Un décret du 31 octobre 2023 met sous tutelle l'inspection du travail dans l'aérien, les syndicats sont vent debout - Depositphotos @Boarding2Now
La grogne monte dangereusement dans le ciel français.
En début de semaine, les contrôleurs aériens battaient le pavé pour protester contre une loi visant à imposer une déclaration préalable de participation individuelle 48h avant le début de la grève.
Cette fois ce sont les personnels navigants (PN) qui entendent protester contre un décret publié secrètement fin octobre 2023.
Ce dernier prévoit notamment de placer les inspecteurs du travail sous la tutelle de l’aviation civile.
Membre du bureau national de la CGT au ministère du Travail, Simon Picou interrogé par l'Humanité explique : "Le seul « intérêt », et j’insiste sur les guillemets, ce n’est pas pour l’inspection du travail, mais bien pour les employeurs assujettis à son contrôle, car cela va rendre nos interventions plus difficiles (...)
On veut faire passer l’inspection du travail sous les fourches caudines d’une autre administration, la Direction générale de l’aviation civile (DGAC)."
Le texte de près de 200 pages est actuellement analysé juridiquement par les différents syndicats du secteur aérien.
D'ores et déjà, les représentants des salariés des compagnies sont vent debout contre le texte.
"Nous aimerions bien que le ministre des Transports nous explique ce décret, les changements, mais surtout les raisons de ce texte.
Nous avons l'impression que s'attaquer aux personnels navigant est devenu un sport national," réagit encore un peu abasourdi, Stéphane Salmon, le président du SNPNC-FO.
En début de semaine, les contrôleurs aériens battaient le pavé pour protester contre une loi visant à imposer une déclaration préalable de participation individuelle 48h avant le début de la grève.
Cette fois ce sont les personnels navigants (PN) qui entendent protester contre un décret publié secrètement fin octobre 2023.
Ce dernier prévoit notamment de placer les inspecteurs du travail sous la tutelle de l’aviation civile.
Membre du bureau national de la CGT au ministère du Travail, Simon Picou interrogé par l'Humanité explique : "Le seul « intérêt », et j’insiste sur les guillemets, ce n’est pas pour l’inspection du travail, mais bien pour les employeurs assujettis à son contrôle, car cela va rendre nos interventions plus difficiles (...)
On veut faire passer l’inspection du travail sous les fourches caudines d’une autre administration, la Direction générale de l’aviation civile (DGAC)."
Le texte de près de 200 pages est actuellement analysé juridiquement par les différents syndicats du secteur aérien.
D'ores et déjà, les représentants des salariés des compagnies sont vent debout contre le texte.
"Nous aimerions bien que le ministre des Transports nous explique ce décret, les changements, mais surtout les raisons de ce texte.
Nous avons l'impression que s'attaquer aux personnels navigant est devenu un sport national," réagit encore un peu abasourdi, Stéphane Salmon, le président du SNPNC-FO.
Décret aérien : "ils nous ont dit que c'était une coquille"
Autres articles
"Nous travaillons actuellement pour décrypter le texte du décret, avec nos délégués spécialisés sur les questions sociales dans l'aéronautique. Nous échangeons ensuite avec notre service juridique.
Nous discutons aussi avec les autres syndicats," poursuit le représentant des personnels navigants.
Un organe de représentation des salariés qui a immédiatement adressé une lettre au ministre délégué, chargé des Transports.
Dans la missive, le syndicat réclame le retrait pur et simple du décret.
Si tel n'est pas le cas, un pilote syndiqué d'une compagnie tricolore estime "qu'il y aura un souci...".
L'entrevue qui s'est tenue en début de semaine dans les bureaux de Clément Beaune, le Ministre des Transport n'a pas vraiment apaisé la situation... bien au contraire.
"Nous avons bien évidemment abordé le sujet.
Ils nous ont dit que pour eux, il n'y avait pas de changement, que c'était une codification à droit constant (argument avancé aussi par la DGAC, ndlr.) Quand on leur a parlé du champ d'application des inspecteurs du travail, ils nous ont dit que c'était une coquille.
Une coquille qui a été signée par le ministre du Travail, celui des Transports et aussi la Première ministre," rit non sans ironie, Stéphane Salmon.
De son côté le SNPL a été reçu, ce jeudi 23 novembre 2023, par le même cabinet ministériel. Les représentants des pilotes rapportent que la DGAC s'est montrée ouverte à une évolution du texte.
Nous discutons aussi avec les autres syndicats," poursuit le représentant des personnels navigants.
Un organe de représentation des salariés qui a immédiatement adressé une lettre au ministre délégué, chargé des Transports.
Dans la missive, le syndicat réclame le retrait pur et simple du décret.
Si tel n'est pas le cas, un pilote syndiqué d'une compagnie tricolore estime "qu'il y aura un souci...".
L'entrevue qui s'est tenue en début de semaine dans les bureaux de Clément Beaune, le Ministre des Transport n'a pas vraiment apaisé la situation... bien au contraire.
"Nous avons bien évidemment abordé le sujet.
Ils nous ont dit que pour eux, il n'y avait pas de changement, que c'était une codification à droit constant (argument avancé aussi par la DGAC, ndlr.) Quand on leur a parlé du champ d'application des inspecteurs du travail, ils nous ont dit que c'était une coquille.
Une coquille qui a été signée par le ministre du Travail, celui des Transports et aussi la Première ministre," rit non sans ironie, Stéphane Salmon.
De son côté le SNPL a été reçu, ce jeudi 23 novembre 2023, par le même cabinet ministériel. Les représentants des pilotes rapportent que la DGAC s'est montrée ouverte à une évolution du texte.
Décret aérien : quel est le problème ?
En attendant d'hypothétiques explications et changements de texte, le décret fait beaucoup parler dans les cockpits.
"Notre seul moyen d'action contre les compagnies pirates et les low cost passe par l'inspection du travail. Si cette dernière est muselée en étant sous tutelle de la DGAC, alors nous ne pourrons plus défendre nos droits," anticipe le syndicaliste.
Un changement totalement "inédit," puisqu'aucun autre secteur d'activité n'aurait connu un tel aménagement précise encore l'"Humanité" dans son article.
Une affirmation que conteste le ministère des Transports, pour qui des codifications ont été menées dans tous les périmètres ministériels et la plus importante concerne la fonction publique.
Pour la section Travail, Emploi et Formation Professionnel de la CGT, la loi attaque tout simplement l'indépendance de l'inspection du travail.
"Le décret, particulièrement inique, prévoit la transmission des copies de nos PV aux autorités des directions de l’aviation civile (y compris sur le travail illégal), et instaure une prestation de serment spécifique et un commissionnement obligatoire à compter du 1er novembre 2023 par le ministre en charge de l’aviation civile (...)
Il s’agit quasiment d’une affectation par un ministère autre que celui du travail," explique un communiqué du syndicat.
Un texte qui rendra le "code de l'aviation totalement inutile" et conduirait à une "dérégulation" du ciel français, selon Stéphane Salmon, le président du SNPNC-FO.
"Notre seul moyen d'action contre les compagnies pirates et les low cost passe par l'inspection du travail. Si cette dernière est muselée en étant sous tutelle de la DGAC, alors nous ne pourrons plus défendre nos droits," anticipe le syndicaliste.
Un changement totalement "inédit," puisqu'aucun autre secteur d'activité n'aurait connu un tel aménagement précise encore l'"Humanité" dans son article.
Une affirmation que conteste le ministère des Transports, pour qui des codifications ont été menées dans tous les périmètres ministériels et la plus importante concerne la fonction publique.
Pour la section Travail, Emploi et Formation Professionnel de la CGT, la loi attaque tout simplement l'indépendance de l'inspection du travail.
"Le décret, particulièrement inique, prévoit la transmission des copies de nos PV aux autorités des directions de l’aviation civile (y compris sur le travail illégal), et instaure une prestation de serment spécifique et un commissionnement obligatoire à compter du 1er novembre 2023 par le ministre en charge de l’aviation civile (...)
Il s’agit quasiment d’une affectation par un ministère autre que celui du travail," explique un communiqué du syndicat.
Un texte qui rendra le "code de l'aviation totalement inutile" et conduirait à une "dérégulation" du ciel français, selon Stéphane Salmon, le président du SNPNC-FO.
Le décret rend le "code de l'aviation totalement inutile"
Pour le SNPL, il favorisera le dumping social, quand les autres syndicats se montrent très inquiets de ses conséquences à court et moyen terme.
"Très peu d'inspecteurs du travail sont motivés pour aller contrôler les compagnies aériennes, alors le fait de devoir obtenir l'affectation du ministère du Transport fera que les compagnies exotiques auront un véritable boulevard.
Surtout que dans le même temps, elles pourront demander directement à la DGAC des dérogations au code du travail," estime le syndicaliste.
Jusqu'au 31 octobre 2023, les transporteurs devaient passer par une organisation patronale, comme la FNAM - qui n'a d'ailleurs pas souhaité commenter le sujet.
Le décret est-il un argument de plus pour draguer de nouveaux transporteurs ?
"Le message envoyé par le gouvernement est clair : nous facilitons la vie aux low cost, en leur disant qu'ils ne seront plus dérangés par les méchants inspecteurs du travail," ironise le responsable du SNPNC-FO.
L'argument est repris par l'ensemble des organisations syndicales.
Surtout que dans le même temps, Air France a annoncé vouloir quitter d'ici 2026 l'aéroport d'Orly, pour y laisser la seule Transavia desservir le réseau domestique.
Les syndicats craignent que ce décret entraîne une forme de concurrence déloyale, vis-à-vis des entreprises françaises, mais surtout un nivèlement vers le bas des acquis sociaux.
"Très peu d'inspecteurs du travail sont motivés pour aller contrôler les compagnies aériennes, alors le fait de devoir obtenir l'affectation du ministère du Transport fera que les compagnies exotiques auront un véritable boulevard.
Surtout que dans le même temps, elles pourront demander directement à la DGAC des dérogations au code du travail," estime le syndicaliste.
Jusqu'au 31 octobre 2023, les transporteurs devaient passer par une organisation patronale, comme la FNAM - qui n'a d'ailleurs pas souhaité commenter le sujet.
Le décret est-il un argument de plus pour draguer de nouveaux transporteurs ?
"Le message envoyé par le gouvernement est clair : nous facilitons la vie aux low cost, en leur disant qu'ils ne seront plus dérangés par les méchants inspecteurs du travail," ironise le responsable du SNPNC-FO.
L'argument est repris par l'ensemble des organisations syndicales.
Surtout que dans le même temps, Air France a annoncé vouloir quitter d'ici 2026 l'aéroport d'Orly, pour y laisser la seule Transavia desservir le réseau domestique.
Les syndicats craignent que ce décret entraîne une forme de concurrence déloyale, vis-à-vis des entreprises françaises, mais surtout un nivèlement vers le bas des acquis sociaux.
Décret : vers une action en justice ?
Rappelons que Ryanair bénéficie, tout comme Volotea, "d'une complaisance de l'Etat" sur le non-respect des lois d'après ce même syndicat.
L'uberisation" de l'aérien s'explique par des dérogations aux codes du travail et de l'aviation "régulières et systématiquement accordées" par la DGAC.
Depuis fin octobre, les conditions d'acceptation des demandes d'enquête de la part de l'inspection du travail vont se durcir craignent donc les syndicats.
"Pour avoir déjà négocié avec des responsables de compagnies ultra low cost, ils ne se cachent pas de ne pas appliquer des règles du code du travail, car elles sont trop coûteuses.
On ne se refuse aucune action, surtout si toutes ces compagnies pirates et ultra low cost peuvent agir comme elles le souhaitent sans être inquiétées, nous ne nous laisserons pas faire."
Pour l'heure le SNPNC-FO, ainsi que les autres syndicats du ciel français, ne s'interdisent pas d'attaquer en justice le décret.
La menace d'un mouvement social plane aussi lourdement, alors que dans quelques mois la France doit accueillir en grande pompe le monde entier pour les Jeux olympiques de Paris 2024.
Le Cabinet de Clément Beaune que nous avons contacté joue l'apaisement.
"Compte tenu des inquiétudes soulevées par ce décret, la DGAC a reçu les organisations syndicales demandeuses d'éclairage.
A la lumière de ces échanges, des modifications pourront être apportées au décret pour en préciser ou clarifier les dispositions qui soulèvent des interrogations," nous explique-t-on au ministère des Transports.
Un rétropédalage qui ne rassure pas spécialement des organisations syndicales échaudées par la manière d'opérer du gouvernement et de la DGAC.
Et pour paraphraser l'article de mon confrère Christophe Hardin, à ce rythme "l'équipe de France de l’Aérien" ne peut plus viser la médaille d'or et s'éloigne doucement du podium.
L'uberisation" de l'aérien s'explique par des dérogations aux codes du travail et de l'aviation "régulières et systématiquement accordées" par la DGAC.
Depuis fin octobre, les conditions d'acceptation des demandes d'enquête de la part de l'inspection du travail vont se durcir craignent donc les syndicats.
"Pour avoir déjà négocié avec des responsables de compagnies ultra low cost, ils ne se cachent pas de ne pas appliquer des règles du code du travail, car elles sont trop coûteuses.
On ne se refuse aucune action, surtout si toutes ces compagnies pirates et ultra low cost peuvent agir comme elles le souhaitent sans être inquiétées, nous ne nous laisserons pas faire."
Pour l'heure le SNPNC-FO, ainsi que les autres syndicats du ciel français, ne s'interdisent pas d'attaquer en justice le décret.
La menace d'un mouvement social plane aussi lourdement, alors que dans quelques mois la France doit accueillir en grande pompe le monde entier pour les Jeux olympiques de Paris 2024.
Le Cabinet de Clément Beaune que nous avons contacté joue l'apaisement.
"Compte tenu des inquiétudes soulevées par ce décret, la DGAC a reçu les organisations syndicales demandeuses d'éclairage.
A la lumière de ces échanges, des modifications pourront être apportées au décret pour en préciser ou clarifier les dispositions qui soulèvent des interrogations," nous explique-t-on au ministère des Transports.
Un rétropédalage qui ne rassure pas spécialement des organisations syndicales échaudées par la manière d'opérer du gouvernement et de la DGAC.
Et pour paraphraser l'article de mon confrère Christophe Hardin, à ce rythme "l'équipe de France de l’Aérien" ne peut plus viser la médaille d'or et s'éloigne doucement du podium.