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Sécurité des vols : les leçons du vol Japan Airlines JAL516 🔑

L'édito de Christophe Hardin


Aucune victime dans l’A350 de la Japan Airlines (vol JAL516) qui a pris feu après avoir percuté un autre appareil à l’atterrissage à Tokyo le 2 janvier dernier. La robustesse de l’avion, les consignes de sécurité diffusées aux passagers avant le décollage, leur discipline y sont pour beaucoup et les enseignements de cette catastrophe devraient faire encore progresser la sécurité.


Rédigé par le Lundi 15 Janvier 2024

Un Airbus A350-900 Japan Airlines. C'est un appareil de ce type qui a assuré le vol JAL 516 -  Crédit : Depositphoto Auteur phuongphoto
Un Airbus A350-900 Japan Airlines. C'est un appareil de ce type qui a assuré le vol JAL 516 - Crédit : Depositphoto Auteur phuongphoto
Il y a quelques jours, les observateurs du transport aérien se félicitaient d’une année plus sûre que jamais en 2023. 178 victimes à bord de petits avions et aucun accident mortel impliquant des vols internationaux.

Certes, 178 passagers tués ce n’est pas rien, mais rappelons que 148 personnes meurent en moyenne par heure sur les routes du monde, selon les derniers chiffres de l'ONU.

Lorsqu’on a vu, presque en direct, l’A350 de Japan Airlines avec ses 379 occupants percuter un autre avion à l’atterrissage à Tokyo et prendre feu sur la piste, on a tout de suite pensé que 2024 serait une année noire.

Pourtant, et malgré la destruction totale de l’appareil par le feu, aucune victime n’est à déplorer dans l'Airbus de la JAL.

Au regard des cinq membres d’équipage qui ont péri dans l’avion percuté par l’Airbus, le mot « miracle » pour évoquer cette catastrophe n’est pas adapté.

On peut cependant dire que le bilan en pertes humaines a été limité, et ce grâce à plusieurs facteurs.


Vol JAL516 : les circonstances de l’accident

Revenons d’abord sur ce qui a entrainé l’accident.

Comme nous l’avons déjà évoqué dans un précédent article, le drame est consécutif à un enchaînement de faits, une série de failles, de dysfonctionnements ou d’insuffisances dans la chaine de sécurité censée « protéger » le vol.

Lire aussi : AF447 Rio-Paris : un accident avec de multiples causes... 🔑

L’atterrissage s’est fait de nuit et les pilotes de l’Airbus de la JAL n’ont pas distingué le bi moteur qui s’alignait sur la piste : un Dash 8 des garde-côte japonais.

Également, sur l’aéroport de Tokyo Haneda les repères visuels, des feux placés au sol à destination des pilotes et qui indiquent selon qu’ils sont verts ou rouges qu’on peut ou non pénétrer sur la piste de décollage étaient hors service.

Ces lampes qu’on appelle le système « Stop Bar » sont un rappel visuel, une précaution supplémentaire comme souvent en aéronautique. L’avion, pour pénétrer sur la piste, doit bien sûr et aussi recevoir obligatoirement l’autorisation de la tour de contrôle.

Or, selon l’agence Reuters, les autorités japonaises ont confirmé que le Dash 8 n’avait pas été autorisé à s’aligner sur la piste pour décoller d’après les transcriptions de la tour de contrôle.

Des dysfonctionnements donc et aussi une part de malchance. Vu sa taille, et son poids, le Dach 8 n’avait pas besoin de toute la longueur de piste pour décoller. Il est donc entré sur la piste à quelques centaines de mettre après le début de celle-ci, pile à l’endroit où l’A350 a posé ses roues.

S’il s’était aligné en tout début de piste, le gros porteur de la JAL l’aurait survolé dangereusement, mais il ne l’aurait pas percuté.

Tout s’est donc mis en place pour que le drame se déroule, il était 17h47.

Une évacuation qui a pris du temps

Le choc a été énorme. Le Dash est un avion dont la longueur avoisine les 26 mètres et pèse à vide plus de 10 tonnes. Ses réservoirs étaient remplis de kérosène.

L'A.350 l’a percuté à une vitesse avoisinant les 260 km/heure. Malgré la violence de l’impact, la structure de l’avion de la Japan airlines a résisté. L’avion a perdu son train d’atterrissage avant, mais la cellule est restée intacte.

Il a continué sa trajectoire sur la piste, et a glissé pendant une minute pour enfin s’immobiliser en flammes sur le côté. Il est 17h48.

Lorsqu’un avion est en feu et une fois immobilisé, il faut bien sûr évacuer. Les normes de certification pour ces types d’appareils exigent que les constructeurs d'avions de ligne démontrent que leurs modèles sont capables d'évacuer tous les passagers en 90 secondes en utilisant la moitié des sorties.

L’évacuation de l’Airbus de la JAL a duré environ 18 minutes. Il faut le dire c’est long, très long lorsqu’un avion brule.

Mais cet accident a apporté la preuve que les matériaux composites dont sont équipés les avions de nouvelle génération sont non seulement très solides, mais offrent une très bonne résistance au feu.

En brulant, la fibre de carbone forme une couche de charbon qui fait barrière à la progression du feu.

L’enquête nous éclairera sur le séquençage précis de l’évacuation et notamment le délai entre l’arrêt de l’appareil et l’ordre d’évacuation qui s’est faite dans des conditions difficiles.

Avec 367 passagers à bord, l’avion était pratiquement complet. Seules 3 issues ont pu être ouvertes, 2 à l’avant et une seule à l’arrière laissant donc le milieu de la cabine sans échappatoire à proximité et le risque d’avoir des flux de passagers qui s’opposent.

Les PNC n’avaient plus à disposition le système de communication « le public adress » permettant de s’adresser aux passagers et ont dû prendre les mégaphones prévus lorsque ce système est défaillant.

Japan Airlines : des consignes explicites et des passagers disciplinés

Outre la structure de l’avion qui a retardé l’arrivée du feu dans la cabine, c’est bien la très grande discipline des passagers japonais, leur sensibilisation à laisser leurs bagages et les ordres stricts donnés par les PNC qui ont permis à tout le monde d’être sain et sauf.

Voyons déjà comment sont expliquées les consignes de sécurité avant le décollage.
Les messages sont clairs, notamment concernant les bagages et illustrés par des images explicites comme nous pouvons le voir sur cette vidéo diffusée à bord des avions de la JAL (ci-dessous).

Disons-le aussi, cette culture japonaise, assez conformiste, très respectueuse des usages des règles et qui parfois nous dépasse un peu - nous les Latins- a permis une évacuation très fluide, même si elle semble avoir tardé à se déclencher.

On ne voit pas de passagers ayant emporté ses bagages. Oui, surement sous d’autres latitudes, on aurait eu des passagers se battant pour sortir et emporter leur bagage, ce qui aurait gêné l’évacuation.

Enfin, si le dernier occupant, le commandant de bord est sorti plus de 18 minutes après le déclenchement de l’évacuation, c’est parce qu’il a passé 10 minutes à s’assurer qu’il n’y avait plus personne à bord remplissant ainsi parfaitement et courageusement sa mission.

On le sait, chaque accident d’avion permet de se remettre en question quant à la sécurité des vols. Quelles conclusions et leçons pouvons-nous tirer de celui-ci ? Quels enseignements ou recommandations vont être faits par les différentes aviations civiles dans les semaines qui viennent ?

Les incursions de piste un danger croissant

D’abord un constat : l'incursion sur piste, c’est-à-dire la présence inopportune d’un avion ou d’un véhicule sur la piste d’atterrissage ou de décollage est un danger récurent et sérieux.

Cette situation est à l’origine de l’accident aérien le plus grave de toute l’histoire quand en 1977, deux Boeing 747 l’un de la Pan Am et l’autre de KLM s’étaient percutés sur la piste de l’aéroport de Tenerife. Bilan : 583 morts.

Avec un trafic aérien qui va croitre partout dans le monde, les risques d’incursion pourraient s’accroitre. La FAA (la direction de l’aviation civile aux États-Unis) a fait état pour l’année 2023 d’une vingtaine de cas « sérieux » rien que sur le territoire américain.

En France, il y a quelques mois, on n’était pas très loin de l’accident à Bordeaux quand le contrôleur, par erreur, a autorisé un A320 d’EasyJet à atterrir alors qu’un petit avion de tourisme était aligné pour décoller.

Pratiquement la même configuration qu’à Tokyo : l’Airbus a failli se poser sur l’autre appareil.

Pour faire progresser la sécurité sur ce point précis et à la lumière de l’enquête en cours au Japon des décisions seront-elles prises ? Sur les formulations pour mieux se comprendre entre contrôleurs et pilotes par exemple ou sur l’obligation formelle et non optionnelle d’avoir les « stop bar » en état de marche.

Autre enseignement majeur, l’importance d’expliquer clairement aux passagers, qu’il est fondamental en cas d’évacuation de se lever (sur ordre de l’équipage) et de laisser ses bagages.

C’est très explicite et efficace sur la vidéo de consignes de la Japan Airlines et les images que nous avons vues de l’évacuation de l’A350 à Haneda montrent des passagers sans bagages.

Efficaces nos consignes de sécurité ?

Est-ce le cas chez les autres compagnies ?

Beaucoup d’entre elles dans le monde et notamment plusieurs compagnies françaises ont fait de leur vidéo de sécurité presque un divertissement.

Certes les consignes sont dites, mais dans un décor de plage, d’eau turquoise ou de tapis de yoga et avec un grand sourire. On passe un peu vite et assez légèrement à mon avis sur cette impérieuse nécessité de laisser son bagage.

Ces dernières années, les photos prises par les témoins d’évacuations d’avions sont consternantes avec des passagers, bagages à la main, sur les toboggans d’évacuation comme dans ce Boeing 777 de British Airways sur l'aéroport de Las Vegas il y a quelques années.


Plusieurs experts de l’aviation recommandent, à juste titre, un message plus ferme et dissuasif concernant cette consigne, à l’image de ce que fait Japan Airlines.

Dans les recommandations qui accompagnent toujours les rapports d’enquête, celui concernant le vol JAL 516 abordera peut-être ce point.

Voyez aussi dans ce type d’accident, l’importance que les cache hublots soient ouverts à l’atterrissage afin que l’équipage puisse voir s’il y a danger ou non à l’extérieur pour décider d’ouvrir ou non une issue de secours.

Des enseignements pour faire progresser la sécurité

Un des avions les plus modernes du monde vient de se crasher.

S’il n’y avait à déplorer les cinq victimes de l’avion percuté auxquelles nous devons penser, deux malheureux animaux domestiques qui ont péri dans les soutes, quelques contusions lors de l’évacuation et une facture de 105 millions de dollars pour Japan Airlines, on pourrait presque parler d’un «crash test » qui devrait livrer d'intéressantes informations.

De nombreux enseignements : sur la résistance réelle des matériaux quant aux chocs violents, aux flammes, sur les procédures à faire évoluer, sur la communication envers les passagers quant à la sécurité.

Tirer tous les enseignements des accidents ou des incidents et les traduire en matière de procédures ou de conception. Ainsi doit fonctionner la culture de la sécurité des vols.

Christophe Hardin Publié par Christophe Hardin Journaliste AirMaG - TourMaG.com
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