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Stratégie de consolidation aérienne : les géants doublent de taille et triplent leurs dettes

la chronique de Jean-Louis Baroux


Jean-Louis Baroux, expert aérien, revient dans cette chronique sur les stratégies de consolidation des grandes compagnies aériennes qui cherchent à toute force devenir encore plus grosses. Et pourtant, les économies d’exploitation qui font rêver tout le monde s’avèrent très fragiles, une fois passé le premier programme d’exploitation, il ne reste plus que des charges supplémentaires...


Rédigé par Jean-Louis Baroux le Vendredi 4 Octobre 2013

Depuis 5 ans, Air France dispose de 3 administrateurs au sein du transporteur italien et pas des moindres : Mmr Spinetta, Matheu et Calavia, autrement la fine fleur de son management. Or, en dépit de cette forte délégation, elle n’a jamais pu influencer Alitalia au point de la rendre rentable - DR
Depuis 5 ans, Air France dispose de 3 administrateurs au sein du transporteur italien et pas des moindres : Mmr Spinetta, Matheu et Calavia, autrement la fine fleur de son management. Or, en dépit de cette forte délégation, elle n’a jamais pu influencer Alitalia au point de la rendre rentable - DR
L’échéance est arrivée pour Alitalia, en fait la société Alitalia Compagnia Aerea Italiana SpA, qui a repris en octobre 2008 la marque mythique après la liquidation de la vraie Alitalia.

Les 24 actionnaires transalpins parmi lesquels le groupe Riva, le groupe Benetton, Intesa Sanpaolo et Carlos Toto qui a apporté Air One se partagent 75% du capital, Air France détenant les 25% restants.

Ils sont liés par un pacte d’actionnaire qui leur interdit de vendre leurs actions jusqu’en… octobre 2013. Autrement dit nous sommes arrivés au moment où les cessions sont possibles.

Et personne n’a vraiment envie de rester propriétaire d’une compagnie qui continue à perdre beaucoup d’argent : 131 millions d’€ au 1er trimestre de son exercice 2013 et traine un endettement de plus de 1 milliard d’€. De quoi faire sérieusement réfléchir tout acquéreur potentiel.

Et c’est bien ce qui se passe avec Air France, pour l’instant le seul prétendant pressenti.

Les solutions de sortie s’amenuisent

Certes avec seulement 150 millions d’€, Air France peut acquérir 50% de la compagnie et le contrôle de son opération. Bien entendu, le transporteur national français peut encore dégager cette somme de sa trésorerie actuelle, mais en a-t-elle envie ?

Depuis 5 ans, Air France dispose de 3 administrateurs au sein du transporteur italien et pas des moindres : Mmr Spinetta, Matheu et Calavia, autrement la fine fleur de son management.

Or, en dépit de cette forte délégation, elle n’a jamais pu influencer Alitalia au point de la rendre rentable. Il faut dire que l’exemple français ne leur permettait sans doute pas de donner des leçons.

Et puis que faire d’Alitalia ? Oh, bien sûr, sur le papier un axe nord sud européen, cela a de la gueule. Mais la contemplation d’une carte de géographie est-elle suffisante ?

Au moment où le groupe Air France/KLM cherche par tous moyens, y compris les plus onéreux à diminuer son volume de personnel, est-ce bien le moment de raccrocher une difficulté supplémentaire ?

Les responsables italiens ont bien essayé de trouver des solutions alternatives auprès d’Ethiad et d’Aeroflot, mais les deux compagnies ont finalement refusé le challenge. Alors les solutions de sortie s’amenuisent.

Les actionnaires actuels ne veulent plus mettre la main à la poche et les banques prêteuses se font de plus en plus tirer l’oreille d’autant plus que l’une des conditions mises par Air France est de restructurer la dette d’Alitalia en demandant 250 millions d’€ de moratoire aux banquiers.

Autant dire que la situation est pour le moins délicate et que la décision ne doit pas être facile à prendre au siège social de Roissy.

En Espagne BA n’arrive pas à redresser les comptes d’Iberia

Côté espagnol, ce n’est pas mieux. Le groupe IAG, mené tambour battant par British Airways et son charismatique président Willie Walsh, n’arrive pas à redresser les comptes d’Iberia.

Alors, pour tenter d’arranger l’affaire, il a mis totalement la main sur Vueling, une des rares compagnies en croissance dans un environnement très concurrentiel. Est-ce pour autant une bonne idée ?

Alourdir le poids de la composante espagnole dans le groupe IAG ne lui donnera certainement pas une meilleure rentabilité.

Et puis tout cela conduit à créer une atmosphère délétère entre les partenaires du groupe. Les espagnols ne sont jamais pliés aux directives venues de pays étrangers, Napoléon, en son temps, en a fait les frais.

En fait, le groupe IAG dont la stratégie consistait à chercher les fameuses synergies pour contrôler à la fois l’Atlantique Nord avec British Airways et l’Atlantique Sud avec Iberia, se retrouve finalement affaibli.

Les fameuses économies d’exploitation qui font rêver tout le monde s’avèrent très fragiles, une fois passé le premier programme d’exploitation, il ne reste plus que des charges supplémentaires.

Pourquoi les compagnies veulent à toute force devenir encore plus grosses ?

On s’interroge alors sur la stratégie des grandes compagnies aériennes qui veulent à toute force devenir encore plus grosses, alors qu’elles ont déjà tant de peine à se gérer elles-mêmes.

Lufthansa elle-même a eu de forts déboires avec Austrian Airlines et BMI et elle n’est toujours pas sortie de Brussels Airlines.

British Airways est engluée dans sa stratégie de conquête espagnole et Air France a toutes peines du monde à retrouver sa santé économique.

Il est illusoire de penser que l’accroissement de la taille des compagnies leur permettra d’améliorer leur niveau tarifaire, par contre il est certain que les coûts et les difficultés de management vont s’envoler.

Le bon sens ne consiste-t-il pas à gérer en « bon père de famille » des sociétés à taille humaine ?

Stratégie de consolidation aérienne : les géants doublent de taille et triplent leurs dettes
Jean-Louis Baroux, est l'ancien président d'APG (Air Promotion Group) et le créateur du CAF (Cannes Airlines Forum) devenu le World Air Forum.

Grand spécialiste de l'aérien, il a signé aux éditions L'Archipel ''Compagnies Aériennes : la faillite du modèle'', un ouvrage que tous les professionnels du tourisme devraient avoir lu.

Les droits d'auteur de l'ouvrage seront reversés à une association caritative. On peut l'acquérir à cette adresse : www.editionsarchipel.com

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Tags : aérien, baroux
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