Si tous les gouvernements appellent leurs citoyens à adopter la même attitude, privilégiant leur propre pays, la France en sortirait-elle perdante ou gagnante ? - DR : DepositPhotos, Ariwasabi
L'industrie du tourisme représente en France 7,2% du PIB et environ 2 millions d’emplois directs et indirects.
Ce sont au total 40 milliards d’euros qui pourraient manquer si la situation liée au Covid-19 devait durer un trimestre et 400 000 personnes qui sont actuellement sans emploi dans ce secteur phare de l’économie.
Mais ce qui interpelle, surtout, c'est la manière dont les politiques s'en mêlent et s'en font le relais.
Ainsi une soixantaine de députés ont signé une tribune pour appeler les Français à "rester en France pour permettre à nos territoires de retrouver un nouvel élan". Avant de finir : ''cet été et pour les prochaines vacances, restons solidaires, partons en France !"
Au nom de la solidarité. Une solidarité en trompe-l’œil et claironnée au mépris d'une réalité bien plus complexe.
Ce sont au total 40 milliards d’euros qui pourraient manquer si la situation liée au Covid-19 devait durer un trimestre et 400 000 personnes qui sont actuellement sans emploi dans ce secteur phare de l’économie.
Mais ce qui interpelle, surtout, c'est la manière dont les politiques s'en mêlent et s'en font le relais.
Ainsi une soixantaine de députés ont signé une tribune pour appeler les Français à "rester en France pour permettre à nos territoires de retrouver un nouvel élan". Avant de finir : ''cet été et pour les prochaines vacances, restons solidaires, partons en France !"
Au nom de la solidarité. Une solidarité en trompe-l’œil et claironnée au mépris d'une réalité bien plus complexe.
Comment expliquer cette soudaine conversion ?
En effet, appeler à privilégier la France comme destination estivale relève ni plus ni moins de ce qu'on appelle la préférence nationale. Appelé aussi patriotisme économique.
Que nos politiques nous expliquent maintenant cette volte-face : comment cet argument qu'ils condamnent habituellement en bloc quand il est employé dans le débat politique et incarné par le Rassemblement National trouve soudainement grâce à leurs yeux pour le tourisme ?
Cette idée valait jusqu'à présent à celui qui l’énonçait d'être voué aux gémonies, d'être ostracisé.
Comment expliquer cette soudaine conversion ? En quoi la préférence nationale est-elle plus soluble dans le tourisme que dans l'industrie française dans sa globalité ?
En quoi ce patriotisme est-il bon pour le tourisme, mais mauvais pour l'ensemble des autres industries françaises ?
Car il y a encore peu, l'usage de préférence nationale était un tabou, une ligne rouge infranchissable, rapidement évacué par la classe politique. Impensable, quelque soit le secteur économique. Et produisant une réaction de rejet immédiat.
Qu'ils nous expliquent ce nouveau virage à 180 degrés. Qu'ils nous expliquent que ce qui est inacceptable pour les autres filières françaises, un refus si catégorique qu'il en est devenu un des dogmes de la politique industrielle depuis trente ans, ne le soit pas pour le tourisme.
Qu'ils nous expliquent - ces mêmes là qui, en général, se font les chantres de la mondialisation, et les adversaires intraitables des égoïsmes nationaux - ce grand écart, pour ne pas dire cette incohérence intellectuelle dont ils font preuve.
Égoïsmes nationaux qu'ils pointent aussi d'un doigt accusateur, à raison, comme l'une des causes actuelles de la lente implosion en cours de l'Union Européenne.
Que nos politiques nous expliquent maintenant cette volte-face : comment cet argument qu'ils condamnent habituellement en bloc quand il est employé dans le débat politique et incarné par le Rassemblement National trouve soudainement grâce à leurs yeux pour le tourisme ?
Cette idée valait jusqu'à présent à celui qui l’énonçait d'être voué aux gémonies, d'être ostracisé.
Comment expliquer cette soudaine conversion ? En quoi la préférence nationale est-elle plus soluble dans le tourisme que dans l'industrie française dans sa globalité ?
En quoi ce patriotisme est-il bon pour le tourisme, mais mauvais pour l'ensemble des autres industries françaises ?
Car il y a encore peu, l'usage de préférence nationale était un tabou, une ligne rouge infranchissable, rapidement évacué par la classe politique. Impensable, quelque soit le secteur économique. Et produisant une réaction de rejet immédiat.
Qu'ils nous expliquent ce nouveau virage à 180 degrés. Qu'ils nous expliquent que ce qui est inacceptable pour les autres filières françaises, un refus si catégorique qu'il en est devenu un des dogmes de la politique industrielle depuis trente ans, ne le soit pas pour le tourisme.
Qu'ils nous expliquent - ces mêmes là qui, en général, se font les chantres de la mondialisation, et les adversaires intraitables des égoïsmes nationaux - ce grand écart, pour ne pas dire cette incohérence intellectuelle dont ils font preuve.
Égoïsmes nationaux qu'ils pointent aussi d'un doigt accusateur, à raison, comme l'une des causes actuelles de la lente implosion en cours de l'Union Européenne.
Mauvaise foi et populisme
Mais avec un tel message n'est-ce pas, au contraire, exacerber davantage ces égoïsmes ? N'est-ce pas contribuer à fragiliser cette solidarité européenne qui s'effrite et dont pourtant ils ne cessent d'appeler de leurs vœux à se renforcer ?
Cela a un nom, même deux, d'ailleurs : d'une part, cela s'appelle la mauvaise foi. Mais, en politique, elle est consubstantielle à la rhétorique. Un mal nécessaire à déplorer mais plutôt bénin. Quoique.
D'autre part, cela s'appelle, oh ! mais quelle ironie de la situation, car c'est un mal plus sérieux et vilipendé à longueur de discours par ceux-là même qui en font usage en demandant aux Français à voyager en priorité dans l'Hexagone : le populisme.
Si cela n'en est pas, la ressemblance, par le fond du propos, est troublante. Et ce mal est bien plus grave que le premier.
Ont-ils pensé au fait que si chaque pays fait de même, que se passera-t-il pour la France ? Ont-ils fait les comptes ? Quand on sait l'importance de la clientèle étrangère pour le tourisme dans l'Hexagone.
Pour rappel, selon l'Insee, en 2018, la fréquentation dans l’hôtellerie s’accroît de 2,4% (soit 5 millions de nuitées supplémentaires), malgré la concurrence des hébergements individuels proposés par des particuliers via des plateformes Internet.
Ce dynamisme est exclusivement lié à la clientèle étrangère dont les nuitées dans les hôtels augmentent de 7,6%. Un nouveau record de fréquentation est atteint pour cette clientèle, avec 81 millions de nuitées en 2018, soit un gain de 5,7 millions en un an.
Cela a un nom, même deux, d'ailleurs : d'une part, cela s'appelle la mauvaise foi. Mais, en politique, elle est consubstantielle à la rhétorique. Un mal nécessaire à déplorer mais plutôt bénin. Quoique.
D'autre part, cela s'appelle, oh ! mais quelle ironie de la situation, car c'est un mal plus sérieux et vilipendé à longueur de discours par ceux-là même qui en font usage en demandant aux Français à voyager en priorité dans l'Hexagone : le populisme.
Si cela n'en est pas, la ressemblance, par le fond du propos, est troublante. Et ce mal est bien plus grave que le premier.
Ont-ils pensé au fait que si chaque pays fait de même, que se passera-t-il pour la France ? Ont-ils fait les comptes ? Quand on sait l'importance de la clientèle étrangère pour le tourisme dans l'Hexagone.
Pour rappel, selon l'Insee, en 2018, la fréquentation dans l’hôtellerie s’accroît de 2,4% (soit 5 millions de nuitées supplémentaires), malgré la concurrence des hébergements individuels proposés par des particuliers via des plateformes Internet.
Ce dynamisme est exclusivement lié à la clientèle étrangère dont les nuitées dans les hôtels augmentent de 7,6%. Un nouveau record de fréquentation est atteint pour cette clientèle, avec 81 millions de nuitées en 2018, soit un gain de 5,7 millions en un an.
Une vision réductrice et partielle de l'industrie du tourisme
En revanche, la fréquentation de la clientèle française baisse de 0,6%. Idem toujours selon le même rapport : ''Dans l’hôtellerie de plein air, la fréquentation augmente de 0,8%, soit 1 million de nuitées supplémentaires en un an. Cette légère hausse est uniquement imputable à la clientèle étrangère (+2,5%).''
Au-delà des chiffres, c'est une erreur d'appréciation à mettre sur le compte d'une illusion d'optique.
Le tourisme en France ne se résume pas à la partie visible de l'iceberg, soit hôtels, restaurants, parcs d'attractions et musées.
Le tourisme en France, c'est aussi les tour-opérateurs, des centaines d'agences de voyages, des réceptifs locaux, des sociétés de transports (bus, taxi et chauffeurs), des sociétés événementielles et congrès, donc des milliers d'emplois qui dépendent fortement de la clientèle internationale.
Selon une étude publiée en novembre 2019 par le cabinet EY et commanditée par un collectif d’organisations professionnelles et d’institutions pour évaluer le poids et les retombées économiques des événements d’entreprises et d’institutions en France, ces événements ont accueilli 52 millions de participants au total.
44% des retombées en termes de dépenses personnelles sont générées par la clientèle internationale ! Une manne de 32 milliards d’euros qui profite à 48% aux acteurs du tourisme (transport d’accès et sur place, hébergement, restauration, commerces).
Pour nos domaines skiables, petite piqûre de rappel là aussi : au total, plus d’un skieur sur quatre dévalant nos pistes vient de l’étranger.
Enfin, ils ont en tête essentiellement le tourisme de "loisirs" et font l'impasse sur le tourisme disons d'affaires et événementiel. C'est faire preuve d'une vision réductrice et partielle de l'industrie du tourisme.
Mais aussi d'une vision à court terme en se focalisant sur les vacances d'été. Sans penser aux conséquences induites pour les autres vacances et autres activités liées au tourisme.
Si tous les gouvernements appellent leurs citoyens à adopter la même attitude, privilégiant leur propre pays, la France en sortirait-elle perdante ou gagnante ?
Le tourisme français, seul, suffira-t-il à compenser cette perte ? C'est une chose de seller son cheval. C'en est une autre de le monter.
Au-delà des chiffres, c'est une erreur d'appréciation à mettre sur le compte d'une illusion d'optique.
Le tourisme en France ne se résume pas à la partie visible de l'iceberg, soit hôtels, restaurants, parcs d'attractions et musées.
Le tourisme en France, c'est aussi les tour-opérateurs, des centaines d'agences de voyages, des réceptifs locaux, des sociétés de transports (bus, taxi et chauffeurs), des sociétés événementielles et congrès, donc des milliers d'emplois qui dépendent fortement de la clientèle internationale.
Selon une étude publiée en novembre 2019 par le cabinet EY et commanditée par un collectif d’organisations professionnelles et d’institutions pour évaluer le poids et les retombées économiques des événements d’entreprises et d’institutions en France, ces événements ont accueilli 52 millions de participants au total.
44% des retombées en termes de dépenses personnelles sont générées par la clientèle internationale ! Une manne de 32 milliards d’euros qui profite à 48% aux acteurs du tourisme (transport d’accès et sur place, hébergement, restauration, commerces).
Pour nos domaines skiables, petite piqûre de rappel là aussi : au total, plus d’un skieur sur quatre dévalant nos pistes vient de l’étranger.
Enfin, ils ont en tête essentiellement le tourisme de "loisirs" et font l'impasse sur le tourisme disons d'affaires et événementiel. C'est faire preuve d'une vision réductrice et partielle de l'industrie du tourisme.
Mais aussi d'une vision à court terme en se focalisant sur les vacances d'été. Sans penser aux conséquences induites pour les autres vacances et autres activités liées au tourisme.
Si tous les gouvernements appellent leurs citoyens à adopter la même attitude, privilégiant leur propre pays, la France en sortirait-elle perdante ou gagnante ?
Le tourisme français, seul, suffira-t-il à compenser cette perte ? C'est une chose de seller son cheval. C'en est une autre de le monter.
A propos de Stéphane Rossard
Stéphane Rossard - DR
Web entrepreneur depuis vingt ans, Stéphane Rossard est aussi le créateur des premiers sites francophones dédiés à l'Afrique du Sud et la Namibie, pour l'organisation de voyages sur-mesure. Des sites adossés à des supports d'informations afin de faire découvrir les atouts touristiques de l'Afrique Australe.
Depuis plusieurs années, animé par le désir de partager sa passion, il apporte son expertise à des médias afin de contribuer à la réalisation de leur contenu ou de leurs reportages. Il produit également du contenu dédié à l'Afrique afin de changer le regard sur ce continent en pleine mutation, de mieux faire comprendre les changements à l'oeuvre et les enjeux actuels et de jeter des ponts entre l'Afrique et l'Europe.
Son engagement est aussi social, afin de valoriser la richesse du potentiel humain sur le continent africain, notamment à travers une série de portraits d'Africains - baptisée "This is My Time" - œuvrant à des actions remarquables et impactantes.
Il est également à l'origine du lancement de Talents d'Afrique, qui replace l'humain au centre des projets de voyage.
Enfin, il est intervenant et enseignant dans le tourisme, et plus particulièrement le tourisme responsable et social. Parmi ses centres d'intérêts : la veille sur les grandes tendances, l'impact des innovations technologiques et la sensibilisation à l'implication et la responsabilisation des communautés locales, les associations locales porteuses de projets socio-éducatifs et environnementaux.
Depuis plusieurs années, animé par le désir de partager sa passion, il apporte son expertise à des médias afin de contribuer à la réalisation de leur contenu ou de leurs reportages. Il produit également du contenu dédié à l'Afrique afin de changer le regard sur ce continent en pleine mutation, de mieux faire comprendre les changements à l'oeuvre et les enjeux actuels et de jeter des ponts entre l'Afrique et l'Europe.
Son engagement est aussi social, afin de valoriser la richesse du potentiel humain sur le continent africain, notamment à travers une série de portraits d'Africains - baptisée "This is My Time" - œuvrant à des actions remarquables et impactantes.
Il est également à l'origine du lancement de Talents d'Afrique, qui replace l'humain au centre des projets de voyage.
Enfin, il est intervenant et enseignant dans le tourisme, et plus particulièrement le tourisme responsable et social. Parmi ses centres d'intérêts : la veille sur les grandes tendances, l'impact des innovations technologiques et la sensibilisation à l'implication et la responsabilisation des communautés locales, les associations locales porteuses de projets socio-éducatifs et environnementaux.