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JF Rial : "Le surtourisme est largement pratiqué dans le tourisme de luxe" 🔑

Interview de Jean-François Rial, le PDG de Voyageurs du Monde


Pendant que les hôteliers et restaurateurs parisiens pleurent un été en berne, le surtourisme sévit dans les médias et autour du bassin méditerranéen. Le phénomène a fait son apparition à la faveur de la crise sanitaire et ne quitte plus les Rédactions, pourtant le secteur n'a jamais retrouvé ses volumes de 2019. Pour Jean-François Rial, président de Voyageurs du Monde, il est important pour les professionnels de prendre conscience de l'ampleur du phénomène y compris ceux qui s'adressent à une clientèle aisée, sous peine de connaître des lendemains qui déchantent.


Rédigé par le Vendredi 26 Juillet 2024

"Les offices de tourisme sont les relais des clichés et du tourisme de masse," déplore Jean-François Rial - Depositphotos
"Les offices de tourisme sont les relais des clichés et du tourisme de masse," déplore Jean-François Rial - Depositphotos
A la faveur d'une réorganisation de ses priorités et d'un allègement de son agenda, Jean-François Rial s'est délesté de ses obligations institutionnelles, en démissionnant du SETO et de l'Office de Tourisme de Paris.

"La retraite chez moi n'existera jamais, j'ai commencé à modifier mon temps de travail

Je reste fortement investi chez Voyageurs du Monde, en déléguant. Je me concentre sur l'ADN de la marque, à savoir des voyages authentiques, un service élevé et une recherche d'esthétisme permanente.

De plus, je suis très investi dans le projet de mon fils, à savoir une Ferme du perche, puis j'ai des passions qui me prennent du temps, comme l'écriture de livres, le poker à haut niveau technique ou encore l'apprentissage du Talmud et du Grec,
" dévoile le PDG du tour-opérateur.

L'un de ses ouvrages sortira à la fin de l'année sur le réchauffement climatique et l'écologie.

Et malgré, ces occupations, il n'est pas question pour lui de ne pas veiller et suivre l'évolution du tourisme. Il est d'ailleurs un sujet qui lui tient à cœur : le surtourisme.




Pourquoi le surtourisme est la mort du tourisme ?

Le mot est dans la bouche de tous les journalistes, dans les titres de tous les médias, alors même que la fréquentation en France n'a pas retrouvé ses niveaux pré pandémiques.

Pour Jean-François Rial, le surtourisme, donc la concentration excessive de personnes à un même endroit, est tout simplement... la mort du tourisme.

"Selon moi, le tourisme s'est avant tout vivre des émotions, découvrir des lieux et culture et pour finir cela doit être du plaisir.

Ces deux aspects sont tués par le surtourisme.

Quand une personne se trouve dans un musée, un camping ou tout autre lieu touristique complètement saturé, toute notion de plaisir s'évapore. Le surtourisme casse toute émotion parce qu'il t'éloigne toute possibilité de rencontre et d'échange
" déplore l'entrepreneur.

Une vision un peu anachronique alors que les hot spots touristiques français se plaignent d'une fréquentation en berne, pour ce début d'été 2024.

Malgré cette baisse du nombre de voyageurs à Paris ou dans le sud du pays, le surtourisme continue de défrayer la chronique. Et quand notre territoire ne sert pas d'exemple, l'attention est portée ailleurs, dans les Baléares, la Catalogne ou Venise.

Ce traitement médiatique (sur)réaliste, la presse professionnelle sait faire l'usage de ce préfixe, fait apparaitre aussi une lutte des classes.

Nous retrouvons d'un côté le bon touriste, celui qui se rend dans des lieux secrets, loin de la foule et de l'autre le mauvais, attiré comme une mouche par la saturation et les paysages éculés.

"M'expliquer que les questionnements autour du surtourisme touchent plus les classes populaires que les classes aisées, ça me parait parfaitement inexact.

Il faut se souvenir que ceux qui pratiquent moins le surtourisme sont les routards et que par ailleurs le surtourisme est très largement pratiqué dans le tourisme de luxe.

C'est comme imaginer que cultiver le beau dans la communication et les produits touristiques n'intéresserait que les riches et non les classes populaires, cela revient à les insulter.

Je connais des citoyens issus de différentes catégories particulièrement sensibles au beau,
" estime le PDG.

Surtourisme : "Airbnb, un produit détestable et génial quand il est modéré"

Ainsi, pour Jean-François Rial, il n'est pas question de tolérer la surfréquentation qu'importe le budget et les lieux.

Le secteur doit non seulement s'emparer du sujet, mais trouver des solutions.

"Le surtourisme génère un agacement des populations, les touristes y sont mal reçus, les prix affichés y sont aussi très élevés.

A terme, les touristes n'auront plus envie de fréquenter ces lieux, donc c'est pour moi la fin du tourisme. Le symbole de tout cela est le phénomène Airbnb qui peut être soit un produit détestable soit génial, selon son usage.

Avoir des lois nationales et uniformes pour réguler Airbnb, comme nous le faisons en France, ce n'est pas la bonne solution. Il ne faut pas appliquer les mêmes règles à Paris centre ou Clermont-Ferrand, regardons ce qui a été fait ailleurs,
"

A San Sebastian, la municipalité a déterminé des règles pour réglementer le développement de la plateforme en fonction des quartiers et de la concentration des touristes.

Par exemple, Airbnb est interdit dans l'ultra centre, mais il est autorisé au dernier étage dans certains endroits, pour ne pas déranger les habitants.

Quand dans le même temps, Barcelone se prépare à bannir les locations de meublés touristiques. A chaque lieu sa politique.

"Le surtourisme n'est pas lié aux prix des voyages, c'est un débat artificiel bien commode pour ne pas régler le sujet.

Il y a autant de surfréquentation dans le voyage de masse que celui dit d'élite, je vous laisse regarder les images de l'Everest avec des files d'attente inimaginables d'alpinistes ou encore celles de 4x4 en Tanzanie dans les parcs animaliers.

Voyageurs du Monde n'est pas exonéré sur le sujet concernant nos clients,
" affirme le patron.

"Nous pouvons atteindre les 3 milliards de touristes"... sans surtourisme

Ce n'est pas en augmentant les prix, que le phénomène sera endigué, mais simplement déporté.

"Nous essayons de nous rapprocher de cet esprit en faisant preuve d'une pédagogie permanente, dans ce que nous proposons, mais tous nos clients ne nous suivent pas.

Hier nous avions 600 millions de voyageurs, aujourd'hui, nous en comptons 1,5 milliard. Je ne critique pas la démocratisation du tourisme, loin de là. Je suis persuadé que nous pouvons avoir jusqu'à 3 milliards de touristes, sans surfréquenter les sites.

La majeure partie des touristes ne fréquente qu'une partie infime de notre planète.

La solution que je trouve la plus égalitaire est donc d'instaurer des quotas pour réguler ces lieux et éduquer les gens, pour qu'ils aillent visiter d'autres endroits ou des lieux très fréquentés sur des périodes qui le sont moins.

On peut également visiter certains lieux de façon différentes, par exemple à Petra, en sortant de l'entrée du site, très rapidement vous vous retrouvez seuls,
" témoigne le responsable de Voyageurs du Monde.

Un acteur du tourisme qui essaie de faire sa part, pour ne pas que ses clients se retrouvent tous agglutinés au même endroit au même moment.

Pour cela, des alternatives aux grands lieux fréquentés sont proposées, de même pour éviter les bains de foule, des horaires de visite différents sont proposés, etc.

Un débat qui cache la mauvaise répartition des voyageurs dans le temps et l'espace.

"Les habitants du Cantal qui n'ont personne toute l'année, ils seraient bien contents de pouvoir accueillir des voyageurs, ce n'est pas cher et sublime.

Par contre, nous n'envisageons pas d'enlever Barcelone ou encore Venise de notre catalogue, mais de les proposer différemment.

Nous faisons du voyage sur mesure, donc nous vendons tout ce que veut le client. Nous pouvons le conseiller, mais nous ne pouvons pas lui interdire des choses,
" affirme le voyagiste.

"Il ne faut pas confondre tourisme de masse, surtourisme et tourisme populaire"

Il est temps de réinventer l'univers du voyage et raconter de nouvelles histoires, pour entrainer une autre façon de voyager.

"Les premiers professionnels qui doivent changer sur ce sujet, ce sont les offices du tourisme et dans le monde entier.

Dans la plupart des éductours qu'ils proposent, malheureusement les programmes sont trop souvent une succession de visites de Tour Eiffel et Château de Versailles locaux.

Il y a des exceptions, mais elles doivent devenir la règle.
"

D'ailleurs à la tête de l'office de tourisme de Paris, Jean-François Rial avait poussé la campagne "Paris Autrement".

Et il ne serait pas question de voir une dimension réactionnaire ou nostalgique du tourisme d'avant, épargné par ces hordes de touristes, dans ces propos..

Il n'Ă©tait pas tellement mieux que l'actuel.

Ce tourisme de masse perçu négativement depuis la crise sanitaire, souvent associé à tort au surtourisme, a été pensé et imaginé pour accueillir le plus de visiteurs possibles comme les stations de ski ou balnéaires.

"Je pense que tout lieu artificiel créé pour le tourisme de masse est un problème, car il doit s'intégrer dans son environnement naturel.

Je ne suis pas convaincu que la Grande-Motte soit une franche réussite, d'ailleurs nous ne ferions plus ça aujourd'hui.

Il ne faut pas confondre tourisme de masse, surtourisme et tourisme populaire, c'est ça pour moi la grande erreur. Il est possible de faire du tourisme populaire pas cher, mais qui ne soit pas du tourisme de masse, ni du sur-tourisme.

Je pense que nous n'allons pas avoir le choix que de revenir en arrière, les dégâts environnementaux et sociaux sont bien trop conséquents,
" conclut un Jean-François Rial qui ne croit plus qu'il soit encore possible de faire comme si de rien n'était.



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