Pour Jean Pinard (debout à droite), de l'équipe dirigeante du CRT Occitanie, il est venu le temps de se poser les questions de l'organisation du tourisme en France, et bien d'autres - Crédit photo : CRT Occitanie
TourMaG.com - Vous venez de rencontrer Jean-Baptiste Lemoyne, quel tableau lui avez-vous dressé ?
Jean Pinard : La situation est la même qu'un peu partout en France, sauf que nous avons un impact collatéral au tourisme suite cette crise, en construisant dans notre région la moitié des avions du monde.
Nous faisons face à une crise à la fois touristique, pesant 10% du PIB de l'Occitanie, et de l'économie de l'aéronautique.
En cumulant, les deux cela vous donne une situation très complexe, surtout qu'en même temps, le Président Trump a augmenté les taxes sur les vins français.
Vous avez les 3 piliers de l'économie de la région qui sont impactés.
Concernant le tourisme, je suis assez optimiste sur la résilience de l'industrie, nous allons rebondir assez vite.
La saison estivale aura lieu, au regard de la diversité de l'offre de l'Occitanie, je pense nous serons une des régions de France à pouvoir le mieux amortir la crise.
TourMaG.com - Vous êtes pourtant proche d'un voisin très envahissant d'un point de vue touristique, vous ne craignez pas la réouverture de ses frontières ?
Jean Pinard : Si les Français ne peuvent pas se rendre en Espagne (voir propos d'Elisabeth Borne, ndlr) cela devrait nous permettre de bénéficier d'un afflux de touristes supplémentaires, du moins sur le littoral.
Après cette spéculation dépend grandement des conditions d'accès à nos plages et installations touristiques.
Suite à l'annonce de l'Espagne, j'ai deux types de réactions. D'un côté, l'une solidaire envers la filière qui me fait dire que je suis favorable à ce que nous puissions voyager à nouveau dans toute l'Europe.
Si je suis un peu plus chauvin, je me dis que l'ouverture de la frontière espagnole, nous fera perdre un certain nombre de touristes, notamment les Français qui pourront partir à l'étranger.
Dans l'immédiat, je suis plutôt solidaire.
Jean Pinard : La situation est la même qu'un peu partout en France, sauf que nous avons un impact collatéral au tourisme suite cette crise, en construisant dans notre région la moitié des avions du monde.
Nous faisons face à une crise à la fois touristique, pesant 10% du PIB de l'Occitanie, et de l'économie de l'aéronautique.
En cumulant, les deux cela vous donne une situation très complexe, surtout qu'en même temps, le Président Trump a augmenté les taxes sur les vins français.
Vous avez les 3 piliers de l'économie de la région qui sont impactés.
Concernant le tourisme, je suis assez optimiste sur la résilience de l'industrie, nous allons rebondir assez vite.
La saison estivale aura lieu, au regard de la diversité de l'offre de l'Occitanie, je pense nous serons une des régions de France à pouvoir le mieux amortir la crise.
TourMaG.com - Vous êtes pourtant proche d'un voisin très envahissant d'un point de vue touristique, vous ne craignez pas la réouverture de ses frontières ?
Jean Pinard : Si les Français ne peuvent pas se rendre en Espagne (voir propos d'Elisabeth Borne, ndlr) cela devrait nous permettre de bénéficier d'un afflux de touristes supplémentaires, du moins sur le littoral.
Après cette spéculation dépend grandement des conditions d'accès à nos plages et installations touristiques.
Suite à l'annonce de l'Espagne, j'ai deux types de réactions. D'un côté, l'une solidaire envers la filière qui me fait dire que je suis favorable à ce que nous puissions voyager à nouveau dans toute l'Europe.
Si je suis un peu plus chauvin, je me dis que l'ouverture de la frontière espagnole, nous fera perdre un certain nombre de touristes, notamment les Français qui pourront partir à l'étranger.
Dans l'immédiat, je suis plutôt solidaire.
"A l'heure, où nous nous parlons la perte pour l'Occitanie est évaluée à un milliard..."
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TourMaG.com - Malgré une sur-communication du secrétaire d'Etat en charge du Tourisme, et du gouvernement sur le secteur, le flou demeure à quelques semaines des vacances. Avez-vous des doutes ?
Jean Pinard : En effet, je ne sais pas à quel niveau l'offre touristique sera dégradée.
Allons-nous demander aux campings d'ouvrir à 75% de leur capacité ? Aux hôtels 50% ? Aurons-nous un accès très limité aux plages ?
La situation est très urgente, car nous sommes dans des hypothèses organisationnelles importantes pour les professionnels.
TourMaG.com - Quel est l'état du paysage touristique en Occitanie après deux mois d'arrêt ?
Jean Pinard : C'est catastrophique, même si nous voyons que les réservations repartent depuis les annonces d'Edouard Philippe.
Après observer une hausse de 800%, dans un tel contexte, ne veut strictement rien dire.
Pour en revenir à votre question, les derniers résultats de l'enquête de conjoncture que nous avons réalisée ces derniers jours sont criants.
Pour restituer, l'Occitanie est la première destination française au niveau de l'hôtellerie de plein air, représentant 50% des nuitées marchandes.
Le retard des réservations pour les campings, - 50% pour juin, - 29% pour juillet et - 26% pour le mois d'août.
Ces résultats ont des conséquences sur les pertes de chiffre d'affaires, puisque les recettes plongent de 51% sur la 1ère quinzaine de mars, 80% sur la seconde, puis 90% sur avril et mai.
A l'heure, où nous nous parlons la perte pour l'Occitanie est évaluée à un milliard, sans compter le manque à gagner de l'été.
En faisant la corrélation entre les conséquences économiques et l'emploi, nous sommes en capacité de voir entre 15 et 20 000 emplois disparaître d'ici septembre 2020.
La filière pèse 16 milliards sur le territoire, nous avons d'ores et déjà perdu 7% de cette somme. Cumulée à cela l'été, la situation est dramatique et la récession devrait atteindre 20%.
Jean Pinard : En effet, je ne sais pas à quel niveau l'offre touristique sera dégradée.
Allons-nous demander aux campings d'ouvrir à 75% de leur capacité ? Aux hôtels 50% ? Aurons-nous un accès très limité aux plages ?
La situation est très urgente, car nous sommes dans des hypothèses organisationnelles importantes pour les professionnels.
TourMaG.com - Quel est l'état du paysage touristique en Occitanie après deux mois d'arrêt ?
Jean Pinard : C'est catastrophique, même si nous voyons que les réservations repartent depuis les annonces d'Edouard Philippe.
Après observer une hausse de 800%, dans un tel contexte, ne veut strictement rien dire.
Pour en revenir à votre question, les derniers résultats de l'enquête de conjoncture que nous avons réalisée ces derniers jours sont criants.
Pour restituer, l'Occitanie est la première destination française au niveau de l'hôtellerie de plein air, représentant 50% des nuitées marchandes.
Le retard des réservations pour les campings, - 50% pour juin, - 29% pour juillet et - 26% pour le mois d'août.
Ces résultats ont des conséquences sur les pertes de chiffre d'affaires, puisque les recettes plongent de 51% sur la 1ère quinzaine de mars, 80% sur la seconde, puis 90% sur avril et mai.
A l'heure, où nous nous parlons la perte pour l'Occitanie est évaluée à un milliard, sans compter le manque à gagner de l'été.
En faisant la corrélation entre les conséquences économiques et l'emploi, nous sommes en capacité de voir entre 15 et 20 000 emplois disparaître d'ici septembre 2020.
La filière pèse 16 milliards sur le territoire, nous avons d'ores et déjà perdu 7% de cette somme. Cumulée à cela l'été, la situation est dramatique et la récession devrait atteindre 20%.
"Avant de parler de l'utilité économique du tourisme, nous devrions parler de son utilité sociale"
TourMaG.com - Dans pareille situation, le tableau ne peut être que noir, d'autant qu'il aura des conséquences à moyen terme.
Jean Pinard : Bien sûr, notre plus grande source d'inquiétudes, partagée par les professionnels, étant que nous allons perdre en compétence.
Les socios-professionnels sont très inquiets, car ils ont mis du temps et de l'argent pour former des salariés, sauf que nous risquons de les perdre définitivement, car ils se tourneront vers d'autres secteurs.
Et qui dit, une perte de compétences, dit perte de compétitivité. Il y aura un effort à faire au niveau de la formation et d'accompagnement de ces salariés qui ne pourront pas travailler cet été.
TourMaG.com - Face à une saison qui se raccourcit de plus en plus, avez-vous peur de voir les hôtels et autres établissements ne pas rouvrir ?
Jean Pinard : C'est une crainte très forte que nous avons.
Si les conditions sont vraiment dégradées, avec des mesures sanitaires intenables, des restaurateurs et hôteliers feront l'impasse sur la saison, pour basculer sur la saison 2021.
Cette hypothèse se précise pour des gros opérateurs du secteur, car ils ne considèrent que le jeu n'en vaut pas la chandelle.
TourMaG.com - D'après ce que vous nous partagez, les annonces du gouvernement n'ont pas vraiment rassuré.
Jean Pinard : D'une certaine mesure, elles nous ont rassurés.
D'un côté, je trouve positif que cette crise apporte une prise de conscience collective, au moins de la part des acteurs publics, pour inventer autre chose.
Je trouve malheureux que nous ayons eu besoin d'une crise, pour en arriver là, mais au moins il y a une réflexion et des échanges.
Puis à côté de cela, nous nous rendons compte que 40% des Français ne partent jamais en vacances, et donc cela représente un bassin de population que nous devrions aider, pour combler le vide laissé par la clientèle étrangère.
Je trouve ça bien, mais si c'est juste une solution d'appoint en période de crise, je trouverais ça assez dégueulasse.
J'aimerais que cette problématique s'inscrive dans la durée, car avant de parler de l'utilité économique du tourisme, nous devrions parler de son utilité sociale.
Les vacances servent à quoi ? Quelle est l'utilité des courts séjours ? Les loisirs dans la vie quotidienne des Français remplissent quelles fonctions ?
Nous devons refonder l'utilité sociale du tourisme, pour inventer de nouveaux emplois et continuer comme avant.
TourMaG.com - Comment ça ?
Jean Pinard : J'espère que le débat engagé de ces dernières semaines va sortir des poncifs : c'est important pour la balance extérieure, c'est important pour l'emploi, car ils ne sont délocalisables, etc.
Je ne pense pas que nous devions continuer à mesurer l'attractivité des destinations sur le nombre de kilomètres que font les touristes pour venir. Je ne suis pas pour cette approche-là.
Le tourisme est un fait social, il faut retravailler le fait social du tourisme, par rapport à la manière dont nous avons construit le temps libre.
Je suis opposé que dans le plan de relance des CRT ou institutionnels, nous mettions encore plus d'argent sur la communication.
Nous allons avoir deux fois moins de touristes cet été, mais nous aurons deux fois plus de budget de communication, si j'en crois tout ce que j'ai lu.
Je n'en vois pas l'intérêt, soyons mesurés sur l'idée que la relance ne se fasse que sur de la communication. Il faut en faire autre chose de ces sommes.
Jean Pinard : Bien sûr, notre plus grande source d'inquiétudes, partagée par les professionnels, étant que nous allons perdre en compétence.
Les socios-professionnels sont très inquiets, car ils ont mis du temps et de l'argent pour former des salariés, sauf que nous risquons de les perdre définitivement, car ils se tourneront vers d'autres secteurs.
Et qui dit, une perte de compétences, dit perte de compétitivité. Il y aura un effort à faire au niveau de la formation et d'accompagnement de ces salariés qui ne pourront pas travailler cet été.
TourMaG.com - Face à une saison qui se raccourcit de plus en plus, avez-vous peur de voir les hôtels et autres établissements ne pas rouvrir ?
Jean Pinard : C'est une crainte très forte que nous avons.
Si les conditions sont vraiment dégradées, avec des mesures sanitaires intenables, des restaurateurs et hôteliers feront l'impasse sur la saison, pour basculer sur la saison 2021.
Cette hypothèse se précise pour des gros opérateurs du secteur, car ils ne considèrent que le jeu n'en vaut pas la chandelle.
TourMaG.com - D'après ce que vous nous partagez, les annonces du gouvernement n'ont pas vraiment rassuré.
Jean Pinard : D'une certaine mesure, elles nous ont rassurés.
D'un côté, je trouve positif que cette crise apporte une prise de conscience collective, au moins de la part des acteurs publics, pour inventer autre chose.
Je trouve malheureux que nous ayons eu besoin d'une crise, pour en arriver là, mais au moins il y a une réflexion et des échanges.
Puis à côté de cela, nous nous rendons compte que 40% des Français ne partent jamais en vacances, et donc cela représente un bassin de population que nous devrions aider, pour combler le vide laissé par la clientèle étrangère.
Je trouve ça bien, mais si c'est juste une solution d'appoint en période de crise, je trouverais ça assez dégueulasse.
J'aimerais que cette problématique s'inscrive dans la durée, car avant de parler de l'utilité économique du tourisme, nous devrions parler de son utilité sociale.
Les vacances servent à quoi ? Quelle est l'utilité des courts séjours ? Les loisirs dans la vie quotidienne des Français remplissent quelles fonctions ?
Nous devons refonder l'utilité sociale du tourisme, pour inventer de nouveaux emplois et continuer comme avant.
TourMaG.com - Comment ça ?
Jean Pinard : J'espère que le débat engagé de ces dernières semaines va sortir des poncifs : c'est important pour la balance extérieure, c'est important pour l'emploi, car ils ne sont délocalisables, etc.
Je ne pense pas que nous devions continuer à mesurer l'attractivité des destinations sur le nombre de kilomètres que font les touristes pour venir. Je ne suis pas pour cette approche-là.
Le tourisme est un fait social, il faut retravailler le fait social du tourisme, par rapport à la manière dont nous avons construit le temps libre.
Je suis opposé que dans le plan de relance des CRT ou institutionnels, nous mettions encore plus d'argent sur la communication.
Nous allons avoir deux fois moins de touristes cet été, mais nous aurons deux fois plus de budget de communication, si j'en crois tout ce que j'ai lu.
Je n'en vois pas l'intérêt, soyons mesurés sur l'idée que la relance ne se fasse que sur de la communication. Il faut en faire autre chose de ces sommes.
"L'attractivité de nos destinations se mesure uniquement qu'au poids des clientèles étrangères. Cela ne peut plus durer"
TourMaG.com - Pour en revenir au tourisme social, malgré les éléments de communication du gouvernement, nous n'avons rien vu venir, alors qu'il est abandonné depuis de très nombreuses années. Le tourisme social doit-il se résumer aux simples "chèques-vacances tourisme" ?
Jean Pinard : Tout d'abord j'ai horreur de cette expression.
Nous parlons de personnes que nous aidons pour partir en vacances, quand un comité d'entreprise aide des ayants droits pour aller au cinéma ou au théâtre, nous ne parlons pas de cinéma social ou de théâtre social.
Pour en revenir à votre question, il faut revenir à la base. Nous ne savons pas calculer le taux de croissance notre économie touristique, que nous basons seulement sur les nuitées.
En Occitanie, nous avons travaillé sur les publics et les segments de produits, nous nous sommes rendu compte que 40% des retombées proviennent d'une consommation locale.
Ainsi, une croissance de seulement 3% de ces 40% vaut notamment plus que les croissances à deux chiffres des voyageurs lointains. De plus, dans les CRT nous ne faisons jamais le ratio entre l'argent mis pour aller cette clientèle et leur part de marché.
J'espère que cette crise, nous fera, nous poser la question de la construction de la croissance du tourisme en France.
Nous avons des opportunités en travaillant notre clientèle de proximité en leur faisant prendre conscience qu'il serait mieux de faire une descente de kayak ou faire du ski, plutôt que d'acheter un nouveau téléphone.
Je m'insurge en faux : l'attractivité de nos destinations se mesure uniquement qu'au poids des clientèles étrangères.
Cela ne peut plus durer.
TourMaG.com - Vous abordiez, les dépenses extravagantes en communication des CRT, il est un organisme qui devait pourtant coordonner cette réponse : Atout France. Nous avons l'impression que l'agence ne coordonne rien ou presque...
Jean Pinard : Je vais défendre Atout France, même si ce n'est pas ma spécialité, mais le problème n'est pas Atout France, il est plus profond.
Le problème étant qu'en France l'organisation touristique est administrative, la notion de territoire supplante celle des destinations.
Ainsi la réponse des politiques à cette crise a été de démontrer qu'ils ont fait quelque chose en pratiquant de la communication, mais chacun de son côté sans aucune cohérence des messages.
C'est une erreur, la réponse aurait dû être d'encourager les Français à mieux consommer la destination France.
Il aurait été aussi judicieux de mettre les moyens pour donner des moyens à ceux qui habituellement ne partent pas, pour les accompagner lors des prochaines vacances, le coefficient multiplicateur pour sauver l'été se trouve ici.
Jean Pinard : Tout d'abord j'ai horreur de cette expression.
Nous parlons de personnes que nous aidons pour partir en vacances, quand un comité d'entreprise aide des ayants droits pour aller au cinéma ou au théâtre, nous ne parlons pas de cinéma social ou de théâtre social.
Pour en revenir à votre question, il faut revenir à la base. Nous ne savons pas calculer le taux de croissance notre économie touristique, que nous basons seulement sur les nuitées.
En Occitanie, nous avons travaillé sur les publics et les segments de produits, nous nous sommes rendu compte que 40% des retombées proviennent d'une consommation locale.
Ainsi, une croissance de seulement 3% de ces 40% vaut notamment plus que les croissances à deux chiffres des voyageurs lointains. De plus, dans les CRT nous ne faisons jamais le ratio entre l'argent mis pour aller cette clientèle et leur part de marché.
J'espère que cette crise, nous fera, nous poser la question de la construction de la croissance du tourisme en France.
Nous avons des opportunités en travaillant notre clientèle de proximité en leur faisant prendre conscience qu'il serait mieux de faire une descente de kayak ou faire du ski, plutôt que d'acheter un nouveau téléphone.
Je m'insurge en faux : l'attractivité de nos destinations se mesure uniquement qu'au poids des clientèles étrangères.
Cela ne peut plus durer.
TourMaG.com - Vous abordiez, les dépenses extravagantes en communication des CRT, il est un organisme qui devait pourtant coordonner cette réponse : Atout France. Nous avons l'impression que l'agence ne coordonne rien ou presque...
Jean Pinard : Je vais défendre Atout France, même si ce n'est pas ma spécialité, mais le problème n'est pas Atout France, il est plus profond.
Le problème étant qu'en France l'organisation touristique est administrative, la notion de territoire supplante celle des destinations.
Ainsi la réponse des politiques à cette crise a été de démontrer qu'ils ont fait quelque chose en pratiquant de la communication, mais chacun de son côté sans aucune cohérence des messages.
C'est une erreur, la réponse aurait dû être d'encourager les Français à mieux consommer la destination France.
Il aurait été aussi judicieux de mettre les moyens pour donner des moyens à ceux qui habituellement ne partent pas, pour les accompagner lors des prochaines vacances, le coefficient multiplicateur pour sauver l'été se trouve ici.
"Le développement de Booking.com renvoie en miroir la contre-performance des organismes institutionnels"
TourMaG.com - Il ressort de ces campagnes médiatiques, une certaine cacophonie, est-ce que la France en ressortira gagnante ?
Jean Pinard : Je n'en suis pas convaincu, tout comme les organismes institutionnels, car finalement nous allons démontrer que nous ne savons faire que de la communication.
Nous limitons les enjeux marketing à de la communication, et que nous limitons les enjeux de communication à des problématiques publicitaires.
Je trouve cette position dommageable. Avant de dire qu'il est indispensable de baisser la TVA et les charges, il est indispensable de savoir comment nous pouvons vendre la destination ?
Je vois que certains de mes confrères s'insurgent contre l'idée que la France doit créer son propre OTA, je ne dis pas que ce soit la meilleure des propositions, mais la question doit être posée.
Le développement vertigineux de Booking.com renvoie en miroir la contre-performance des organismes institutionnels qui n'ont jamais réussi à travailler sur le sujet.
En 2020, il n'est plus possible que les sites des CRT obligent les internautes à sortir de leurs plateformes pour réserver un hôtel ou un restaurant.
La contre-performance est collective à ce niveau.
TourMaG.com - D'ailleurs, il se pose la question du sens donné au CRT et à leurs plateformes. Il y a un manque de concertation, chaque région avance à vue ne sachant pas si leur site doit être une source d'inspiration pour les visiteurs ou une agence de voyages en ligne. Il y a un grand flou.
Jean Pinard : En France, et pendant longtemps, les organismes professionnels ont eu comme obsession à savoir proposer l'exhaustivité la plus complète de l'offre touristique du territoire.
Nous avons des sites internet ressemblant à celui des Pages Jaunes. Je ne suis pas certain que nos sites aient besoin d'autant d'informations.
Pendant ce temps-là, les GAFA ne se sont pas focalisés sur la donnée des clients, cette bataille est d'ores et déjà perdue.
Il serait sans doute peut-être plus judicieux d'engager une réflexion autour d'une délégation commerciale de notre site internet.
Si demain un opérateur répond à mon cahier des charges, alors que je gère la mission de service public à savoir d'informer les voyageurs, cette entreprise privée se chargera de la réservation, avec en contrepartie une commission bien moins importante que celle pratiquée par les GAFA.
Cette solution permettrait de limiter l'investissement pour créer notre propre outil, je pense que cette question doit être débattue.
TourMaG.com - Donc selon vous, les CRT doivent devenir des distributeurs de l'offre touristique des territoires ?
Jean Pinard : Oui, ce doit être la volonté commune, car nous risquons que des opérateurs en ligne aillent voir des élus, et leur disent : la performance de votre site est 2000 fois inférieure à la nôtre, pourquoi vous ne nous déléguez pas la gestion de l'information touristique ?
Cela peut faire sourire, mais aujourd'hui la distribution de l'eau potable est assurée par une délégation de service public, rien ne nous dit que demain ce ne sera pas le cas pour le tourisme.
Je pense que notre fonctionnement peut s'arrêter très vite, car l'argent public ne va pas continuer à se déverser pendant des décennies, surtout après pareille crise.
Nous sommes une des rares filières de l'économie, à ne pas être organisée en tant qu'organisme professionnel.
Je considère que les plus gros bénéficiaires de l'économie touristique en France, ce sont les concessionnaires autoroutiers alors qu'ils ne versent pas un centime d'euro pour accompagner la promotion de la destination. Il faut changer cela.
Je ne suis pas libéral, mais nous représentons environ 1,4 milliard d'euros de frais de fonctionnement, je serais favorable à ce que notre financement se fasse en partie par les acteurs de l'économie touristique.
Jean Pinard : Je n'en suis pas convaincu, tout comme les organismes institutionnels, car finalement nous allons démontrer que nous ne savons faire que de la communication.
Nous limitons les enjeux marketing à de la communication, et que nous limitons les enjeux de communication à des problématiques publicitaires.
Je trouve cette position dommageable. Avant de dire qu'il est indispensable de baisser la TVA et les charges, il est indispensable de savoir comment nous pouvons vendre la destination ?
Je vois que certains de mes confrères s'insurgent contre l'idée que la France doit créer son propre OTA, je ne dis pas que ce soit la meilleure des propositions, mais la question doit être posée.
Le développement vertigineux de Booking.com renvoie en miroir la contre-performance des organismes institutionnels qui n'ont jamais réussi à travailler sur le sujet.
En 2020, il n'est plus possible que les sites des CRT obligent les internautes à sortir de leurs plateformes pour réserver un hôtel ou un restaurant.
La contre-performance est collective à ce niveau.
TourMaG.com - D'ailleurs, il se pose la question du sens donné au CRT et à leurs plateformes. Il y a un manque de concertation, chaque région avance à vue ne sachant pas si leur site doit être une source d'inspiration pour les visiteurs ou une agence de voyages en ligne. Il y a un grand flou.
Jean Pinard : En France, et pendant longtemps, les organismes professionnels ont eu comme obsession à savoir proposer l'exhaustivité la plus complète de l'offre touristique du territoire.
Nous avons des sites internet ressemblant à celui des Pages Jaunes. Je ne suis pas certain que nos sites aient besoin d'autant d'informations.
Pendant ce temps-là, les GAFA ne se sont pas focalisés sur la donnée des clients, cette bataille est d'ores et déjà perdue.
Il serait sans doute peut-être plus judicieux d'engager une réflexion autour d'une délégation commerciale de notre site internet.
Si demain un opérateur répond à mon cahier des charges, alors que je gère la mission de service public à savoir d'informer les voyageurs, cette entreprise privée se chargera de la réservation, avec en contrepartie une commission bien moins importante que celle pratiquée par les GAFA.
Cette solution permettrait de limiter l'investissement pour créer notre propre outil, je pense que cette question doit être débattue.
TourMaG.com - Donc selon vous, les CRT doivent devenir des distributeurs de l'offre touristique des territoires ?
Jean Pinard : Oui, ce doit être la volonté commune, car nous risquons que des opérateurs en ligne aillent voir des élus, et leur disent : la performance de votre site est 2000 fois inférieure à la nôtre, pourquoi vous ne nous déléguez pas la gestion de l'information touristique ?
Cela peut faire sourire, mais aujourd'hui la distribution de l'eau potable est assurée par une délégation de service public, rien ne nous dit que demain ce ne sera pas le cas pour le tourisme.
Je pense que notre fonctionnement peut s'arrêter très vite, car l'argent public ne va pas continuer à se déverser pendant des décennies, surtout après pareille crise.
Nous sommes une des rares filières de l'économie, à ne pas être organisée en tant qu'organisme professionnel.
Je considère que les plus gros bénéficiaires de l'économie touristique en France, ce sont les concessionnaires autoroutiers alors qu'ils ne versent pas un centime d'euro pour accompagner la promotion de la destination. Il faut changer cela.
Je ne suis pas libéral, mais nous représentons environ 1,4 milliard d'euros de frais de fonctionnement, je serais favorable à ce que notre financement se fasse en partie par les acteurs de l'économie touristique.
Faut-il se baser sur les périmètres dessinés et décidés par Napoléon pour organiser le marketing du tourisme ?
TourMaG.com - Le tourisme a trop longtemps été abandonné à son propre sort, puisqu'il tourne très bien tout seul. Il est temps de le réorganiser ?
Jean Pinard : Oui, ce n'est pas une filière très bien organisée, la nomination d'un ministre du Tourisme n'y changera rien.
Le débat est de savoir comment nous voulons que cette filière soit organisée ? Que souhaitons-nous comme croissance ? Et comment coordonner les actions de l'office de tourisme à Atout France ?
Il devient important de trouver un système plus coopératif, car il n'y a aucune vision coopérative en France.
Un des problèmes majeurs étant que l'organisation étant territoriale, elle est administrative et s'appuie sur des périmètres vieux de trois siècles.
Par exemple pour aller faire du ski dans le Doubs, les voyageurs tapent Jura sur internet, tout comme la Gironde n'existe pas dans la tête des touristes, mais plutôt la côte landaise, etc.
Faut-il se baser sur les périmètres dessinés et décidés par Napoléon pour organiser le marketing du tourisme ?
TourMaG.com - Selon vous, il serait plus judicieux de travailler par marque ? Comme la Provence, Bordeaux, les Vosges, etc.
Jean Pinard : Il faut être pragmatique, ça me paraît plus efficace et logique.
Dans notre région, nous avons les Pyrénées, il n'est pas anormal d'avoir un organisme de promotion propre et cela se fait par substitution à l'Occitanie.
Sur 95 sites internet de CDT, je crois qu'une petite quinzaine se sont affranchis du nom administratif, pour aller vers celui oenotouristique ou marque.
Il nous faut vraiment une coordination, car la situation génère une concurrence des mots-clés sur internet, qui ne fait qu'engraisser Google.
Par exemple, en Auvergne, le département de Haute-Loire a nommé son site Auvergne Vacances, alors qu'il s'oppose à Auvergne Tourisme, et les deux s'affrontent pour se positionner en première position sur Google.
Cette surenchère a couté plus de 100 000 euros, alors imaginez cela à l'échelle nationale.
TourMaG.com - A force de laisser tout le monde agir dans son coin, nous en sommes venus à des politiques contre-productives sans jamais en tirer aucune leçon...
Jean Pinard : Plutôt que de parler d'un Plan Marshall pour le tourisme, puis d'avoir des positions guerrières, il nous faut un Big Bang organisationnel.
Il est évidemment important d'aider les entreprises et sauver la saison, mais tous les dysfonctionnements que nous venons de citer doivent aussi être réglés.
Nous devons aller vers une organisation qui a du sens.
TourMaG.com - Pour terminer, comment préparez-vous cette sortie de crise ?
Jean Pinard : Nous avons décliné notre opération en plusieurs points.
Nous croyons à la relance de la consommation par les loisirs, en tablant sur la clientèle de proximité, avec notamment des aides que ce soit des pass, des transports gratuits à l'intérieur de la région, etc.
Puis nous accompagnons les entreprises dans la mise sur le marché de leurs offres, que ce soit avec les agences de voyages, via l'opération #Partez en France dont nous sommes partenaire, ou encore les comités d'entreprise.
Nous avons aussi un plan marketing et communication pour soutenir les lieux, où la crise a le plus marqué le territoire comme à Lourdes, sur le littoral et nous accompagnons la communication des filières.
En tout, sur notre plan de relance de 3 millions d'euros, nous avons 2,4 millions d'euros de budget d'actions, et la communication ne représente moins de 10%, soit 250 000 euros.
Jean Pinard : Oui, ce n'est pas une filière très bien organisée, la nomination d'un ministre du Tourisme n'y changera rien.
Le débat est de savoir comment nous voulons que cette filière soit organisée ? Que souhaitons-nous comme croissance ? Et comment coordonner les actions de l'office de tourisme à Atout France ?
Il devient important de trouver un système plus coopératif, car il n'y a aucune vision coopérative en France.
Un des problèmes majeurs étant que l'organisation étant territoriale, elle est administrative et s'appuie sur des périmètres vieux de trois siècles.
Par exemple pour aller faire du ski dans le Doubs, les voyageurs tapent Jura sur internet, tout comme la Gironde n'existe pas dans la tête des touristes, mais plutôt la côte landaise, etc.
Faut-il se baser sur les périmètres dessinés et décidés par Napoléon pour organiser le marketing du tourisme ?
TourMaG.com - Selon vous, il serait plus judicieux de travailler par marque ? Comme la Provence, Bordeaux, les Vosges, etc.
Jean Pinard : Il faut être pragmatique, ça me paraît plus efficace et logique.
Dans notre région, nous avons les Pyrénées, il n'est pas anormal d'avoir un organisme de promotion propre et cela se fait par substitution à l'Occitanie.
Sur 95 sites internet de CDT, je crois qu'une petite quinzaine se sont affranchis du nom administratif, pour aller vers celui oenotouristique ou marque.
Il nous faut vraiment une coordination, car la situation génère une concurrence des mots-clés sur internet, qui ne fait qu'engraisser Google.
Par exemple, en Auvergne, le département de Haute-Loire a nommé son site Auvergne Vacances, alors qu'il s'oppose à Auvergne Tourisme, et les deux s'affrontent pour se positionner en première position sur Google.
Cette surenchère a couté plus de 100 000 euros, alors imaginez cela à l'échelle nationale.
TourMaG.com - A force de laisser tout le monde agir dans son coin, nous en sommes venus à des politiques contre-productives sans jamais en tirer aucune leçon...
Jean Pinard : Plutôt que de parler d'un Plan Marshall pour le tourisme, puis d'avoir des positions guerrières, il nous faut un Big Bang organisationnel.
Il est évidemment important d'aider les entreprises et sauver la saison, mais tous les dysfonctionnements que nous venons de citer doivent aussi être réglés.
Nous devons aller vers une organisation qui a du sens.
TourMaG.com - Pour terminer, comment préparez-vous cette sortie de crise ?
Jean Pinard : Nous avons décliné notre opération en plusieurs points.
Nous croyons à la relance de la consommation par les loisirs, en tablant sur la clientèle de proximité, avec notamment des aides que ce soit des pass, des transports gratuits à l'intérieur de la région, etc.
Puis nous accompagnons les entreprises dans la mise sur le marché de leurs offres, que ce soit avec les agences de voyages, via l'opération #Partez en France dont nous sommes partenaire, ou encore les comités d'entreprise.
Nous avons aussi un plan marketing et communication pour soutenir les lieux, où la crise a le plus marqué le territoire comme à Lourdes, sur le littoral et nous accompagnons la communication des filières.
En tout, sur notre plan de relance de 3 millions d'euros, nous avons 2,4 millions d'euros de budget d'actions, et la communication ne représente moins de 10%, soit 250 000 euros.