinets !

Des dizaines d’exemples de ce type sont effectivement faciles à trouver. Mais, le constat est le même : alors qu’il y a quelques années, on attendait le printemps pour aller au Japon sans la moindre inquiétude, aujourd’hui, on se demande si une quelconque intempérie ne va pas retarder ou annuler la floraison de ces arbres emblématiques.

Même constat sur Marrakech par exemple.

Il y a peu, en arrivant dans le Guéliz au printemps, on était certain de voir de la neige sur l’Atlas et des jacarandas en fleurs. Tandis que le voyageur amateur de grand Nord attendait patiemment en mars, la saison des aurores boréales pour embarquer sur l’Express côtier d’une compagnie norvégienne et se délecter de leur spectacle.

… En moins d’une décennie, les basiques de certains voyages sont bel et bien en train de s’effondrer.

Une nouvelle génération de catastrophes climatiques est à l’œuvre transformant les imaginaires de voyage et les paramétrant en fonction de nouveaux repères qui n’ont plus rien à voir avec ceux d’hier.

Que feront donc nos voyageurs ?

- Annuler purement et simplement pour madame Y ? Non. L’annulation dans son cas n’est pas possible, sauf si la compagnie ou le voyagiste décident d’annuler le vol et le voyage. Auquel cas, ils rembourseront. Reporter ? Éventuellement. Si la compagnie aérienne le propose… ou si elle possède une assurance de voyages adéquate. Mais, de son fait uniquement, madame Y ne peut renoncer au voyage de sa vie sans y laisser des plumes et sacrifier sur l’autel d’une nouvelle réalité climatique ses fantasmes californiens !

- Examiner de très près les cartes climatiques pour monsieur X et choisir une destination plus proche et plus sûre mais moins conforme à ses envies ? Sans doute.

- Annuler leur réservation en y perdant quelques euros pour le couple Z ? Bien entendu. Mais elle ne résout pas tout.

- Attendre la dernière minute pour les autres, afin d’être certain de ne pas se heurter à un typhon ou un séisme, constitue enfin la solution la plus sage.

- Prendre une assurance spéciale permettant d’annuler sans conditions particulières. Également.

- Passer par une agence de voyage afin de sécuriser son séjour et trouver une solution de remplacement ? (C’est déjà la solution qui se profile puisque, selon le Baromètre Guy Raffour/Opodo, les Français sont 2% de plus à avoir utilisé les services d’un agent de voyages en 2022 !

… A moins que monsieur X de son côté, comme madame Y du sien ou le couple Z prennent une grande décision : cette année, ils attendront que la météo se montre clémente et qu’il reste de la place sur les quelques nouvelles destinations qu’ils ont envisagé de visiter.

Le tout, en dernière minute ! Et s’ils ne trouvent pas destination à leur goût, ils resteront dans leur jardin !

… Pour confirmer une mutation en profondeur qui n’a rien d’une science-fiction, notons qu’à l’heure qu’il est, le pauvre État du Malawi balayé par l’ouragan Freddy, l’un des plus durables et ravageurs de ces dernières années, enterre des centaines de morts.

Madagascar, la Réunion et maintenant l’île Maurice sont également victimes de ce phénomène climatique d’un nouveau genre qui peut s’éloigner puis revenir frapper les mêmes régions et cela plusieurs fois d’affilée !

Quant à l’Australie, elle reste d’autant plus vigilante que sa voisine, la Nouvelle-Zélande, a décrété un état d’urgence le 14 février dernier à la suite d’une violente tempête qui a privé des dizaines de milliers de foyers d’électricité et entraîné des inondations et des glissements de terrain. Un « événement météorologique sans précédent », selon les autorités !

Quant au séisme en Turquie qui a tué des centaines de milliers de personnes, il n’a peut-être pas dit son dernier mot. Comme tous les séismes d’ailleurs qui, malgré des technologies avancées, ne sont pas détectés à l’avance. Ainsi, à Istanbul, on se prépare au pire. Dans d’autres stations touristiques comme Bodrum ou Antalya, on est également d’autant plus vigilants que la saison touristique approche.

… Inutile donc de poursuivre. Tout le monde l’aura compris, l’heure est grave, le touriste en est conscient. Aux opérateurs touristiques de réfléchir à des solutions et de lire la synthèse du rapport du GIEC qui a planché sur trois rapports spéciaux consacrés à des thématiques précises : sur l’impact d’un réchauffement mondial à 1.5%, sur les océans et le monde des glaces, sur les sols de la planète ainsi que sur un rapport d’évaluation en trois volets : évolutions, conséquences, solutions…

Enfin, n’oublions pas que tout cela coûte cher. En 2019, le coût des dégâts causés par des catastrophes climatiques était estimé par l’ONG Britannique Christian Aid à une centaine de milliards de dollars, et l’on estimait à 100 millions les individus touchés par ces phénomènes exceptionnels dont une dizaine de milliers de morts.

En 2022, le classement des dix catastrophes climatiques les plus coûteuses de ces douze derniers mois, soit celles qui ont dépassé les trois milliards de dollars de dégâts, fait figurer n tête l’ouragan qui a frappé Cuba et les USA mais aussi la sécheresse qui frappe désormais l’Europe, l’Amérique, l’Afrique…

Top 10 des événements climatiques les plus coûteux en 2022
1. Ouragan Ian (Cuba, États-Unis) : + 100 milliards de dollars
2. Sécheresse Europe : + 20 milliards de dollars
3. Inondations Chine : + 12,3 milliards de dollars
4. Sécheresse Chine : +8,4 milliards de dollars
5. Inondations Est de l'Australie : + 7,5 milliards de dollars
6. Inondations Pakistan : +5,6 milliards de dollars
7. Tempête Eunice (Belgique, Allemagne, Irlande, Pays-Bas, Pologne et Royaume-Uni) : + 4,3 milliards de dollars
8. Sécheresse Brésil : + 4 milliards de dollars
9. Inondations Afrique du Sud : + 3 milliards de dollars
10. Ouragan Fiona (Caraïbes, Canada) : + 3 milliards de dollars

Journaliste, consultante, conférencière, Josette Sicsic observe depuis plus de 25 ans, les mutations du monde afin d’en analyser les conséquences sur le secteur du tourisme.

Après avoir développé pendant plus de 20 ans le journal Touriscopie, elle est toujours sur le pont de l’actualité où elle décode le présent pour prévoir le futur. Sur le site www.tourmag.com, rubrique Futuroscopie, elle publie plusieurs fois par semaine les articles prospectifs et analytiques.

Contact : 06 14 47 99 04
Mail : touriscopie@gmail.com

Préfacé par Olivia Grégoire, Ministre déléguée auprès du ministère de l’Economie, chargée des Petites et Moyennes Entreprises, du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme IL EST EN VENTE ICi