Ainsi selon un rapport des Nations unies publié début juillet, le secteur du tourisme mondial pourrait perdre jusqu’à 3 300 milliards de dollars, soit l’équivalent de 4,2 % du PIB mondial annuel, si l’interruption se poursuivait pendant 12 mois.
Dans ces conditions, comment les chaînes hôtelières parviennent-elles à survivre financièrement ? Pour tenter d’apprécier leur situation, nous avons sélectionné cinq grands groupes hôteliers internationaux : Accor (France), Intercontinental (Royaume-Uni), Hilton, Hyatt et Marriott (États-Unis).
Une activité très dégradée
Le graphique ci-dessous montre que les entreprises sont impactées très négativement par la crise du coronavirus avec des baisses de chiffre d’affaires de l’ordre de 40 à 50 % au premier semestre 2020 par rapport au même semestre de 2019.
Les hôtels ont été fermés partiellement ou totalement pendant les périodes de confinement avec des fréquentations très réduites. Marriott indique ainsi que son taux d’occupation mondial des chambres est descendu à 11 % la semaine du 11 avril (vs. 34 % pour la semaine du 1er août) et qu’en avril seuls 74 % des hôtels étaient ouverts (vs. 91 % en août).
Cela s’est traduit pour l’ensemble des chaînes par des baisses impressionnantes des taux d’occupation en particulier pour le second trimestre (de 13,5 % à 25,1 % en 2020 vs. 68,9 % à 79,4 % pour la même période en 2020).
Cette très importante dégradation de l’activité s’est naturellement traduite par des résultats nets négatifs pour l’ensemble des groupes hôteliers. Dans ces conditions, des questions peuvent se poser sur la capacité de ces entreprises à supporter financièrement un tel choc.
Une liquidité améliorée
Contrairement à ce que l’on pouvait anticiper, toutes les chaînes ont vu leur trésorerie s’améliorer notablement sur la période. Sachant en outre que ces données ne prennent pas en compte les lignes de crédits non utilisées dont elles disposaient auparavant ou qu’elles ont négociées depuis la survenue de la crise.
Par exemple, Accor a négocié en mai une nouvelle ligne de crédit renouvelable de 560 millions d’euros qui est venue s’ajouter à une précédente de 1,2 milliard. Compte tenu du montant de ses liquidités (2,5 milliards), cela représente une trésorerie potentielle de plus de 4 milliards d’euros, soit, selon Accor, 40 mois de consommation de trésorerie.
Un endettement maîtrisé
Lorsque l’on observe le taux d’endettement net (endettement financier – trésorerie/total de l’actif) des groupes hôteliers, on constate qu’il a baissé au cours du 1er semestre 2020, à l’exception des deux entreprises les moins endettées (Accor et Hyatt) qui ont connu une légère augmentation.
De façon surprenante, la situation financière des groupes hôteliers ne montre pas de signaux inquiétants de dégradation à court terme, au contraire, bien qu’ils aient souvent émis de nouvelles obligations au cours du semestre (par exemple, 1 milliard de dollars pour Hilton, 3,5 milliards de dollars pour Marriott).
Les mesures de remédiation
Pour parvenir à ce résultat, les groupes hôteliers ont mis en œuvre différentes mesures pour atténuer les conséquences financières de la baisse d’activité. Ils ont tous cessé (au moins au cours du deuxième trimestre) de verser des dividendes et stoppé les programmes de rachat d’actions.
En raison de la baisse d’activité, les dépenses ont été automatiquement réduites sans compter les plans d’économies : 200 millions d’euros programmés de réductions de dépenses sur une base de 1,2 milliard chez Accor.
En termes de conséquence sur l’emploi, à l’annonce d’Accor s’ajoutent des plans de licenciement comme celui annoncé par Hyatt, qui porte sur 1 300 employés, ou encore celui chez Intercontinental qui concerne 10 % du personnel.
La réduction des investissements (100 millions d’euros de moins prévus en 2020 chez Intercontinental) et une gestion plus stricte du besoin en fonds de roulement contribuent également à préserver la liquidité de ces entreprises.
En conséquence, la crise pourrait également favoriser les fusions comme l’attestent les rumeurs récentes de rapprochement entre Accor et Intercontinental. En effet, les groupes hôteliers ont jusqu’ici remarquablement su gérer les conséquences financières à court terme de la crise, mais dans l’attente d’un réel, mais hypothétique redémarrage de l’activité, ces rapprochements pourraient permettre de « tenir » plus longtemps, aucune des mesures financières évoquées ne pouvant durablement permettre de faire face à la baisse de l’activité.
Jérôme Caby, Professeur des Universités, IAE Paris – Sorbonne Business School
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.