Environnement : "Il y a un discours de bonne conscience sur l'écologie, mais dans la pratique..." L.Queige - Crédit photo : Welcome City Lab
TourMaG.com - Bientôt les vacances ? Où allez-vous partir ?
Laurent Queige : Cette année je vais découvrir l'Andalousie des plages, que je connais bien moins que celle des grands sites historiques. Ces vacances seront bien plus calmes que l'an dernier, où je m'étais rendu à Burning Man (festival artistique et déjanté qui a lieu dans le désert de Black Rock au Nevada et qui réunit chaque jour plus de 70 000 personnes, ndlr).
Plus que des vacances, c'était une exceptionnelle expérience de vie.
TourMaG.com - Avec la montée en puissance de "l’avion bashing", avez-vous honte de prendre l’avion cet été ?
Laurent Queige : Non, je n'ai pas honte de prendre souvent l'avion. J'ai choisi le tourisme par passion, puis c'est devenu mon métier. L'avion représente la possibilité de découvrir d'autres cultures, de comprendre des façons de penser différentes et s'ouvrir l'esprit.
C'est un moyen permettant l'échange entre les peuples.
Je comprends qu'il ne soit plus acceptable que l'avion ne participe pas à la lutte contre le réchauffement climatique. Le transport aérien doit y contribuer soit par des taxations ou en réduisant fortement ses émissions.
Après il y a une chose qui m'irrite un peu avec le mouvement de l'avion bashing, parce qu’il consiste surtout à culpabiliser les utilisateurs, nous n'avons pas le choix. Comment faire pour aller au Japon ou en Thaïlande autrement ?
Ce discours de culpabilisation relève l'écologie punitive, ce n'est pas acceptable.
Laurent Queige : Cette année je vais découvrir l'Andalousie des plages, que je connais bien moins que celle des grands sites historiques. Ces vacances seront bien plus calmes que l'an dernier, où je m'étais rendu à Burning Man (festival artistique et déjanté qui a lieu dans le désert de Black Rock au Nevada et qui réunit chaque jour plus de 70 000 personnes, ndlr).
Plus que des vacances, c'était une exceptionnelle expérience de vie.
TourMaG.com - Avec la montée en puissance de "l’avion bashing", avez-vous honte de prendre l’avion cet été ?
Laurent Queige : Non, je n'ai pas honte de prendre souvent l'avion. J'ai choisi le tourisme par passion, puis c'est devenu mon métier. L'avion représente la possibilité de découvrir d'autres cultures, de comprendre des façons de penser différentes et s'ouvrir l'esprit.
C'est un moyen permettant l'échange entre les peuples.
Je comprends qu'il ne soit plus acceptable que l'avion ne participe pas à la lutte contre le réchauffement climatique. Le transport aérien doit y contribuer soit par des taxations ou en réduisant fortement ses émissions.
Après il y a une chose qui m'irrite un peu avec le mouvement de l'avion bashing, parce qu’il consiste surtout à culpabiliser les utilisateurs, nous n'avons pas le choix. Comment faire pour aller au Japon ou en Thaïlande autrement ?
Ce discours de culpabilisation relève l'écologie punitive, ce n'est pas acceptable.
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TourMaG.com - De même, cette tendance de l'avion bashing fait culpabiliser le citoyen sans remettre en question les industriels détruisant la planète, n'est-ce pas plus facile ?
Laurent Queige : Tout à fait. Le débat sur l'écologie est souvent hystérisé par un certain nombre de jusqu’au-boutistes, qui abordent l'écologie culpabilisante au lieu de s'attaquer à la racine du mal, à savoir les modes de production.
Comment voulez-vous changer les comportements si vous ne proposez aucune alternative aux gens ? Notamment dans le tourisme et les voyages.
TourMaG.com - Peut-on parler d'une prise de conscience de l'urgence climatique du grand public ?
Laurent Queige : Deux réalités se superposent. Tout d'abord, au niveau des citoyens, la prise de conscience est bien réelle.
Mais je voudrais vous partager mon témoignage en tant que responsable du Welcome City Lab, nous avons déjà incubé ou accompagné des start-up ayant des projets relevant du tourisme durable.
Nous constatons qu'elles ont du mal à décoller et même certaines ont mis la clé sous la porte. La plus emblématique "Mon Beau Terroir" proposait de découvrir des fermes rurales et urbaines, donc elle surfait pleinement sur la vague actuelle de l'écologie en ville.
Le défi c’est qu’elles doivent trouver un modèle économique rapidement, sinon elles ne peuvent tenir financièrement.
Elle n'a jamais pu décoller, tout simplement, car il y a un fort décalage entre les aspirations des citoyens et les pratiques des visiteurs. Une même personne peut déclarer dans les enquêtes d'opinion sur l'écologie que ce sujet est fondamental, mais ne pas se tourner vers cette thématique dans ces choix de vacances ou de loisirs. Il y a un discours de bonne conscience citoyenne sur l'écologie, qui ne se retrouve pas toujours dans les pratiques touristiques.
Les pratiques évoluent bien plus lentement que la petite musique que l'on nous fait entendre dans les médias.
Laurent Queige : Tout à fait. Le débat sur l'écologie est souvent hystérisé par un certain nombre de jusqu’au-boutistes, qui abordent l'écologie culpabilisante au lieu de s'attaquer à la racine du mal, à savoir les modes de production.
Comment voulez-vous changer les comportements si vous ne proposez aucune alternative aux gens ? Notamment dans le tourisme et les voyages.
TourMaG.com - Peut-on parler d'une prise de conscience de l'urgence climatique du grand public ?
Laurent Queige : Deux réalités se superposent. Tout d'abord, au niveau des citoyens, la prise de conscience est bien réelle.
Mais je voudrais vous partager mon témoignage en tant que responsable du Welcome City Lab, nous avons déjà incubé ou accompagné des start-up ayant des projets relevant du tourisme durable.
Nous constatons qu'elles ont du mal à décoller et même certaines ont mis la clé sous la porte. La plus emblématique "Mon Beau Terroir" proposait de découvrir des fermes rurales et urbaines, donc elle surfait pleinement sur la vague actuelle de l'écologie en ville.
Le défi c’est qu’elles doivent trouver un modèle économique rapidement, sinon elles ne peuvent tenir financièrement.
Elle n'a jamais pu décoller, tout simplement, car il y a un fort décalage entre les aspirations des citoyens et les pratiques des visiteurs. Une même personne peut déclarer dans les enquêtes d'opinion sur l'écologie que ce sujet est fondamental, mais ne pas se tourner vers cette thématique dans ces choix de vacances ou de loisirs. Il y a un discours de bonne conscience citoyenne sur l'écologie, qui ne se retrouve pas toujours dans les pratiques touristiques.
Les pratiques évoluent bien plus lentement que la petite musique que l'on nous fait entendre dans les médias.
TourMaG.com - Et les professionnels que vous côtoyez, pensez-vous qu'ils ont pris conscience de l'enjeu du tourisme durable ?
Laurent Queige : Les professionnels ont mis trop de temps à se mobiliser et aujourd'hui c'est encore le cas, je pense.
L'attitude du monde aérien par rapport à l'écotaxe est symptomatique Elle traduit un comportement attentiste en se disant "on fait le dos rond et advienne que pourra".
Les professionnels du tourisme doivent être davantage force de proposition.
Par exemple à Paris, moins de 20% des hôtels ont une labellisation verte, cela fait 20 ans que nous en parlons et nous avons seulement ce taux ? C’est plus que décevant, il faut une mobilisation plus forte de la part des professionnels et de leurs représentants syndicaux.
TourMaG.com - Que leur demandez-vous ?
Laurent Queige :: Il serait souhaitable que l'ensemble des acteurs soient davantage force de proposition sur l'évolution de leurs équipements, de leurs infrastructures, de leurs services, mais aussi sur une sensibilisation de leurs clients.
Il ne faut pas perdre d'esprit que que la concurrence étrangère évolue.
Par ailleurs, toutes les études montrent que la génération Z place la responsabilité sociale et environnementale au top de leurs critères de choix pour les entreprises dans lesquelles elle veut travailler ou s’engager. En résumé, nous risquons de les voir filer entre nos doigts si nous ne sommes pas en capacité de les attirer par un comportement sincère et vertueux.
Laurent Queige : Les professionnels ont mis trop de temps à se mobiliser et aujourd'hui c'est encore le cas, je pense.
L'attitude du monde aérien par rapport à l'écotaxe est symptomatique Elle traduit un comportement attentiste en se disant "on fait le dos rond et advienne que pourra".
Les professionnels du tourisme doivent être davantage force de proposition.
Par exemple à Paris, moins de 20% des hôtels ont une labellisation verte, cela fait 20 ans que nous en parlons et nous avons seulement ce taux ? C’est plus que décevant, il faut une mobilisation plus forte de la part des professionnels et de leurs représentants syndicaux.
TourMaG.com - Que leur demandez-vous ?
Laurent Queige :: Il serait souhaitable que l'ensemble des acteurs soient davantage force de proposition sur l'évolution de leurs équipements, de leurs infrastructures, de leurs services, mais aussi sur une sensibilisation de leurs clients.
Il ne faut pas perdre d'esprit que que la concurrence étrangère évolue.
Par ailleurs, toutes les études montrent que la génération Z place la responsabilité sociale et environnementale au top de leurs critères de choix pour les entreprises dans lesquelles elle veut travailler ou s’engager. En résumé, nous risquons de les voir filer entre nos doigts si nous ne sommes pas en capacité de les attirer par un comportement sincère et vertueux.
TourMaG.com - En quoi le réchauffement climatique est un enjeu majeur ?
Laurent Queige : Tout simplement car l'avenir de l'humanité est en jeu, si les catastrophes annoncées par les plus grands scientifiques internationaux se produisent.
L'enjeu climatique est l'affaire de tous, mais pour que les gens acceptent de changer, il faut proposer des alternatives crédibles et accessibles.
Pour rencontrer un plus grand écho, l'écologie doit intégrer une notion de plaisir et de désir et ne plus être perçue comme une punition visant à pénaliser notre confort de vie.
TourMaG.com - Pensez-vous que les professionnels du tourisme doivent revoir la façon de consommer et concevoir le tourisme ?
Laurent Queige : Bien évidemment, car ils sont parties prenante de phénomènes tels que le surtourisme. Attention à ne pas tuer la poule aux oeufs d'or. L'appât du gain immédiat sont le moteur de ce type de tourisme.
Lors d'un séjour à Dubrovnik, c’est la première fois de ma vie que je voyais des rues piétonnes à sens unique...
Les acteurs doivent penser à la diversification de leurs produits, l'une des clés de la pérennité de l'activité sera de faire du tourisme autrement, alternatif et affinitaire.
A Paris, Notre-Dame de Paris se visitait dans le cadre de tours d'une durée de 30 minutes montre en main ! Ce "fast tourisme" bas de gamme, n'est plus possible.
Laurent Queige : Tout simplement car l'avenir de l'humanité est en jeu, si les catastrophes annoncées par les plus grands scientifiques internationaux se produisent.
L'enjeu climatique est l'affaire de tous, mais pour que les gens acceptent de changer, il faut proposer des alternatives crédibles et accessibles.
Pour rencontrer un plus grand écho, l'écologie doit intégrer une notion de plaisir et de désir et ne plus être perçue comme une punition visant à pénaliser notre confort de vie.
TourMaG.com - Pensez-vous que les professionnels du tourisme doivent revoir la façon de consommer et concevoir le tourisme ?
Laurent Queige : Bien évidemment, car ils sont parties prenante de phénomènes tels que le surtourisme. Attention à ne pas tuer la poule aux oeufs d'or. L'appât du gain immédiat sont le moteur de ce type de tourisme.
Lors d'un séjour à Dubrovnik, c’est la première fois de ma vie que je voyais des rues piétonnes à sens unique...
Les acteurs doivent penser à la diversification de leurs produits, l'une des clés de la pérennité de l'activité sera de faire du tourisme autrement, alternatif et affinitaire.
A Paris, Notre-Dame de Paris se visitait dans le cadre de tours d'une durée de 30 minutes montre en main ! Ce "fast tourisme" bas de gamme, n'est plus possible.
TourMaG.com - D'autant que les nouvelles générations se détournent de cette mode, pour privilégier l'expérience...
Laurent Queige : Vous avez raison, ce qui cartonne de nos jours, c'est ce que nous appelons le tourisme créatif.
Les voyageurs aiment pratiquer activités artisitiques ou manuelles, de la photographie à l'œnologie, car la personne repart avec une de ses créations ou un savoir-faire de la destination, ce qui va le valoriser auprès de son entourage à son retour.
Les initiatives viennent bien souvent de start-up ou de grands groupes réceptifs.
TourMaG.com - Nous en avons parlé, mais vous trouvez difficilement des start-up traitant le tourisme durable ? Peut-être que ce genre n'est pas un mode de consommation, mais de communication...
Laurent Queige : Les start-up doivent trouver un modèle économique rapidement pour ce développer. Sauf que, trouver un public sur sur le tourisme durable n'est pas toujours facile...
Les choses vont sans doute s'améliorer, mais il faut savoir rester dans la réalité et ne pas avoir raison trop tôt.
Laurent Queige : Vous avez raison, ce qui cartonne de nos jours, c'est ce que nous appelons le tourisme créatif.
Les voyageurs aiment pratiquer activités artisitiques ou manuelles, de la photographie à l'œnologie, car la personne repart avec une de ses créations ou un savoir-faire de la destination, ce qui va le valoriser auprès de son entourage à son retour.
Les initiatives viennent bien souvent de start-up ou de grands groupes réceptifs.
TourMaG.com - Nous en avons parlé, mais vous trouvez difficilement des start-up traitant le tourisme durable ? Peut-être que ce genre n'est pas un mode de consommation, mais de communication...
Laurent Queige : Les start-up doivent trouver un modèle économique rapidement pour ce développer. Sauf que, trouver un public sur sur le tourisme durable n'est pas toujours facile...
Les choses vont sans doute s'améliorer, mais il faut savoir rester dans la réalité et ne pas avoir raison trop tôt.
Retrouvez tous les témoignages des pros du tourisme de notre série (verte) de l'été 2019 en cliquant sur ce lien.