La génération du baby-boom est en train de prendre sa retraite et faute de repreneur, nombre d’agences indépendantes ferment. Des banques ou des magasins de clopes électroniques reprennent les pas de porte et le fichier clients est mis à la poubelle - Dessin Raf
C’est sur mon fil d’actu Facebook que je me suis rendue compte de la grande hémorragie que nous sommes en train de connaître.
Je reconnais bien volontiers que je n’ai carrément pas le temps de suivre les aventures des 2800 « amis » que j’ai sur le réseau social.
Pourtant, bien des fois, j’ai lu des posts de filles (parce que oui, n’en déplaise aux égalitaires de tout poil, l’agent de voyages reste bien souvent une agente…) qui déclaraient « dernier jour dans le tourisme », « allez, au revoir le tourisme » ou « il n’y a plus d’avenir dans ce secteur.
Les agences meurent et je ne serai pas la dernière survivante : il est temps pour moi de me reconvertir ».
J’ai mal...
Bien sûr, nos instances représentatives se veulent rassurantes, assurent que le nombre d’immatriculations reste stable, prétendent que l’érosion du chiffre BSP est dû à l’augmentation du trafic des compagnies à bas coût…
Mais je ne suis pas folle, vous savez. Il suffit de se balader dans les grandes villes.
N’avez-vous jamais vu des agences de voyages fermées ? Les panneaux « bail à céder » remplacent les affiches promotionnelles.
Je reconnais bien volontiers que je n’ai carrément pas le temps de suivre les aventures des 2800 « amis » que j’ai sur le réseau social.
Pourtant, bien des fois, j’ai lu des posts de filles (parce que oui, n’en déplaise aux égalitaires de tout poil, l’agent de voyages reste bien souvent une agente…) qui déclaraient « dernier jour dans le tourisme », « allez, au revoir le tourisme » ou « il n’y a plus d’avenir dans ce secteur.
Les agences meurent et je ne serai pas la dernière survivante : il est temps pour moi de me reconvertir ».
J’ai mal...
Bien sûr, nos instances représentatives se veulent rassurantes, assurent que le nombre d’immatriculations reste stable, prétendent que l’érosion du chiffre BSP est dû à l’augmentation du trafic des compagnies à bas coût…
Mais je ne suis pas folle, vous savez. Il suffit de se balader dans les grandes villes.
N’avez-vous jamais vu des agences de voyages fermées ? Les panneaux « bail à céder » remplacent les affiches promotionnelles.
Nombre d'agences indépendantes ferment
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Les grands réseaux « rationalisent leur maillage » (je traduis pour ceux qui n’ont pas fait « politiquement correct » en deuxième langue : ils « ferment les points de vente déficitaires »).
Certes, couper les branches mortes est sans doute signe de bonne gestion, mais vraiment… la politique du repli est-elle une solution pour faire rayonner une marque ?
La génération du baby-boom est en train de prendre sa retraite et faute de repreneur, nombre d’agences indépendantes ferment.
Des banques ou des magasins de clopes électroniques reprennent les pas de porte et le fichier clients est mis à la poubelle.
Si le nombre d’immatriculés reste stable, c’est que le plus souvent, lorsqu’une boutique de rue ferme, une « agence web » ouvre. Ces agences n’emploient souvent pas de conseiller voyage.
Bien sûr, elles donnent des débouchés à de « nouveaux métiers » : des rédacteurs, des spécialistes en SEO, des marketeurs, des traffic-managers, des infographistes, bien souvent en free-lance.
Doit-on dire « merci » aux solutions d’auto-entreprenariat qui permettent de facturer des honoraires si maigres que rapportés au temps passé, ils sont en-dessous du SMIC ?
Certes, couper les branches mortes est sans doute signe de bonne gestion, mais vraiment… la politique du repli est-elle une solution pour faire rayonner une marque ?
La génération du baby-boom est en train de prendre sa retraite et faute de repreneur, nombre d’agences indépendantes ferment.
Des banques ou des magasins de clopes électroniques reprennent les pas de porte et le fichier clients est mis à la poubelle.
Si le nombre d’immatriculés reste stable, c’est que le plus souvent, lorsqu’une boutique de rue ferme, une « agence web » ouvre. Ces agences n’emploient souvent pas de conseiller voyage.
Bien sûr, elles donnent des débouchés à de « nouveaux métiers » : des rédacteurs, des spécialistes en SEO, des marketeurs, des traffic-managers, des infographistes, bien souvent en free-lance.
Doit-on dire « merci » aux solutions d’auto-entreprenariat qui permettent de facturer des honoraires si maigres que rapportés au temps passé, ils sont en-dessous du SMIC ?
Le secteur se déshumanise
Avec le « tout web », notre secteur de déshumanise :
Il n’y a plus d’agent d’enregistrement dans les aéroports. Les passagers arrivent avec leur boarding-pass pré-imprimés, et enregistrent tout seuls leurs bagages à des machines.
Il n’y a plus d’agent de réservation ou de billettiste. Depuis 10 ou 15 ans, on les a remplacés par des SBT, des sites web et des comparateurs.
Il n’y a plus de gestionnaire aux services clients des compagnies aériennes ou des TO. Ils ont été remplacés par des robots qui scannent les mails des clients mécontents et envoient des réponses toutes faites générées grâce aux mots-clés capturés dans les courriers de réclamations. (je vous laisse imaginer la pertinence des réponses…)
Chez les TO, il n’y a bientôt plus d’opérateurs de saisie puisque les contrats hôteliers sont désormais saisis par les hôteliers eux-mêmes.
Les agents du yield ont été remplacés par des machines qui s’espionnent les unes les autres pour rétorquer aux promotions des concurrents.
Il n’y a plus d’agent d’enregistrement dans les aéroports. Les passagers arrivent avec leur boarding-pass pré-imprimés, et enregistrent tout seuls leurs bagages à des machines.
Il n’y a plus d’agent de réservation ou de billettiste. Depuis 10 ou 15 ans, on les a remplacés par des SBT, des sites web et des comparateurs.
Il n’y a plus de gestionnaire aux services clients des compagnies aériennes ou des TO. Ils ont été remplacés par des robots qui scannent les mails des clients mécontents et envoient des réponses toutes faites générées grâce aux mots-clés capturés dans les courriers de réclamations. (je vous laisse imaginer la pertinence des réponses…)
Chez les TO, il n’y a bientôt plus d’opérateurs de saisie puisque les contrats hôteliers sont désormais saisis par les hôteliers eux-mêmes.
Les agents du yield ont été remplacés par des machines qui s’espionnent les unes les autres pour rétorquer aux promotions des concurrents.
Et les petites mains du tourisme à la française, que deviennent-elles ?
Avec les compagnies aériennes et les centrales de résa hôtelières, il est de plus en plus difficile d’avoir une discussion « normale » avec un agent help desk francophone.
La délocalisation des centres d’appels a commencé il y a 15 ou 20 ans, d’abord en Irlande (moins cher), puis en Afrique (encore moins cher mais de piètre qualité), désormais en Europe de l’Est (au rapport qualité/prix imbattable).
Tu as un problème technique ?
Tu vas devoir l’expliquer à des Roumains ou des Polonais au français hésitant. Et encore ! Chez nombre de fournisseurs, on a de la musique pendant des heures jusqu’au message fatidique « tous nos agents francophones sont en ligne.
Votre durée d’attente est estimée à 12 minutes. Si vous le souhaitez, vous pouvez parler à un agent anglophone disponible en tapant 1 ».
Alors tu tapes 1 et tu peux pratiquer ton anglais. Avec un peu de chance, tu impressionnes ton client du 3ème âge qui se dit « heureusement que je suis allé à l’agence ; par téléphone, je n’aurais pas pu ».
Et les petites mains du tourisme à la française, que deviennent-elles ?
Je ne travaille plus avec Go Voyage depuis bien longtemps mais quels sont les possibilités de reconversion des 120 licenciés d’Odigéo France ?
Combien vont accepter d’aller travailler au siège de l’Hospitalet de Llobregat (la Silicon Valley du pauvre, en banlieue de Barcelone) pour 700 € par mois ?
La délocalisation des centres d’appels a commencé il y a 15 ou 20 ans, d’abord en Irlande (moins cher), puis en Afrique (encore moins cher mais de piètre qualité), désormais en Europe de l’Est (au rapport qualité/prix imbattable).
Tu as un problème technique ?
Tu vas devoir l’expliquer à des Roumains ou des Polonais au français hésitant. Et encore ! Chez nombre de fournisseurs, on a de la musique pendant des heures jusqu’au message fatidique « tous nos agents francophones sont en ligne.
Votre durée d’attente est estimée à 12 minutes. Si vous le souhaitez, vous pouvez parler à un agent anglophone disponible en tapant 1 ».
Alors tu tapes 1 et tu peux pratiquer ton anglais. Avec un peu de chance, tu impressionnes ton client du 3ème âge qui se dit « heureusement que je suis allé à l’agence ; par téléphone, je n’aurais pas pu ».
Et les petites mains du tourisme à la française, que deviennent-elles ?
Je ne travaille plus avec Go Voyage depuis bien longtemps mais quels sont les possibilités de reconversion des 120 licenciés d’Odigéo France ?
Combien vont accepter d’aller travailler au siège de l’Hospitalet de Llobregat (la Silicon Valley du pauvre, en banlieue de Barcelone) pour 700 € par mois ?
Quelles sont les boites de tourisme qui embauchent ?
Que sont devenues les hordes de licenciés de Thomas Cook et de TUI France ou les anciens d’Autrement Voyage ?
Que vont devenir les commerciaux de Consult ou les salariés de Donatello qui vont quitter un TO en chute libre ?
On me rétorquera que l’avenir est aux agents confirmés qui sont capables de vendre des voyages sur-mesure à forte valeur ajoutée. Ah oui ? Chez Voyageurs du Monde, on s’attache de plus en plus les services « d’agents locaux ».
S'ils ont tant investi sur la « relation à distance », ça n’est pas (seulement) pour faire traiter au spécialiste basé à Strasbourg la demande d’un client de Toulouse… c’est parce que les demandes sur la Grèce ou la Thaïlande (par exemple) sont traitées par des filles « délocalisées » à destination.
Quelles sont les boîtes de tourisme qui embauchent ? Qui se porte bien dans la profession ?
Leclerc Voyage. Voilà une boîte qui a traversé toutes les crises avec succès. Respect.
Pour moi, travailler chez Leclerc Voyage, c’est vendre du mobile-home à une grosse dame qui pousse un caddie dans un hyper moisi d’une banlieue.
OK, je grossis (un poil) le trait et après une enquête digne d’un reporter auprès d’agents Leclerc, il semblerait qu’ils « ne vendent pas que ça ». Mais pour la bobo frivole que je suis, aller bosser dans une galerie commerciale en banlieue serait frôler les portes de l’enfer.
Que vont devenir les commerciaux de Consult ou les salariés de Donatello qui vont quitter un TO en chute libre ?
On me rétorquera que l’avenir est aux agents confirmés qui sont capables de vendre des voyages sur-mesure à forte valeur ajoutée. Ah oui ? Chez Voyageurs du Monde, on s’attache de plus en plus les services « d’agents locaux ».
S'ils ont tant investi sur la « relation à distance », ça n’est pas (seulement) pour faire traiter au spécialiste basé à Strasbourg la demande d’un client de Toulouse… c’est parce que les demandes sur la Grèce ou la Thaïlande (par exemple) sont traitées par des filles « délocalisées » à destination.
Quelles sont les boîtes de tourisme qui embauchent ? Qui se porte bien dans la profession ?
Leclerc Voyage. Voilà une boîte qui a traversé toutes les crises avec succès. Respect.
Pour moi, travailler chez Leclerc Voyage, c’est vendre du mobile-home à une grosse dame qui pousse un caddie dans un hyper moisi d’une banlieue.
OK, je grossis (un poil) le trait et après une enquête digne d’un reporter auprès d’agents Leclerc, il semblerait qu’ils « ne vendent pas que ça ». Mais pour la bobo frivole que je suis, aller bosser dans une galerie commerciale en banlieue serait frôler les portes de l’enfer.
Se plier en 4 pour faire venir le client et encore en 4 pour le fidéliser...
On s’en sort encore pas (trop) mal dans les petites agences chics et prétentieuses comme Big Boss Voyages.
Je ne voudrais pas faire ma maligne (quoi que…) mais oui, ça existe des boites qui payent décemment, qui rémunèrent leurs vendeuses « à la performance » et qui font partir en éductour.
Mais comme disait ma grand-mère, « on n’a rien sans rien ». Eh oui… le prix à payer pour intégrer ce genre de boîte est cher : Chez nous, si dans une équipe de 9 salariés, seule Coralie a des enfants et ça n’est pas un hasard : disponibilité totale, 42 heures contractuelles par semaine (on est rarement parties avant 20 heures), astreintes, soirées clients sans arrêt…
Big Boss dit qu’il faut se plier en 4 pour faire venir le client et encore en 4 (si je compte bien, ça fait 16….) pour le fidéliser.
Je l’ai déjà écrit ici : on n’a pas des métiers faciles… et même si je ne me plains pas trop de ma condition de salariée de Big-Boss Voyages (j’ai l’impression de faire partie des privilégiés), la vie à l’agence n’est pas rose tous les jours.
Et je sais que pour Big-Boss, la fin d’année est source de bien des soucis : doublement annoncé de la garantie financière, baisse du budget voyages de plusieurs de nos clients entreprises, faillite de clients entreprises et de prestataires, concurrence exacerbée de la désintermédiation.
Combien d’agences vont-elles jeter l’éponge en 2015 ? Combien d’agents de voyages vont-ils se retrouver sur le bord du chemin ? L’année commence à peine… elle fait déjà peur !
J’ai réfléchi à la façon de terminer mon billet et c’est malgré tout pleine d’espoir que je vous murmure d’un air un peu craintif mes vœux pour 2015 : « malgré tout, passez une bonne année ! »
Je ne voudrais pas faire ma maligne (quoi que…) mais oui, ça existe des boites qui payent décemment, qui rémunèrent leurs vendeuses « à la performance » et qui font partir en éductour.
Mais comme disait ma grand-mère, « on n’a rien sans rien ». Eh oui… le prix à payer pour intégrer ce genre de boîte est cher : Chez nous, si dans une équipe de 9 salariés, seule Coralie a des enfants et ça n’est pas un hasard : disponibilité totale, 42 heures contractuelles par semaine (on est rarement parties avant 20 heures), astreintes, soirées clients sans arrêt…
Big Boss dit qu’il faut se plier en 4 pour faire venir le client et encore en 4 (si je compte bien, ça fait 16….) pour le fidéliser.
Je l’ai déjà écrit ici : on n’a pas des métiers faciles… et même si je ne me plains pas trop de ma condition de salariée de Big-Boss Voyages (j’ai l’impression de faire partie des privilégiés), la vie à l’agence n’est pas rose tous les jours.
Et je sais que pour Big-Boss, la fin d’année est source de bien des soucis : doublement annoncé de la garantie financière, baisse du budget voyages de plusieurs de nos clients entreprises, faillite de clients entreprises et de prestataires, concurrence exacerbée de la désintermédiation.
Combien d’agences vont-elles jeter l’éponge en 2015 ? Combien d’agents de voyages vont-ils se retrouver sur le bord du chemin ? L’année commence à peine… elle fait déjà peur !
J’ai réfléchi à la façon de terminer mon billet et c’est malgré tout pleine d’espoir que je vous murmure d’un air un peu craintif mes vœux pour 2015 : « malgré tout, passez une bonne année ! »