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Ouverture saison hiver : "J'espère que le gouvernement ne refera pas l'erreur de cet été..." déclare Didier Arino

L'interview de Didier Arino, directeur général associé de Protourisme


Avec l'instauration d'un deuxième confinement depuis le 30 octobre, les professionnels du tourisme n'ont aucune perspective sur la saison hiver 2020-2021. Pour Didier Arino, directeur général associé de Protourisme, le gouvernement doit absolument donner de la visibilité aux opérateurs. Il doit également permettre à ceux qui respectent les règles et les protocoles sanitaires d'ouvrir leurs établissements. Interview.


Rédigé par le Dimanche 22 Novembre 2020

Les stations de ski préparent leur domaine skiable, mais elles attendent la levée des barrières - Depositphotos.com mdurinik
Les stations de ski préparent leur domaine skiable, mais elles attendent la levée des barrières - Depositphotos.com mdurinik
TourMaG.com - Les professionnels du tourisme attendent avec impatience un éventuel feu vert pour les vacances de fin d'année. Nous avons un peu l'impression de nous retrouver dans la même configuration qu'au printemps dernier à la veille de la saison été...

Didier Arino :
J'espère que le gouvernement ne refera pas l'erreur de cet été où il a autorisé l'ouverture un peu trop tard et surtout sans contrôle du respect des protocoles sanitaires.

Il faut donner de la visibilité aux professionnels. Il ne faut pas les prévenir au dernier moment. Le risque en tardant trop, c'est que bon nombre d'opérateurs fassent le choix de ne pas ouvrir pendant la période-clé des vacances de Noël.

Certains palaces ou hôtels très haut de gamme ont déjà renoncé. Ils ont décidé de ne pas ouvrir de l'hiver car ils sont partis du principe qu'il n'y aura pas les clientèles lointaines. D'autres n'ont pas totalement tranché la question.

Il faudrait une annonce au plus tard fin novembre, voire tout début décembre, pour que les professionnels puissent se positionner. Il ne faut pas nous faire croire que le gouvernement n'aura pas une vision de la situation sanitaire.

Il y a un certain nombre de signes favorables. Malheureusement je crains que la connaissance très superficielle des enjeux de notre secteur par nos gouvernants ne leur permette pas de prendre les décisions en temps et en heure.

Permettre à ceux qui travaillent bien de pouvoir ouvrir leurs établissements

TourMaG.com - Pour vous le gouvernement n'a pas fait son travail de contrôle des protocoles sanitaires ?

Didier Arino :
L'Etat doit faire respecter les règles pour permettre à ceux qui travaillent bien de pouvoir ouvrir leurs établissements. Il doit aussi sanctionner ceux qui sont dans des dérives.

Le non-respect des règles a concerné une minorité qui était extrêmement visible. Mais encore faut-il des sanctions pour ceux qui ne respectent pas ces règles.

Le gouvernement est piégé par une position tranchée. Pour les restaurants et les hôtels, il nous ressort à chaque fois l'étude américaine qui montre qu'il y a eu des contaminations... Je rappelle au passage qu'aux Etats-Unis, il n'y avait pas de mesures barrières et qu'une grande partie de la population ne croit pas au covid-19...

Nous ne sommes pas dans cette situation en France. Les professionnels français ont mis en place des protocoles sûrs et sérieux. Le seul problème c'est que l'Etat ne joue pas son rôle.

TourMaG.com - Les professionnels se sont engagés dans la mise en place de protocoles sanitaires et nous avons pu constater que l'été s'est bien déroulé, sans clusters...

Didier Arino :
Effectivement, les professionnels du tourisme ont acquis l'expérience de la saison été. Les villages de vacances ont pu ouvrir leurs portes et il n'y a eu aucun cluster.

Prenons l'exemple du Club Med ! Il n'y a eu aucun cas, ce qui prouve que si les protocoles sont respectés, il existe une offre qui paraît tout aussi sure que d'aller dans les supermarchés ou de prendre les transports en commun.

Et les professionnels du tourisme gèrent très bien les flux !

Il ne s'agit pas de nier les problèmes. Il faut des protocoles rigoureux et faire en sorte qu'ils soient respectés. L'objectif est de donner des règles du jeu, de s'y tenir et d'avoir des contrôles.

Cela peut être un vrai défi de montrer le savoir-faire de nos acteurs et opérateurs touristiques à pouvoir accueillir une clientèle touristique en toute sécurité.

Il faut leur faire confiance, ils savent travailler. Les professionnels n'ont pas été récompensés à la hauteur des efforts fournis, cet été notamment.

"On ne peut pas mettre au ban tout un secteur où le risque est totalement limité"

Didier Arino - DR
Didier Arino - DR
TourMaG.com - Plutôt que de fermer tout un secteur, vous seriez favorable à davantage cibler ?

Didier Arino :
Dans un restaurant gastronomique, le risque est quasi nul. Ce type de restaurant est fermé au nom de quoi ?

Ils sont fermés car on ne veut pas faire le distinguo entre ceux qui respecteraient les règles et les autres.

Mais à partir du moment où les professionnels doivent mettre en œuvre des mesures de distanciation entre les tables, un nombre de personnes limitées... il y a certains établissements qui pourraient travailler et en plus qui sont de très forts créateurs d'emplois.

Je trouve scandaleux que les restaurants qui ont la capacité d'accueillir des clients en toute sécurité restent fermés.

Actuellement on ferme la totalité des restaurants ou des salles de sport... Il faut sortir de cette logique ! Il faut donner des règles et les faire appliquer.

Mais que l'on ne mette pas au ban tout un secteur pour lequel le risque est totalement limité.

Evidemment l'ouverture de bars dans des stations de ski où les clients viendraient s'agglutiner ce n'est pas possible.

Mais imaginez des stations à la montagne ouvertes sans les restaurants... Cela me semble totalement illusoire. On doit pouvoir permettre aux clients de se restaurer dans des conditions de sécurité sanitaire.

"Il faut faire en sorte que nos acteurs ne meurent pas"

TourMaG.com - Les vacances de fin d'année sont un enjeu important notamment pour les acteurs de la montagne...

Didier Arino :
Oui, le chiffre d'affaires réalisé à cette période pour la destination montagne représente près de 25% du chiffre d'affaires global. Ce n'est pas rien.

D'un point de vue économique c'est très important. La montagne pèse près de 9 milliards euros de chiffre d'affaires sur une année pour 120 000 emplois salariés.

En tenant compte des emplois indirects, induits et non salariés, nous atteignons près de 250 000 emplois. Ce n'est pas neutre du tout.

Les hébergeurs sont déjà en difficulté. Sans le démarrage de la saison, plusieurs questions vont se poser : quid des loyers des résidences de tourisme à payer aux propriétaires et pour lesquels il y a une garantie de revenus locatifs ?

Quid également du modèle économique déjà complexe ? Un démarrage tardif pourrait fragiliser l'ensemble des acteurs des remontées mécaniques, mais aussi l'ensemble de la filière tourisme.

Cela pourrait impacter les communes qui sont le support de cette activité touristique et qui en dépendent très fortement.

Souvent la vision du tourisme est limitée. Il faut faire en sorte que nos acteurs ne meurent pas. Il ne faut pas oublier qu'une partie des PGE (Prêt garanti par l'Etat) ont déjà commencé à être consommés lors du premier confinement et que ce deuxième confinement peut être fatal à bon nombre d'entreprises.

"S'il y a une amélioration dans les hôpitaux nous pouvons espérer une ouverture"

TourMaG.com - La problématique pour les stations notamment dans les Alpes, c'est que la pression hospitalière est forte en Savoie...

Didier Arino :
C'est un problème majeur, et je comprends cette hésitation compte tenu de la saturation des hôpitaux en Savoie et c'est aussi le cas en Suisse.

L'ouverture et le feu vert qui vont être donnés dépendent de l'amélioration de la disponibilité des lits surtout que le ski est une activité accidentogène. Il faut être en capacité d'accueillir les publics.

Les professionnels ont fait aussi un gros travail pour garder des chambres et pouvoir isoler le cas échéant les clients ou saisonniers qui auraient été contaminés.

Tout ce travail est extrêmement sérieux et s'il y a une amélioration dans les hôpitaux nous pouvons espérer une ouverture. Dans le cas contraire, nous pourrions nous retrouver dans une difficulté économique majeure.

Pour les Français, le choix sera entre la France et... la France

TourMaG.com - D'autant qu'en France, de nombreux territoires ont une carte à jouer cet hiver notamment la montagne et les DOM-TOM ?

Didier Arino :
La quasi totalité des destinations étrangères ne sont pas accessibles. Pour les Français, le choix sera entre la France et... la France. En espérant que dans ce choix il y aura effectivement les départements et territoires d'Outre-mer.

Nous oublions souvent les Outre-mer. Nous ne mettons pas souvent en avant nos destinations ultra-marines qui proposent de belles expériences. Là ce serait vraiment le moment de leur permettre de démarrer leur saison hivernale.

Pour les stations de montagne, il y a aussi une opportunité à saisir. En effet, ces dernières années, les Français dans leur arbitrage avaient plutôt privilégié les destinations "soleil" notamment pour la fin d'année.

Idem pour les vacances de février où les Français avaient aussi arbitré en faveur des destinations lointaines, européennes et des stations balnéaires plutôt que de la montagne. Cette année, les stations ont l'opportunité de pouvoir capter ces clientèles.

Et puis il y aura peut-être aussi, comme nous l'avons vu cet été pour la montagne, l'afflux de clientèles étrangères. Certains prédisent qu'elles seront absentes, c'est aller un peu vite en besogne.

Si nous pouvons skier dans les Alpes françaises en sécurité, les clientèles de proximité (Belges, Néerlandais, Allemands...) répondront présents !

Regardez ce qui s'est passé cet été. 40% des clientèles étrangères habituelles sont venus en France, ce n'est pas si mal.

Plus de 50 milliards d'euros de chiffre d'affaires perdus pour le tourisme français

TourMaG.com - C'est un véritable enjeu cette saison hiver pour le tourisme français qui est déjà largement impacté par le premier confinement ?

Didier Arino :
Au-delà de la montagne, nous sommes dans une chute de l'activité qui est dramatique. La baisse de chiffre d'affaires de l'hôtellerie française devrait approcher des 60%.

Nous avons perdu déjà depuis mars plus de 55 milliards d'euros de chiffre d'affaires pour le tourisme français : 13 milliards pour la restauration, 12 milliards pour l'hébergement, 14 milliards pour la filière transports, 9 milliards pour l'évènementiel, 5 milliards pour les agences de voyages et tour-opérateurs, 2 milliards pour les sites de visites et parcs de loisirs.

Nous pourrions encore perdre près d'une dizaine de milliards d'ici la fin de l'année en fonction des décisions qui seront prises.

Et il faut être réaliste pour 2021, nous allons encore vivre avec cette pandémie...

Céline Eymery Publié par Céline Eymery Rédactrice en Chef - TourMaG.com
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Commentaires

1.Posté par michel tschann le 23/11/2020 11:39 | Alerter
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Excellente et cohérente analyse... à Nice nous avons un vieux proverbe: "qui paie commande, qui commande paie"
Si l'état nous empêche de travailler pour soi disant protéger la population, il doit assumer les conséquences et dédommager les professionnels du tourisme
merci

2.Posté par INES chihi le 23/11/2020 12:54 | Alerter
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tout à fait d'accord avec cette analyse il est URGENT que l'Etat revoie sa copie et maintenant pour sauver l'hiver sinon ce sera une catastrophe dont beaucoup ne se remettront pas.

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