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Le climat a-t-il réellement une influence sur la nature de l’être humain et la société ?

L'analyse de Sarah Herbeth


Le dernier ouvrage dirigé par l’historien Alain Corbin « La pluie, le soleil et le vent » est consacré à une « histoire de la sensibilité au temps qui fait », donc à la météo. Un sujet dont nos contemporains raffolent d’autant plus que les prévisions sont de plus en plus précises. Et que nous sommes plus ou moins enfermés ! Une fois de plus, l’anthropologie accorde donc une place importante au temps et à son influence sur l’être humain. En cette période où le confinement menace et la dépression qui va avec aussi, revenons sur nos rapports au temps.


Rédigé par Sarah Herbeth le Jeudi 25 Février 2021

La théorie du climat : une vieille histoire

L’idée selon laquelle le soleil nous mettrait invariablement le sourire aux lèvres relève davantage de la croyance populaire que d’une réalité scientifique - DR : DepositPhotos.com, Wavebreakmedia
L’idée selon laquelle le soleil nous mettrait invariablement le sourire aux lèvres relève davantage de la croyance populaire que d’une réalité scientifique - DR : DepositPhotos.com, Wavebreakmedia
La théorie du climat circule depuis l’Antiquité. Elle soutient que le climat pourrait influencer substantiellement la nature de l’être humain et de la société.

Aristote, afin de justifier la supériorité́ du peuple grec, s’appuyait sur la situation géographique de la Grèce et sur les bienfaits de son climat.

Au XVIIe siècle, des auteurs comme La Bruyère, Fénelon ou Nicolas Boileau admettent la théorie des climats et insistent sur l’influence du temps sur les humeurs : « Des siècles, des pays, étudiez les mœurs, les climats font souvent les diverses humeurs » (N. Boileau. Art Poétique, III).

Mais, c’est Montesquieu au XVIIIe siècle qui dote la théorie des climats d’une nouvelle force, cependant douteuse, en l’appliquant au domaine politique.



Il l’esquisse d’abord dans les Lettres Persanes, mais lui donne une place considérable dans De l’esprit des lois : « Ce sont les différents besoins dans les différents climats, qui ont formé les différentes manières de vivre, et ces différentes manières de vivre ont formé les différentes sortes de lois ».

Il soutient également que certains climats sont supérieurs à d’autres, le climat tempéré de France étant l’idéal. Il affirme enfin que les peuples vivant dans les pays chauds auraient tendance à s’emporter davantage et à être plus passionnés, quand ceux des pays froids seraient plus rigides et disciplinés.

Hélas, Montesquieu n’est pas le seul à penser ainsi. De la fin du XVIIIe siècle au début du XIXe, les références à la théorie des climats pullulent dans les œuvres littéraires. On en retrouve chez Mme de Staël, Restif de la Bretonne ou Lord Byron ou encore Hegel.

Notre humeur ne varie pas selon la couleur du ciel

Fort heureusement, au XXe siècle, les scientifiques ont pris la relève des philosophes et étudié plus sérieusement le climat et son impact sur nos tempéraments et nos humeurs.

Et, c’est ainsi qu’ils ont démonté une idée communément admise selon laquelle l’automne, sa grisaille, sa pluie et ses températures en berne nous mettent le moral à zéro, quand le printemps et le retour du soleil nous rendent la vie plus légère.

En effet, les nombreuses études réalisées ces dernières années prouvent que la corrélation entre moral et météo n’est pas évidente.

Une étude néerlandaise réalisée en 2008, sur 15 000 participants âgés de 31 ans à 56 ans, affirme catégoriquement que « peu importe s’il pleut, s’il fait froid, ou si la durée d’ensoleillement raccourcit, les variations quotidiennes de la température n’ont pas d’effet immédiat sur le déclenchement de la dépression ou autre trouble de l’humeur ».

D’autres études admettent un très léger impact de la météo sur les baisses de moral, mais pas sur les hausses. Certaines mettent en évidence un impact positif de la météo au printemps, et non en été. Mais c’est surtout parce que l’on aurait été privé de soleil tout l’hiver.

Enfin, une dernière étude (Pays-Bas 2011) distingue quatre profils d’individus dont les trois premiers sont à peu prés égaux en volume :

- Ceux qui se sentent mieux au soleil,

- Ceux qui s’y sentent moins bien,

- Ceux qui font des dépressions à cause de la pluie,

- Ceux qui constituent de loin la majorité, sur qui la météo n’a aucun impact !

Retour à Homo sapiens

Quant à l’universitaire américain David Watson, professeur de psychologie et grand spécialiste de l’humeur, il a également recensé une vingtaine d’études relatives au sujet qui, toutes, vont dans le même sens.

Et, à son tour, le professeur explique que l’idée selon laquelle le soleil nous mettrait invariablement le sourire aux lèvres, relève davantage de la croyance populaire que d’une réalité scientifique.

Alors pourquoi cette croyance populaire persiste-t-elle ? Toujours selon David Watson, cela proviendrait de nos ancêtres Homo Sapiens vivant il y a quelque 150 000 ans. Pour eux, le soleil était vital, pour se chauffer, chasser, s’éclairer.

L’idée d’un soleil bienfaisant s’est donc probablement ancrée dans la culture humaine à cette époque lointaine où il était littéralement vital.

A cette évidence historique, le psychologue américain ajoute une dimension psychologique intéressante : « Notre croyance dans la vertu du beau temps, explique-t-il, a une influence si forte sur notre mental qu’il biaise notre perception.

Par exemple, si je suis triste et qu’il pleut, cela renforce ma conviction que le temps influe sur le moral. Mais, si je suis triste et qu’il fait beau, j’aurais tendance à ne pas faire le rapprochement parce que cette situation ne correspond pas à mes croyances !
»

Les indéniables bienfaits sur la santé : la bbiométérologie

Si le climat ne semble avoir qu’un impact très modéré sur notre moral, il n’en est pas de même pour notre santé.

Une nouvelle discipline, la biométéorologie, essaye d’analyser la responsabilité du climat sur notre santé. Pour l’instant, les travaux semblent démontrer que le climat peut être un facteur, mais non la cause de certaines maladies.

Les infarctus cérébraux seraient plus fréquents quand il fait froid, et les accidents vasculaires quand il fait chaud.

Les rhumatismes et l’arthrose seraient soulagés par le temps chaud et sec des régions du sud. Et les populations souffrant d’allergie respiratoire bénéficieraient d’un climat pluvieux, car les allergènes sont précipités au sol par la pluie.

Quant à la courbe de mortalité, elle semble suivre très précisément la courbe des températures caniculaires. La mortalité culmine le lendemain ou le surlendemain du jour le plus chaud d’une vague de chaleur.

La dépression saisonnière pour les « météosensibles »

L’absence de soleil peut également conduire à des dépressions, notamment chez certaines personnes dites « météo-sensibles », au sens médical du terme.

On estime à 3% de la population adulte les personnes atteintes par le syndrome. Dès les premiers signes de froid, ces individus plongent dans une dépression saisonnière, ils deviennent apathiques et irritables, leur libido baisse et leurs capacités de concentration diminuent.

La dépression saisonnière est longtemps restée sans remède. Environ quatre siècles avant JC, Hippocrate en avait déjà décrit les symptômes.

A la fin du XIXe siècle, le docteur Frederick Cook qui accompagnait une expédition dans le Grand Nord Arctique, eut l’occasion de l’observer de près. Au fur et à mesure que les jours raccourcissaient, les hommes d’équipage étaient de plus en plus fatigués et pessimistes. Seule une exposition quotidienne au grand feu de camp semblait leur remonter le moral. Cook en déduisit que lumière et chaleur avaient un effet bénéfique.

Mais ce n’est que dans les années 80, que des chercheurs américains du National Institute of Mental Health inventèrent le terme de « désordre affectif saisonnier ». A côté des antidépresseurs classiques, ils commencèrent à explorer une nouvelle thérapie, la luminothérapie, soit l’exposition quotidienne à une lumière artificielle très forte.

Aujourd’hui, la plupart des études montrent que la luminothérapie est efficace.

Et, elle le serait encore plus dans sa version douce : « le simulateur d’aube ». C’est-à-dire qu’au lieu d’être exposé 30 minutes par jour à une lampe très puissante, on se laisse réveiller progressivement par une lumière douce diffusée alors que l’on dort encore.

Une manière d’adapter son rythme biologique au raccourcissement des jours et à l’obligation de se lever avant le soleil !

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