Alors que le mouvement des Gilets jaunes se poursuit dans un contexte de colère face à la hausse prévue des taxes sur les carburants, l’épineuse question de la taxation du kérosène a refait surface dans les débats.
Faut-il, de la même manière que pour les carburants domestiques, mettre en place des taxes sur ce qui est la clef de l’industrie aéronautique mondiale ?
Et pour cause : le kérosène qu’utilise les compagnies aériennes est, depuis la convention internationale de Chicago sur l’aviation civile en 1944, totalement exempté de taxe.
A l’époque, il s’agissait de favoriser l’essor de l’aviation commerciale. Aujourd’hui, alors que l’industrie aéronautique est pointée du doigt comme l’une des plus polluantes de la planète, et dans un contexte d’explosion du trafic aérien mondial, le contexte a bien changé.
Faut-il, de la même manière que pour les carburants domestiques, mettre en place des taxes sur ce qui est la clef de l’industrie aéronautique mondiale ?
Et pour cause : le kérosène qu’utilise les compagnies aériennes est, depuis la convention internationale de Chicago sur l’aviation civile en 1944, totalement exempté de taxe.
A l’époque, il s’agissait de favoriser l’essor de l’aviation commerciale. Aujourd’hui, alors que l’industrie aéronautique est pointée du doigt comme l’une des plus polluantes de la planète, et dans un contexte d’explosion du trafic aérien mondial, le contexte a bien changé.
Un « manque de cohérence »
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Pour beaucoup d’observateurs de l’industrie touristique, la réponse coule de source.
« Il faut évidemment taxer le kérosène des avions et le fuel lourd des cargos et des bateaux de croisière », indique Jean-François Rial, à la tête du groupe Voyageurs du Monde, très engagé dans la compensation carbone des voyages qu’il vend.
« Il faut que la taxe carbone soit universelle pour nous désintoxiquer des énergies fossiles », poursuit-il. « Cela accélérerait l’engagement de IATA (L’association internationale du transport aérien, ndlr) de ne plus augmenter ses émissions de Co2 à partir de 2020 et de le faire décroître de 2035 à 2050 au niveau de 2005. Idem sur le fuel lourd : les émissions de Co2 des paquebots sont colossales et intenables à long termes ».
« Cela n’aurait d’un autre côté aucun sens d’arrêter de faire voler les avions », ajoute Alain Capestan, à la tête de Comptoir des voyages. « La priorité est de mettre en place des dispositifs de compensation des voyages. Et taxer le kérosène accélérerait indiscutablement la recherche d’alternatives ».
Un avis logiquement partagé par Guillaume Cromer, consultant spécialisé en tourisme durable (ID-Tourism) : « Au moins pour les vols intra-français, cela me parait indispensable. Nous pouvons traverser la France avec easyJet pour 30 euros, sans que l’impact environnemental ne soit intégré dans le prix. Nous sommes des enfants gâtés ! ».
D’un point de vue plus socio-politique, taxer le kérosène aurait aussi du sens. « Ce serait un geste cohérent à faire dans cette période de grogne généralisée : si le gouvernement veut être logique il faut que les plus aisés qui se déplacent en avion soient taxés autant que les automobilistes », lance Guillaume Cromer.
Peu à peu, l'idée fait son chemin dans les débats actuels et trouve de plus en plus de répercussions chez la classe politique.
Après certains députés de la France insoumise, Nicolas Dupont-Aignan, en passant par Daniel Cohn-Bendit ou Benoît Hamon, certains membres de la majorité LaREM, comme le député Mathieu Orphelin, remettent maintenant en question cette exonération fiscale.
En 2010, l’actuel ministre de la Transition écologique et solidaire, François de Rugy, parlait, comme le relève l’émission Quotidien, d’une « injustice majeure », « particulièrement choquante du point de vue écologique et du point de vue social ».
« Il faut évidemment taxer le kérosène des avions et le fuel lourd des cargos et des bateaux de croisière », indique Jean-François Rial, à la tête du groupe Voyageurs du Monde, très engagé dans la compensation carbone des voyages qu’il vend.
« Il faut que la taxe carbone soit universelle pour nous désintoxiquer des énergies fossiles », poursuit-il. « Cela accélérerait l’engagement de IATA (L’association internationale du transport aérien, ndlr) de ne plus augmenter ses émissions de Co2 à partir de 2020 et de le faire décroître de 2035 à 2050 au niveau de 2005. Idem sur le fuel lourd : les émissions de Co2 des paquebots sont colossales et intenables à long termes ».
#Ecologie #TaxeCarbone Il faut évidemment taxer le #kerosene des #avions et le #fuel lourd des #cargos Et #paquebots en urgence, et casser les accords internationaux qui l’interdisent.#Hulot #GiletsJaunes.Je le juge nécessaire et indispensable en tant qu’entrepreneur du voyage
— Jean-François Rial (@jfrial) 22 novembre 2018
« Cela n’aurait d’un autre côté aucun sens d’arrêter de faire voler les avions », ajoute Alain Capestan, à la tête de Comptoir des voyages. « La priorité est de mettre en place des dispositifs de compensation des voyages. Et taxer le kérosène accélérerait indiscutablement la recherche d’alternatives ».
Un avis logiquement partagé par Guillaume Cromer, consultant spécialisé en tourisme durable (ID-Tourism) : « Au moins pour les vols intra-français, cela me parait indispensable. Nous pouvons traverser la France avec easyJet pour 30 euros, sans que l’impact environnemental ne soit intégré dans le prix. Nous sommes des enfants gâtés ! ».
D’un point de vue plus socio-politique, taxer le kérosène aurait aussi du sens. « Ce serait un geste cohérent à faire dans cette période de grogne généralisée : si le gouvernement veut être logique il faut que les plus aisés qui se déplacent en avion soient taxés autant que les automobilistes », lance Guillaume Cromer.
Peu à peu, l'idée fait son chemin dans les débats actuels et trouve de plus en plus de répercussions chez la classe politique.
Après certains députés de la France insoumise, Nicolas Dupont-Aignan, en passant par Daniel Cohn-Bendit ou Benoît Hamon, certains membres de la majorité LaREM, comme le député Mathieu Orphelin, remettent maintenant en question cette exonération fiscale.
En 2010, l’actuel ministre de la Transition écologique et solidaire, François de Rugy, parlait, comme le relève l’émission Quotidien, d’une « injustice majeure », « particulièrement choquante du point de vue écologique et du point de vue social ».
"Pourquoi cela changerait" ?
Plus récemment, la ministre des Transports s’est même dit prête à ouvrir le débat. « Taxer le kérosène relève d’accords internationaux. C’est à cette échelle que nous pouvons avoir un débat », expliquait-elle au Journal du dimanche en date du 24 novembre 2018.
Une déclaration qui ne ravit évidemment pas les responsables de l’industrie aéronautique. « Notre industrie a toujours fonctionné comme ça, je ne vois pas pourquoi cela changerait », nous indique Jean-Pierre Sauvage, à la tête du BAR (Board of Airlines Representatives) en France. La thèse qu’il défend : l’aviation est loin d’être le plus gros pollueur de la planète.
Brandissant un rapport de l’Agence européenne pour l’environnement (EEA), il l’explique : « En 2013, le transport aérien n’a représenté que 0,7% des émissions de Co2 en Europe, contre 26,6% pour les transports routiers. Pour l’oxyde de souffre, les émissions de l’aérien s’élèvent à 0,5% contre 20,9% pour le maritime.
Enfin, pour les émissions de particule fine, l’aérien représente 0,7% contre 73% pour les autres secteurs ». « Quand on parle de taxation obligatoire car nous sommes de gros pollueurs, je rigole gentiment, d’autant plus que l’industrie fait les efforts nécessaires dans ce sens », conclut-il.
Une déclaration qui ne ravit évidemment pas les responsables de l’industrie aéronautique. « Notre industrie a toujours fonctionné comme ça, je ne vois pas pourquoi cela changerait », nous indique Jean-Pierre Sauvage, à la tête du BAR (Board of Airlines Representatives) en France. La thèse qu’il défend : l’aviation est loin d’être le plus gros pollueur de la planète.
Brandissant un rapport de l’Agence européenne pour l’environnement (EEA), il l’explique : « En 2013, le transport aérien n’a représenté que 0,7% des émissions de Co2 en Europe, contre 26,6% pour les transports routiers. Pour l’oxyde de souffre, les émissions de l’aérien s’élèvent à 0,5% contre 20,9% pour le maritime.
Enfin, pour les émissions de particule fine, l’aérien représente 0,7% contre 73% pour les autres secteurs ». « Quand on parle de taxation obligatoire car nous sommes de gros pollueurs, je rigole gentiment, d’autant plus que l’industrie fait les efforts nécessaires dans ce sens », conclut-il.
Des efforts, en vain ?
Il est vrai que l’industrie cherche depuis plusieurs années à réduire son impact écologique. Le plan d’action Corsia (pour Carbon offseting and réduction scheme for international aviation), lourde machinerie signée en octobre 2016 par les pays membres de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), est souvent agité par les grands transporteurs mondiaux.
Il prévoit de compenser - et non de réduire - 93% des émissions de Co2 du transport aérien mondial à horizon 2035. Mais la première phase du plan, qui s’échelonnera de 2021 à 2026, ne se basera que sur un principe de volontariat.
De leurs côtés, les compagnies aériennes membres de IATA se sont engagées à stabiliser leurs émissions de Co2 d’ici à 2020, et d’atteindre à termes, « une croissance neutre en carbone ».
Les aéroports, également, tentent de s’engager dans des mesures de réductions des émissions de gaz à effet de serre. Roissy-Charles de Gaulle, par exemple, veut atteindre le chiffre de zéro émission de Co2 en 2030, en développant notamment la biomasse ou la géothermie. A la suite de la loi sur la transition énergétique de 2015, les aéroports français ont promis de réduire de 20% leurs émissions polluantes d’ici à 2025.
37 d’entres-eux font aussi partie du programme mondial Airport carbon accreditation.
Lire aussi : Réchauffement climatique : la vaine lutte des aéroports français
« Notre industrie ne peut pas continuer à l’encontre de l’opinion publique qui nous pointe du doigt comme l’un des plus gros pollueurs du pays », avait lancé Thomas Juin, à la tête de l’Union des aéroports français (UAF), lors du congrès de l’association, le 8 novembre dernier.
« Chaque acteur doit prendre sa part de responsabilité et continuer à réduire les nuisances de notre secteur sur l’environnement. J’aimerais qu’un jour, les patrons d’aéroports et de compagnies aériennes qui discutent entre eux, parlent de leurs efforts en termes de nuisances environnementales plutôt que de la progression de leurs nombres de passagers transportés », s’était-il permis à rêver.
Mais si l’industrie aéronautique n’est pour l’instant responsable « que » de 2 à 3% des émissions de Co2 au niveau mondial, la croissance folle du trafic cachera complètement les mesures prises pour polluer moins, d’après ce qu’indiquait un récent rapport de l’Association de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe).
Plus globalement, selon le dernier « Emissions Gap Report 2018 » présenté par l’ONU mardi 27 septembre 2018 en prévision de la Conférence mondiale sur le climat (Cop24, du 2 au 14 décembre en Pologne), les Etats devraient en fait tripler leurs efforts pour ne pas dépasser les 2°C de réchauffement d’ici la fin du siècle.
Il prévoit de compenser - et non de réduire - 93% des émissions de Co2 du transport aérien mondial à horizon 2035. Mais la première phase du plan, qui s’échelonnera de 2021 à 2026, ne se basera que sur un principe de volontariat.
De leurs côtés, les compagnies aériennes membres de IATA se sont engagées à stabiliser leurs émissions de Co2 d’ici à 2020, et d’atteindre à termes, « une croissance neutre en carbone ».
Les aéroports, également, tentent de s’engager dans des mesures de réductions des émissions de gaz à effet de serre. Roissy-Charles de Gaulle, par exemple, veut atteindre le chiffre de zéro émission de Co2 en 2030, en développant notamment la biomasse ou la géothermie. A la suite de la loi sur la transition énergétique de 2015, les aéroports français ont promis de réduire de 20% leurs émissions polluantes d’ici à 2025.
37 d’entres-eux font aussi partie du programme mondial Airport carbon accreditation.
Lire aussi : Réchauffement climatique : la vaine lutte des aéroports français
« Notre industrie ne peut pas continuer à l’encontre de l’opinion publique qui nous pointe du doigt comme l’un des plus gros pollueurs du pays », avait lancé Thomas Juin, à la tête de l’Union des aéroports français (UAF), lors du congrès de l’association, le 8 novembre dernier.
« Chaque acteur doit prendre sa part de responsabilité et continuer à réduire les nuisances de notre secteur sur l’environnement. J’aimerais qu’un jour, les patrons d’aéroports et de compagnies aériennes qui discutent entre eux, parlent de leurs efforts en termes de nuisances environnementales plutôt que de la progression de leurs nombres de passagers transportés », s’était-il permis à rêver.
Mais si l’industrie aéronautique n’est pour l’instant responsable « que » de 2 à 3% des émissions de Co2 au niveau mondial, la croissance folle du trafic cachera complètement les mesures prises pour polluer moins, d’après ce qu’indiquait un récent rapport de l’Association de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe).
Plus globalement, selon le dernier « Emissions Gap Report 2018 » présenté par l’ONU mardi 27 septembre 2018 en prévision de la Conférence mondiale sur le climat (Cop24, du 2 au 14 décembre en Pologne), les Etats devraient en fait tripler leurs efforts pour ne pas dépasser les 2°C de réchauffement d’ici la fin du siècle.