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Ordonnance sur les avoirs : que va-t-il se passer après le 15 septembre 2020 ?

L'interview de Me Emmanuelle Llop, du cabinet Equinoxe Avocats


Dans le secteur du tourisme, on ne parle (presque) que d’elle depuis mars dernier et elle est sur la sellette depuis quelques jours, mais l’Ordonnance 2020-315 du 25 mars 2020 continue à s’appliquer aux annulations de prestations touristiques jusqu’au 15 septembre à minuit, lorsque les conséquences de l’épidémie en empêchent la bonne exécution.
Mais qu’en sera-t-il à partir du 16 septembre 2020 ? TourMaG.com a interrogé Maître Emmanuelle Llop, spécialiste du droit du tourisme et du droit aérien et fondatrice du cabinet Equinoxe Avocats, pour rappeler les principes qui redeviendront applicables, même si le virus est toujours présent.


Rédigé par le Mardi 28 Juillet 2020

Me Emmanuelle Llop de retour pour parler des arcanes de l'Ordonnance 2020-315 - DR
Me Emmanuelle Llop de retour pour parler des arcanes de l'Ordonnance 2020-315 - DR
TourMaG.com - Quel sera le sort des annulations pour cause de circonstances exceptionnelles et inévitables (CEI) à partir du 16 septembre ?

Emmanuelle Llop :
Le Code du Tourisme - et plus particulièrement son article L.211-14 - retrouvera son application « normale », c’est-à-dire que dans le cas, du côté du voyageur, de l’annulation pour cause de CEI survenant à son lieu de destination ou à proximité immédiate ayant des conséquences importantes sur son contrat ou son transport et, du côté du professionnel, de l’annulation pour cause de CEI empêchant l’exécution du contrat, le client aura droit au remboursement des sommes versées sous 14 jours.

Donc, y compris si ces CEI sont causées par la pandémie.

Mais bien entendu, l’exigence de la preuve de ces CEI pour le voyage concerné demeure.

On ne pourra toujours pas annuler sans pénalités d’annulation simplement par « peur » du Covid ou parce qu’on n’a pas envie de porter un masque pendant le vol (si l’on est le voyageur) ou parce qu’on n’a pas rempli ses capacités (si l’on est le professionnel)…

TourMaG.com - Justement, que se passerait-il si un voyageur souhaite annuler son voyage parce qu’il estime que la destination ne maîtrise pas l’épidémie, malgré des frontières ouvertes ?

Emmanuelle Llop :
Et bien le client n’est pas habilité à prétendre analyser la politique de gestion de l’épidémie par les pays, ni à l’invoquer comme CEI pour annuler sans frais son voyage.

Il devra toujours prouver que son contrat est impacté de manière importante, factuellement.

Si le pays reste ouvert, que les prestations sont assurées avec le minimum de mesures sanitaires acceptables (masque, test avant départ, aménagements mineurs des services, etc.) pour ne pas, justement, affecter le bon déroulement du voyage, une telle annulation ne pourrait être reçue que contre paiement des pénalités contractuelles d’annulation.

Bien entendu, dans tous les cas, si l'agence et le TO comme le client, parviennent à s’arranger autrement, avec un report par exemple, rien ne l’interdit.

Mais on ne sera plus dans les limites de l’Ordonnance, notamment en termes de prix, qui ne peut être majoré pour les reports « Ordonnance ». Dans ce cas, il s’agirait d’un accord et d’un nouveau contrat, peut-être à un prix différent.

TourMaG.com - Et si la compagnie annule le vol inclus dans un package ?

Emmanuelle Llop :
Comme vous le savez, le professionnel qui vend un package est responsable de plein droit de la bonne exécution du contrat vis-à-vis du voyageur, y compris pour les prestations fournies par ses partenaires.

Les compagnies peuvent annuler leurs vols comme elles le souhaitent, et sans indemnités jusqu’à 14 jours du départ, du moins selon le Règlement 261/2004 ; elles devront seulement rembourser bien entendu les billets non-volés si aucun vol de re-protection n’est fourni.

L’annulation du vol est une péripétie qui doit conduire le professionnel à prévenir le client du changement et des possibilités de remplacement, que le client peut refuser pour préférer l’annulation sans frais.

L’agence pourrait également - si les frais ne sont pas trop élevés à ce moment-là - préférer annuler elle-même le package contre le paiement de la « pénalité-miroir ».

TourMaG.com - Imaginons un client inquiet qui préfère attendre de voir comment évolue la situation de la destination et ne règle pas le solde de son voyage : son contrat est-il annulé ?

Emmanuelle Llop :
Dans tous les contrats de voyage, il est obligatoire de mentionner le calendrier des paiements (article R. 211-4.4° du Code du Tourisme). Le paiement est par ailleurs la seule obligation du client (à part celle de bien se comporter pendant tout le voyage).

Bien souvent, les Conditions de Vente des agences et des TO précisent que le non-paiement d’un acompte ou du solde à la date prévue équivaudra à l’annulation du contrat du fait du client, avec retenue des frais contractuels (bien souvent les sommes déjà versées, au minimum).

Par conséquent, si un voyage est maintenu, le client doit respecter le calendrier de paiement sous peine effectivement d’être réputé avoir annulé son contrat.

Il n’y a pas de risque pour lui en réalité car si finalement, le voyage devait être annulé à cause de la pandémie, il obtiendra le remboursement sans frais de son voyage. Sans oublier que l’ensemble est protégé par la garantie financière de l’agence de voyages.

TourMaG.com - Enfin, regrettez-vous que l’Ordonnance ne soit pas prolongée après le 15 septembre 2020 ?

Emmanuelle Llop :
Sincèrement, ce texte obtenu de haute lutte grâce à la mobilisation de professionnels et des syndicats Les Entreprises du Voyage et SETO a été une vraie chance pour le secteur afin je l’espère, d’éviter des défaillances en chaîne tout en protégeant les voyages des consommateurs.

Il est vrai qu’il a été adopté alors qu’on ne savait pas pendant combien de temps l’épidémie allait impacter la vente de voyages.

Cependant, il me semble que la durée de 6 mois est déjà conséquente et compte tenu de la pression récente de l’Europe quant à la conformité du texte par rapport à la Directive sur les Voyages à Forfaits, je pense plutôt sage de ne pas tenter le diable.

Je suis bien consciente de l’angoisse des professionnels qui se débattent déjà pour assurer les départs (et les annulations) de cet été et voient arriver l’automne sans grand changement côté épidémie.

La meilleure solution est peut-être de traiter les dossiers de la fin d’année dès maintenant et avant le 16 septembre 2020, afin d’évaluer leur faisabilité et d’éventuellement, opter pour des annulations causées par les conséquences de l’épidémie et se placer sous la protection de l’Ordonnance.

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Tags : llop, ordonnance
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