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#JesuisAgentdevoyages - XIX. Monde Authentique : "Nous sommes dans une économie libérale, on ne peut pas tout attendre de l’Etat"

#jesuisagentdevoyages, la série


Monde Authentique, que dirige Frédéric d’Hauthuille, fait partie des entreprises susceptibles de tenir le choc 4 ou 5 mois en attendant la reprise que les professionnels imaginent avec un redémarrage très partiel dans le courant de l’été, qu’on arrive à 50% du business dans le courant de l’automne et que la progression soit régulière en 2021. Avec la crise, le Groupe a déjà amorcé sa mutation sur l'organisation et les méthodes de travail. Verbatim.


Rédigé par le Jeudi 9 Avril 2020

Frédéric d’Hauthuille : "Sur 22 collaborateurs, 6 étaient déjà en télétravail systématique et 4 en télétravail un jour par semaine. Pour les autres, nous avions déjà mis en place le télétravail en décembre lorsque les transports publics étaient restreints. Une sorte de répétition générale…" - DR
Frédéric d’Hauthuille : "Sur 22 collaborateurs, 6 étaient déjà en télétravail systématique et 4 en télétravail un jour par semaine. Pour les autres, nous avions déjà mis en place le télétravail en décembre lorsque les transports publics étaient restreints. Une sorte de répétition générale…" - DR
TourMaG.com - Comment vous-êtes vous organisés face à la crise sanitaire actuelle ?

Frédéric d’Hauthuille 
: "Nous nous sommes mis en rapport avec nos réceptifs et tous nos clients à destination en 48 heures pour localiser chacun d'entre eux avec précision et entrer en contact avec tous nos clients pour les informer de la mise en place des rapatriements.

Le nombre de dossiers problématiques était limité, car nous avons pris des décisions immédiates.

Ensuite, au niveau social, nous avons négocié avec les représentants du personnel la mise en place du chômage partiel depuis le 19 mars. Les vendeurs sont au chômage partiel à 60% et travaillent 4 après-midi par semaine.

Cela nous permet d’échanger à deux, par équipe ou en conférence à des heures précises. Au back-office, les mesures de chômage partiel ont été individualisées (entre 40% et 100%) en fonction des charges de travail de chaque collaborateur.

Sur 22 collaborateurs, 6 étaient déjà en télétravail systématique et 4 en télétravail un jour par semaine. Pour les autres, nous avions déjà mis en place le télétravail en décembre lorsque les transports publics étaient restreints. Une sorte de répétition générale…

Nous avons, enfin, suspendu toutes nos actions de communication prévues en mars et en avril. Nous espérons les reprogrammer en juin ou à la rentrée."

TourMaG.com - Avez-vous récemment rapatrié tous vos clients ? Où en êtes-vous et combien cela vous a-t-il coûté ?

Frédéric d’Hauthuille
 : "Le 16 mars, nous avions une soixantaine de clients-voyageurs partout dans le monde, dont 5 couples arbitrairement confinés par les autorités sanitaires cubaines et vietnamiennes.

Nous avons décidé le 16 mars d’anticiper le retour de tous ceux qui devaient rentrer au-delà du 24 mars. Le 20 mars, il restait moins de 20 personnes à destination. Le 25 mars, les derniers clients étaient rentrés.

Le manque à gagner est de quelques milliers d’euros seulement. Nous sommes adhérents au réseau TourCom, à qui je fais confiance pour obtenir des dédommagements de la part des compagnies aériennes qui ont décidé d’interrompre leurs liaisons avec parfois moins de 24 heures de préavis."

TourMaG.com - Les compagnies aériennes ont-elles joué le jeu ?

Frédéric d’Hauthuille
 : "Il est très intéressant de voir comment elles ont réagi : certaines ont envoyé 10 procédures « annulent et remplacent » en 3 semaines quand d’autres sont en silence radio. Certaines ont été très imaginatives dans leur sémantique pour justifier la fermeture des remboursements via les GDS.

Bien entendu, pour les agences, l’idéal est le remboursement sans frais… De nombreux transporteurs ont accepté de donner le choix entre un rebooking sans frais (en faisant fi de tout yield management) et l’émission d’un EMD à-valoir.

Ça reste très acceptable pour nous, surtout quand l’à-valoir n’est pas nominatif. Air France, Cathay Pacific, Air Caraïbes et Qatar Airways ont été les plus souples.

"La grande majorité des prestataires jouent le jeu"

Certaines compagnies ont pris des décisions hâtives dénuées de bon sens.

Que ce soit la suspension immédiate des vols alors qu’il fallait rapatrier les passagers, des conditions de report iniques ou la fermeture des remboursements des billets.

Après quelques semaines, on voit que nombre d’entre elles se sont assouplies."

TourMaG.com - Que vous inspire la position de l'IATA par rapport au BSP ?

Frédéric d’Hauthuille
 : "IATA est le cartel des compagnies aériennes. Je ne suis pas surpris que les décisions prises par IATA ne défendent que les intérêts des compagnies.

Mon BSP de la deuxième quinzaine de mars est négatif. J’ai envie de rester optimiste donc j’espère un virement de la part de IATA le 16 avril. Le contraire serait scandaleux puisque le rôle du BSP est celui d’une chambre de compensation."

TourMaG.com - Quelle est votre position sur la question des reports et des remboursements ?

Frédéric d’Hauthuille :
"Vis-à-vis des clients, nous appliquons strictement l’Ordonnance n°2020-315 du 25 mars.

Vis-à-vis de nos prestataires à destination, nous demandons des avoirs totaux pour les voyages qui n’ont pas pu se faire ou qui ne se feront pas.

Nous acceptons bien entendu des frais minimes pour des prestations qui n’auraient pas été remboursées (comme des billets de train ou des billets de spectacles non remboursables) et qui seront une perte totale pour nous.

Nous essayons de limiter au maximum les flux financiers. Nous avions payé nos fournisseurs pour les départs de mars et de début avril. Nous ne demandons pas les remboursements mais des avoirs.

Je propose de faire des balances avec nos prochains règlements. Nous avons des rapports avec nos prestataires qui dépassent largement des relations purement commerciales. La grande majorité des prestataires jouent le jeu, mais certains (les plus gros) font l’autruche.

Je suis aussi contacté par des réceptifs et des hôteliers qui me demandent des éclaircissements sur la politique des reports en France parce que des confrères expliquent qu’ils n’ont pas reçu les paiements des départs de janvier et février.

Les sociétés qui ne sont pas saines vont avoir des réels problèmes de trésorerie en cette période où le cash ne rentre (presque) pas..."

"Je peux tenir sans problème 4 à 6 mois sans faire de ventes"

TourMaG.com - Quel sera l’impact financier pour le Groupe ? Avez-vous les moyens de tenir ?

Frédéric d’Hauthuille :
"72% de nos coûts sont des coûts de personnel. Nous sommes une structure assez légère avec 22 collaborateurs, dont 19 au chômage partiel et 2 au chômage technique complet.

L’exécutif a été très réactif en acceptant de faciliter les déclarations et de réduire les temps de réaction. J’ai présenté les mesures de chômage partiel aux représentants du personnel le 10 mars pour une mise en place effective le 19 mars.

Je peux tenir sans problème 4 à 6 mois sans faire de ventes. Ma force, c’est que j’ai réglé mes prestataires pour presque tous les départs effectifs (il me reste moins de 2% des prestations à payer, et c’est parce que je n’ai pas encore reçu les factures).

Nous engrangeons tout de même des inscriptions pour le deuxième semestre (avec un retard selon les semaines de 90 à 95% par rapport à N-1). J’ai demandé aussi un prêt bancaire pour faire face à la situation dans le cas où la crise durerait plus longtemps.

Nous sommes propriétaires de nos murs (il reste 8 ans d’emprunt, mais plus de 50% est financé). Au pire, si la crise perdure longtemps, nous revendrons les murs et repartirons sur une location d’un local plus petit."

TourMaG.com - Avez-vous été réglé par les réseaux pour février et qu’anticipez-vous suite à l’ordonnance sur l’à-valoir ?

Frédéric d’Hauthuille
 :"60% de l’activité Nortours est effectuée en B2B. Les agences payent avant le départ, qu’elles soient membres d’un réseau ou non. Pour les autres marques, nous ne commercialisons qu’en B2C."

"La profession imagine un redémarrage très partiel dans le courant de l’été"

TourMaG.com - Comment voyez-vous la suite des événements et, selon vous, comment va évoluer l’industrie du voyage ?

Frédéric d’Hauthuille 
: "Personne n’a de boule de cristal. Dans l’ordre, il y aura :

1) un déconfinement progressif,

2) la réouverture des frontières qui permettra aux Français de partir,

3) la réouverture des arrivées à destination,

4) l’envie de la part des voyageurs de concrétiser leurs envies d’ailleurs. Le printemps devrait être nul.

Il semble que la profession imagine un redémarrage très partiel dans le courant de l’été, qu’on arrive à 50% du business dans le courant de l’automne et que la progression soit régulière en 2021.

Voyager est devenu un besoin primaire. Je ne pense pas que l’humain changera après la crise sanitaire : il y aura toujours des découvreurs et des amateurs de vacances en clubs, des indépendants et ceux qui achèteront en agence.

Les plus solides et les plus malins vont survivre, voire tireront leur épingle du jeu. J’espère que les consommateurs, les fournisseurs et les salariés sauront se rappeler qui les a plantés, qui les a aidés et qui les a respectés.

Si les relations humaines prennent un peu le pas sur le business sans scrupule, la dérégulation sauvage et la loi du plus fort, tant mieux !

J’essaie de mettre à profit le temps que nous avons désormais pour réaffirmer nos valeurs et penser à l’avenir : en moins d’un mois, mon équipe a pu ajouter environ 20% de contenu au site web de Monde Authentique.

Nous mettons à jour nos bases de données, réfléchissons à nos méthodes. Par exemple, nous avons décidé de facturer dès la reprise des frais d’étude pour les demandes tardives.

Nous en parlions depuis des années, mais nous avons pu trouver une solution à laquelle toute l’équipe adhère. Je réfléchis aussi à assouplir les frontières entre le télétravail et l’activité à l’agence. Avons-nous vraiment besoin de venir 5 jours par semaine à l’agence ? De deux boutiques de 160 m² et 110 m² dans le centre de Paris ?

TourMaG.com - Que pensez-vous de l’action des pouvoirs publics sur les mesures spécifiques concernant le secteur du tourisme ?

Frédéric d’Hauthuille :
"Comme indiqué en début d’interview, l’accélération du traitement des demandes de chômage partiel a été réalisée de façon magistrale.

J’espère que des contrôles seront effectués car je sais que des employeurs peu scrupuleux font travailler leurs salariés et les font payer par la collectivité. Ce sens du « chacun pour soi » est scandaleux.

L’ordonnance 2020-315 du 25 mars qui nous permet de ne pas sortir de trésorerie nous donne un peu de répit. Rappelons aussi que nous sommes dans une économie libérale et que nous ne pouvons pas tout attendre de l’Etat..."


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Commentaires

1.Posté par VIREDPSE le 10/04/2020 07:12 | Alerter
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une excellente analyse.

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