D. Costes et M. Bellonte traversent l'Atlantique à bord du Breguet 19 Super Bidon Point d'interrogation. L'appareil est exposé au Musée de l'Air et de l'Espace du Bourget © Musée de l’Air et de l’Espace – Alexandre Fernandes
TourMaG.com - Comment était perçu le vol transatlantique au début du XXe siècle ?
Laurent Rabier : "Comme un exploit gigantesque encore à accomplir. Au sortir de la Première Guerre mondiale, on ne franchit l’Atlantique qu’en bateau, qui dans sa déclinaison luxueuse, le paquebot, incarne un certain absolu en termes de confort et de rapidité.
Mais la nouvelle modernité technique de l'époque est naturellement l'avion, né à peine quinze ans plus tôt.
L'homme ayant toujours besoin de défis, relier le Vieux Continent au Nouveau monde est, à l'issue de la Première Guerre mondiale, le grand rêve des aviateurs démobilisés.
Il faut dire que les très importants progrès techniques réalisés durant le conflit permettent d’envisager à brève échéance un exploit de ce type."
TourMaG.com - Mais l'océan Atlantique n'est pas facile à dompter...
Laurent Rabier : "L’Atlantique Nord est la voie souveraine car la plus longue (3 220 km) et la plus difficile. Le temps y est souvent très mauvais et les vents très défavorables, surtout dans le sens Est-Ouest.
L’exploit d’Alcock et Brown qui, dès 1919, relient St-Jean de Terre-Neuve à l’Irlande à bord d’un bombardier Vickers «Vimy » bourré d’essence, est considérable. Au prix d’une lutte de tous les instants, les deux aviateurs parviennent à traverser, finissant par casser leur avion dans un champ du côté de Clifden.
Mais il faut remettre cet acte héroïque en perspective : quelques jours plus tard, le dirigeable britannique R34, commandé par le major Scott, effectue dans la sérénité et un confort bien supérieur, la première traversée aller-retour.
Malgré l’exploit de Lindbergh qui, en 1927, va relier en solitaire New York au Bourget à bord de son Ryan NYP « Spirit of St Louis » ou de Costes et Bellonte qui, en 1930, vont lui rendre la politesse dans le sens Est-Ouest aux commandes du Bréguet 19 TF « Point d’interrogation », le dirigeable va durablement constituer, aux yeux des contemporains, la solution au transport aérien.
C’est la tragédie du LZ 129 « Hindenburg », le 6 mai 1937, qui va changer radicalement la donne en scellant le sort des dirigeables qui, gonflés à l’époque à l’hydrogène, constituaient effectivement de véritables bombes volantes.
L’avion, entre temps, a bénéficié de progrès techniques lui permettant de franchir des distances de plus en plus importantes, d’emporter davantage de charge utile (pour du carburant, du courrier ou des passagers), de voler sans visibilité également.
D’ailleurs, au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, une première ligne régulière de transport de passagers est en place (Pan-Am) sur l’Atlantique, mais le conflit va naturellement bouleverser cette évolution."
Laurent Rabier : "Comme un exploit gigantesque encore à accomplir. Au sortir de la Première Guerre mondiale, on ne franchit l’Atlantique qu’en bateau, qui dans sa déclinaison luxueuse, le paquebot, incarne un certain absolu en termes de confort et de rapidité.
Mais la nouvelle modernité technique de l'époque est naturellement l'avion, né à peine quinze ans plus tôt.
L'homme ayant toujours besoin de défis, relier le Vieux Continent au Nouveau monde est, à l'issue de la Première Guerre mondiale, le grand rêve des aviateurs démobilisés.
Il faut dire que les très importants progrès techniques réalisés durant le conflit permettent d’envisager à brève échéance un exploit de ce type."
TourMaG.com - Mais l'océan Atlantique n'est pas facile à dompter...
Laurent Rabier : "L’Atlantique Nord est la voie souveraine car la plus longue (3 220 km) et la plus difficile. Le temps y est souvent très mauvais et les vents très défavorables, surtout dans le sens Est-Ouest.
L’exploit d’Alcock et Brown qui, dès 1919, relient St-Jean de Terre-Neuve à l’Irlande à bord d’un bombardier Vickers «Vimy » bourré d’essence, est considérable. Au prix d’une lutte de tous les instants, les deux aviateurs parviennent à traverser, finissant par casser leur avion dans un champ du côté de Clifden.
Mais il faut remettre cet acte héroïque en perspective : quelques jours plus tard, le dirigeable britannique R34, commandé par le major Scott, effectue dans la sérénité et un confort bien supérieur, la première traversée aller-retour.
Malgré l’exploit de Lindbergh qui, en 1927, va relier en solitaire New York au Bourget à bord de son Ryan NYP « Spirit of St Louis » ou de Costes et Bellonte qui, en 1930, vont lui rendre la politesse dans le sens Est-Ouest aux commandes du Bréguet 19 TF « Point d’interrogation », le dirigeable va durablement constituer, aux yeux des contemporains, la solution au transport aérien.
C’est la tragédie du LZ 129 « Hindenburg », le 6 mai 1937, qui va changer radicalement la donne en scellant le sort des dirigeables qui, gonflés à l’époque à l’hydrogène, constituaient effectivement de véritables bombes volantes.
L’avion, entre temps, a bénéficié de progrès techniques lui permettant de franchir des distances de plus en plus importantes, d’emporter davantage de charge utile (pour du carburant, du courrier ou des passagers), de voler sans visibilité également.
D’ailleurs, au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, une première ligne régulière de transport de passagers est en place (Pan-Am) sur l’Atlantique, mais le conflit va naturellement bouleverser cette évolution."
TourMaG.com - La Seconde Guerre mondiale constitue donc un coup d’arrêt. Mais ne sera-t-elle pas également un accélérateur en matière de progrès dans le transport ?
Laurent Rabier : "C’est exact. La guerre va permettre de passer du stade de l’expérimentation des lignes transatlantiques (mais aussi transpacifiques) à l’exploitation routinière. Il ne s’agit naturellement plus de transporter des passagers civils mais des troupes, des officiers, au besoins des dirigeants.
L’aide que les Etats Unis apportent à la Grande Bretagne sous forme de bombardiers et de chasseurs destinés à riposter à l’Allemagne nazie en est un bon exemple. Ces avions sont en grande partie acheminés par les airs, ce qui permet d’effectuer, par exemple, de gigantesques progrès dans l’interprétation et les prévisions météorologiques sur l’Atlantique. Le transport d’après-guerre en bénéficiera à plein.
Entre temps, la puissance des moteurs, leur technologie même, ont progressé de manière importante, la pressurisation des avions est devenue une réalité opérationnelle. Elle permet de monter haut et donc de voler au-dessus d’une partie du mauvais temps. Sans parler de l’arrivée des moteurs à réaction, à tout le moins sur les chasseurs. Bref l’aviation a totalement changé."
TourMaG.com - L’arrivée du réacteur a été l'une des étapes importantes de ce qui est devenu le transport aérien moderne ?
Laurent Rabier : "Sans aucun doute, mais cette révolution ne s’est pas produite dans l’immédiat d'après-guerre. La deuxième partie des années quarante et les années cinquante sont avant tout l’âge des grands quadrimoteurs de transport que sont le Douglas DC-4, puis DC-6 et DC-7 et le Lockheed Constellation, puis Super Constellation.
Le DeHavilland Comet, historiquement le premier avion commercial propulsé par des turboréacteurs, n’a pas été en mesure d’imposer immédiatement cette nouvelle technologie parce qu’il a essuyé une série d'accidents majeurs... qui n’avaient rien à voir avec le moteur à réaction.
Ils devaient davantage à la méconnaissance des ingénieurs de l’époque en matière de fatigue des matériaux. De par certains choix de conception, l'appareil supportait mal la pressurisation et les cycles répétés de montée et descente.
Il a fallu attendre 1958 et la mise en service du Boeing 707 pour que s’amorce l’éclipse des quadrimoteurs à pistons. Dans la même catégorie et en réaction au Boeing 707, il faut également mentionner le Douglas DC-8.
Si Douglas était depuis l’entre-deux guerres le constructeur majeur sur le plan des appareils de transport civils, Boeing n’était en ce domaine qu’un acteur de second plan, son expertise étant militaire (c’est le constructeur du B-17, la « Forteresse volante », avion essentiel du bombardement de l’Allemagne).
L’arrivée du 707 a fait de la firme de Seattle le leader du marché qu’elle est aujourd’hui, à tout le moins chez les constructeurs américains."
TourMaG.com - De nombreux appareils ont marqué l'histoire du transport commercial après le B707. Si vous deviez en citer deux, quels seraient-ils ?
Laurent Rabier : "Je dirais le quadriréacteur Boeing 747. C’est lui qui, à la fin des années soixante, a défini le concept de jumbo jet. Il a tout simplement été l’artisan de la massification du transport aérien, suivi en cela par les triréacteurs Douglas DC-10 et Lockheed L-1011 Tristar.
En poussant un peu le bouchon, on pourrait dire que c'est à partir de cet appareil que l'on a commencé à vendre une destination, faisant passer au second plan le voyage aérien lui-même, son caractère exclusif et son raffinement relatif… à tout le moins en classes économiques.
En second lieu, il faut mentionner Concorde, dont la conception commence dans les années cinquante, qui n’a effectué son premier vol qu’en 1969, mais qui fait faire immédiatement un bond de géant au transport aérien… et aux avionneurs européens.
Concorde n’apporte rien moins que le luxe, le confort et le raffinement à Mach 2.02, soit deux fois la vitesse du son. Alors que les appareils de transport de l’époque – et ceux d’aujourd’hui encore – n’évolue que dans le haut subsonique (Mach 0.8), l’avion franco britannique met New York à 3h45 de Paris au lieu de 8 h.
Cela génère une autre manière de voyager. Ses passagers fortunés pouvaient par exemple effectuer un aller-retour Paris-New York dans la même journée. Le succès technique de concorde a permis à Airbus, bâti lui aussi sur une coopération entre pays européens, de se développer et de connaître la réussite actuelle.
Mais le supersonique de transport lui-même n’a pas eu de développement. La dernière révolution a été la généralisation de l’informatique au cœur de la conception des avions. Les appareils d'aujourd'hui évoluent tous dans le haut subsonique et ne sont le fruit que d'une patiente et méthodique évolution. Ils transportent plus de passagers (A380), sont plus sûrs, plus rentables surtout et leur poids environnemental est moindre.
Toutes ces évolutions sont loin d'être négligeables !"
Laurent Rabier : "C’est exact. La guerre va permettre de passer du stade de l’expérimentation des lignes transatlantiques (mais aussi transpacifiques) à l’exploitation routinière. Il ne s’agit naturellement plus de transporter des passagers civils mais des troupes, des officiers, au besoins des dirigeants.
L’aide que les Etats Unis apportent à la Grande Bretagne sous forme de bombardiers et de chasseurs destinés à riposter à l’Allemagne nazie en est un bon exemple. Ces avions sont en grande partie acheminés par les airs, ce qui permet d’effectuer, par exemple, de gigantesques progrès dans l’interprétation et les prévisions météorologiques sur l’Atlantique. Le transport d’après-guerre en bénéficiera à plein.
Entre temps, la puissance des moteurs, leur technologie même, ont progressé de manière importante, la pressurisation des avions est devenue une réalité opérationnelle. Elle permet de monter haut et donc de voler au-dessus d’une partie du mauvais temps. Sans parler de l’arrivée des moteurs à réaction, à tout le moins sur les chasseurs. Bref l’aviation a totalement changé."
TourMaG.com - L’arrivée du réacteur a été l'une des étapes importantes de ce qui est devenu le transport aérien moderne ?
Laurent Rabier : "Sans aucun doute, mais cette révolution ne s’est pas produite dans l’immédiat d'après-guerre. La deuxième partie des années quarante et les années cinquante sont avant tout l’âge des grands quadrimoteurs de transport que sont le Douglas DC-4, puis DC-6 et DC-7 et le Lockheed Constellation, puis Super Constellation.
Le DeHavilland Comet, historiquement le premier avion commercial propulsé par des turboréacteurs, n’a pas été en mesure d’imposer immédiatement cette nouvelle technologie parce qu’il a essuyé une série d'accidents majeurs... qui n’avaient rien à voir avec le moteur à réaction.
Ils devaient davantage à la méconnaissance des ingénieurs de l’époque en matière de fatigue des matériaux. De par certains choix de conception, l'appareil supportait mal la pressurisation et les cycles répétés de montée et descente.
Il a fallu attendre 1958 et la mise en service du Boeing 707 pour que s’amorce l’éclipse des quadrimoteurs à pistons. Dans la même catégorie et en réaction au Boeing 707, il faut également mentionner le Douglas DC-8.
Si Douglas était depuis l’entre-deux guerres le constructeur majeur sur le plan des appareils de transport civils, Boeing n’était en ce domaine qu’un acteur de second plan, son expertise étant militaire (c’est le constructeur du B-17, la « Forteresse volante », avion essentiel du bombardement de l’Allemagne).
L’arrivée du 707 a fait de la firme de Seattle le leader du marché qu’elle est aujourd’hui, à tout le moins chez les constructeurs américains."
TourMaG.com - De nombreux appareils ont marqué l'histoire du transport commercial après le B707. Si vous deviez en citer deux, quels seraient-ils ?
Laurent Rabier : "Je dirais le quadriréacteur Boeing 747. C’est lui qui, à la fin des années soixante, a défini le concept de jumbo jet. Il a tout simplement été l’artisan de la massification du transport aérien, suivi en cela par les triréacteurs Douglas DC-10 et Lockheed L-1011 Tristar.
En poussant un peu le bouchon, on pourrait dire que c'est à partir de cet appareil que l'on a commencé à vendre une destination, faisant passer au second plan le voyage aérien lui-même, son caractère exclusif et son raffinement relatif… à tout le moins en classes économiques.
En second lieu, il faut mentionner Concorde, dont la conception commence dans les années cinquante, qui n’a effectué son premier vol qu’en 1969, mais qui fait faire immédiatement un bond de géant au transport aérien… et aux avionneurs européens.
Concorde n’apporte rien moins que le luxe, le confort et le raffinement à Mach 2.02, soit deux fois la vitesse du son. Alors que les appareils de transport de l’époque – et ceux d’aujourd’hui encore – n’évolue que dans le haut subsonique (Mach 0.8), l’avion franco britannique met New York à 3h45 de Paris au lieu de 8 h.
Cela génère une autre manière de voyager. Ses passagers fortunés pouvaient par exemple effectuer un aller-retour Paris-New York dans la même journée. Le succès technique de concorde a permis à Airbus, bâti lui aussi sur une coopération entre pays européens, de se développer et de connaître la réussite actuelle.
Mais le supersonique de transport lui-même n’a pas eu de développement. La dernière révolution a été la généralisation de l’informatique au cœur de la conception des avions. Les appareils d'aujourd'hui évoluent tous dans le haut subsonique et ne sont le fruit que d'une patiente et méthodique évolution. Ils transportent plus de passagers (A380), sont plus sûrs, plus rentables surtout et leur poids environnemental est moindre.
Toutes ces évolutions sont loin d'être négligeables !"
Musée de l'Air et de l'Espace du Bourget
www.museeairespace.fr
Aéroport de Paris - Le Bourget BP 173
93352 Le Bourget Cedex France
Le musée est ouvert du mardi au dimanche :
- de 10h00 à 18h00, du 1er avril au 30 septembre,
- et de 10h00 à 17h00, du 1er octobre au 31 mars.
Fermeture hebdomadaire le lundi.
Fermeture exceptionnelle le 25 décembre et le 1er janvier.
Aéroport de Paris - Le Bourget BP 173
93352 Le Bourget Cedex France
Le musée est ouvert du mardi au dimanche :
- de 10h00 à 18h00, du 1er avril au 30 septembre,
- et de 10h00 à 17h00, du 1er octobre au 31 mars.
Fermeture hebdomadaire le lundi.
Fermeture exceptionnelle le 25 décembre et le 1er janvier.