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Comment Miss France, Tupperware et LinkedIn transforment l'ordinaire en extraordinaire ! [ABO]

La life de Léa, l'agent de voyages (pas si) blonde


De Miss France à la vente à domicile de Tupperware, en passant par LinkedIn et ses pseudo-influenceurs-néo-entrepreneurs... Léa a sorti une nouvelle fois la décapeuse, à la veille de Noël. C'est cadeau !


Rédigé par le Jeudi 19 Décembre 2024

Comment Miss France, Tupperware et LinkedIn transforment l'ordinaire en extraordinaire !  - Dessin Raf
Comment Miss France, Tupperware et LinkedIn transforment l'ordinaire en extraordinaire ! - Dessin Raf
Samedi dernier, comme 7,5 millions de Français (42% de parts de marché), j’ai regardé l’élection de Miss France en direct à la télé.

La Parisienne méprisante d’âge mûr que je suis devenue a parfois des relents de l’innocente petite provinciale que j’ai été et dont le souvenir enfoui dans le cerveau de la quadra chic tape très fort pour exister à nouveau le temps d’une soirée.

Pour ceux qui ont des samedis soirs plus funky que les miens, sachez que les années n’ont aucun effet sur le botox de Jean-Pierre (qui était déguisé pendant la première période de l’émission en boule à facettes).

Que Sylvie Vartan a été démomifiée le temps d’une soirée (sans doute inspirée par la récente performance de Sheila au congrès Selectour de Doha) et c’est une hôtesse de l’air de Corsair âgée de 34 ans qui a été élue « Miss France 2025 ».

Réjouissons nous pour la compagnie qui a peu de raisons de se réjouir et de festoyer ces derniers temps. Ah si, on me dit dans l’oreillette qu'elle a réussi à générer un petit bénéfice de 1,1 million d’euros sur son exercice 2023-2024.

Manque de bol, va falloir faire mieux pour rembourser les aides en tout genre reçues de l’État. Et ça douille !

Perso, samedi soir, j’étais pour Miss St Martin & St Barth’ qui a le bon goût d’être étudiante en licence de tourisme. Mais ne gâchons pas notre plaisir de voir élue Miss France une représentante d’une fonction connexe à notre profession, et qui plus est, diplômée d’un BTS tourisme.

Puisse Miss France faire rêver de voyages lointains…


Miss France, est-ce un métier ?

Chaque année, le jour de l’élection, avant de me poser sur mon canapé pour railler les chorégraphies kitsch, les déclarations stupides des candidates au titre de Miss et la communication éculée des salons Sainte-Algue, j’écoute en boucle une petite heure le titre (que dis-je : le chef-d’œuvre) d’Helmut Fritz : « Miss France ».

Il y a des paroles pleines de bon sens : « Faut qu'tu sois belle, mais y'a aussi c'que tu penses. J'veux être Miss France. En bikini tu parles de la crise en France. J'veux être Miss France » ; et surtout l’interview samplée d’une petite écervelée qui déclarait « Je suis actuellement en BTS esthéticienne dans le but de devenir... esthéticienne » mais ça, c’était avant !

Finies les ribambelles d’hôtesses de l’air, de coiffeuses, d’esthéticiennes et d’infirmières.

Désormais, les candidates à l’élection de Miss France ont un métier. Samedi, on a pu faire connaissance avec un paquet de commerciales, une cheffe de projet en intelligence artificielle pour Louis Vuitton et même une ostéopathe animalière auprès de chiens et de chats porteurs de troubles moteurs ou du comportement.

D’ailleurs peut-on considérer qu’être Miss France est un métier ?

J’ai fait quelques recherches et figure-toi que oui ! En effet, la Reine de beauté doit suivre les directives de la société Miss France qui lui donne à accomplir des missions pendant un an, elle touche un salaire de 3 000 € par mois et bénéficie d’un appartement de fonction. Missions, rémunération, lien de subordination : on a bien les 3 critères qui indiquent qu’il y a un contrat de travail.

Angélique Angarni-Filopon va pouvoir rajouter une ligne sur son CV

Ça fera une jolie ligne dans le CV (et le profil LinkedIn) d’Angélique Angarni-Filopon qui est devenue salariée de la société Miss France samedi au terme d’un CDD d’un peu plus d’un an.

Sur LinkedIn (ce réseau est une source infinie d’amusement et de stupéfaction dont je ne me lasse pas), on a évidemment évoqué le « nouveau poste » de Miss France 2025.

Jordan Vergne, le directeur commercial de la zone Antilles de Corsair a ainsi immédiatement adressé ses félicitations via LinkedIn à sa salariée (dont j’imagine que le contrat de travail cesse sitôt le titre de Miss France obtenu) et Serge Letchimy (président de la collectivité territoriale de Martinique) a commenté samedi « le couronnement de toute la Martinique »

Dans le monde du voyage, on voir fleurir de « nouveaux métiers » qui n’en sont pas vraiment, essentiellement basés sur la communication et le paraître. En général, le descriptif est un peu alambiqué et bourré de superlatifs outranciers : ces néo-entrepreneurs à la tête d’une entreprise au capital de 1 000 € ou à peine davantage ont des « visions », s’inventent des « missions », portent des projets « révolutionnaires » parce qu’ils ont forcément été « inspirés » dans une sorte de révélation.

Au-delà du ridicule de la sémantique, j’aimerais que ces gourous-influenceurs se rendent compte qu’ils n’ont pas inventé un « nouveau métier » : ils ont juste une petite occupation.

Ne pas confondre "nouveaux métiers" et néo-entrepreneurs avec... une simple occupation !

Il y a près de 40 ans, ma mère (qui avait décidé de faire une pause professionnelle de 10 ans pour se consacrer à l’éducation de ses filles) avait voulu avoir ce genre de « petite occupation » compatible avec l’emploi du temps de ses enfants (qui ne lui permettait d’être libre que 4 jours par semaine de 9h à 16h, hors vacances scolaires).

Elle s’était lancée à corps perdu dans le rôle d’ambassadrice Tupperware.

Après une formation de 2 jours, elle avait réalisé un petit investissement (une « valise » de 50 produits de la marque) et avait sollicité son réseau pour organiser des réunions de présentation. Elle y expliquait comment Tupperware avait changé sa vie. C’était une excellente mère et une très bonne cuisinière mais une piètre influenceuse.

Les commissions sur ventes qu’elle a reçues lui ont à peine permis de rembourser sa « valise » et si on prend en compte le prix de l’essence (un peu plus de 2 francs le litre à l’époque) pour aller animer ses « réunions », je pense qu’elle a perdu de l’argent.

Elle n’a jamais considéré cette « occupation » comme un métier : c’était un moyen de tester sa capacité de conviction, de rencontrer des gens et de sortir de son statut d’épouse dévouée et mère au foyer. Elle était consciente des limites de ce que lui proposait Tupperware en terme de carrière même si certaines de ses collègues montaient en grade en devenant « monitrices » ou « animatrice réseau » (un peu comme Sylvie Tellier est devenue DG de la société Miss France).

Je regrette que ma mère n’ait pas connu les techniques des influenceurs d'Instagram et les bullshiters de LinkedIn : elle ne se serait pas présentée comme « vendeuse Tupperware » mais comme une « magicienne de la boîte hermétique ».

Elle aurait scénarisé ses clips, ses déclips et ses empilages et fait l’article de la boîte en plastique : « Vous voyez une boite ? Mais pas du tout : c’est un style de vie ! ».

"90% des free-lances le sont devenus parce que personne ne voulait les embaucher"

Certains agents de voyages professionnels sont vent debout contre les représentantes disruptives d’une occupation qu’elles présentent comme un métier.

J’aimerais que ces espèces d’influenceuses qui ne vivent toujours pas de leur activité après au moins 2 ans acceptent qu’elles n’ont pas un « métier » mais une occupation où elles harcèlent des proches pour qu’ils recommandent leurs services (parfois, ils leur achètent quelque chose dont ils n’ont pas besoin pour faire plaisir : ma mère vendait des spatules en plastique increvables dont personne ne se servait).

Sur LinkedIn, dans le cadre de ma possible reconversion, je me suis abonnée avec intérêt à des comptes de vrais pros qui n’en peuvent plus des auto-entrepreneurs qui s’inventent un personnal branding. J’ai lu une jolie punchline : « 90% des free-lances le sont devenus parce que personne ne voulait les embaucher ».

Je suis convaincue qu’une petite minorité sait valoriser ses compétences et peut gagner davantage encore qu’un cadre en entreprise. Tant mieux pour les représentants de la petite minorité en question.

Mais si le gros du boulot d’un free-lance est de s’inventer une vie, de faire des « rendez-vous inspirants avec d’autres free-lances » et de s’autocongratuler sur LinkedIn, c’est sans doute parce que comme ma Maman chez Tupperware, il ne vit pas de son occupation.

Que diable les amateurs passent à autre chose et laissent faire les pros !

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Tags : lea
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